Le tour du lac

et tes mots frissonnés / à mon oreille… Telle est la poésie de Christian Degoutte : un murmure qui fait mouche, qui va droit au coeur, des éclats de langage qui pénètrent au plus tendre de la chair.

Sous les feuilles

Entre la rive et l'autre rive la Saône, la péniche et le chien gueulard, soudain on ne sait plus comment l'étrangler, nous lovés dans sa chaleur, sa salive, ses crocs. Entre la rive et l'autre rive le corps béni. Tout ça dans une trombe de drapeaux. La péniche, la femme et le foulard. Puis, j'ai franchi l'eau par le pont Kitchener. « Sybilles ocres » est le premier recueil du poète Christian Degoutte (1977).

Sybilles ocres

J'ai grimpé la pente molle d'un pré, l'herbe épaisse et câline sous mes pieds, la terre moelleuse et tiède sous mes pieds glacés et ensanglantés. Je me suis écroulée sur un tendre carré de trèfles. Je me suis jetée en croix sous le soleil pour le regarder bien en face. Je me suis abandonnée au désir de devenir aveugle, mais c'est comme si mes larmes ne le voulaient pas : elles coulaient, coulaient, coulaient sur mes joues, dans mon cou. Elles voulaient me laver le visage, tout le corps, des milliers d'écorchures dont j'étais couverte. Elles voulaient me laver du temps, de la mort que j'ai vue au travail, du feu qui me dévorait le ventre et moi, je voulais crier, implorer, mais les sanglots se nouaient les uns pardessus les autres dans ma gorge, obstruaient ma gorge, bouchaient ma voix.

Le tour du lac

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