De l'enfance à l'âge mûr, Serge Gautier observe les autres, comme en retrait de sa propre existence, en voyeur discret qui ne parvient pas à s'attacher aux êtres qui l'entourent ni à la réalité elle-même. Autour de lui le monde change, son père communiste ne revient pas de déportation, sa petite sœur grandit et devient enseignante, la charmante banlieue bucolique de l'entre-deux-guerres se couvre de pavillons, puis de tours de béton... Pendant ce temps, Serge se perd dans les vertiges de l'imaginaire, préférant rêver sa vie plutôt que la prendre en main, fantasmer ses proches plutôt qu'apprendre à les connaître. D'une plume incisive et tendre, ironique et grave, Daniel Zimmermann relate le parcours de cet homme exerçant, comme à son insu, le pouvoir ambigu que lui confère une apparente indifférence non dénuée de cruauté.

Le Spectateur

Il se nomment Nodier, Mérimée, Balzac, Stendhal, Nerval, Sue, Musset, Flaubert, Heine, Hugo, Vigny, Lamartine - et Dumas omniprésent et presque fil conducteur de ce volume.
Chacun est le personnage central d'une de ces quatorze nouvelles qui se déroulent entre 1820 et 1867. Ils écrivent certes, mais ils sont parfois en panne d'inspiration. Ils partagent plus ou moins bien leur existence avec celles de leurs personnages. Ils voyagent, s'aiment, se détestent, échangent quelques femmes, se jalousent, dénigrent leurs confrères ou leur rendent de grands et menus services. Certains deviennent fous, alcooliques, cancéreux ou grabataires. D'autres opèrent une incursion dans le jeu politique. Briguent le pouvoir, les honneurs, discutent âprement contrats et droits d'auteur avec leurs éditeurs ou des magnats de la presse.
Bref, l'ordinaire d'une vie de créateur et peut-être pas seulement au XIXe siècle. Un ordinaire magnifié par l'admiration passionnée et l'ironie distanciatrice de Zimmermann à l'égard de ses " héros " et modèles en littérature. A travers eux, il met en scène une savoureuse tragi-comédie de la condition d'écrivain.

Le dieu devenu homme

Plus d'un siècle après sa mort, Jules Vallès (1832-1885) continue à susciter des passions contradictoires. Honni par l'extrême droite, souvent momifié à gauche dans l'image du perpétuel Révolté, Réfractaire, Irrégulier, comme il se définissait volontiers. A la lecture de ces chefs-d'œuvre du roman autobiographique que sont L'Enfant, Le Bachelier et L'insurgé, on en arrive à confondre l'écrivain et son héros, Jacques Vingtras. Zimmermann, lui-même romancier, a pressenti les " mentirvrai " de Vallès et s'est attaché à distinguer entre la fiction et la réalité. Se fondant sur de nombreux inédits, documents officiels et correspondance privée, reliant le parcours individuel aux données politiques, littéraires, journalistiques de l'époque, il démêle ce qui appartient à l'écrivain et ce qui est attribué à son personnage. D'où certaines surprises, notamment sur les parents de Vallès, sur ses études, ou sa situation financière. Vallès l'Irrégulier. Il l'était par son refus de toute inféodation, encore qu'il ait flatté des banquiers et se soit affilié à la franc-maçonnerie. Irrégulier également par ses fluctuations d'humeur, tantôt exalté et provocateur, tantôt dépressif Irrégulier enfin dans son travail d'écriture, dans l'amour et l'amitié. En ébréchant le mythe Vallès, Zimmermann fait apparaître les contradictions de l'homme qui tour à tour l'émeuvent, l'exaspèrent ou l'amusent. Sa grande connaissance du XIXe siècle lui permet, sans verser dans l'érudition pointilliste, de retracer le tableau d'une époque riche en drames et en utopies. Souvent écrite avec humour, cette biographie se lit comme un roman, celui d'une vie.

Jules Valles. L'Irregulier - Occasion

L'effroi et l'émerveillement d'un homme ordinaire confronté au pouvoir destructeur de l'imaginaire.

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