Dans les beaux quartiers
Tant qu'il y aura des eleves
Publié par Seuil, le 03 septembre 2004
295 pages
Résumé
Voilà très exactement vingt ans, en septembre 1984, Hervé Hamon et Patrick Rotman publiaient Tant qu'il y aura des profs, enquête menée durant deux années dans l'enseignement secondaire public (lycées et collèges). Le livre, fut un événement. Pourquoi ? Parce que, loin du café du commerce et des essais en chambre, il alignait des faits, racontait le terrain, permettait à chacun de voir l'école toute nue. L'ouvrage s'est vendu à 85 000 exemplaires en édition courante, plus les clubs et le poche. Il est devenu un classique. Tous les futurs profs le lisent en IUFM, où les photocopieuses sont performantes. Hervé Hamon a décidé de refaire la même enquête deux décennies plus tard. Il est retourné dans les mêmes lycées, les mêmes collèges, accomplissant un véritable tour de France. Il a retrouvé beaucoup de ses anciens témoins, et interviewé ceux qui les ont remplacés. Il a suivi les cours au fond des classes, questionné plus de 300 enseignants, rencontré les meilleurs experts français et étrangers, visité le Ministère de la cave au grenier Les surprises ne manquent pas au rendez-vous. Il y a vingt ans, l'enseignement professionnel était un parking à chômeurs. Aujourd'hui, c'est le secteur le plus performant, le plus mobile, le mieux équipé. Il y a vingt ans, les collèges se divisaient en deux catégories inégales. Les établissements tranquilles et les établissements tragiques. Aujourd'hui, la fracture est encore plus forte. Mais, si la banlieue, c'est pire, le collège, c'est mieux. Grâce à la décentralisation, les établissements ont les moyens de travailler, ils sont vivants, ils sont le meilleur outil d'intégration dans une société désagrégée. Il y a vingt ans, les lycées généraux, c'était pépère. La carrière à l'ancienneté, les nominations à l'aveugle, l'absence de sanctions professionnelles, positives ou négatives. Vingt ans après, c'est pareil. Et s'il faut chercher un scandale, c'est là qu'il se trouve. Résumons. En vingt ans, le niveau a monté. Fortement. Deux fois plus de bacheliers (et le bac, contrairement aux polémiques, reste un examen exigeant). La France, qui était à la traîne, dépasse un peu la moyenne des pays de l'OCDE. Le budget de l'école atteint 23 %, 100 milliards d'euros. Le coup des moyens qui manquent est un coup tordu. Le niveau a monté mais les écarts se creusent. Les « bons bacs », c'est pour les enfants de la classe moyenne et des cadres supérieurs. C'est pour les garçons plus que pour les filles (alors qu'elles sont meilleures élèves). Et il se crée, dans la France républicaine, des ghettos, des zones de relégation où l'on expédie cyniquement les plus jeunes enseignants qui ne s'en sortent d'ailleurs pas si mal. L'école progresse mais elle est injuste et elle est violente. Elle qualifie les uns en disqualifiant les autres. A la Libération, 29 % d'étudiants de milieu modeste accédaient aux grandes écoles. Maintenant, c'est 9 %. Les polémiques du type « conserver ou non l'élève au coeur du système ? » sont de la rigolade. Il n'y est pas, il n'y a jamais été. Les polémiques du type « faut-il garder le collège unique ? » sont de l'humour noir. Il est tout sauf unique, le collège. La France, massivement, a voulu la démocratisation en sixième. Mais aussitôt, elle s'est organisée hypocritement pour que des filières peu transparentes trient les élèves. Dans notre pays, où l'on a si facilement la République et le service public aux lèvres, chacun veut le meilleur pour son gosse. Mais surtout pas pour le gosse du voisin. Il va bien falloir crever cet abcès. Au prix de choix politiques courageux, et de l'abandon de corporatismes étouffants. Ça n'est pas gagné d'avance.
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