J'entends des regards que vous croyez muets
Edvard Munch, l'enfant terrible de la peinture
Publié par l'ecole des loisirs, le 20 septembre 2007
91 pages
Résumé
ExtraitInger Munch«La maladie, la folie et la mort sont des anges noirs qui ont veillé sur mon berceau et m'ont accompagné toute ma vie.» Mon frère a écrit ça dans son journal. La maladie, la folie et la mort. Comment le contredire ?Notre mère est morte à l'âge de trente ans d'une hémorragie pulmonaire causée par la tuberculose. Puis ce fut le tour de notre soeur, Sophie. Edvard lui-même a manqué mourir à l'âge de treize ans; c'était le 24 décembre 1875. Il en a gardé une santé très fragile, une toux persistante et la certitude terrifiée d'être «le prochain sur la liste».Lorsque nous étions adolescents, Edvard venait souvent se réfugier dans mes bras. Je caressais longuement ses cheveux et je m'efforçais, moi, sa cadette, de calmer ses angoisses. Peu à peu, sa respiration redevenait normale. Front contre front, nous fermions les yeux et je sais ce qu'il voyait, je sais ce qu'il peignait déjà derrière ses paupières : maman, la veille de sa mort, demandant à Sophie d'être fidèle à l'amour de Dieu et de bien s'occuper de Laura, Andréas et moi; et puis Sophie dans son lit, quelques années plus tard, crachant du sang, épuisée par la mort en marche...- T'arrive-t-il de te sentir coupable ? m'a souvent demandé Edvard.- Coupable de quoi ?- D'être vivante. Elles sont mortes et nous, nous sommes vivants.- Ne pense plus à ça...Je ne cessais pourtant d'y penser moi-même. Oui, nous étions vivants, et elles : mortes.Tante Karen s'est installée chez nous après la disparition de maman et nous a élevés comme ses propres enfants. Quant à papa, il a sombré dans une humeur noire, violente et terriblement angoissée dont il ne ressortirait jamais, sauf peut-être dans les moments où il nous lisait les Légendes des dieux et des héros du Nord écrites par notre oncle, Peter Andréas.- Comment peut-on garder la foi quand on compte le nombre d'âmes chères qui nous ont été enlevées ? a lancé un jour Edvard avec un regard frondeur, interrompant notre père au beau milieu de la sempiternelle prière du dîner.Edvard se rappelait plus précisément que moi l'agonie de Sophie et ses appels répétés quand plus personne n'était en mesure d'alléger son calvaire, pas même notre médecin de père... C'est sans doute pourquoi l'existence de Dieu lui paraissait depuis longtemps invraisemblable. Ce que papa récusait avec véhémence :- On ne peut pas interférer dans la volonté divine ! Il nous aime et nous devons lui en être reconnaissants ! Maintenant tais-toi et terminons la prière !Papa était devenu profondément religieux depuis la mort de maman et il passait des heures innombrables à prier dans sa chambre. Edvard l'épiait souvent, tout autant fasciné qu'effrayé par cette piété qui lui apparaissait comme une énigme indéchiffrable.Froid dehors. Froid dedans. Il me semble que je n'ai jamais vu autre chose sur le visage de mon frère que l'effroi de se sentir étranger partout et, depuis le premier jour, étranger chez lui.
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