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Anna de Noailles

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Anna de Noailles, née Anna Elisabeth Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et une romancière française d'origines roumaine et grecque, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte dans la même ville le 30 avril 1933.

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Poésies

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    Aimer, c'est de ne mentir plus Aimer, c'est de ne mentir plus. Nulle ruse, n'est nécessaire Quand le bras chaleureux enserre Le corps fuyant qui nous a plu. — Crois à ma voix qui rêve et chante Et qui construit ton paradis. Saurais-tu que je suis méchante Si je ne te l'avais pas dit ? — Faiblement méchante, en pensée, Et pour retrouver par moment Cette solitude sensée Que j'ai reniée en t'aimant !

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    Ami parmi tous les amis Ami parmi tous les amis, De quoi voudrions-nous nous plaindre ? Aucun destin n'est compromis Si l'amitié n'a pu s'éteindre. Tu penses que seuls les amants, Par la hâte et par les délices, Ignorent le dolent supplice De l'immense désœuvrement ;

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    Ce fut long, difficile et triste Ce fut long, difficile et triste De te révéler ma tendresse ; La voix s'élance et puis résiste, La fierté succombe et se blesse. Je ne sais vraiment pas comment J'ai pu t'avouer mon amour ; J'ai craint l'ombre et l'étonnement De ton bel œil couleur du jour. Je t'ai porté cette nouvelle ! Je t'ai tout dit ! je m'y résigne; Et tout de même, comme un cygne, Je mets ma tête sous mon aile...

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    Chanson pour avril Toute la nuit la pluie légère A glissé par jets et par bonds. Viens respirer au bois profond L'odeur de la verdure amère. Ton coeur est triste, morne et las, Comme la naissante journée. Elle sera bientôt fanée, L'amoureuse odeur des lilas. Aujourd'hui l'âme apitoyée Sent pleurer son vague tourment. Viens écouter l'égouttement Des feuilles mortes et mouillées.

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    Enfin je puis ne plus épier le printemps Enfin je puis ne plus épier le printemps! Je cesse d’écouter, d’une oreille attentive, Ce frémissant secret qui soulève et ravive, Et dont j’ai vénéré le bruit sourd et montant! Je puis me reposer de la tâche royale De recueillir avec des sens religieux L’appel de la nature aux trompeuses cymbales, Qui veut relier l’homme à d’inutiles cieux! L’univers n’a plus rien qu’il m’ôte ou qu’il m’apporte, Mon être est à l’écart de ses jeux décevants, Dans un tombeau sacré je suis comme une morte, Et ma vie est encore en pleurs dans un vivant!

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    J'ai revu la nature... J'ai revu la Nature en son commencement. J'entends comme en naissant, comme en ouvrant l'oreille Un bruit de branches, d'eau, de brises et d'abeilles Passer avec un vague et frais étonnement. On voit partout jaillir de la terre âpre et dure La vapeur balancée et molle des verdures... — Nature, je connais votre piège éternel : Forte par la beauté, humble par le silence, Vous attendez qu'en nous sans cesse recommence L'immense adhésion au but universel. L'indiscernable Amour tente un furtif appel... Je suis là ; l'églantier enlace un banc de marbre Qu'entoure la senteur fourmillante des buis. Tout gonfle et se fendille avec un léger bruit De résine au soleil ; le vent, au haut des arbres, A les grands mouvements de l'inspiration. Hélas ! cette salubre et chaste passion, Ce grand nid des vivants qui croît et se prépare, Sera-t-il donc toujours l'ennemi des humains ? Parmi ce tourbillon de graines et d'essaims, Nature, vous faut-il une âme qui s'égare, Et qui mêle à votre acre et printanier levain L'inutile désir d'un amour plus divin, Que vous désabusez et que rien ne sépare ?...

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    Je ne t'aime pas Je ne t'aime pas pour que ton esprit Puisse être autrement que tu ne peux être Ton songe distrait jamais ne pénètre Mon cœur anxieux, dolent et surpris. Ne t'inquiète pas de mon hébétude, De ces chocs profonds, de ma demi-mort ; J'ai nourri mes yeux de tes attitudes, Mon œil a si bien mesuré ton corps, Que s'il me fallait mourir de toi-même, Défaillir un jour par excès de toi, Je croirais dormir du sommeil suprême Dans ton bras, fermé sur mon être étroit...

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    Je t'aime et cependant... Je t'aime, et cependant, jamais tes ennemis Contre ton doux esprit ne se seraient permis La lucide, subtile et lâche violence Que mon amour pour toi exerçait en silence. Je t'aime et, dans mon cœur, je t'ai fait tant de tort Que tu fus un instant devant moi comme un mort, Comme un supplicié que la foule abandonne, A qui sa mère, enfin, ne veut pas qu'on pardonne... J'ai méprisé ta joie, ta peine, ton labeur, Ta tristesse, ta paix, ton courage et ta peur, Et jusqu'au sang charmant dont je vis par tes veines. Mes yeux ne voyaient pas où finirait ma haine ; Mais j'ai fait tout ce mal pour ne pas défaillir Du seul enchantement de ton clair souvenir ; Pour pouvoir vivre encor, sans gémir dans l'extase Que tu sois ce parfum et que tu sois ce vase ; Pour respirer un peu, sans que le jour et l'air M'assaillent de tes yeux plus brisants que la mer ; J'ai fait ce mal pour mieux pouvoir, dans mon refuge, Scruter le fond soumis de mon cœur qui te juge, Car moi qui te voulais enchaîné dans les rangs, Courbé comme un captif sous les yeux du tyran, Je presse dans mes mains, si hautaines, si graves, Tes pieds humbles et doux qui sont tes deux esclaves...

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    L’ardeur Rire ou pleurer, mais que le coeur Soit plein de parfums comme un vase, Et contienne jusqu’à l’extase La force vive ou la langueur. Avoir la douleur ou la joie, Pourvu que le coeur soit profond Comme un arbre où des ailes font Trembler le feuillage qui ploie ; S’en aller pensant ou rêvant, Mais que le coeur donne sa sève Et que l’âme chante et se lève Comme une vague dans le vent. Que le coeur s’éclaire ou se voile, Qu’il soit sombre ou vif tour à tour, Mais que son ombre et que son jour Aient le soleil ou les étoiles…

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    L’automne Voici venu le froid radieux de septembre : Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ; Mais la maison a l’air sévère, ce matin, Et le laisse dehors qui sanglote au jardin. Comme toutes les voix de l’été se sont tues ! Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ? Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois Que la bise grelotte et que l’eau même a froid. Les feuilles dans le vent courent comme des folles ; Elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent, Mais le vent les reprend et barre leur chemin Elles iront mourir sur les étangs demain. Le silence est léger et calme ; par minute Le vent passe au travers comme un joueur de flûte, Et puis tout redevient encor silencieux, Et l’Amour qui jouait sous la bonté des cieux S’en revient pour chauffer devant le feu qui flambe Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes, Et la vieille maison qu’il va transfigurer Tressaille et s’attendrit de le sentir entrer.

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    L’empreinte Je m’appuierai si bien et si fort à la vie, D’une si rude étreinte et d’un tel serrement Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie Elle s’échauffera de mon enlacement. La mer, abondamment sur le monde étalée, Gardera dans la route errante de son eau Le goût de ma douleur qui est âcre et salée Et sur les jours mouvants roule comme un bateau. Je laisserai de moi dans le pli des collines La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir Et la cigale assise aux branches de l’épine Fera crier le cri strident de mon désir. Dans les champs printaniers la verdure nouvelle Et le gazon touffu sur les bords des fossés Sentiront palpiter et fuir comme des ailes Les ombres de mes mains qui les ont tant pressés. La nature qui fut ma joie et mon domaine Respirera dans l’air ma persistante odeur Et sur l’abattement de la tristesse humaine Je laisserai la forme unique de mon cœur.

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    L’hiver C’est l’hiver sans parfum ni chants. Dans le pré, les brins de verdure Percent de leurs jets fléchissants La neige étincelante et dure. Quelques buissons gardent encor Des feuilles jaunes et cassantes Que le vent âpre et rude mord Comme font les chèvres grimpantes. Et les arbres silencieux Que toute cette neige isole Ont cessé de se faire entre eux Leurs confidences bénévoles. – Bois feuillus qui, pendant l’été, Au chaud des feuilles cotonneuses Avez connu les voluptés Et les cris des huppes chanteuses, Vous qui, dans la douce saison, Respiriez la senteur des gommes, Vous frissonnez à l’horizon Avec des gestes qu’ont les hommes. Vous êtes las, vous êtes nus, Plus rien dans l’air ne vous protège, Et vos coeurs tendres ou chenus Se désespèrent sur la neige. – Et près de vous, frère orgueilleux, Le sapin où le soleil brille Balance les fruits écailleux Qui luisent entre ses aiguilles.

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    L’offrande à la nature Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent, Nul n’aura comme moi si chaudement aimé La lumière des jours et la douceur des choses, L’eau luisante et la terre où la vie a germé. La forêt, les étangs et les plaines fécondes Ont plus touché mes yeux que les regards humains, Je me suis appuyée à la beauté du monde Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains. J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité, Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés. Je suis venue à vous sans peur et sans prudence Vous donnant ma raison pour le bien et le mal, Ayant pour toute joie et toute connaissance Votre âme impétueuse aux ruses d’animal. Comme une fleur ouverte où logent des abeilles Ma vie a répandu des parfums et des chants, Et mon cœur matineux est comme une corbeille Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants. Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète, J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs Et qui font naître au cœur des hommes et des bêtes La belle impatience et le divin vouloir. Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature. Ah ! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour, Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure Que ne visitent pas la lumière et l’amour…

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    L'enfant éros Enfant Éros qui joues à l'ombre des surgeons Et bois aux sources claires, Toi qui nourris ainsi qu'un couple de pigeons L'amour et la colère, Passe sans t'arrêter au seuil de ma maison, N'entre pas cette année : Mon âme des amours qu'elle eut l'autre saison Est encore étonnée, Car tu mêles au miel des baisers appuyés Sur les lèvres jalouses La haine amère ainsi que le fruit du sorbier, La haine acide et rouge…

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    L'innocence Si tu veux nous ferons notre maison si belle Que nous y resterons les étés et l'hiver ! Nous verrons alentour fluer l'eau qui dégèle, Et les arbres jaunis y redevenir verts. Les jours harmonieux et les saisons heureuses Passeront sur le bord lumineux du chemin, Comme de beaux enfants dont les bandes rieuses S'enlacent en jouant et se tiennent les mains. Un rosier montera devant notre fenêtre Pour baptiser le jour de rosée et d'odeur ; Les dociles troupeaux, qu'un enfant mène paître, Répandront sur les champs leur paisible candeur. Le frivole soleil et la lune pensive Qui s'enroulent au tronc lisse des peupliers Refléteront en nous leur âme lasse ou vive Selon les clairs midis et les soirs familiers. Nous ferons notre coeur si simple et si crédule Que les esprits charmants des contes d'autrefois Reviendront habiter dans les vieilles pendules Avec des airs secrets, affairés et courtois. Pendant les soirs d'hiver, pour mieux sentir la flamme, Nous tâcherons d'avoir un peu froid tous les deux, Et de grandes clartés nous danseront dans l'âme À la lueur du bois qui semblera joyeux. Émus de la douceur que le printemps apporte, Nous ferons en avril des rêves plus troublants. — Et l'Amour sagement jouera sur notre porte Et comptera les jours avec des cailloux blancs...

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    L'inquiet désir Voici l'été encor, la chaleur, la clarté, La renaissance simple et paisible des plantes, Les matins vifs, les tièdes nuits, les journées lentes, La joie et le tourment dans l'âme rapportés. — Voici le temps de rêve et de douce folie Où le cœur, que l'odeur du jour vient enivrer, Se livre au tendre ennui de toujours espérer L'éclosion soudaine et bonne de la vie, Le cœur monte et s'ébat dans l'air mol et fleuri. — Mon cœur, qu'attendez-vous de la chaude journée, Est-ce le clair réveil de l'enfance étonnée Qui regarde, s'élance, ouvre les mains et rit ? Est-ce l'essor naïf et bondissant des rêves Qui se blessaient aux chocs de leur emportement, Est-ce le goût du temps passé, du temps clément, Où l'âme sans effort sentait monter sa sève ? — Ah ! mon cœur, vous n'aurez plus jamais d'autre bien Que d'espérer l'Amour et les jeux qui l'escortent, Et vous savez pourtant le mal que vous apporte Ce dieu tout irrité des combats dont il vient...

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    La cité natale Heureux qui dans sa ville, hôte de sa maison, Dès le matin joyeux et doré de la vie Goûte aux mêmes endroits le retour des saisons Et voit ses matinées d’un calme soir suivies. Fidèles et naïfs comme de beaux pigeons La lune et le soleil viennent sur sa demeure, Et, pareille au rosier qui s’accroît de bourgeons, Sa vie douce fleurit aux rayons de chaque heure. Il va, nouant entre eux les surgeons du destin, Mêlant l’âpre ramure et les plus tôt venues, Et son coeur ordonné est comme son jardin Plein de nouvelles fleurs sur l’écorce chenue. Heureux celui qui sait goûter l’ombre et l’amour, De l’ardente cité à ses coteaux fertiles, Et qui peut, dans la suite innombrable des jours, Désaltérer son rêve au fleuve de sa ville.

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    La jeunesse Tout le plaisir de vivre est tenu dans vos mains, Ô Jeunesse joyeuse, ardente, printanière, Autour de qui tournoie l'emportement humain Comme une abeille autour d'une branche fruitière ! Vous courez dans les champs, et le vol d'un pigeon Fait plus d'ombre que vous sur l'herbe soleilleuse. Vos yeux sont verdoyants, pareils à deux bourgeons, Vos pieds ont la douceur des feuilles cotonneuses. Vous habitez le tronc fécond des cerisiers Qui reposent sur l'air leurs pesantes ramures, Votre coeur est léger comme un panier d'osier Plein de pétales vifs, de tiges et de mûres. C'est par vous que l'air joue et que le matin rit, Que l'eau laborieuse ou dolente s'éclaire, Et que les coeurs sont comme un jardin qui fleurit Avec ses amandiers et ses roses trémières ! C'est par vous que l'on est vivace et glorieux, Que l'espoir est entier comme la lune ronde, Et que là bonne odeur du jour d'été joyeux Pénètre largement la poitrine profonde ! C'est par vous que l'on est incessamment mêlé À la chaude, odorante et bruyante nature ; Qu'on est fertile ainsi qu'un champ d'orge et de blé, Beau comme le matin et comme la verdure. Ah ! jeunesse, pourquoi faut-il que vous passiez Et que nous demeurions pleins d'ennuis et pleins d'âge, Comme un arbre qui vit sans lierre et sans rosier, Qui souffre sur la route et ne fait plus d'ombrage...

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    La mort fervente Mourir dans la buée ardente de l'été, Quand parfumé, penchant et lourd comme une grappe, Le coeur, que la rumeur de l'air balance et frappe, S'égrène en douloureuse et douce volupté. Mourir, baignant ses mains aux fraîcheurs du feuillage, Joignant ses yeux aux yeux fleurissants des bois verts, Se mêlant à l'antique et naissant univers, Ayant en même temps sa jeunesse et son âge, S'en aller calmement avec la fin du jour ; Mourir des flèches d'or du tendre crépuscule, Sentir que l'âme douce et paisible recule Vers la terre profonde et l'immortel amour. S'en aller pour goûter en elle ce mystère D'être l'herbe, le grain, la chaleur et les eaux, S'endormir dans la plaine aux verdoyants réseaux, Mourir pour être encor plus proche de la terre...

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    La nuit Nuit sainte, les amants ne vous ont pas connue Autant que les époux. C’est le mystique espoir De ceux qui tristement s’aiment de l’aube au soir, D’être ensemble enlacés sous votre sombre nue. Comme un plus ténébreux et profond sacrement, Ils convoitent cette heure interdite et secrète Où l’animale ardeur s’avive et puis s’arrête Dans un universel et long apaisement. C’est le vœu le plus pur de ces pauvres complices Dont la tendre unité ne doit pas s’avouer, De surprendre parfois votre austère justice, Et d’endormir parmi votre ombre protectrice Leur amour somptueux, humble et désapprouvé…

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    La tristesse dans le parc Entrons dans l'herbe florissante Où le soleil fait des chemins Que caressent, comme des mains, Les ombres des feuilles dansantes. Respirons les molles odeurs Qui se soulèvent des calices, Et goûtons les tristes délices De la langueur et de l'ardeur. Que nos deux âmes balancées Se donnent leurs parfums secrets, Et que le douloureux attrait Joigne les corps et les pensées... L'été, dans les feuillages frais, S'ébat, se délasse et s'enivre. Mais l'homme que rien ne délivre Pleure de rêve insatisfait. Le bonheur, la douceur, la joie, Tiennent entre les bras mêlés ; Pourtant les coeurs sont isolés Et las comme un rameau qui ploie. Pourquoi est-on si triste encor Quand le destin est favorable, Et pourquoi cette inéluctable Inclination vers la mort ?...

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    Voix intérieure Mon âme, quels ennuis vous donnent de l'humeur ? Le vivre vous chagrine et le mourir vous fâche. Pourtant, vous n'aurez point au monde d'autre tâche Que d'être objet qui vit, qui jouit et qui meurt. Mon âme, aimez la vie, auguste, âpre ou futile, Aimez tout le labeur et tout l'effort humains, Que la vérité soit, vivace entre vos mains, Une lampe toujours par vos soins pleine d'huile. Aimez l'oiseau, la fleur, l'odeur de la forêt, Le gai bourdonnement de la cité qui chante, Le plaisir de n'avoir pas de haine méchante, Pas de malicieux et ténébreux secret, Aimez la mort aussi, votre bonne patronne, Par qui votre désir de toutes choses croît Et, comme un beau jardin qui s'éveille du froid, Remonte dans l'azur, reverdit et fleuronne ; — L'hospitalière mort aux genoux reposants Dans la douceur desquels notre néant se pâme, Et qui vous bercera d'un geste, ma chère âme, Inconcevablement éternel et plaisant...

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    La vie profonde Être dans la nature ainsi qu'un arbre humain, Étendre ses désirs comme un profond feuillage, Et sentir, par la nuit paisible et par l'orage, La sève universelle affluer dans ses mains. Vivre, avoir les rayons du soleil sur la face, Boire le sel ardent des embruns et des pleurs, Et goûter chaudement la joie et la douleur Qui font une buée humaine dans l'espace. Sentir, dans son cœur vif, l'air, le feu et le sang Tourbillonner ainsi que le vent sur la terre ; — S'élever au réel et pencher au mystère, Être le jour qui monte et l'ombre qui descend. Comme du pourpre soir aux couleurs de cerise, Laisser du cœur vermeil couler la flamme et l'eau, Et comme l'aube claire appuyée au coteau Avoir l'âme qui rêve, au bord du monde assise...

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    Le baiser Couples fervents et doux, ô troupe printanière ! Aimez au gré des jours. — Tout, l'ombre, la chanson, le parfum, la lumière Noue et dénoue l'amour. Épuisez, cependant que vous êtes fidèles, La chaude déraison, Vous ne garderez pas vos amours éternelles Jusqu'à l'autre saison. Le vent qui vient mêler ou disjoindre les branches A de moins brusques bonds Que le désir qui fait que les êtres se penchent L'un vers l'autre et s'en vont. Les frôlements légers des eaux et de la terre, Les blés qui vont mûrir, La douleur et la mort sont moins involontaires Que le choix du désir. Joyeux ; dans les jardins où l'été vert s'étale Vous passez en riant, Mais les doigts enlacés, ainsi que des pétales, Iront se défeuillant. Les yeux dont les regards dansent comme une abeille Et tissent des rayons, Ne se transmettront plus, d'une ferveur pareille, Le miel et l'aiguillon, Les coeurs ne prendront plus, comme deux tourterelles, L'harmonieux essor, Vos âmes, âprement, vont s'apaiser entre elles, C'est l'amour et la mort...

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    Le coeur Mon coeur tendu de lierre odorant et de treilles, Vous êtes un jardin où les quatre saisons Tenant du buis nouveau, des grappes de groseilles Et des pommes de pin, dansent sur le gazon. – Sous les poiriers noueux couverts de feuilles vives Vous êtes le coteau qui regarde la mer, Ivre d’ouïr chanter, quand le matin arrive, La cigale collée au brin de menthe amer. – Vous êtes un vallon escarpé ; la nature Tapisse votre espace et votre profondeur De mousse délicate et de fraîche verdure. – Vous êtes dans votre humble et pastorale odeur Le verger fleurissant et le gai pâturage Où les joyeux troupeaux et les pigeons dolents Broutent le chèvrefeuille ou lissent leur plumage. – Et vous êtes aussi, coeur grave et violent, La chaude, spacieuse et prudente demeure Pleine de vins, de miel, de farine et de riz, Ouverte au bon parfum des saisons et des heures, Où la tendresse humaine habite et se nourrit.

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    Le désir triomphal Le désir triomphal, en son commencement, Exige toutes les aisances ; Il ignore le temps, le sort, l'atermoiement ; Il exulte, il chante, il s'avance ! On serait stupéfait et transi de savoir, Aux instants où l'amour débute, Combien seront soudain précaires l'abreuvoir, Le dur pain et la pauvre hutte ! Le cœur éclaterait comme d'un son du cor S'il entrevoyait dans l'espace Tant de honte acceptée humblement, pour qu'un corps Ne nous prive pas de sa grâce...

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    Le pays Ma France, quand on a nourri son coeur latin Du lait de votre Gaule, Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym, La fougère et le saule, Quand on a bien aimé vos forêts et vos eaux, L’odeur de vos feuillages, La couleur de vos jours, le chant de vos oiseaux, Dès l’aube de son âge, Quand amoureux du goût de vos bonnes saisons Chaudes comme la laine, On a fixé son âme et bâti sa maison Au bord de votre Seine, Quand on n’a jamais vu se lever le soleil Ni la lune renaître Ailleurs que sur vos champs, que sur vos blés vermeils, Vos chênes et vos hêtres, Quand jaloux de goûter le vin de vos pressoirs ; Vos fruits et vos châtaignes, On a bien médité dans la paix de vos soirs Les livres de Montaigne, Quand pendant vos étés luisants, où les lézards Sont verts comme des fèves, On a senti fleurir les chansons de Ronsard Au jardin de son rêve, Quand on a respiré les automnes sereins Où coulent vos résines, Quand on a senti vivre et pleurer dans son sein Le coeur de Jean Racine, Quand votre nom, miroir de toute vérité, Émeut comme un visage, Alors on a conclu avec votre beauté Un si fort mariage Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre oeil Sur le monde flamboie, Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil Qu’on a le plus de joie…

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    Le temps de vivre Déjà la vie ardente incline vers le soir, Respire ta jeunesse, Le temps est court qui va de la vigne au pressoir, De l'aube au jour qui baisse, Garde ton âme ouverte aux parfums d'alentour, Aux mouvements de l'onde, Aime l'effort, l'espoir, l'orgueil, aime l'amour, C'est la chose profonde ; Combien s'en sont allés de tous les cœurs vivants Au séjour solitaire Sans avoir bu le miel ni respiré le vent Des matins de la terre, Combien s'en sont allés qui ce soir sont pareils Aux racines des ronces, Et qui n'ont pas goûté la vie où le soleil Se déploie et s'enfonce. Ils n'ont pas répandu les essences et l'or Dont leurs mains étaient pleines, Les voici maintenant dans cette ombre où l'on dort Sans rêve et sans haleine ; — Toi, vis, sois innombrable à force de désirs De frissons et d'extase, Penche sur les chemins où l'homme doit servir Ton âme comme un vase, Mêlé aux jeux des jours, presse contre ton sein La vie âpre et farouche ; Que la joie et l'amour chantent comme un essaim D'abeilles sur ta bouche. Et puis regarde fuir, sans regret ni tourment Les rives infidèles, Ayant donné ton cœur et ton consentement À la nuit éternelle.

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    Le verger Dans le jardin, sucré d’œillets et d’aromates, Lorsque l’aube a mouillé le serpolet touffu, Et que les lourds frelons, suspendus aux tomates, Chancellent, de rosée et de sève pourvus, Je viendrai, sous l’azur et la brume flottante, Ivre du temps vivace et du jour retrouvé ; Mon cœur se dressera comme le coq qui chante Insatiablement vers le soleil levé. L’air chaud sera laiteux sur toute la verdure, Sur l’effort généreux et prudent des semis, Sur la salade vive et le buis des bordures, Sur la cosse qui gonfle et qui s’ouvre à demi ; La terre labourée où mûrissent les graines Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots, Heureuse de sentir dans sa chair souterraine Le destin de la vigne et du froment enclos. Des brugnons roussiront sur leurs feuilles, collées Au mur où le soleil s’écrase chaudement ; La lumière emplira les étroites allées Sur qui l’ombre des fleurs est comme un vêtement. Un goût d’éclosion et de choses juteuses Montera de la courge humide et du melon, Midi fera flamber l’herbe silencieuse, Le jour sera tranquille, inépuisable et long. Et la maison, avec sa toiture d’ardoises, Laissant sa porte sombre et ses volets ouverts, Respirera l’odeur des coings et des framboises Éparse lourdement autour des buissons verts ; Mon cœur indifférent et doux aura la pente Du feuillage flexible et plat des haricots Sur qui l’eau de la nuit se dépose et serpente Et coule sans troubler son rêve et son repos. Je serai libre enfin de crainte et d’amertume, Lasse comme un jardin sur lequel il a plu, Calme comme l’étang qui luit dans l’aube et fume, Je ne souffrirai plus, je ne penserai plus, Je ne saurai plus rien des choses de ce monde, Des peines de ma vie et de ma nation, J’écouterai chanter dans mon âme profonde L’harmonieuse paix des germinations. Je n’aurai pas d’orgueil, et je serai pareille, Dans ma candeur nouvelle et ma simplicité, À mon frère le pampre et ma sœur la groseille Qui sont la jouissance aimable de l’été ; Je serai si sensible et si jointe à la terre Que je pourrai penser avoir connu la mort, Et me mêler, vivante, au reposant mystère Qui nourrit et fleurit les plantes par les corps. Et ce sera très bon et très juste de croire Que mes yeux ondoyants sont à ce lin pareils, Et que mon cœur, ardent et lourd, est cette poire Qui mûrit doucement sa pelure au soleil…

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    Anna de Noailles

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    Les parfums Mon coeur est un palais plein de parfums flottants Qui s’endorment parfois aux plis de ma mémoire, Et le brusque réveil de leurs bouquets latents – Sachets glissés au coin de la profonde armoire – Soulève le linceul de mes plaisirs défunts Et délie en pleurant leurs tristes bandelettes… Puissance exquise, dieux évocateurs, parfums, Laissez fumer vers moi vos riches cassolettes ! Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons, Odeur du premier feu dans les chambres humides, Arômes épandus dans les vieilles maisons Et pâmés au velours des tentures rigides ; Apaisante saveur qui s’échappe du four, Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures, Souvenir effacé de notre jeune amour Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ; Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal, Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie, Arome jubilant de l’azur matinal, Parfums exaspérés de la terre amollie ; Souffle des mers chargés de varech et de sel, Tiède enveloppement de la grange bondée, Torpeur claustrale éparse aux pages du missel, Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ; Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers, Enivrante fraîcheur qui coule des lessives, Baumes vivifiants aux parfums familiers, Vapeur du thé qui chante en montant aux solives ! – J’ai dans mon coeur un parc où s’égarent mes maux, Des vases transparents où le lilas se fane, Un scapulaire où dort le buis des saints rameaux, Des flacons de poison et d’essence profane. Des fruits trop tôt cueillis mûrissent lentement En un coin retiré sur des nattes de paille, Et l’arome subtil de leur avortement Se dégage au travers d’une invisible entaille… – Et mon fixe regard qui veille dans la nuit Sait un caveau secret que la myrrhe parfume, Où mon passé plaintif, pâlissant et réduit, Est un amas de cendre encor chaude qui fume. – Je vais buvant l’haleine et les fluidités Des odorants frissons que le vent éparpille, Et j’ai fait de mon coeur, aux pieds des voluptés, Un vase d’Orient où brûle une pastille.

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