Le desarroi du matelot

Prière à blanc

Dans les loges, après la première d'un spectacle, une phrase d'Anne bouleverse littéralement la vie du comédien Luc Perluzzo. L'acteur, impressionné jusqu'à la terreur, remet en question son jeu théâtral. Mais, la phrase d'Anne a aussi des répercussions sur sa propre vie et l’entraîne dans une dérive qui, au Mexique, atteint son point de non-retour.Coincé entre les deux, le narrateur de Drame privé tente de s'expliquer sur ce qui se cache derrière les événements quand les mots ne peuvent plus les contenir.

Drame Privé

Quand Michael Delisle était enfant, ses « oncles », c’est-à-dire les amis de son père, ne disaient pas « arme » mais morceau ou de façon plus métonymique, feu. « J’avais mis mon feu dans le coffre à gant. » « Il s’est débarrassé de son feu. » « Oublie pas ton feu. » Dans ce poignant récit, le poète se remémore son père, le bandit devenu chrétien charismatique, l’homme violent qui ne parlait plus que de Jésus, l’homme détesté qu’on ne peut faire autrement qu’aimer, en dépit de tout. La question qui revient éternellement est celle-ci : où va le feu ? Et la question me revient au chevet de mon père. Je passe mon doigt sur son vieux tatouage de marin (une ancre avec les lettres MN pour merchant navy) qui n’est plus qu’une pastille noire et floue. Ces cellules sont aussi les miennes. Je reconnais la parenté organique et l’odeur qui monte de son corps : un parfum de vieux drap gorgé de phéromones. Cet encens sébacé est mon seul lien avec cet homme, le seul que je reconnaisse. Cet animal m’a donné la vie.

Le Feu de mon père

Dans chaque mot entendu / lu / proféré, il y a une adresse à l'autre, une prière parfois, une protestation même, des promesses de rencontre en tout cas, assez puissantes pour s'accrocher. Ainsi on ouvre avec celles et ceux qui nous font signe une longue et intime conversation pour une traversée, un accompagnement, un retour de l'émotion. Il y aura toujours un dialogue entre le jamais plus et le pas encore, toujours inquiété, fasciné par une réalité nouvelle qui bouleverse tout. Fredérique Bernier, Michaël Trahan et Symon Henry, entre autres, nous rappellent que la vie avec les mots est expérimentation, promesse. Risque.

Les écrits. No. 168, Été 2023

Gisements

Le feu de mon père

«Fontainebleau est un coin de banlieue, au début des années soixante, terrain d’enfance propice à fixer les souvenirs et les vertiges de l’auteur. Une bande d’enfants, une femme, des objets familiers, des photographies restituent drames et joies qui sont autant de moments d’extase que des "tableaux vivants", décrits ici dans un style aux multiples tons: dialogues, descriptions hyperréalistes, courts récits. Par son écriture originale et maîtrisée, Fontainebleau laissera aussi des traces dans la mémoire du lecteur.Rarement, la lecture provoque un tel sentiment de plaisir. D’adhésion aussi complète. Immédiate. Et à défaut de l’avoir écrit soi-même – désir que suscite cette fiction –, l’envie nous prend de partager avec d’autres le bonheur de sa découverte.»Marie-Andrée Beaudet, Québec français«Ce livre est une singulière expérience de littérature, […] un parcours qui ne cesse, d'une page à l’autre, de vous accrocher et de vous pousser à la page suivante.»Gilles Toupin, La Presse«De facture autobiographique, Fontainebleau n’en demeure pas moins un rigoureux exercice formel. En ce sens, on conserve avec ce court roman le plaisir du texte que l'on connaissait déjà à la lecture de la poésie de l’auteur.»Isabelle Larrivée, Voir«[…] un véritable état de grâce de l’écriture, parfaitement envoûtante.»André Brochu, Voix et imagesPrix Émile-Nelligan, 1987

Le desarroi du matelot

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