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Albert Samain

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Albert Samain, né le 3 avril 1858 à Lille et mort le 18 août 1900 à Magny-les-Hameaux, est un poète symboliste français.

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Poésies

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    Le repas préparé Ma fille, laisse là ton aiguille et ta laine ; Le maître va rentrer ; sur la table de chêne Avec la nappe neuve aux plis étincelants Mets la faïence claire et les verres brillants. Dans la coupe arrondie à l’anse en col de cygne Pose les fruits choisis sur des feuilles de vigne : Les pêches que recouvre un velours vierge encor, Et les lourds raisins bleus mêlés aux raisins d’or. Que le pain bien coupé remplisse les corbeilles, Et puis ferme la porte et chasse les abeilles… Dehors le soleil brûle, et la muraille cuit. Rapprochons les volets, faisons presque la nuit, Afin qu’ainsi la salle, aux ténèbres plongée, S’embaume toute aux fruits dont la table est chargée. Maintenant, va puiser l’eau fraîche dans la cour ; Et veille que surtout la cruche, à ton retour, Garde longtemps glacée et lentement fondue, Une vapeur légère à ses flancs suspendue.

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    Les sirènes Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les îlots, Une harpe d'amour soupirait, infinie ; Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie Et des larmes montaient aux yeux des matelots. Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers, Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ; Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles Versait tout son azur en l'âme des nochers, Les Sirènes chantaient... Plus tendres à présent, Leurs voix d'amour pleuraient des larmes dans la brise, Et c'était une extase où le cœur plein se brise, Comme un fruit mûr qui s'ouvre au soir d'un jour pesant ! Vers les lointains, fleuris de jardins vaporeux, Le vaisseau s'en allait, enveloppé de rêves ; Et là-bas — visions — sur l'or pâle des grèves Ondulaient vaguement des torses amoureux. Diaphanes blancheurs dans la nuit émergeant, Les Sirènes venaient, lentes, tordant leurs queues Souples, et sous la lune, au long des vagues bleues, Roulaient et déroulaient leurs volutes d'argent. Les nacres de leurs chairs sous un liquide émail Chatoyaient, ruisselant de perles cristallines, Et leurs seins nus, cambrant leurs rondeurs opalines, Tendaient lascivement des pointes de corail. Leurs bras nus suppliants s'ouvraient, immaculés ; Leurs cheveux blonds flottaient, emmêlés d'algues vertes, Et, le col renversé, les narines ouvertes, Elles offraient le ciel dans leurs yeux étoilés !... Des lyres se mouraient dans l'air harmonieux ; Suprême, une langueur s'exhalait des calices, Et les marins pâmés sentaient, lentes délices, Des velours de baisers se poser sur leurs yeux... Jusqu'au bout, aux mortels condamnés par le sort, Chœur fatal et divin, elles faisaient cortège ; Et, doucement captif entre leurs bras de neige, Le vaisseau descendait, radieux, dans la mort ! La nuit tiède embaumait...Là-bas, vers les îlots, Une harpe d'amour soupirait, infinie ; Et la mer, déroulant ses vagues d'harmonie, Étendait son linceul bleu sur les matelots. Les Sirènes chantaient... Mais le temps est passé Des beaux trépas cueillis en les Syrtes sereines, Où l'on pouvait mourir aux lèvres des Sirènes, Et pour jamais dormir sur son rêve enlacé.

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    Les vierges au crépuscule — Naïs, je ne vois plus la couleur de tes bagues... — Lydé, je ne vois plus les cygnes sur les vagues... — Naïs, n'entends-tu pas la flûte des bergers ? — Lydé, ne sens-tu pas l'odeur des orangers ? — D'où vient qu'en moi, Naïs, monte un frisson amer À regarder mourir le soleil sur la mer ? — D'où vient ainsi, Lydé, qu'en frémissant j'écoute Le bruit lointain des chars qui rentrent sur la route ? Et Naïs et Lydé, les vierges de quinze ans, Seules sur la terrasse aux parfums épuisants, Sentent leur cœur trop lourd fondre en larmes obscures Et, sous leurs fronts penchés mêlant leurs chevelures, D'une étreinte où la bouche à la bouche s'unit, Sanglotent doucement dans le soir infini...

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    Matin sur le port Le soleil, par degrés, de la brume émergeant, Dore la vieille tour et le haut des mâtures ; Et, jetant son filet sur les vagues obscures, Fait scintiller la mer dans ses mailles d’argent. Voici surgir, touchés par un rayon lointain, Des portiques de marbre et des architectures ; Et le vent épicé fait rêver d’aventures Dans la clarté limpide et fine du matin. L’étendard déployé sur l’arsenal palpite ; Et de petits enfants, qu’un jeu frivole excite, Font sonner en courant les anneaux du vieux mur. Pendant qu’un beau vaisseau, peint de pourpre et d’azur Bondissant et léger sur l’écume sonore, S’en va, tout frissonnant de voiles, dans l’aurore.

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    Mon âme est une infante Mon Âme est une infante en robe de parade, Dont l'exil se reflète, éternel et royal, Aux grands miroirs déserts d'un vieil Escurial, Ainsi qu'une galère oubliée en la rade. Aux pieds de son fauteuil, allongés noblement, Deux lévriers d'Écosse aux yeux mélancoliques Chassent, quand il lui plaît, les bêtes symboliques Dans la forêt du Rêve et de l'Enchantement. Son page favori, qui s'appelle Naguère, Lui lit d'ensorcelants poèmes à mi-voix, Cependant qu'immobile, une tulipe aux doigts, Elle écoute mourir en elle leur mystère... Le parc alentour d'elle étend ses frondaisons, Ses marbres, ses bassins, ses rampes à balustres ; Et, grave, elle s'enivre à ces songes illustres Que recèlent pour nous les nobles horizons. Elle est là résignée, et douce, et sans surprise, Sachant trop pour lutter comme tout est fatal, Et se sentant, malgré quelque dédain natal, Sensible à la pitié comme l'onde à la brise. Elle est là résignée, et douce en ses sanglots, Plus sombre seulement quand elle évoque en songe Quelque Armada sombrée à l'éternel mensonge, Et tant de beaux espoirs endormis sous les flots. Des soirs trop lourds de pourpre où sa fierté soupire, Les portraits de Van Dyck aux beaux doigts longs et purs, Pâles en velours noir sur l'or vieilli des murs, En leurs grands airs défunts la font rêver d'empire. Les vieux mirages d'or ont dissipé son deuil, Et, dans les visions où son ennui s'échappe, Soudain — gloire ou soleil — un rayon qui la frappe Allume en elle tous les rubis de l'orgueil. Mais d'un sourire triste elle apaise ces fièvres ; Et, redoutant la foule aux tumultes de fer, Elle écoute la vie — au loin — comme la mer... Et le secret se lait plus profond sur ses lèvres. Rien n'émeut d'un frisson l'eau pâle de ses yeux, Où s'est assis l'Esprit voilé des Villes mortes ; Et par les salles, où sans bruit tournent les portes, Elle va, s'enchantant de mots mystérieux. L'eau vaine des jets d'eau là-bas tombe en cascade, Et, pâle à la croisée, une tulipe aux doigts, Elle est là, reflétée aux miroirs d'autrefois, Ainsi qu'une galère oubliée en la rade. Mon Âme est une infante en robe de parade.

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    Musique Puisqu’il n’est point de mots qui puissent contenir, Ce soir, mon âme triste en vouloir de se taire, Qu’un archet pur s’élève et chante, solitaire, Pour mon rêve jaloux de ne se définir. O coupe de cristal pleine de souvenir ; Musique, c’est ton eau seule qui désaltère ; Et l’âme va d’instinct se fondre en ton mystère, Comme la lèvre vient à la lèvre s’unir. Sanglot d’or !… Oh ! voici le divin sortilège ! Un vent d’aile a couru sur la chair qui s’allège ; Des mains d’anges sur nous promènent leur douceur. Harmonie, et c’est toi, la Vierge secourable, Qui, comme un pauvre enfant, berces contre ton coeur Notre coeur infini, notre coeur misérable.

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    Musique sur l'eau Oh ! Écoute la symphonie ; Rien n'est doux comme une agonie Dans la musique indéfinie Qu'exhale un lointain vaporeux ; D'une langueur la nuit s'enivre, Et notre cœur qu'elle délivre Du monotone effort de vivre Se meurt d'un trépas langoureux. Glissons entre le ciel et l'onde, Glissons sous la lune profonde ; Toute mon âme, loin du monde, S'est réfugiée en tes yeux, Et je regarde tes prunelles Se pâmer sous les chanterelles, Comme deux fleurs surnaturelles Sous un rayon mélodieux. Oh ! écoute la symphonie ; Rien n'est doux comme l'agonie De la lèvre à la lèvre unie Dans la musique indéfinie...

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    Myrtil et Palémone Myrtil et Palémone, enfants chers aux bergers, Se poursuivent dans l'herbe épaisse des vergers, Et font fuir devant eux, en de bruyantes joies, La file solennelle et stupide des oies. Or Myrtil a vaincu Palémone en ses jeux ; Comme il l'étreint, rieuse, entre ses bras fougueux, Il frémit de sentir, sous les toiles légères ; Palpiter tout à coup des formes étrangères ; Et la double rondeur naissante des seins nus Jaillit comme un beau fruit sous ses doigts ingénus. Le jeu cesse... Un mystère en son cœur vient d'éclore, Et, grave, il les caresse et les caresse encore.

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    Nyza chante La famille nombreuse, et par les dieux comblée, Tout autour de la table est encor rassemblée : Elyone au long col, Lydie aux seins naissants, Nyza dont la voix triste a de si purs accents, Myrte agile et robuste, Ixène douce et blanche. La mère aux lourds bandeaux sur les petits se penche ; Myrte rit aux éclats ; Ixène jette un cri ; Et le père accoudé sur la table sourit... Le jour fut accablant ; par la fenêtre ouverte Un peu de brise vient de la route déserte ; La campagne s'endort dans l'or des soirs d'été. Et le mystère monte avec l'obscurité... L'âme pensive au lent adieu de la lumière : Chante, dit à Nyza la voix grave du père ; Et, regardant là-bas briller les derniers feux, Il baise avec lenteur l'enfant sur ses cheveux. Entre ses sœurs Nyza de son père est chérie ; Sa voix semble toujours pleurer une patrie. Elle a treize ans ; un soir d'amour, la Volupté De nuit et de lumière a pétri sa beauté. Son petit front de marbre a l'horreur des servages, Et, douce, elle sourit avec des yeux sauvages. Elle chante ; ce sont des rondes d'anciens jours, Des airs simples appris, le soir, dans les faubourgs. Sa bouche exquise semble un calice qui s'ouvre ; Et sa voix, que toujours un peu de brume couvre, Monte et s'exhale ainsi qu'un triste et pur soupir Au fond du grand silence où le jour va mourir ! Elyone et Lydie, aux limpides pensées, Se tiennent doucement par la taille enlacées ; Le petit Myrte dort, la tête sur son bras ; Et le père, sachant qu'on ne le verra pas, Faisant tourner un verre avec sa main distraite, Laisse errer dans ses yeux une larme secrète... Sur le seuil, la servante, oubliant ses travaux, N'a point encore à table apporté les flambeaux. Tout est noir ; le grand ciel brille de feux sans nombre ; Par instants, sur la route, un pas sonne, dans l'ombre...

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    Octobre est doux Octobre est doux. — L'hiver pèlerin s'achemine Au ciel où la dernière hirondelle s'étonne. Rêvons... le feu s'allume et la bise chantonne. Rêvons... le feu s'endort sous sa cendre d'hermine. L'abat-jour transparent de rose s'illumine. La vitre est noire sous l'averse monotone. Oh ! le doux « remember » en la chambre d'automne, Où des trumeaux défunts l'âme se dissémine. La ville est loin. Plus rien qu'un bruit sourd de voitures Qui meurt, mélancolique, aux plis lourds des tentures... Formons des rêves fins sur des miniatures. Vers de mauves lointains d'une douceur fanée Mon âme s'est perdue ; et l'Heure enrubannée Sonne cent ans à la pendule surannée...

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    Orgueil J'ai secoué du rêve avec ma chevelure. Aux foules où j'allais, un long frisson vivant Me suivait, comme un bruit de feuilles dans le vent ; Et ma beauté jetait des feux comme une armure. Au large devant moi les cœurs fumaient d'amour ; Froide, je traversais les désirs et les fièvres ; Tout, drame ou comédie, avait lieu sur mes lèvres ; Mon orgueil éternel demeurait sur la tour. Du remords imbécile et lâche je n'ai cure, Et n'ai cure non plus des fadasses pitiés. Les larmes et le sang, je m'y lave les pieds ! Et je passe, fatale ainsi que la nature. Je suis sans défaillance, et n'ai point d'abandons. Ma chair n'est point esclave au vieux marché des villes. Et l'homme, qui fait peur aux amantes serviles, Sent que son maître est là quand nous nous regardons. J'ai des jardins profonds dans mes yeux d'émeraude, Des labyrinthes fous, d'où l'on ne revient point. De qui me croit tout près je suis toujours si loin, Et qui m'a possédée a possédé la Fraude. Mes sens, ce sont des chiens qu'au doigt je fais coucher, Je les dresse à forcer la proie en ses asiles ; Puis, l'ayant étranglée, ils attendent, dociles, Que mes yeux souverains leur disent d'y toucher. Je voudrais tous les cœurs avec toutes les âmes ! Je voudrais, chasseresse aux féroces ardeurs, Entasser à mes pieds des cœurs, encor des cœurs... Et je distribuerais mon butin rouge aux femmes ! Je traîne, magnifique, un lourd manteau d'ennui, Où s'étouffe le bruit des sanglots et des râles. Les flammes qu'en passant j'allume aux yeux des mâles, Sont des torches de fête en mon cœur plein de nuit. La haine me plaît mieux, étant moins puérile. Mère, épouse, non pas : ni femelle vraiment ! Je veux que mon corps, vierge ainsi qu'un diamant, À jamais comme lui soit splendide et stérile. Mon orgueil est ma vie, et mon royal trésor ; Et jusque sur le marbre, où je m'étendrai froide, Je veux garder, farouche, aux plis du linceul roide, Une bouche scellée, et qui dit non encor.

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    Retraite Remonte, lent rameur, le cours de tes années, Et, les yeux clos, suspends ta rame par endroits… La brise qui s’élève aux jardins d’autrefois Courbe suavement les âmes inclinées. Cherche en ton coeur, loin des grand’routes calcinées, L’enclos plein d’herbe épaisse et verte où sont les croix. Écoutes-y l’air triste où reviennent les voix, Et baise au coeur tes petites mortes fanées. Songe à tels yeux poignants dans la fuite du jour. Les heures, que toucha l’ongle d’or de l’amour, À jamais sous l’archet chantent mélodieuses. Lapidaire secret des soirs quotidiens, Taille tes souvenirs en pierres précieuses, Et fais-en pour tes doigts des bijoux anciens.

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    Rhodante Dans l'après midi chaude où dorment les oiseaux Au fond de l'antre empli d'un clair murmure d'eaux Rhodante, nue, a fui les champs où luit la flamme ; Et sa ceinture gît sur ses voiles de femme. Rhodante est fine et chaude avec des flancs légers ; Le fruit brun de son corps fait languir les bergers. Dans son sang orageux comme un soir de vendanges Elle roule une flamme et des fièvres étranges. Et ses petits seins d'ambre ont des bouts violets... Oh ! ses lourds cheveux noirs et ses rouges œillets ! Un rayon d'or tombé dans l'ombreuse retraite, A glissé dans sa chair une langueur secrète ; Tout son corps amoureux s'allonge de désir. Ses bras tordus en vain, las d'étreindre le vide, Retombent ; des sanglots pressent son cœur rapide. Par l'attente d'un dieu ses traits semblent frappés ; Elle arrache de l'herbe avec ses doigts crispés Et soudain se soulève à demi, pâle et sombre... Et les yeux d'or du faune ont pétillé dans l'ombre.

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    Silence Le silence descend en nous, Tes yeux mi-voilés sont plus doux ; Laisse mon cœur sur tes genoux. Sous ta chevelure épandue De ta robe un peu descendue Sort une blanche épaule nue. La parole a des notes d'or ; Le silence est plus doux encor, Quand les cœurs sont pleins jusqu'au bord. Il est des soirs d'amour subtil, Des soirs où l'âme, semble-t-il, Ne tient qu'à peine par un fil... Il est des heures d'agonie Où l'on rêve la mort bénie Au long d'une étreinte infinie. La lampe douce se consume ; L'âme des roses nous parfume. Le Temps bat sa petite enclume. Oh ! s'en aller sans nul retour, Oh ! s'en aller avant le jour, Les mains toutes pleines d'amour ! Oh ! s'en aller sans violence, S'évanouir sans qu'on y pense D'une suprême défaillance... Silence !... Silence !... Silence !...

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    Soirs (II) Le Séraphin des soirs passe le long des fleurs... La Dame-aux-Songes chante à l'orgue de l'église ; Et le ciel, où la fin du jour se subtilise, Prolonge une agonie exquise de couleurs. Le Séraphin des soirs passe le long des cœurs... Les vierges au balcon boivent l'amour des brises ; Et sur les fleurs et sur les vierges indécises Il neige lentement d'adorables pâleurs. Toute rose au jardin s'incline, lente et lasse, Et l'âme de Schumann errante par l'espace Semble dire une peine impossible à guérir... Quelque part une enfant très douce doit mourir... Ô mon âme, mets un signet au livre d'heures, L'Ange va recueillir le rêve que tu pleures.

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    Ton souvenir est comme un livre Ton Souvenir est comme un livre bien aimé, Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé, Un livre où l'on vit mieux sa vie, et qui vous hante D'un rêve nostalgique, où l'âme se tourmente. Je voudrais, convoitant l'impossible en mes vœux, Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ; Ciseler avec l'art patient des orfèvres Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ; Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ; Dire quelle mer chante en vagues d'élégie Au golfe de tes seins où je me réfugie ; Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois Comme une après-midi d'automne dans les bois ; De l'heure la plus chère enchâsser la relique, Et, sur le piano, tel soir mélancolique, Ressusciter l'écho presque religieux D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.

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    Viole Mon cœur, tremblant des lendemains, Est comme un oiseau dans tes mains Qui s'effarouche et qui frissonne. Il est si timide qu'il faut Ne lui parler que pas trop haut Pour que sans crainte il s'abandonne. Un mot suffit à le navrer, Un regard en lui fait vibrer Une inexprimable amertume. Et ton haleine seulement, Quand tu lui parles doucement, Le fait trembler comme une plume. Il t'environne ; il est partout. Il voltige autour de ton cou, Il palpite autour de ta robe, Mais si furtif, si passager, Et si subtil et si léger, Qu'à toute atteinte il se dérobe. Et quand tu le ferais souffrir Jusqu'à saigner, jusqu'à mourir, Tu pourrais en garder le doute, Et de sa peine ne savoir Qu'une larme tombée un soir Sur ton gant taché d'une goutte.

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    Xanthis Au vent frais du matin frissonne l'herbe fine ; Une vapeur légère aux flancs de la colline Flotte ; et dans les taillis d'arbre en arbre croisés Brillent, encore intacts, de longs fils irisés. Près d'une onde ridée aux brises matinales, Xanthis, ayant quitté sa robe et ses sandales, D'un bras s'appuie au tronc flexible d'un bouleau, Et, penchée à demi, se regarde dans l'eau. Le flot de ses cheveux d'un seul côté s'épanche, Et, blanche, elle sourit à son image blanche... Elle admire sa taille droite, ses beaux bras, Et sa hanche polie, et ses seins délicats, Et d'une main, que guide une exquise décence, Fait un voile pudique à sa jeune innocence. Mais un grand cri soudain retentit dans les bois, Et Xanthis tremble ainsi que la biche aux abois, Car elle a vu surgir, dans l'onde trop fidèle, Les cornes du méchant satyre amoureux d'elle.

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