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Titre : Ariane

Auteur : Marie Krysinska Recueil : Rythmes pittoresques

À Jean Moréas. Trêve aux plaintes, assez de sanglots; Ce triste cœur est dévasté de larmes; Et devenu pareil à un champ de combat, Où la trahison de l’amant – Sous son glaive aux éclairs meurtriers – Coucha toutes les jeunes et puissantes joies Mortes, baignées dans leur sang. Et parmi tes roches plus clémentes Que l’âme criminelle de Thésée, Sur ton sol muet, ô farouche Naxos! Ariane s’endort; Tandis que sur la mer complice, A l’horizon s’effacent Les voiles blanches des trirèmes. Elle dort. Les mélancoliques roses Nées sous les pleurs, Font albatréen son beau visage. Et sur ses bras nus, aux joyaux barbares, Frémissent les papillons d’ombre saphirine, Que projettent les sapins Dans le soir tombant. – Le ciel a revêtu ses plus riches armures D’or et de bronze. * * Mais, voici approcher le char Et retenir les sistres; Et voici le Dieu charmant Dionisos, Couronné du gai feuillage Pris à la vigne sacrée. Et, cependant que l’agreste troupe Des Faunes et des Satyres Demeure auprès des outres pleines, Dionisos approche. Sa nudité a la grâce triomphale De l’impérissable jeunesse; Et sa chevelure de lumière S’embaume des aromates Conquis aux Indes lointaines. Au rythme prestigieux de sa marche, Ses cuisses de héros Ont l’ondoyance voluptueuse des vagues; Et le geste de son bras victorieux qui porte Le thyrse saint Montre la toison fauve de son aisselle, Attestant l’androgyne nature De l’Animale – Divinité. * * Ariane endormie est pareille A une neigée de clairs lotus. Le Dieu ravi S’émeut de délire célestement humain; Et sa caresse comme un aigle s’abat Sur le sein ingénu de la dormante belle, Qui s’éveille alors. Mais la flamme des yeux noirs Du Dieu qui règne sur les sublimes ivresses A consumé dans le cœur d’Ariane Les douleurs anciennes; Et séduite, elle se donne Aux immortelles amours Du Dieu charmant Dionisos.