La Dictature libérale

Jean-Christophe Rufin

Publié par J.-C. Lattès, le 12 janvier 1994

313 pages

Résumé

A la recherche du "secret de la toute-puissance des démocraties au XXe siècle", Jean-Christophe Rufin démontre l'implacable logique de la dictature libérale et sa capacité à avaler toutes les contradictions.Les démocraties présentent toutes les apparences de la fragilité. Là est le secret de leur force. Elles ont besoin d'adversaires apparemment forts, en bonne santé, dont elles pourront encore plus aisément exploiter les faiblesses. Et cette force ennemie sera entretenue dans l'opinion publique ; elle suscitera une grande peur mobilisatrice que les démocraties sauront exploiter à bon escient pour accroître leur pouvoir. Le véritable danger pour les démocraties est la perte ou la disparition de leurs ennemis car, faute d'adversaires, elles se ramollissent et ne trouvent plus la force de progresser. Ce danger est plus que jamais présent aujourd'hui car l'ennemi s'est rendu. L'ennemi communiste, bien sûr, qui fut pendant sept décennies le frère ennemi des démocraties, mais aussi leur plus fidèle et objectif allié. Le spectre de la guerre froide agit comme un stimulant politique et économique ; il mobilisa l'Occident contre la menace révolutionnaire soviétique, justifiant ainsi un effort militaire gigantesque ; il provoqua le progrès économique et la mutation industrielle et culturelle des trente dernières années. L'adversaire était crédible et solide : la prospérité occidentale se nourrit ainsi d'un affrontement sans surprises. Les difficultés naquirent lorsque l'adversaire donna des signes de fatigue et que peu à peu les règles se modifièrent.Depuis cinq ans, les démocraties sont en quelque sorte orphelines : privées d'ennemis, elles se cherchent de nouveaux adversaires à leur mesure. Et le monde contemporain, peu avare de conflits, d'inimitiés, de déséquilibres, est en peine de dégager de véritables apocalypses. A tout prendre, la menace du Sud semble bien être la meilleure apocalypse de rechange. Tout y est : la peur d'un autre monde instable, imprévu et donc dangereux ; la poussée démographique et les flux migratoires ; la montée des nationalismes et des revendications ethniques ; la prolifération anarchique des armements et l'impunité terroriste. Cette menace présente d'indéniables avantages : elle justifie le maintien des efforts militaires ; elle permet d'alimenter la peur, donc la mobilisation des sociétés démocratiques. À la recherche d'une apocalypse perdue, Jean-Christophe Rufin en a déniché trois ou quatre : le Sud bien sûr, mais aussi l'écologie, l'Islam, l'exclusion. La question à présent est de savoir si les démocraties repues et alanguies aujourd'hui trouveront encore en elles la force et l'intelligence pour combattre ces nouveaux adversaires.

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