Une bonne affaire: et autres nouvelles

Je partage ma cellule avec un demi-crétin qui a tué son voisin à coups de hache. Un drame rural. A tout hasard, les chats fourrés lui ont cloqué 15 ans de trav's. Pourquoi 15 ans au lieu de 20 ou perpète... on ne sait au juste ! Il est édenté, l'œil mort. Il bouffe, il chie, il ronfle. Rien de plus. Il ne jacte pas, déjà ça. L'autre, le troisième homme, c'est pas du même. Celui-là, il a le regard perçant. La tignasse poivre-sel plantée drue, le front étroit, le menton en galoche. Il m'a serré la pogne en entrant " Eugène Boyer ", il s'est présenté. Une célébrité de notre univers. Un rescapé de Guyane. Miraculé de la guillotine.

Revenir à Liancourt

«Ça faisait maintenant six mois que j'étais branché avec la Résistance. Le grand moment de ma vie, je me figurais. Jusque-là, ça s'était poursuivi cahin nos salades de terrain vague, nos conciliabules, nos propos en l'air. On parlait de rejoindre les Anglais, ça nous semblait le remède de tous nos maux... la vie trop monotone, les restrictions, la dépendance des adultes, la chtourbe! Tout nous paraissait beau une fois pris le large. J'essaie aujourd'hui de me revoir exact... maigre, boutonneux, va de la gueule... me comprendre. Si je vire le schéma de l'esbroufe, la légende qu'on entretient... j'aperçois, je perçois un zèbre difficile à saisir. Il m'emmerde plutôt de mon point de vue actuel. Il dit n'importe quoi... il se fait piéger... il risque de mourir pour rien du tout. La vie c'est pourtant sa seule richesse... les plaisirs à prendre, le bon air qu'on respire le jour où l'on sort d'une prison, d'un hôpital... le coup qu'on va boire quand il fait soif... la femme qui se déloque, qui s'offre... les courts instants de bonheur qui vous réconcilient avec l'existence toujours! C'eût été vraiment trop bête, trop abominable de se faire étendre pour le droit d'être sur le monument aux morts, pour la gloire du Général, pour des lendemains qui doivent chanter et qui finissent par pleurer des larmes de sang.».
Alphonse Boudard.

Les combattants du petit bonheur

L'Étrange Monsieur Joseph

Le Banquet des léopards

Observer la loi du silence pour épargner à ses complices les rigueurs de la justice et mijoter dans le placard sans que personne se soucie d'envoyer des mandats ou des colis, il y a quoi mettre en rage le plus doux des malfrats. Rien d'étonnant si Alphonse, libéré pour raisons de santé, veut demander des comptes à ses associés de naguère: Roquemoute le poussah, Edmond Clancul et Youpe le fourgue. Reste à savoir sous quelle pierre ces cloportes se sont cachés. Aux anciennes adresses, plus personne... Alphonse ira de surprises en surprises de plus en plus phénoménales! Il raconte tout cela d'une plume alerte, en homme qui a beaucoup lu et vécu, ce qui lui permet de se moquer avec esprit des cuistres et des cageots et de découper avec art une tranche de vie succulente.

La métamorphose des cloportes

«Nous sommes ici en joyeusetés, terrain fleuri... le ciel d'azur... la mer si bleue... Profitez-en, divines lectrices, mutines curieuses, je vous introduis, pour une somme modique, si l'on considère le prix maintenant du faux filet, dans les arcanes du cinématographe..., ses raffinements, ses magnificences... l'éblouissement sous les sunlights..., que je vous gâte enfin, mes fidèles !»

Cinoche

"L'hosto, quand on y a séjourné longtemps et qu'on a failli y clamser, on y reste toujours un peu." Une plongée au coeur des hôpitaux. Un récit drôlatique.

L'Hôpital

Ma collection, je vous l'inaugure avec Katia... Katia La Rouquine. On dit "La Rouquine" comme on dirait la Castiglione, la Pavlova. L'an dernier, dans nos gazettes, elle a fait la joie de la une... ses démêlés avec l'I. G. S... la police des polices. La vie de Katia a de quoi ravir les amateurs d'émotions interdites. A vrai dire, ce qui m'a filé le choc, le coup au cour... c'est qu'elle s'affirme d'emblée l'auxiliaire de la Grande Maison. Ça, c'est tout à fait insolite. Elle déteste les proxénètes et les marchands de drogue. Tout de suite elle vous met à l'aise. Elle n'aime que deux choses dans la vie : les flics et le bel canto. "J'ai travaillé, dit-elle, par amour. A une époque où les poulets étaient formidables, où les flics adoraient leur boulot." C'est donc l'âge d'or qu'elle vous raconte... vingt-cinq ans de collaboration étroite avec les boys du 36 quai des Orfèvres. La Rouquine, on ne pourrait pas l'inventer... J'ai parlé de sa passion du bel canto. Ça, c'est pour la bonne bouche... Lorsqu'elle en a marre, Katia, des salades de truandailles, des tristesses de la chair, des turpitudes humaines qu'elle connaît trop, elle se paye un billet d'avion pour Milan. Là-bas, à la Scala, elle s'offre un coup de poésie... le grand rideau rouge se lève sur La Tosca, sur Manon... Katia est dans un autre monde... un monde où l'I. G. S. ne peut venir la déranger... Elle batifole avec les anges. Alphonse Boudard

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