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Titre : Femme

Auteur : Tristan Corbière Recueil : Les Amours jaunes

Lui — cet être faussé, mal aimé, mal souffert, Mal haï — mauvais livre… et pire : il m’intéresse. — S’il est vide après tout… Oh mon dieu, je le laisse, Comme un roman pauvre — entr’ouvert. Cet homme est laid… — Et moi, ne suis-je donc pas belle, Et belle encore pour nous deux ! — En suis-je donc enfin aux rêves de pucelle ?… — Je suis reine : Qu’il soit lépreux ! Où vais-je — femme ! — Après… suis-je donc pas légère Pour me relever d’un faux pas ! Est-ce donc Lui que j’aime ! — Eh non ! c’est son mystère… Celui que peut-être Il n’a pas. Plus Il m’évite, et plus et plus Il me poursuit… Nous verrons ce dédain suprême. Il est rare à croquer, celui-là qui me fuit !… Il me fuit — Eh bien non !… Pas même. … Aurais-je ri pourtant ! si, comme un galant homme, Il avait allumé ses feux… Comme Ève — femme aussi — qui n’aimait pas la Pomme, Je ne l’aime pas — et j’en veux ! — C’est innocent. — Et lui ?… Si l’arme était chargée… — Et moi, j’aime les vilains jeux ! Et… l’on sait amuser, avec une dragée Haute, un animal ombrageux. De quel droit ce regard, ce mauvais œil qui touche : Monsieur poserait le fatal ? Je suis myope, il est vrai… Peut-être qu’il est louche ; Je l’ai vu si peu — mais si mal. — … Et si je le laissais se draper en quenouille, Seul dans sa honteuse fierté !… — Non. Je sens me ronger, comme ronge la rouille, Mon orgueil malade, irrité. Allons donc ! c’est écrit — n’est-ce pas — dans ma tête, En pattes-de-mouche d’enfer ; Écrit, sur cette page où — là — ma main s’arrête. — Main de femme et plume de fer. — Oui ! — Baiser de Judas — Lui cracher à la bouche Cet amour ! — Il l’a mérité — Lui dont la triste image est debout sur ma couche, Implacable de volupté. Oh oui : coller ma langue à l’inerte sourire Qu’il porte là comme un faux pli ! Songe creux et malsain, repoussant… qui m’attire ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . — Une nuit blanche…. un jour sali…