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Anna de Noailles

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Anna de Noailles, née Anna Elisabeth Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et une romancière française d'origines roumaine et grecque, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte dans la même ville le 30 avril 1933.

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Poésies

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    Les rêves Le visage de ceux qu’on n’aime pas encor Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves, Et va s’illuminant sur de pâles décors Dans un argentement de lune qui se lève. Il flotte du divin aux grâces de leur corps, Leur regard est intense et leur bouche attentive ; Il semble qu’ils aient vu les jardins de la mort Et que plus rien en eux de réel ne survive. La furtive douceur de leur avènement Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices, Nous pressentons en eux d’impérieux amants Venus pour nous afin que le sort s’accomplisse ; Ils ont des gestes lents, doux et silencieux, Notre vie uniment vers leur attente afflue : Il semble que les corps s’unissent par les yeux Et que les âmes sont des pages qu’on a lues. Le mystère s’exalte aux sourdines des voix, A l’énigme des yeux, au trouble du sourire, A la grande pitié qui nous vient quelquefois De leur regard, qui s’imprécise et se retire… Ce sont des frôlements dont on ne peut guérir, Où l’on se sent le coeur trop las pour se défendre, Où l’âme est triste ainsi qu’au moment de mourir ; Ce sont des unions lamentables et tendres… Et ceux-là resteront, quand le rêve aura fui, Mystérieusement les élus du mensonge, Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits, Offert nos lèvres d’ombre, ouvert nos bras de songe.

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    Les saisons et l'amour Le gazon soleilleux est plein De campanules violettes, Le jour las et brûlé halette Et pend aux ailes des moulins. La nature, comme une abeille, Est lourde de miel et d'odeur, Le vent se berce dans les fleurs Et tout l'été luisant sommeille. — Ô gaieté claire du matin Où l'âme, simple dans sa course, Est dansante comme une source Qu'ombragent des brins de plantain ! De lumineuses araignées Glissent au long d'un fil vermeil, Le cœur dévide du soleil Dans la chaleur d'ombre baignée. — Ivresse des midis profonds, Coteaux roux où grimpent des chèvres, Vertige d'appuyer les lèvres Au vent qui vient de l'horizon ; Chaumières debout dans l'espace Au milieu des seigles ployés, Ayant des plants de groseilliers Devant la porte large et basse... — Soirs lourds où l'air est assoupi, Où la moisson pleine est penchante, Où l'âme, chaude et désirante, Est lasse comme les épis. Plaisir des aubes de l'automne, Où, bondissant d'élans naïfs, Le cœur est comme un buisson vif Dont toutes les feuilles frissonnent ! Nuits molles de désirs humains, Corps qui pliez comme des saules, Mains qui s'attachent aux épaules, Yeux qui pleurent au creux des mains. — Ô rêves des saisons heureuses, Temps où la lune et le soleil Écument en rayons vermeils Au bord des âmes amoureuses...

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    Mélodie Comme un couteau dans un fruit Amène un glissant ravage, La mélodie au doux bruit Fend le coeur et le partage Et tendrement le détruit. — Et la langueur irisée Des arpèges, des accords, Descend, tranchante et rusée, Dans la faiblesse du corps Et dans l’âme divisée…

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    Quand tu me plaisais tant Quand tu me plaisais tant que j'en pouvais mourir, Quand je mettais l'ardeur et la paix sous ton toit, Quand je riais sans joie et souffrais sans gémir, Afin d'être un climat constant autour de toi ; Quand ma calme, obstinée et fière déraison Te confondait avec le puissant univers, Si bien que mon esprit te voyait sombre ou clair Selon les ciels d'azur ou les froides saisons, Je pressentais déjà qu'il me faudrait guérir Du choix suave et dur de ton être sans feu, J'attendais cet instant où l'on voit dépérir L'enchantement sacré d'avoir eu ce qu'on veut : Instant éblouissant et qui vaut d'expier, Où, rusé, résolu, puissant, ingénieux, L'invincible désir s'empare des beaux pieds, Et comme un thyrse en fleur s'enroule jusqu'aux yeux ! Peut-être ton esprit à mon âme lié Se plaisait-il parmi nos contraintes sans fin, Tu n'avais pas ma soif, tu n'avais pas ma faim, Mais moi, je travaillais au désir d'oublier ! — Certes tu garderas de m'avoir fait rêver Un prestige divin qui hantera ton cœur, Mais moi, l'esprit toujours par l'ardeur soulevé, Et qu'aurait fait souffrir même un constant bonheur, Je ne cesserai pas de contempler sur toi, Qui me fus imposant plus qu'un temple et qu'un dieu, L'arbitraire déclin du soleil de tes yeux Et la cessation paisible de ma foi !

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    À la nuit Nuits où meurent l’azur, les bruits et les contours, Où les vives clartés s’éteignent une à une, Ô nuit, urne profonde où les cendres du jour Descendent mollement et dansent à la lune. Jardin d’épais ombrage, abri des corps déments, Grand cœur en qui tout rêve et tout désir pénètre Pour le repos charnel ou l’assouvissement, Nuit pleine des sommeils et des fautes de l’être. Nuit propice aux plaisirs, à l’oubli, tour à tour, Où dans le calme obscur l’âme s’ouvre et tressaille Comme une fleur à qui le vent porte l’amour, Ou bien s’abat ainsi qu’un chevreau dans la paille. Nuit penchée au-dessus des villes et des eaux, Toi qui regardes l’homme avec tes yeux d’étoiles, Vois mon cœur bondissant ivre comme un bateau, Dont le vent rompt le mât et fait claquer la toile. Regarde, nuit dont l’œil argente les cailloux, Ce cœur phosphorescent dont la vive brûlure Éclairerait ainsi que les yeux des hiboux L’heure sans clair de lune où l’ombre n’est pas sûre. Vois mon cœur plus rompu, plus lourd et plus amer Que le rude filet que les pêcheurs nocturnes Lèvent, plein de poissons, d’algues et d’eau de mer Dans la brume mouillée agile et taciturne. À ce cœur si rompu, si amer et si lourd, Accorde le dormir sans songes et sans peines, Sauve-le du regret, de l’orgueil, de l’amour, Ô pitoyable nuit, mort brève, nuit humaine !…

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    Éros Hélas ! que la journée est lumineuse et belle ! L'aérien argent partout bout et ruisselle. N'est-il pas dans l'azur quelque éclatant bonheur Qui glisse sur la bouche et coule sur le cœur De ceux qui tout à coup éperdus, joyeux, ivres, Cherchent quel âpre amour étourdit ou délivre ? — Mais soudain l'horizon s'emplit d'un vaste espoir. Tout semble s'empresser, s'enhardir, s'émouvoir : Il va venir enfin vers l'âme inassouvie L'Eros aux bras ouverts qui dit : « Je suis la vie ! » Qui dit : « Je suis le sens des instants et des mois, Touchez-moi, goûtez-moi, mes sœurs, respirez-moi ! Je suis le bord, la fin et le milieu du monde, Une eau limpide court dans ma bouche profonde, L'énigme universelle est clarté dans mes yeux, Je suis le goût brûlant du sang délicieux, Tout afflue à mon cœur, tout passe par mon crible, Je suis le ciel certain, l'espace intelligible, L'orgueil chantant et nu, l'absence de remords, Et le danseur divin qui conduit à la mort... »

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    Ô suave ami périssable Ô suave ami périssable, Tu ne pourras laisser de traces Que le temps mobile n'efface Comme fait le vent sur les sables ! Tes doux jeux, charmants, éphémères, Sont faits d'écume et d'âme amère. Et cependant, quoi que tu fasses, Il restera que je t'aimais, Que j'ai dit ta grâce à l'espace, Et penché sur tes yeux ma face Où le soleil se résumait  !

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