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François de Malherbe

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François de Malherbe est un poète français, né à Caen vers 1555 et mort à Paris le 6 octobre 1628. Il est le fils de François, écuyer, seigneur de Digny, conseiller au bailliage et présidial de Caen, et de Louise Le Vallois. Poète officiel de 1605 à 1628, son évolution de la magnificence à la sobriété traduit le passage du goût baroque au goût classique, amenant la poésie vers un grand dépouillement. Son influence a été considérable sur la poésie française. Bien qu'il n'ait pas écrit d'art poétique, une doctrine était tirée de ses œuvres, de ses annotations sur son exemplaire des poésies de Philippe Desportes et des remarques orales rapportées par ses contemporains. Ce sont notamment ses disciples François Maynard et Honorat de Bueil de Racan qui, suivant leur maître, créent le corpus louant « l'harmonie classique », qui prédominera pendant près d'un siècle. Durant tout le XVIIe siècle, Malherbe est la référence majeure des théoriciens classiques. Dans son Art poétique (1674), Nicolas Boileau le loue avec ferveur, commençant son éloge par le célèbre hémistiche « Enfin Malherbe vint ».

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    Beauté, mon cher souci.. Beauté, mon cher souci, de qui l'âme incertaine A, comme l'Océan, son flux et son reflux, Pensez de vous résoudre à soulager ma peine, Ou je me résoudrai à ne la souffrir plus. Vos yeux ont des appas que j'aime et que je prise, Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté, Mais pour me retenir, s'ils font cas de ma prise, Il leur faut de l'amour autant que de beauté. Quand je pense être au point que cela s'accomplisse, Quelque excuse toujours en empêche l'effet ; C'est la toile sans fin de la femme d'Ulysse, Dont l'ouvrage du soir au matin se défait. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire De me l'avoir promis et vous rire de moi. S'il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire ; Ou s'il vous en souvient, vous n'avez point de foi. J'avais toujours fait compte, aimant chose si haute, De ne m'en séparer qu'avec le trépas ; S'il arrive autrement, ce sera votre faute, De faire des serments et ne les tenir pas.

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    Que d'épines, amour, accompagnent tes roses Alcandre plaint la captivité de sa maîtresse. 1609. Que d'épines, Amour, accompagnent tes roses ! Que d'une aveugle erreur tu laisses toutes choses À la merci du sort ! Qu'en tes prospérités à bon droit on soupire ! Et qu'il est mal aisé de vivre en ton empire, Sans désirer la mort ! Je sers, je le confesse, une jeune merveille, En rares qualités à nulle autre pareille, Seule semblable à soi ; Et, sans faire le vain, mon aventure est telle, Que de la même ardeur que je brûle pour elle Elle brûle pour moi. Mais parmi tout cette heure, ô dure destinée, Que de tragiques soins, comme oiseaux de Phinée, Sens-je me dévorer ! Et ce que je supporte avec patience, Ai-je quelque ennemi, s'il n'est sans conscience, Qui le vit sans pleurer ? La mer a moins de vents qui ses vagues irritent, Que je n'ai de pensers qui tous me sollicitent D'un funeste dessein ; Je ne trouve la paix qu'à me faire la guerre ; Et si l'enfer est fable au centre de la terre, Il est vrai dans mon sein. Depuis que le soleil est dessus l'hémisphère, Qu'il monte ou qu'il descende, il ne me voit rien faire Que plaindre et soupirer : Des autres actions j'ai perdu la coutume ; Et ce qui s'offre à moi, s'il n'a de l'amertume, Je ne puis l'endurer. Comme la nuit arrive, et que par le silence Qui fait des bruits du jour cesser la violence L'esprit est relâché, Je vois de tous côtés sur la terre et sur l'onde Les pavots qu'elle sème assoupir tout le monde, Et n'en suis point touché. S'il m'advient quelquefois de clore les paupières, Aussitôt ma douleur en nouvelles manières Fait de nouveaux efforts ; Et de quelque souci qu'en veillant je me ronge, Il ne me trouble point comme le meilleur songe Que je fais quand je dors. Tantôt cette beauté, dont ma flamme est le crime, M'apparaît à l'autel, où, comme une victime, On la veut égorger ; Tantôt je me la vois d'un pirate ravie ; Et tantôt la fortune abandonne sa vie À quelque autre danger. En ces extrémités la pauvrette s'écrie : Alcandre, mon Alcandre, ôte-moi, je te prie, Du malheur où je suis ! La fureur me saisit, je mets la main aux armes : Mais son destin m'arrête ; et lui donner des larmes, C'est tout ce que je puis. Voilà comme je vis, voilà ce que j'endure Pour une affection que je veux qui me dure Au-delà du trépas. Tout ce qui me la blâme offense mon oreille ; Et qui veut m'affliger, il faut qu'il me conseille De ne m'affliger pas. On me dit qu'à la fin toute chose se change, Et qu'avec le temps les beaux yeux de mon ange Reviendront m'éclairer. Mais voyant tous les jours ses chaînes se restreindre, Désolé que je suis, que ne dois-je point craindre ? Ou que puis-je espérer ? Non, non, je veux mourir ; la raison m'y convie ; Aussi bien le sujet qui m'en donne l'envie Ne peut être plus beau ; Et le sort, qui détruit tout ce que je consulte, Me fait voir assez clair que jamais ce tumulte N'aura paix qu'au tombeau. Ainsi le grand Alcandre aux campagnes de Seine Faisait, loin de témoins, le récit de sa peine, Et se fondait en pleurs. Le fleuve en fut ému, ses Nymphes se cachèrent, Et l'herbe du rivage où ses larmes touchèrent Perdit toutes ses fleurs.

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    Beau ciel par qui mes jours sont troubles Stances pour M. le duc de Montpensier qui demandait en mariage Madame Catherine, La princesse de Navarre, sœur d'Henri IV. 1591 ou 1592. Beau ciel, par qui mes jours sont troubles ou sont calmes, Seule terre où je prends mes cyprès et mes palmes, Catherine, dont l'œil ne luit que pour les dieux Punissez vos beautés plutôt que mon courage, Si, trop haut s'élevant, il adore un visage Adorable par force à quiconque a des yeux. Je ne suis pas ensemble aveugle et téméraire, Je connais bien l'erreur que l'amour m'a fait faire, Cela seul ici-bas surpassait mon effort ; Mais mon âme qu'à vous ne peut être asservie, Les Destins n'ayant point établi pour ma vie Hors de cet océan de naufrage et de port. Beauté par qui les dieux, las de notre dommage, Ont voulu réparer les défauts de notre âge, Je mourrai dans vos feux, éteignez-les ou non, Comme le fils d'Alcmène, en me brûlant moi-même ; Il suffit qu'en mourant dans cette flamme extrême Une gloire éternelle accompagne mon nom. On ne doit point, sans sceptre, aspirer où j'aspire ; C'est pourquoi, sans quitter les lois de votre empire, Je veux de mon esprit tout espoir rejeter. Qui cesse d'espérer, il cesse aussi de craindre ; Et, sans atteindre au but où l'on ne peut atteindre, Ce m'est assez d'honneur que j'y voulais monter. Je maudis le bonheur où le ciel m'a fait naître, Qui m'a fait désirer ce qu'il m'a fait connaître : Il faut ou vous aimer, ou ne vous faut point voir. L'astre qui luit aux grands, en vain à ma naissance Épandit dessus moi tant d'heur et de puissance, Si pour ce que je veux j'ai trop peu de pouvoir. Mais il le faut vouloir, et vaut mieux se résoudre, En aspirant au ciel, être frappé de foudre, Qu'aux desseins de la terre assuré se ranger. J'ai moins de repentir, plus je pense à ma faute, Et la beauté des fruits d'une palme si haute Me fait par le plaisir oublier le danger.

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    Beauté de qui la grâce.. À la vicomtesse d'Auchy(1608) Beauté de qui la grâce étonne la nature, Il faut donc que je cède à l'injure du sort, Que je vous abandonne, et loin de votre port M'en aille au gré du vent suivre mon aventure. Il n'est ennui si grand que celui que j'endure : Et la seule raison qui m'empêche la mort, C'est le doute que j'ai que ce dernier effort Ne fût mal employé pour une âme si dure. Caliste, où pensez-vous ? qu'avez-vous entrepris ? Vous résoudrez-vous point à borner ce mépris, Qui de ma patience indignement se joue ? Mais, ô de mon erreur l'étrange nouveauté, Je vous souhaite douce, et toutefois j'avoue Que je dois mon salut à votre cruauté.

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    Beaux et grands bâtiments.. Écrit à Fontainebleau, sur l'absence de la vicomtesse d'Auchy (1608) Beaux et grands bâtiments d'éternelle structure, Superbes de matière, et d'ouvrages divers, Où le plus digne roi qui soit en l'univers Aux miracles de l'art fait céder la nature. Beau parc, et beaux jardins, qui dans votre clôture, Avez toujours des fleurs, et des ombrages verts, Non sans quelque démon qui défend aux hivers D'en effacer jamais l'agréable peinture. Lieux qui donnez aux coeurs tant d'aimables désirs, Bois, fontaines, canaux, si parmi vos plaisirs Mon humeur est chagrine, et mon visage triste : Ce n'est point qu'en effet vous n'ayez des appas, Mais quoi que vous ayez, vous n'avez point Caliste : Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.

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    Caliste, en cet exil j'ai l'âme.. À la vicomtesse d'Auchy (1608) Caliste, en cet exil j'ai l'âme si gênée, Qu'au tourment que je souffre il n'est rien de pareil ; Et ne saurais ouïr ni raison ni conseil, Tant je suis dépité contre ma destinée. J'ai beau voir commencer et finir la journée, En quelque part des cieux que luise le soleil ; Si le plaisir me fuit, aussi fait le sommeil, Et la douleur que j'ai n'est jamais terminée. Toute la cour fait cas du séjour où je suis, Et, pour y prendre goût, je fais ce que je puis ; Mais j'y deviens plus sec plus j'y vois de verdure. En ce piteux état si j'ai du réconfort, C'est, ô rare beauté, que vous êtes si dure, Qu'autant près comme loin je n'attends que la mort.

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    Chanson (I) C'est faussement qu'on estime Qu'il ne soit point de beautés Où ne se trouve le crime De se plaire aux nouveautés. Si ma dame avait envie D'aimer des objets divers, Serait-elle pas suivie Des yeux de tout l'univers ? Est-il courage si brave Qui pût avecque raison Fuir d'être son esclave Et de vivre en sa prison ? Toutefois cette belle âme, À qui l'honneur sert de loi, Ne hait rien tant que le blâme D'aimer un autre que moi. Tous ces charmes de langage Dont on s'offre à la servir Me l'assurent davantage, Au lieu de me la ravir. Aussi ma gloire est si grande D'un trésor si précieux, Que je ne sais quelle offrande M'en peut acquitter aux cieux. Tout le soin qui me demeure N'est que d'obtenir du sort Que ce qu'elle est à cette heure Elle soit jusqu'à la mort. De moi, c'est chose sans doute Que l'astre qui fait les jours Luira dans une autre voûte Quand j'aurai d'autres amours.

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    Chanson (II) Est-ce à jamais, folle Espérance, Que tes infidèles appas Empêcheront la délivrance Que me propose le trépas ? La raison veut, et la nature, Qu'après le mal vienne le bien : Mais en ma funeste aventure Leurs règles ne servent de rien. C'est fait de moi, quoi que je fasse. J'ai beau plaindre et beau soupirer, Le seul remède en ma disgrâce, C'est qu'il n'en faut point espérer. Une résistance mortelle Ne m'empêche point son retour ; Quelque Dieu qui brûle pour elle Fait cette injure à mon amour. Ainsi trompé de mon attente, Je me consume vainement ; Et les remèdes que je tente Demeurent sans événement. Toute nuit enfin se termine ; La mienne seule a ce destin, Que d'autant plus qu'elle chemine, Moins elle approche du matin. Adieu donc, importune peste À qui j'ai trop donné de foi. Le meilleur avis qui me reste, C'est de me séparer de toi. Sors de mon âme, et t'en va suivre Ceux qui désirent de guérir. Plus tu me conseilles de vivre, Plus je me résous de mourir.

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    Consolation à caritée Stances Ainsi quand Mausole fut mort, Artémise accusa le sort, De pleurs se noya le visage, Et dit aux astres innocents Tout ce que fait dire la rage Quand elle est maîtresse des sens. Ainsi fut sourde au réconfort, Quand elle eut trouvé dans le port La perte qu'elle avait songée, Celle de qui les passions Firent voir à la mer Égée Le premier nid des Alcyons. Vous n'êtes seule en ce tourment Qui témoignez du sentiment, Ô trop fidèle Caritée ! En toutes âmes l'amitié Des mêmes ennuis agitée Fait les mêmes traits de pitié. De combien de jeunes maris, En la querelle de Paris, Tomba la vie entre les armes, Qui fussent retournés un jour, Si la mort se payait de larmes, À Mycènes faire l'amour ! Mais le destin, qui fait nos lois Est jaloux qu'on passe deux fois Au deçà du rivage blême ; Et les dieux ont gardé ce don, Si rare que Jupiter même Ne le sut faire à Sarpédon. Pourquoi donc, si peu sagement Démentant votre jugement, Passez-vous en cette amertume Le meilleur de votre saison, Aimant mieux plaindre par coutume Que vous consoler par raison ? Nature fait bien quelque effort Qu'on ne peut condamner qu'à tort ; Mais que direz-vous pour défendre Ce prodige de cruauté, Par qui vous semblez entreprendre De ruiner votre beauté ? Que vous ont fait ces beaux cheveux, Dignes objets de tant de vœux, Pour endurer votre colère, Et devenus vos ennemis Recevoir l'injuste salaire D'un crime qu'ils n'ont point commis ? Quelles aimables qualités En celui que vous regrettez Ont pu mériter qu'à vos roses Vous ôtiez leur vive couleur, Et livriez de si belles choses À la merci de la douleur ? Remettez-vous l'âme en repos, Changez ces funestes propos ; Et, par la fin de vos tempêtes, Obligeant tous les beaux esprits, Conservez au siècle où vous êtes Ce que vous lui donnez de prix. Amour, autrefois en vos yeux Plein d'appas si délicieux, Devient mélancolique et sombre, Quand il voit qu'un si long ennui Vous fait consumer pour un ombre Ce que vous n'avez que pour lui. S'il vous ressouvient du pouvoir Que ses traits vous ont fait avoir Quand vos lumières étaient calmes, Permettez-lui de vous guérir, Et ne différez point les palmes Qu'il brûle de vous acquérir. Le temps d'un insensible cours Nous porte à la fin de nos jours ; C'est à notre sage conduite, Sans murmurer de ce défaut, De nous consoler de sa fuite En le ménageant comme il faut.

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    Consolation à M. Du Périer Stances sur la mort de sa fille Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle ? Et les tristes discours Que te met en l'esprit l'amitié paternelle L'augmenteront toujours ? Le malheur de ta fille au tombeau descendue Par un commun trépas, Est-ce quelque dédale où ta raison perdue Ne se retrouve pas ? Je sais de quels appas son enfance était pleine, Et n'ai pas entrepris, Injurieux ami, de soulager ta peine Avecque son mépris. Mais elle était du monde, où les plus belles choses Ont le pire destin ; Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, L'espace d'un matin. Puis quand ainsi serait que, selon ta prière, Elle aurait obtenu D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière, Qu'en fût-il avenu ? Penses-tu que plus vieille en la maison céleste Elle eût eu plus d'accueil, Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste Et les vers du cercueil ? Non, non, mon Du Perrier ; aussitôt que la Parque Ôte l'âme du corps, L'âge s'évanouit au-deçà de la barque, Et ne suit point les morts. Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale ; Et Pluton aujourd'hui, Sans égard du passé, les mérites égale D'Archemore et de lui. Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes : Mais, sage à l'avenir, Aime une ombre comme ombre, et des cendres éteintes Eteins le souvenir. C'est bien, je le confesse, une juste coutume Que le cœur affligé, Par le canal des yeux vidant son amertume, Cherche d'être allégé. Même quand il advient que la tombe sépare Ce que nature a joint, Celui qui ne s'émeut a l'âme d'un barbare, Ou n'en a du tout point. Mais d'être inconsolable et dedans sa mémoire Enfermer un ennui, N'est-ce pas se haïr pour acquérir la gloire De bien aimer autrui ? Priam, qui vit ses fils abattus par Achille, Dénué de support Et hors de tout espoir du salut de sa ville, Reçut du réconfort. François, quand la Castille, inégale à ses armes, Lui vola son Dauphin, Sembla d'un si grand coup devoir jeter des larmes Qui n'eussent point de fin. Il les sécha pourtant, et, comme un autre Alcide, Contre fortune instruit, Fit qu'à ses ennemis d'un acte si perfide La honte fut le fruit. Leur camp, qui la Durance avait presque tarie De bataillons épais, Entendant sa constance, eut peur de sa furie, Et demanda la paix. De moi déjà deux fois d'une pareille foudre Je me suis vu perclus ; Et deux fois la raison m'a si bien fait résoudre, Qu'il ne m'en souvient plus. Non qu'il ne me soit grief que la terre possède Ce qui me fut si cher ; Mais en un accident qui n'a point de remède Il n'en faut point chercher. La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles : On a beau la prier ; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier. Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre, Est sujet à ses lois ; Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N'en défend point nos rois. De murmurer contre elle et perdre patience Il est mal à propos ; Vouloir ce que Dieu veut est la seule science Qui nous met en repos.

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    Dessein de quitter une dame qui ne le contentait que de promesse Beauté, mon beau souci, de qui l'âme incertaine A, comme l'océan, son flux et son reflux, Pensez de vous résoudre à soulager ma peine, Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus. Vos yeux ont des appas que j'aime et que je prise, Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté ; Mais pour me retenir, s'ils font cas de ma prise, Il leur faut de l'amour autant que de beauté. Quand je pense être au point que cela s'accomplisse, Quelque excuse toujours en empêche l'effet ; C'est la toile sans fin de la femme d'Ulysse, Dont l'ouvrage du soir au matin se défait. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloire De me l'avoir promis et vous rire de moi. S'il ne vous en souvient, vous manquez de mémoire, Et s'il vous en souvient, vous n'avez point de foi. J'avais toujours fait compte, aimant chose si haute, De ne m'en séparer qu'avecque le trépas ; S'il arrive autrement ce sera votre faute, De faire des serments et ne les tenir pas.

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    Enfin cette beauté m'a la place rendue Stances (1596) Enfin cette beauté m'a la place rendue, Qu'elle avait contre moi si longtemps défendue ; Mes vainqueurs sont vaincus ; ceux qui m'ont fait la loi, La reçoivent de moi. J'honore tant la palme acquise en cette guerre, Que si, victorieux des deux bouts de la terre, J'avais mille lauriers de ma gloire témoins, Je les priserais moins. Au repos où je suis tout ce qui me travaille, C'est le doute que j'ai qu'un malheur ne m'assaille Qui me sépare d'elle, et me fasse lâcher Un bien que j'ai si cher. Il n'est rien ici-bas d'éternelle durée ; Une chose qui plaît n'est jamais assurée : L'épine suit la rose, et ceux qui sont contents Ne le sont pas longtemps. Et puis qui ne sait point que la mer amoureuse En sa bonace même est souvent dangereuse, Et qu'on y voit toujours quelques nouveaux rochers, Inconnus aux nochers ? Déjà de toutes parts tout le monde m'éclaire ; Et bientôt les jaloux, ennuyés de se taire, Si les vœux que je fais n'en détournent l'assaut, Vont médire tout haut. Peuple, qui me veut mal, et m'impute à vice D'avoir été payé d'un fidèle service, Où trouves-tu qu'il faille avoir semé son bien, Et ne recueillir rien ? Voudrais-tu que ma dame, étant si bien servie, Refusât le plaisir où l'âge la convie, Et qu'elle eût des rigueurs à qui mon amitié Ne sût faire pitié ? Ces vieux contes d'honneur, invisibles chimères, Qui naissent aux cerveaux des maris et des mères, Étaient-ce impressions qui pussent aveugler Un jugement si clair ? Non, non, elle a bien fait de m'être favorable, Voyant mon feu si grand et ma foi si durable ; Et j'ai bien fait aussi d'asservir ma raison En si belle prison. C'est peu d'expérience à conduire sa vie, De mesurer son aise au compas de l'envie, Et perdre ce que l'âge a de fleur et de fruit, Pour éviter un bruit. De moi que tout le monde à me nuire s'apprête, Le ciel à tous ses traits fasse un but de ma tête ; Je me suis résolu d'attendre le trépas, Et ne la quitter pas. Plus j'y vois de hasard, plus j'y trouve d'amorce : Où le danger est grand, c'est là que je m'efforce ; En un sujet aisé moins de peine apportant Je ne brûle pas tant. Un courage élevé toute peine surmonte ; Les timides conseils n'ont rien que de la honte ; Et le front d'un guerrier aux combats étonné, Jamais n'est couronné. Soit la fin de mes jours contrainte ou naturelle, S'il plaît à mes destins que je meurs pour elle, Amour en soit loué ! je ne veux un tombeau Plus heureux ni plus beau.

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    Les larmes de Saint-Pierre Ce n'est pas en mes vers qu'une amante abusée Des appas enchanteurs d'un parjure Thésée, Après l'honneur ravi de sa pudicité, Laissée ingratement en un bord solitaire, Fait de tous les assauts que la rage peut faire Une fidèle preuve à l'infidélité. Les ondes que j'épands d'une éternelle veine Dans un courage saint ont leur sainte fontaine ; Où l'amour de la terre et le soin de la chair Aux fragiles pensers ayant ouvert la porte, Une plus belle amour se rendit la plus forte, Et le fit repentir aussitôt que pécher.

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    Ode quel astre malheureux.. Quel astre malheureux ma fortune a bâtie ? À quelles dures lois m'a le Ciel attaché, Que l'extrême regret ne m'ait point empêché De me laisser résoudre à cette départie ? Quelle sorte d'ennuis fut jamais ressentie Egale au déplaisir dont j'ai l'esprit touché ? Qui jamais vit coupable expier son péché, D'une douleur si forte, et si peu divertie ? On doute en quelle part est le funeste lieu Que réserve aux damnés la justice de Dieu, Et de beaucoup d'avis la dispute en est pleine : Mais sans être savant, et sans philosopher, Amour en soit loué, je n'en suis point en peine : Où Caliste n'est point, c'est là qu'est mon enfer.

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    Paraphrase du psaume CXLV N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde ; Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde Que toujours quelque vent empêche de calmer. Quittons ces vanités, lassons-nous de les suivre : C'est Dieu qui nous fait vivre, C'est Dieu qu'il faut aimer.

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    Prière pour le roi Henri le Grand Pour le roi allant en Limousin. Ô Dieu, dont les bontés, de nos larmes touchées, Ont aux vaines fureurs les armes arrachées, Et rangé l'insolence aux pieds de la raison ; Puisqu'à rien d'imparfait ta louange n'aspire, Achève ton ouvrage au bien de cet empire, Et nous rends l'embonpoint comme la guérison ! Nous sommes sous un roi si vaillant et si sage, Et qui si dignement a fait l'apprentissage De toutes les vertus propres à commander, Qu'il semble que cet heur nous impose silence, Et qu'assurés par lui de toute violence Nous n'avons plus sujet de te rien demander. Certes quiconque a vu pleuvoir dessus nos têtes Les funestes éclats des plus grandes tempêtes Qu'excitèrent jamais deux contraires partis, Et n'en voit aujourd'hui nulle marque paraître, En ce miracle seul il peut assez connaître Quelle force a la main qui nous a garantis.

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    Qu'autres que vous soient désirées Qu'autres que vous soient désirées, Qu'autres que vous soient adorées, Cela se peut facilement : Mais qu'il soit des beautés pareilles À vous, merveille des merveilles, Cela ne se peut nullement. Que chacun sous votre puissance Captive son obéissance, Cela se peut facilement : Mais qu'il soit une amour si forte Que celle-là que je vous porte, Cela ne se peut nullement. Que le fâcheux nom de cruelles Semble doux à beaucoup de belles, Cela se peut facilement : Mais qu'en leur âme trouve place Rien de si froid que votre glace, Cela ne se peut nullement. Qu'autres que moi soient misérables Par vos rigueurs inexorables, Cela se peut facilement : Mais que de si vives atteintes Parte la cause de leurs plaintes, Cela ne se peut nullement. Qu'on serve bien lorsque l'on pense En recevoir la récompense, Cela se peut facilement : Mais qu'une autre foi que la mienne N'espère rien et se maintienne, Cela ne se peut nullement. Qu'à la fin la raison essaie Quelque guérison à ma plaie, Cela se peut facilement : Mais que d'un si digne servage La remontrance me dégage, Cela ne se peut nullement. Qu'en ma seule mort soient finies Mes peines et vos tyrannies, Cela se peut facilement : Mais que jamais par le martyre De vous servir je me retire, Cela ne se peut nullement.

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    François de Malherbe

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    Que n'êtes-vous lassées mes tristes pensées Que n'êtes-vous lassées, Mes tristes pensées, De troubler ma raison, Et faire avecque blâme Rebeller mon âme Contre ma guérison ! Que ne cessent mes larmes, Inutiles armes ! Et que n'ôte des cieux La fatale ordonnance À ma souvenance Ce qu'elle ôte à mes yeux ! Ô beauté nonpareille, Ma chère merveille, Que le rigoureux sort Dont vous m'êtes ravie Aimerait ma vie S'il me donnait la mort ! Quelles pointes de rage Ne sent mon courage De voir que le danger, En vos ans les plus tendres, Menace vos cendres D'un cercueil étranger ! Je m'impose silence En la violence Que me fait le malheur : Mais j'accrois mon martyre ; Et n'oser rien dire M'est douleur sur douleur. Aussi suis-je un squelette ; Et la violette Qu'un froid hors de saison, Ou le soc, a touchée, De ma peau séchée Est la comparaison. Dieux, qui les destinées Les plus obstinées Tournez de mal en bien, Après tant de tempêtes Mes justes requêtes N'obtiendront-elles rien ? Ayez-vous eu les titres D'absolus arbitres De l'état des mortels Pour être inexorables Quand les misérables Implorent vos autels ? Mon soin n'est point de faire En l'autre hémisphère Voir mes actes guerriers, Et jusqu'aux bords de l'onde Où finit le monde Acquérir des lauriers. Deux beaux yeux sont l'empire Pour qui je soupire ; Sans eux rien ne m'est doux ; Donnez-moi cette joie Que je les revoie, Je suis Dieu comme vous.

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    Quel astre malheureux... Quel astre malheureux ma fortune a bâtie ? À quelles dures lois m'a le Ciel attaché, Que l'extrême regret ne m'ait point empêché De me laisser résoudre à cette départie ? Quelle sorte d'ennuis fut jamais ressentie Egale au déplaisir dont j'ai l'esprit touché ? Qui jamais vit coupable expier son péché, D'une douleur si forte, et si peu divertie ? On doute en quelle part est le funeste lieu Que réserve aux damnés la justice de Dieu, Et de beaucoup d'avis la dispute en est pleine : Mais sans être savant, et sans philosopher, Amour en soit loué, je n'en suis point en peine : Où Caliste n'est point, c'est là qu'est mon enfer.

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    François de Malherbe

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    Quelque ennui donc qu'en cette absence Quelque ennui donc qu'en cette absence Avec une injuste licence Le Destin me fasse endurer, Ma peine lui semble petite Si chaque jour il ne l'irrite D'un nouveau sujet de pleurer ! Paroles que permet la rage À l'innocence qu'on outrage, C'est aujourd'hui votre saison ; Faites-vous ouïr en ma plainte : Jamais l'âme n'est bien atteinte, Quand on parle avecque raison. Ô fureurs dont même les Scythes N'useraient pas vers des mérites Qui n'ont rien de pareil à soi ! Madame est captive ; et son crime C'est que je l'aime, et qu'on estime Qu'elle en fait de même de moi. Rochers où mes inquiétudes Viennent chercher les solitudes Pour blasphémer contre le sort, Quoiqu'insensibles aux tempêtes, Je suis plus rocher que vous n'êtes De le voir et n'être pas mort. Assez de preuves à la guerre, D'un bout à l'autre de la terre, Ont fait paraître ma valeur ; Ici je renonce à la gloire, Et ne veux point d'autre victoire Que de céder à ma douleur. Quelquefois les Dieux pitoyables Terminent des maux incroyables : Mais, en un lieu que tant d'appas Exposent à la jalousie, Ne serait-ce pas frénésie De ne les en soupçonner pas ? Qui ne sait combien de mortelles Les ont fait soupirer pour elles, Et, d'un conseil audacieux, En bergers, bêtes et satyres, Afin d'apaiser leurs martyres, Les ont fait descendre des cieux ? Non, non ; si je veux un remède, C'est de moi qu'il faut qu'il procède, Sans les importuner de rien : J'ai su faire la délivrance Du malheur de toute la France ; Je la saurai faire du mien. Hâtons donc ce fatal ouvrage ; Trouvons le salut au naufrage ; Et multiplions dans les bois Les herbes dont les feuilles peintes Gardent les sanglantes empreintes De la fin tragique des rois. Pour le moins, la haine et l'envie Ayant leur rigueur assouvie, Quand j'aurai clos mon dernier jour, Oranthe sera sans alarmes, Et mon trépas aura des larmes De quiconque aura de l'amour. À ces mots tombant sur la place, Transi d'une mortelle glace, Alcandre cessa de parler ; La nuit assiégea ses prunelles ; Et son âme, étendant les ailes, Fut toute prête à s'envoler. Que fais-tu, monarque adorable, Lui dit un démon favorable ? En quels termes te réduis-tu ? Veux-tu succomber à l'orage, Et laisser perdre à ton courage Le nom qu'il a pour sa vertu ? N'en doute point, quoi qu'il advienne, La belle Oranthe sera tienne ; C'est chose qui ne peut faillir. Le temps adoucira les choses, Et tous deux vous aurez des roses Plus que vous n'en sauriez cueillir.

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    François de Malherbe

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    @francoisDeMalherbe

    Sonnet sur la mort de son fils Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle, Ce fils qui fut si brave et que j'aimai si fort, Je ne l'impute point à l'injure du sort, Puisque finir à l'homme est chose naturelle. Mais que de deux marauds la surprise infidèle Ait terminé ses jours d'une tragique mort, En cela ma douleur n'a point de réconfort, Et tous mes sentiments sont d'accord avec elle.

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    François de Malherbe

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    @francoisDeMalherbe

    À Monsieur de Fleurance, sur son art d'embellir Voyant ma Caliste si belle, Que l'on n'y peut rien désirer, Je ne me pouvais figurer Que ce fût chose naturelle. J'ignorais que ce pouvait être Qui lui colorait ce beau teint, Où l'Aurore même n'atteint Quand elle commence de naître. Mais, Fleurance, ton docte écrit M'ayant fait voir qu'un bel esprit Est la cause d'un beau visage : Ce ne m'est plus de nouveauté, Puisqu'elle est parfaitement sage, Qu'elle soit parfaite en beauté.

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    François de Malherbe

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    @francoisDeMalherbe

    Épigramme sur la mort Écrit au nom de M. Puget pour sa femme. Belle âme qui fus mon flambeau, Reçois l'honneur qu'en ce tombeau Je suis obligé de te rendre. Ce que je fais te sert de peu : Mais au moins tu vois en la cendre Comme j'en conserve le feu.

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    François de Malherbe

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    @francoisDeMalherbe

    Épitaphe de la femme de M.Puget Celle qu'avait Hymen à mon cœur attachée, Et qui fut ici-bas ce que j'aimais le mieux, Allant changer la terre à de plus dignes lieux, Au marbre que tu vois sa dépouille a cachée. Comme tombe une fleur que la bise a séchée, Ainsi fut abattu ce chef-d'œuvre des cieux ; Et, depuis le trépas qui lui ferma les yeux, L'eau que versent les miens n'est jamais étanchée. Ni prières ni vœux ne m'y purent servir ; La rigueur de la mort se voulut assouvir, Et mon affection n'en put avoir dispense. Toi dont la piété vient sa tombe honorer, Pleure mon infortune ; et, pour ta récompense, Jamais autre douleur ne te fasse pleurer !

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