Paris, ma bonne ville
Dernier été à Primerol
Publié par Editions du Fallois, le 15 mai 2013
121 pages
Résumé
La fraîcheur du matin m'arrivait par les carreaux cassés, où un jour gris fer luisait à peine. Je me rappelais d'autres matins, d'autres réveils...»Robert Merle C'est au cours de sa captivité en stalag, de 1940 à 1943, que Robert Merle a rédigé cet inédit, qui constitue sa première oeuvre littéraire. Jusqu'à son décès en 2004, Robert Merle a décidé de le conserver sans jamais lui donner une autre forme, le réécrire ou le prolonger. Un texte flash-back, où le premier sujet - le camp de transit, le temps de la servitude -, donne naissance au témoignage romancé d'une époque passée, la magnifique et fragile liberté de l'été 39. Comme l'essentiel de l'oeuvre de Robert Merle, cet inédit est à la croisée d'une histoire singulière et de la grande Histoire, qui emprisonne dans ses filets chaque volonté individuelle et réduit celle-ci à n'être que l'instrument des événements. Robert Merle a toujours été fasciné par ce poids monstrueux des situations qui façonnent les heurs et les malheurs d'une existence. ROBERT MERLE Robert Merle est né en 1908 à Tébessa en Algérie. Il fait ses études secondaires et supérieures à Paris. Licencié en philosophie, agrégé d'anglais, docteur ès lettres, puis professeur dans les facultés de lettres de Rennes, Toulouse, Rouen, Caen, Alger, et Paris-Nanterre. Robert Merle est l'auteur de nombreuses traductions (entre autres Les Voyages de Gulliver), de pièces de théâtre et d'essais (notamment sur Oscar Wilde). Mais c'est avec Week-end à Zuydcoote, prix Goncourt 1949, qu'il se fait connaître du grand public et commence véritablement sa carrière de romancier. Il a publié par la suite un certain nombre de romans dont on peut citer parmi les plus célèbres La Mort est mon métier, L'île, Malevil, Le Propre de l'Homme, et une grande série historique Fortune de France. Ses romans sont traduits dans toutes les langues, et nombreux sont ceux qui ont fait l'objet d'une adaptation cinématographique ou télévisuelle.ExtraitC'est la faim qui est cause de tout. Elle me réveillait d'ordinaire vers les trois heures du matin. Mon dernier repas datait de la veille au soir, un morceau de pain et de la margarine. La margarine, «une margarine de table» disait l'enveloppe, n'était pas mauvaise. Elle possédait même, il me semble, un goût d'huile de coco. Le pain était un pain brun, très compact, où le couteau coupait net et propre, comme dans du bois. Je le taillais d'abord en minces feuilles de contreplaqué où j'étalais mon beurre parcimonieusement. Mais si peu que j'eusse de pain, il m'en restait toujours plus que de la margarine. Pour le manger sec, j'imaginais alors de le débiter en petits cubes réguliers qui se plantaient agréablement sur la pointe du couteau. Je les prenais un par un, je les mastiquais à loisir. Il me fallait presque une heure pour en finir. Dans les débuts, ça n'est pas désagréable du tout, la faim. Et même, un peu plus tard, quand on croit en avoir épuisé la souffrance, elle vous étonne encore, en vous procurant, de temps à autre, le matin surtout, au réveil, une véritable euphorie. Bien allongé sur le dos, immobile sur ma planche, le visage et les mains poissés par la poussière de charbon, je me sentais extrêmement nettoyé, allégé, lucide. Alors, la ronde des images commençait. Je découvrais le sens des choses. Je comprenais ce que je n'avais jamais compris, mystiquement. Je recevais des certitudes. J'avais la foi, tout de suite, en toutes ces choses révélées, la foi immédiate, impétueuse, sans discussion possible. Les sceptiques en somme, ce sont des gens qui mangent beaucoup trop. Ma pensée de jeûneur pouvait se dilater. Elle avait de l'espace pour s'étendre dans mon immense cage de verre; un verre d'ailleurs si charbonneux que c'est à peine s'il laissait passer la lumière. J'étais donc là, dans une obscurité propice, gêné toutefois par la veilleuse bleue au-dessus de ma tête. J'abaissais mon béret sur les yeux. Je me réveillais, je me souviens, avec un goût tout à fait net dans la bouche, un goût de première communion. Il y avait trois semaines que j'avais mangé ma dernière bouchée de viande, fumé ma dernière pipe. J'étais tout à fait pur, prêt à recevoir, comme une pluie, les grâces ultimes. De mon jeûne, de mon abstinence, et de ma chasteté, bien involontaires, cependant, je retirais une fierté stupéfiante, une bonne conscience absolue. Je me faisais, sur ma planche, l'effet d'un assez puissant fakir. Revue de presseAvec Dernier été à Primerol, de Robert Merle, nous sommes de plain-pied dans l'autobiographie à peine romancée, même si le nom du village du Rayol, dans les Maures, cher à Merle, a été transformé en Primerol... Pourquoi Robert Merle ne publia-t-il jamais ce superbe texte ? Son fils Pierre, à qui l'on doit une belle biographie révèle dans sa postface que Merle n'avait jamais parlé à quiconque de ce document, écrit en captivité. (Bruno Frappat - La Croix du 19 juin 2013)
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