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Aristide Bruant

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Poésies

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    Aristide Bruant

    @aristideBruant

    À la bastoche Il était né près du canal, Par là... dans l’ quartier d’ l’Arsenal, Sa maman, qu’avait pas d’ mari, L’appelait son petit Henri... Mais on l’appelait la Filoche, À la Bastoche. I’ n’ faisait pas sa société Du géni’ de la liberté, I’ n’était pas républicain, Il était l’ami du Rouquin Et le p’tit homme à la Méloche, À la Bastoche. À c’tte époqu’-là, c’était l’ bon temps : La Méloche avait dix-huit ans, Et la Filoche était rupin : Il allait des fois, en sapin, Il avait du jonc dans sa poche, À la Bastoche. Mais ça peut pas durer toujours, Après la saison des amours C’est la mistoufe et, ben souvent, Faut s’ les caler avec du vent... Filer la comète et la cloche À la Bastoche. Un soir qu’i’ n’avait pas mangé, Qu’i’ rôdait comme un enragé ; Il a, pour barboter l’ quibus D’un conducteur des Omnibus, Crevé la panse et la sacoche, À la Bastoche. Et sur la bascule à Charlot, Il a payé sans dire un mot : À la Roquette un beau matin, Il a fait voir, à ceux d’ Pantin, Comment savait mourir un broche De la Bastoche ! Il était né près du canal, Par là... dans l’ quartier d’ l’Arsenal, Sa maman, qu’avait pas d’ mari, L’appelait son petit Henri... Mais on l’appelait la Filoche, À la Bastoche.

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    Rose blanche Alle avait, sous sa toque d’ martre, Sur la butt’ Montmartre, Un p’tit air innocent ; On l’app’lait Rose, alle était belle, A sentait bon la fleur nouvelle, Ru’ Saint-Vincent. All’ n’avait pas connu son père, A n’avait pas d’mère, Et depuis mil neuf cent, A d’meurait chez sa vieille aïeule Où qu’a s’él’vait, comm’ ça, tout’ seule, Ru’ Saint-Vincent. A travaillait, déjà, pour vivre, Et les soirs de givre, Sous l’ froid noir et glaçant, Son p’tit fichu sur les épaules, A rentrait, par la ru’ des Saules, Ru’ Saint-Vincent. A voyait, dans les nuits d’ gelée, La nappe étoilée, Et la lune, en croissant, Qui brillait, blanche et fatidique, Sur la p’tit’ croix d’ la basilique, Ru’ Saint-Vincent. L’été, par les chauds crépuscules, A rencontré Jules Qu’était si caressant Qu’a restait, la soirée entière, Avec lui, près du vieux cimetière, Ru’ Saint-Vincent. Mais le p’tit Jul’ était d’ la tierce Qui soutient la gerce, Aussi, l’adolescent Voyant qu’a n’ marchait pas au pante, D’un coup d’ surin lui troua l’ ventre, Ru’ Saint-Vincent. Quand ils l’ont couché’ sous la planche, Alle était tout’ blanche Mêm’ qu’en l’ensev’lissant, Les croqu’-morts disaient qu’la pauv’ gosse Était claqué’ l’ jour de sa noce, Ru’ Saint-Vincent.

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    Au bois d’Boulogne Quand on cherche un’ femme à Paris, Maint’nant, même en y mettant l’prix, On n’rencontre plus qu’des débris Ou d’la charogne ; Mais pour trouver c’qu’on a besoin, Il existe encore un bon coin, C’est au bout d’Paris... pas bien loin : Au Bois d’Boulogne. C’est un bois qu’est vraiment rupin : Quand on veut faire un bon chopin, On s’y fait traîner en sapin Et sans vergogne, On choisit tout au long du bois, Car y a que d’la grenouill’ de choix ! Et y a même des gonzess’s de rois !! Au Bois d’Boulogne. Y’en a des tas, y en a d’partout : De la Bourgogne et du Poitou, De Nanterre et de Montretout, Et d’la Gascogne ; De Pantin, de Montmorency, De là, d’où, d’ailleurs ou d’ici, Et tout ça vient faire son persil Au Bois d’Boulogne. Ça poudroi’, ça brille et ça r’luit, Ça fait du train, ça fait du bruit, Ça roul’, ça passe et ça s’enfuit ! Ça cri’, ça grogne ! Et tout ça va se r’miser, l’soir À l’écurie ou dans l’boudoir... Puis la nuit tapiss’ tout en noir Au Bois d’Boulogne. Alors c’est l’heur’ du rendez-vous Des purotins et des filous, Et des escarp’ et des marlous Qu’ont pas d’besogne, Et qui s’en vont, toujours par trois, Derrièr’ les vieux salauds d’bourgeois, Leur fair’ le coup du pèr’ François Au Bois d’Boulogne.

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    Fantaisie triste I’ bruinait… L’temps était gris, On n’voyait pus l’ciel… L’atmosphère, Semblant suer au d’ssus d’Paris, Tombait en bué’ su’ la terre. I’ soufflait quéqu’chose… on n’sait d’où, C’était ni du vent ni d’la bise, Ça glissait entre l’col et l’cou Et ça glaçait sous not’ chemise. Nous marchions d’vant nous, dans l’brouillard, On distinguait des gens maussades, Nous, nous suivions un corbillard Emportant l’un d’nos camarades. Bon Dieu ! qu’ça faisait froid dans l’dos ! Et pis c’est qu’on n’allait pas vite ; La moell’ se figeait dans les os, Ça puait l’rhume et la bronchite. Dans l’air y avait pas un moineau, Pas un pinson, pas un’ colombe, Le long des pierr’ i’ coulait d’l’eau, Et ces pierr’s-là… c’était sa tombe. Et je m’disais, pensant à lui Qu’j’avais vu rire au mois d’septembre Bon Dieu ! qu’il aura froid c’tte nuit ! C’est triste d’mourir en décembre. J’ai toujours aimé l’bourguignon, I’ m’sourit chaqu’ fois qu’i’ s’allume ; J’voudrais pas avoir le guignon D’m’en aller par un jour de brume.

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    Le chant des canuts Pour chanter Veni Creator Il faut avoir chasuble d'or4. Pour chanter Veni Creator Il faut avoir chasuble d'or4. Nous en tissons pour vous, grands de l'Église, Et nous, pauvres canuts, n'avons pas de chemise. C'est nous les canuts, Nous sommes tout nus. Pour gouverner il faut avoir Manteaux et rubans en sautoir. Pour gouverner il faut avoir Manteaux et rubans en sautoir5. Nous en tissons pour vous, grands de la terre, Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre. C'est nous les canuts, Nous allons tout nus6. Mais notre règne arrivera Quand votre règne finira Mais notre règne arrivera Quand votre règne finira : Nous tisserons le linceul du vieux monde Car on entend déjà la tempête qui gronde. C'est nous les canuts, Nous sommes tout nus.

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    Le Chat noir La lune était sereine Quand sur le boulevard, Je vis poindre Sosthène Qui me dit : Cher Oscar ! D’ou viens-tu, vieille branche ? Moi, je lui répondis : C’est aujourd’hui dimanche, Et c’est demain lundi... Refrain Je cherche fortune, Autour du Chat Noir, Au clair de la lune, À Montmartre ! Je cherche fortune ; Autour du Chat Noir, Au clair de la lune, À Montmartre, le soir. La lune était moins claire, Lorsque je rencontrai Mademoiselle Claire À qui je murmurai : Comment vas-tu, la belle ? – Et Vous ? – Très bien, merci. – À propos, me dit-elle, Que cherchez-vous, ici ? (au refrain) La lune était plus sombre, En haut les chats braillaient, Quand j’aperçus, dans l’ombre, Deux grands yeux qui brillaient. Une voix de rogomme Me cria : Nom d’un chien ! Je vous y prends, jeune homme, Que faites-vous ? – Moi... rien... (au refrain) La lune était obscure, Quand on me transborda Dans une préfecture, Où l’on me demanda : Êtes-vous journaliste, Peintre, sculpteur, rentier, Poète ou pianiste ?... Quel est votre métier ?

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    Les loupiots C’est les petits des grandes villes, Les petits aux culs mal lavés, Contingents des guerres civiles Qui poussent entre les pavés. Sans gâteaux, sans joujoux, sans fringues, Et quelquefois sans pantalons, Ils vont dans les vieilles redingues Qui leur tombent sur les talons. Ils traînent, dans des philosophes, Leurs petits pieds endoloris, Serrés dans de vagues étoffes... Chaussettes russes de Paris ! Ils se réchauffent dans les bouges Noircis par des quinquets fumeux, Avec des bandits et des gouges Qui furent des loupiots comme eux. Ils naissent au fond des impasses, Et dorment dans les lits communs Où les daronnes font des passes Avec les autres et les uns... Mais ces chérubins faméliques, Qui vivent avec ces damnés Ont de longs regards angéliques, Dans leurs grandes châsses étonnées. Et, quand ils meurent dans ces fanges, Ils vont, tout droit, au paradis, Car ces petits-là sont les anges Des ruelles et des taudis. C’est les petits des grandes villes Les petits aux culs mal lavés, Contingents des guerres civiles Qui poussent entre les pavés.

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    Philosophie Va, mon vieux, va comme j’te pousse, À gauche, à doit’, va, ça fait rien, Va, pierr’ qui roule amass’ pas mousse, J’ m’appell’ pas Pierre et je l’ sais bien. Quand j’étais p’tit j’ m’app’lais Émile, À présent on m’appelle Éloi ; Va, mon vieux, va, n’ te fais pas d’ bile, T’es dans la ru’, va, t’es chez toi. Va, mon vieux, pouss’-toi d’ la ballade En attendant l’ jour d’aujord’hui, Va donc, ya qu’ quand on est malade Qu’on a besoin d’ pioncer la nuit ; Tu t’ portes ben, toi, t’as d’ la chance, Tu t’ fous d’ la chaud, tu t’ fous d’ la foid, Va, mon vieux, fais pas d’ rouspétance, T’es dans la ru’, va, t’es chez toi. De quoi donc ?... on dirait d’un merle, Ej’ viens d’entende un coup d’ sifflet !... Mais non, c’est moi que j’ lâche eun’ perle, Sortez donc, Monsieur, s’i’ vous plaît... Ah ! mince, on prend des airs de flûte, On s’ régal’ d’un p’tit quant-à-soi... Va, mon vieux, pèt’ dans ta culbute, T’es dans la ru’, va, t’es chez toi. D’abord ej’ comprends pas qu’on s’ gêne, Ej’ suis ami d’ la liberté, J’ fais pas ma Sophi’, mon Ugène, Quand ej’ pète, ej’ dis : j’ai pété. Et pis nous somm’ en République, On n’est pus su’ l’ pavé du roi ; Va, va, mon vieux, va, pouss’ ta chique, T’es dans la ru’, va, t’es chez toi.

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    Plus de patron J’suis républicain socialisse, Compagnon, radical ultra, Revolutionnaire, anarchisse, Eq’ caetera... Eq’ caetera... Aussi j’vas dans tous les métingues, Jamais je n’rate un’ réunion, Et j’pass’ mon temps chez les mann’zingues Oùsqu’on prêch’ la révolution. C’est vrai que j’comprends pas grand’chose À tout c’qu’y dis’nt les orateurs, Mais j’sais qu’i’s parl’nt pour la bonne cause Et qu’i’s tap’nt su’ les exploiteurs. Pourvu qu’on chine l’ministère, Qu’on engueul’ d’Aumale et Totor Et qu’on parl’ de fout’ tout par terre !... J’applaudis d’achar et d’autor. C’est d’un’ simplicité biblique D’abord faut pus d’gouvernement, Pis faut pus non pus d’ République, Pus d’ Sénat et pus d’ Parlement, Pus d’ salauds qui vit à sa guise, Pendant qu’ nous ont un mal de chien... Pus d’ lois, pus d’armé’, pus d’église, Faut pus d’ tout ça... faut pus de rien ! Alors c’est nous qui s’ra les maîtres, C’est nous qui f’ra c’que nous voudrons, Yaura pus d’ chefs, pus d’ contremaîtres, Pus d’ directeurs et pus d’ patrons ! Minc’ qu’on pourra tirer sa flemme, On f’ra tous les jours el’ lundi ! Oui... mais si n’y a pus d’ latronspème, Qui qui f’ra la paye l’ sam’di ?

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    À la place Maubert Je m’demande à quoi qu’on songe En prolongeant la ru’ Monge, À quoi qu’ ça nous sert Des esquar’s, des estatues, Quand on démolit nos rues, À la Plac’ Maubert ? L’été nous étions à l’ombre, C’était coquet, c’était sombre, Quand l’ soleil, l’hiver, Inondait la capitale, L’ jour était encor’ pus sale, À la Plac’ Maubert. Quand on n’avait pas d’ marmite, On bouffait chez l’ pèr’ Lafrite Pour un peu d’auber ; Le soir on l’vait eun’ pétasse... Un choléra sans limace, À la Plac’ Maubert Pour trois ronds chez l’ pèr’ Lunette, Où qu’ chantait la môm’ Toinette, On s’ payait l’ concert ; Pour six ronds au Château-Rouge, On sorguait avec sa gouge, À la Plac’ Maubert. Aussi, bon Dieu ! j’ vous l’ demande, Quand yaura pus d’ ru’ Galande, Pus d’Hôtel Colbert, Oùsque vous voulez qu’i’s aillent Les purotins qui rouscaillent, À la Plac’ Maubert ? Qu’on leur foute au moins des niches, Comme on en fout aux caniches, Qu’i’s soy’ à couvert Sous quéqu’ chos’ qui les abrite Quand i’s trouveront pus d’ gîte, À la Plac’ Maubert. Car quand i’s r’fil’ront la cloche, I’s auront tous dans leur poche El’ surin ouvert, Et c’ jour-là, mes camarluches, La nuit gare aux laqu’reauxmuches De la Plac’ Maubert.

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    À Montpernasse Alle avait pus ses dix-huit ans, All’ ’tait pus jeune d’puis longtemps, Mais a faisait encor’ la place, À Montpernasse. En la voyant on savait pas Si c’était d’ la viande ou du gras Qui ballottait su’ sa surface, À Montpernasse. Alle avait quéqu’s cheveux graisseux, Perdus dan’ un filet crasseux Qu’ avait vieilli su’ sa tignasse, À Montpernasse. Alle avait eun’ robe d’ reps noir, L’ matin ça y servait d’ peignoir, La nuit ça y servait d’ limace, À Montpernasse. A travaillait sans aucun goût ; Des fois a faisait rien du tout, Pendant qu’ j’étais dans la mélasse, À Montpernasse. En vieillissant a gobait l’ vin, Et quand j’ la croyais au turbin, L’ soir, a s’enfilait d’ la vinasse, À Montpernasse. Pour boire a m’ trichait su’ l’ gâteau, C’est pour ça qu’ j’y cardais la peau Et que j’y ai crevé la paillasse, À Montpernasse. Depuis que j’ l’ai pus j’ me fais vieux, Et pendant qu’a m’attend aux cieux, J’ rends quéqu’s servic’ à Camescasse, À Montpernasse.

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    À Saint-Lazare C’est d’la prison que j’t’écris, Mon pauv’ Polyte, Hier je n’sais pas c’qui m’a pris, À la visite C’est des maladies qui s’voient pas Quand ça s’déclare, N’empêche qu’aujourd’hui j’suis dans l’tas... À Saint-Lazare ! Mais pendant c’temps-là, toi, vieux chien, Qué qu’tu vas faire ? Je n’peux t’envoyer rien de rien, C’est la misère Ici tout l’monde est décavé, La braise est rare Faut trois mois pour faire un linvé, À Saint-Lazare ! Vrai, d’te savoir comm’ça, sans l’sou, Je m’fais un’ bile ! T’es capab’ de faire un sal’coup, J’suis pas tranquille. T’as trop d’fierté pour ramasser Des bouts d’cigare, Pendant tout l’temps que j’vas passer, À Saint-Lazare ! Va-t-en trouver la grand’ Nana, Dis que j’la prie D’casquer pour moi, j’y rendrai ça À ma sortie. Surtout n’y fais pas d’boniments, Pendant qu’je m’marre Et que j’bois des médicaments, À Saint-Lazare ! Et pis, mon p’tit loup, bois pas trop, Tu sais qu’t’es teigne, Et qu’quand t’as un p’tit coup d’sirop Tu fous la beigne ; Si tu t’faisais coffrer, un soir, Dans une bagarre, Y a pus personne qui viendrait m’voir À Saint-Lazare ! J’finis ma lettre en t’embrassant, Adieu, mon homme Malgré qu’tu soy’ pas caressant, Ah ! J’t’adore comme J’adorais l’bon Dieu comme papa, Quand j’étais p’tite, Et qu’j’allais communier à Saint’-Marguerite.

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