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Charles Marie René Leconte de Lisle

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    Le baiser suprême Sur un groupe du Statuaire E. Christophe. Heureux qui, possédant la Chimère éternelle, Livre au Monstre divin un cœur ensanglanté, Et savoure, pour mieux s'anéantir en elle, L'extase de la mort et de la volupté Dans l'éclair d'un baiser qui vaut l'éternité !

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    Le dernier souvenir J'ai vécu, je suis mort. - Les yeux ouverts, je coule Dans l'incommensurable abîme, sans rien voir, Lent comme une agonie et lourd comme une foule. Inerte, blême, au fond d'un lugubre entonnoir Je descends d'heure en heure et d'année en année, À travers le Muet, l'Immobile, le Noir. Je songe, et ne sens plus. L'épreuve est terminée. Qu'est-ce donc que la vie ? Étais-je jeune ou vieux ? Soleil ! Amour ! - Rien, rien. Va, chair abandonnée ! Tournoie, enfonce, va ! Le vide est dans tes yeux, Et l'oubli s'épaissit et t'absorbe à mesure. Si je rêvais ! Non, non, je suis bien mort. Tant mieux. Mais ce spectre, ce cri, cette horrible blessure ? Cela dut m'arriver en des temps très anciens. Ô nuit ! Nuit du néant, prends-moi ! - La chose est sûre : Quelqu'un m'a dévoré le coeur. Je me souviens.

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    Les raisons du Saint-Père La nuit enveloppait les sept Monts et la Plaine. Dans l'oratoire clos, le Pape Innocent trois. Mains jointes, méditait, vêtu de blanche laine Ou se détachait l'or pectoral de la Croix. Du dôme surbaissé, seule, une lampe antique, Argile suspendue au grêle pendentif, Éclairait çà et là le retrait ascétique Et le visage osseux du Saint-Père pensif. Or, tandis qu'il songeait, paupières mi-fermées Sous les rudes sourcils froncés sévèrement De splendides lueurs et de myrrhe embaumées Emplirent l'oratoire en un même moment. Laissant pendre à plis droits sa robe orientale, Un spectre douloureux, blâme, aux longs cheveux roux En face du grand Moine immobile en sa stalle Se dressa, mains et pieds nus et percés de trous. Comme un bandeau royal, l'épais réseau d'épines, D'où les gouttes d'un sang noir ruisselaient encor. Se tordait tout autour de ses tempes divines Sous les reflets épars de l'auréole d'or. Et ce Spectre debout dans sa majesté grave, Hôte surnaturel, toujours silencieux, Sur l'Élu des Romains et du sacré Conclave Epanchait la tristesse auguste de ses yeux. Mais le Pape, devant ce fantôme sublime Baigné d'un air subtil fait d'aurore et d'azur, Sans terreur ni respect de la sainte Victime, Lui dit, la contemplant d'un regard froid et dur : — Est-ce toi, Rédempteur de la Chute première ? Que nous veux-tu ? Pourquoi redescendre ici-bas, Hors de ton Paradis de paix et de lumière, Dans l'Occident troublé que tu ne connais pas ? N'aurais-tu délaissé l'éternelle Demeure Que pour blâmer notre œuvre et barrer nos chemins, Et pour nous arracher brusquement, avant l'heure, Le pardon de la bouche et le glaive des mains ? Ne noua as-tu pas dit, Martyr expiatoire : Allez, dispersez-vous parmi les nations Liez et déliez, et forcez-les de croire, Et paissez le troupeau des génération ? Les âmes, te sachant trop haut et trop loin d'elles, Erraient à tous les vents, sans guide et sans vertu. La faute n'en est pas à nous, tes seuls fidèles. Ce qui dut arriver, Maître, l'ignorais-tu ? La Barque du Pêcheur, sous le fouet des tempêtes, Et près de s'engloutir, n'espérant plus en toi ; Et l'aveugle Hérésie, hydre au millier de têtes, Déchirant l'Unité naissante de la Foi ; Et sans cesse, pendant plus de trois cents années. Le torrent débordé des peuples furieux Se ruant, s'écroulant par masses forcenées Du noir Septentrion d'où les chassaient leurs Dieux. Fallait-il donc, soumis aux promesses dernières D'un retour triomphal toujours inaccompli, Tendre le col au joug et le dos aux lanières, Ramper dans notre fange et finir dans l'oubli ? Souviens-toi de Celui qui, de son aile sombre, T'emporta sur le Mont de l'Épreuve, et parla, Disant : — Nazaréen ! Vois ces races sans nombre ! Si tu veux m'adorer, je te donne cela. Je suis l'Esprit vengeur qui rompt les vieilles chaînes, Le Lutteur immortel, vainement foudroyé, Qui sous la lourd fardeau des douleurs et des haines Ne s'arrête jamais et n'a jamais ployé. Fils de l'homme ! Je fais libre et puissant qui m'aime. Réponds. Veux-tu l'Empire et régner en mon nom, Sachant tout, invincible et grand comme moi-même ? — Ô Rédempteur, et Toi, tu lui répondis : Non ! Pourquoi refusais-tu, dans ton orgueil austère, De soustraire le monde aux sinistres hasards ? Pour fonder la Justice éternelle sur terre, Que ne revêtais-tu la pourpre des Césars ? Non, tu voulus tarir le fiel de ton calice ; Et voici que, cloué sous le ciel vide et noir, Trahi, sanglant, du haut de l'infâme supplice. Ton dernier soupir fut un cri de désespoir ! Car tu doutas, Jésus, de ton œuvre sacrée, Et l'homme périssable et son martyre vain Gémirent à la fois dans ta chair déchirée Quand la mort balaya le mirage divin. Mais nous, tes héritiers tenaces, sans Relâche, De siècle en siècle, par la parole et le feu, Rusant avec le fort, terrifiant le lâche, Du fils du Charpentier nous avons fait un Dieu ! Au pied de ton gibet le stupide Barbare À prosterné par nous son front humilié ; Le denier du plus pauvre et l'or du plus avare Ont dressé ton autel partout multiplié. Comme un vent orageux chasse au loin la poussière, Pour délivrer la tombe où tu n'as laissé rien, Nous avons déchaîné la horde carnassière Des peuples et des rois sur l'Orient païen. Vois ! La nuit se dissipe à nos bûchers en flammes, La mauvaise moisson gît au tranchant du fer ; Et, mêlant l'espérance à la terreur des âmes, Nous leur montrons le Ciel en allumant l'Enfer. Et tu nous appartiens, Jésus ! Et, d'âge en âge, Sur la terre conquise élargissant nos bras, Dans l'anathème et dans les clameurs du carnage, Quand nos voix s'entendront, c'est Toi qui parleras ! Ô Christ ! Et c'est ainsi que, réformant ton rêve, Connaissant mieux que toi la vile humanité, Nous avons pris la pourpre et les Clefs et le Glaive, Et nous t'avons donné le monde épouvanté. Mais, arrivés d'hier à ce glorieux faite. Il reste à supprimer l'hérétique pervers ! Ne viens donc pas troubler l'œuvre bientôt parfaite Et rompre le filet jeté sur l'univers. Dans le sang de l'impie, au bruit des saints cantiques, Laisse agir notre Foi, ne nous interromps plus ; Retourne et règne en paix dans les hauts cieux mystiques, Jusqu'à l'épuisement des siècles révolus. Car, aussi bien, un jour, dussions-nous disparaître, Submergés par les flots d'un monde soulevé, Grâce à nous, pour jamais, tu resteras, ô Maître, Un Dieu, le dernier Dieu que l'homme aura rêvé. — Le Saint-Père se tut, prit sa croix pectorale Qu'il baisa par trois fois avec recueillement, Et se signa du pouce. Et l'Image spectrale De ce qui fut le Christ s'effaça lentement.

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    Juin Les prés ont une odeur d’herbe verte et mouillée, Un frais soleil pénètre en l’épaisseur des bois, Toute chose étincelle, et la jeune feuillée Et les nids palpitants s’éveillent à la fois. Les cours d’eau diligents aux pentes des collines Ruissellent, clairs et gais, sur la mousse et le thym ; Ils chantent au milieu des buissons d’aubépines Avec le vent rieur et l’oiseau du matin. Les gazons sont tout pleins de voix harmonieuses, L’aube fait un tapis de perles aux sentiers, Et l’abeille, quittant les prochaines yeuses, Suspend son aile d’or aux pâles églantiers. Sous les saules ployants la vache lente et belle Paît dans l’herbe abondante au bord des tièdes eaux ; La joug n’a point encor courbé son cou rebelle, Une rose vapeur emplit ses blonds naseaux. Et par delà le fleuve aux deux rives fleuries Qui vers l’horizon bleu coule à travers les prés, Le taureau mugissant, roi fougueux des prairies, Hume l’air qui l’enivre, et bat ses flancs pourprés. La Terre rit, confuse, à la vierge pareille Qui d’un premier baiser frémit languissamment, Et son oeil est humide et sa joue est vermeille, Et son âme a senti les lèvres de l’amant. O rougeur, volupté de la Terre ravie ! Frissonnements des bois, souffles mystérieux ! Parfumez bien le coeur qui va goûter la vie, Trempez-le dans la paix et la fraîcheur des cieux ! Assez tôt, tout baignés de larmes printanières, Par essaims éperdus ses songes envolés Iront brûler leur aile aux ardentes lumières Des étés sans ombrage et des désirs troublés. Alors inclinez-lui vos coupes de rosée, O fleurs de son Printemps, Aube de ses beaux jours ! Et verse un flot de pourpre en son âme épuisée, Soleil, divin Soleil de ses jeunes amours !

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    La coupe Prends ce bloc d’argent, adroit ciseleur. N’en fais point surtout d’arme belliqueuse, Mais bien une coupe élargie et creuse Où le vin ruisselle et semble meilleur. Ne grave à l’entour Bouvier ni Pléiades, Mais le choeur joyeux des belles Mainades, Et l’or des raisins chers à l’oeil ravi, Et la verte vigne, et la cuve ronde Où les vendangeurs foulent à l’envi, De leurs pieds pourprés, la grappe féconde. Que j’y voie encore Evoé vainqueur, Aphrodite, Éros et les Hyménées, Et sous les grands bois les vierges menées La verveine au front et l’amour au coeur !

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    La mort du soleil Le vent d’automne, aux bruits lointains des mers pareil, Plein d’adieux solennels, de plaintes inconnues, Balance tristement le long des avenues Les lourds massifs rougis de ton sang, ô soleil ! La feuille en tourbillons s’envole par les nues ; Et l’on voit osciller, dans un fleuve vermeil, Aux approches du soir inclinés au sommeil, De grands nids teints de pourpre au bout des branches nues. Tombe, Astre glorieux, source et flambeau du jour ! Ta gloire en nappes d’or coule de ta blessure, Comme d’un sein puissant tombe un suprême amour. Meurs donc, tu renaîtras ! L’espérance en est sûre. Mais qui rendra la vie et la flamme et la voix Au cœur qui s’est brisé pour la dernière fois ?

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    La vipère Si les chastes amours avec respect louées Éblouissent encor ta pensée et tes yeux, N’effleure point les plis de leurs robes nouées, Garde la pureté de ton rêve pieux. Ces blanches visions, ces vierges que tu crées Sont ta jeunesse en fleur épanouie au ciel ! Verse à leurs pieds le flot de tes larmes sacrées, Brûle tous tes parfums sur leur mystique autel. Mais si l’amer venin est entré dans tes veines, Pâle de volupté pleurée et de langueur, Tu chercheras en vain un remède à tes peines : L’angoisse du néant te remplira le coeur. Ployé sous ton fardeau de honte et de misère, D’un exécrable mal ne vis pas consumé : Arrache de ton sein la mortelle vipère, Ou tais-toi, lâche, et meurs, meurs d’avoir trop aimé !

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    Le colibri Le vert colibri, le roi des collines, Voyant la rosée et le soleil clair Luire dans son nid tissé d’herbes fines, Comme un frais rayon s’échappe dans l’air. Il se hâte et vole aux sources voisines Où les bambous font le bruit de la mer, Où l’açoka rouge, aux odeurs divines, S’ouvre et porte au cœur un humide éclair. Vers la fleur dorée il descend, se pose, Et boit tant d’amour dans la coupe rose, Qu’il meurt, ne sachant s’il l’a pu tarir. Sur ta lèvre pure, ô ma bien-aimée, Telle aussi mon âme eût voulu mourir Du premier baiser qui l’a parfumée !

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    Le portrait Toi que Rhode entière a couronné roi Du bel art de peindre, Artiste, entends-moi. Fais ma bien-aimée et sa tresse noire Où la violette a mis son parfum, Et l’arc délié de ce sourcil brun Qui se courbe et fuit sous un front d’ivoire. Surtout, Rhodien, que son oeil soit bleu Comme l’onde amère et profond comme elle, Qu’il charme à la fois et qu’il étincelle, Plein de volupté, de grâce et de feu ! Fais sa joue en fleur et sa bouche rose, Et que le désir y vole et s’y pose ! Pour mieux soutenir le carquois d’Éros, Que le cou soit ferme et l’épaule ronde ! Qu’une pourpre fine, agrafée au dos, Flottante, et parfois entr’ouverte, inonde Son beau corps plus blanc que le pur Paros ! Et sur ses pieds nus aux lignes si belles, Adroit Rhodien, entrelace encor Les noeuds assouplis du cothurne d’or, Comme tu ferais pour les Immortelles !

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    Le sacrifice Rien ne vaut sous les cieux l’immortelle Liqueur, Le Sang sacré, le Sang triomphal, que la Vie, Pour étancher sa soif toujours inassouvie, Nous verse à flots brûlants qui jaillissent du cœur. Jusqu’au ciel idéal dont la hauteur l’accable, Quand l’Homme de ses Dieux voulut se rapprocher, L’holocauste sanglant fuma sur le bûcher Et l’odeur en monta vers la nue implacable. Domptant la chair qui tremble en ses rébellions, Pour offrir à son Dieu sa mort expiatoire, Le Martyr se couchait, sous la dent des lions, Dans la pourpre du sang comme en un lit de gloire. Mais si le ciel est vide et s’il n’est plus de Dieux, L’amère volupté de souffrir reste encore, Et je voudrais, le cœur abîmé dans ses yeux, Baigner de tout mon sang l’autel où je l’adore !

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    Le soir d’une bataille Tels que la haute mer contre les durs rivages, À la grande tuerie ils se sont tous rués, Ivres et haletants, par les boulets troués, En d’épais tourbillons pleins de clameurs sauvages. Sous un large soleil d’été, de l’aube au soir, Sans relâche, fauchant les blés, brisant les vignes, Longs murs d’hommes, ils ont poussé leurs sombres lignes Et là, par blocs entiers, ils se sont laissés choir. Puis ils se sont liés en étreintes féroces, Le souffle au souffle uni, l’œil de haine chargé. Le fer d’un sang fiévreux à l’aise s’est gorgé ; La cervelle a jailli sous la lourdeur des crosses. Victorieux, vaincus, fantassins, cavaliers, Les voici maintenant, blêmes, muets, farouches, Les poings fermés, serrant les dents, et les yeux louches, Dans la mort furieuse étendus par milliers. La pluie, avec lenteur lavant leurs pâles faces, Aux pentes du terrain fait murmurer ses eaux ; Et par la morne plaine où tourne un vol d’oiseaux Le ciel d’un soir sinistre estompe au loin leurs masses. Tous les cris se sont tus, les râles sont poussés. Sur le sol bossué de tant de chair humaine, Aux dernières lueurs du jour on voit à peine Se tordre vaguement des corps entrelacés ; Et là-bas, du milieu de ce massacre immense, Dressant son cou roidi, percé de coups de feu, Un cheval jette au vent un rauque et triste adieu Que la nuit fait courir à travers le silence. Ô boucherie ! ô soif du meurtre ! acharnement Horrible ! odeur des morts qui suffoques et navres ! Soyez maudits devant ces cent mille cadavres Et la stupide horreur de cet égorgement. Mais, sous l’ardent soleil ou sur la plaine noire, Si, heurtant de leur cœur la gueule du canon, Ils sont morts, Liberté, ces braves, en ton nom, Béni soit le sang pur qui fume vers ta gloire !

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    Le vase Reçois, pasteur des boucs et des chèvres frugales, Ce vase enduit de cire, aux deux anses égales. Avec l’odeur du bois récemment ciselé, Le long du bord serpente un lierre entremêlé D’hélichryse aux fruits d’or. Une main ferme et fine A sculpté ce beau corps de femme, œuvre divine, Qui du péplos ornée, et le front ceint de fleurs, Se rit du vain amour des amants querelleurs. Sur ce roc où le pied parmi les algues glisse, Traînant un long filet vers la mer glauque et lisse, Un pêcheur vient en hâte, et bien que vieux et lent, Ses muscles sont gonflés d’un effort violent. Une vigne, non loin, lourde de grappes mûres, Ploie. Un jeune garçon, assis sous les ramures, La garde. Deux renards arrivent de côté Et mangent le raisin par la pampre abrité ; Tandis que l’enfant tresse, avec deux pailles frêles Et des brins de jonc vert, un piège à sauterelles. Enfin, autour du vase et du socle dorien Se déploie en tous sens l’acanthe corinthien. J’ai reçu ce chef-d’œuvre, au prix, et non sans peine, D’un grand fromage frais et d’une chèvre pleine. Il est à toi, berger, dont les chants sont plus doux Qu’une figue d’Ægile, et rendent Pan jaloux.

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    Les oiseaux de proie Je m’étais assis sur la cime antique Et la vierge neige, en face des Dieux ; Je voyais monter dans l’air pacifique La procession des Morts glorieux. La Terre exhalait le divin cantique Que n’écoute plus le siècle oublieux, Et la chaîne d’or du Zeus homérique D’anneaux en anneaux l’unissait aux cieux. Mais, ô Passions, noirs oiseaux de proie, Vous avez troublé mon rêve et ma joie : Je tombe du ciel, et n’en puis mourir ! Vos ongles sanglants ont dans mes chairs vives Enfoncé l’angoisse avec le désir, Et vous m’avez dit : – Il faut que tu vives. –

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    Paysage polaire Un monde mort, immense écume de la mer, Gouffre d’ombre stérile et de lueurs spectrales, Jets de pics convulsifs étirés en spirales Qui vont éperdument dans le brouillard amer. Un ciel rugueux roulant par blocs, un âpre enfer Où passent à plein vol les clameurs sépulcrales, Les rires, les sanglots, les cris aigus, les râles Qu’un vent sinistre arrache à son clairon de fer. Sur les hauts caps branlants, rongés des flots voraces, Se roidissent les Dieux brumeux des vieilles races, Congelés dans leur rêve et leur lividité ; Et les grands ours, blanchis par les neiges antiques, Çà et là, balançant leurs cous épileptiques, Ivres et monstrueux, bavent de volupté.

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    À Victor Hugo Dors, Maître, dans la paix de ta gloire ! Repose, Cerveau prodigieux, d’où, pendant soixante ans, Jaillit l’éruption des concerts éclatants ! Va ! La mort vénérable est ton apothéose : Ton Esprit immortel chante à travers les temps. Pour planer à jamais dans la Vie infinie, Il brise comme un Dieu les tombeaux clos et sourds, Il emplit l’avenir des Voix de ton génie, Et la terre entendra ce torrent d’harmonie Rouler de siècle en siècle en grandissant toujours !

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    Le rêve du jaguar Sous les noirs acajous, les lianes en fleur, Dans l'air lourd, immobile et saturé de mouches, Pendent, et, s'enroulant en bas parmi les souches, Bercent le perroquet splendide et querelleur, L'araignée au dos jaune et les singes farouches. C'est là que le tueur de bœufs et de chevaux, Le long des vieux troncs morts à l'écorce moussue, Sinistre et fatigué, revient à pas égaux. Il va, frottant ses reins musculeux qu'il bossue ; Et, du mufle béant par la soif alourdi, Un souffle rauque et bref, d'une brusque secousse, Trouble les grands lézards, chauds des feux de midi, Dont la fuite étincelle à travers l'herbe rousse. En un creux du bois sombre interdit au soleil Il s'affaisse, allongé sur quelque roche plate ; D'un large coup de langue il se lustre la patte ; Il cligne ses yeux d'or hébétés de sommeil ; Et, dans l'illusion de ses forces inertes, Faisant mouvoir sa queue et frissonner ses flancs, Il rêve qu'au milieu des plantations vertes, Il enfonce d'un bond ses ongles ruisselants Dans la chair des taureaux effarés et beuglants.

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    Midi Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine, Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu. Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine ; La Terre est assoupie en sa robe de feu.

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    Aux Morts Après l'apothéose après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l'humble arbrisseau ; Vous dont nul n'a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d'un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si, quand l'immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d'un noir mystère, L'irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers !

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    La tristesse du diable Silencieux, les poings aux dents, le dos ployé, Enveloppé du noir manteau de ses deux ailes, Sur un pic hérissé de neiges éternelles, Une nuit, s'arrêta l'antique Foudroyé. La terre prolongeait en bas, immense et sombre. Les continents battus par la houle des mers ; Au-dessus flamboyait le ciel plein d'univers ; Mais Lui ne regardait que l'abîme de l'ombre. Il était là, dardant ses yeux ensanglantés Dans ce gouffre où la vie amasse ses tempêtes, Où le fourmillement des hommes et des bêtes Pullule sous le vol des siècles irrités. Il entendait monter les hosannas serviles, Le cri des égorgeurs, les Te Deum des rois, L'appel désespéré des nations en croix Et des justes râlant sur le fumier des villes. Ce lugubre concert du mal universel, Aussi vieux que le monde et que la race humaine, Plus fort, plus acharné, plus ardent que sa haine, Tourbillonnait autour du sinistre Immortel. Il remonta d'un bond vers les temps insondables Où sa gloire allumait le céleste matin, Et, devant la stupide horreur de son destin, Un grand frisson courut dans ses reins formidables. Et se tordant les bras, et crispant ses orteils, Lui, le premier rêveur, la plus vieille victime, Il cria par delà l'immensité sublime

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    À un poète mort Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière, De la couleur divine au contour immortel Et de la chair vivante à la splendeur du ciel, Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière. Voir, entendre, sentir ? Vent, fumée et poussière. Aimer ? La coupe d'or ne contient que du fiel. Comme un Dieu plein d'ennui qui déserte l'autel, Rentre et disperse-toi dans l'immense matière. Sur ton muet sépulcre et tes os consumés Qu'un autre verse ou non les pleurs accoutumés, Que ton siècle banal t'oublie ou te renomme ; Moi, je t'envie, au fond du tombeau calme et noir, D'être affranchi de vivre et de ne plus savoir La honte de penser et l'horreur d'être un homme !

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    Charles Marie René Leconte de Lisle

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    Qaïn En la trentième année, au siècle de l'épreuve, Étant captif parmi les cavaliers d'Assur, Thogorma, le Voyant, fils d'Elam, fils de Thur, Eut ce rêve, couché dans les roseaux du fleuve, A l'heure où le soleil blanchit l'herbe et le mur. Depuis que le Chasseur Iahvèh, qui terrasse Les forts et de leur chair nourrit l'aigle et le chien, Avait lié son peuple au joug assyrien, Tous, se rasant les poils du crâne et de la face, Stupides, s'étaient tus et n'entendaient plus rien. Ployés sous le fardeau des misères accrues, Dans la faim, dans la soif, dans l'épouvante assis, Ils revoyaient leurs murs écroulés et noircis, Et, comme aux crocs publics pendent les viandes crues, Leurs princes aux gibets des Rois incirconcis Le pied de l'infidèle appuyé sur la nuque Des vaillants, le saint temple où priaient les aïeux Souillé, vide, fumant, effondré par les pieux, Et les vierges en pleurs sous le fouet de l'eunuque Et le sombre Iahvèh muet au fond des cieux. Or, laissant, ce jour-là, près des mornes aïeules Et des enfants couchés dans les nattes de cuir, Les femmes aux yeux noirs de sa tribu gémir, Le fils d'Elam, meurtri par la sangle des meules, Le long du grand Khobar se coucha pour dormir. Les bandes d'étalons, par la plaine inondée De lumière, gisaient sous le dattier roussi, Et les taureaux, et les dromadaires aussi, Avec les chameliers d'Iran et de Khaldée. Thogorma, le Voyant, eut ce rêve. Voici :

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    Vénus de milo Marbre sacré, vêtu de force et de génie, Déesse irrésistible au port victorieux, Pure comme un éclair et comme une harmonie, O Vénus, ô beauté, blanche mère des Dieux ! Tu n'es pas Aphrodite, au bercement de l'onde, Sur ta conque d'azur posant un pied neigeux, Tandis qu'autour de toi, vision rose et blonde, Volent les Rires d'or avec l'essaim des Jeux.

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