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François Fabié

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Poésies

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    François Fabié

    @francoisFabie

    A mon Père C'est à toi que je veux offrir mes premiers vers, Père ! J'en ai cueilli les strophes un peu rudes, Là haut, dans ton Rouergue aux âpres solitudes, Parmi les bois touffus et les genêts amers. Tu ne les liras point, je le sais, ô mon père ; Car tu ne sais pas lire, hélas ! et toi qui fis Tant d'efforts pour donner des maîtres à ton fils, On ne te mit jamais à l'école primaire... Eh bien ! avant le jour - lointain encor, j'espère, - Où, jetant ta cognée et te croisant les bras, Les yeux clos à jamais, tu te reposeras Sous l'herbe haute et drue où repose ton père, J'ai voulu de mes vers réunir les meilleurs, Ceux qui gardent l'odeur de tes bruyères roses, De tes genêts dorés et des tes houx moroses, Et t'offrir ce bouquet de rimes et de fleurs. Puis un soir, je viendrai peut-être, à la veillée, Te lire ce recueil ; et, si mes vers sont bons, Tu songeras, les yeux fixés sur les charbons, A ta fière jeunesse en mon livre effeuillée...

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Berger d’abeilles Le doux titre et l’emploi charmant : Être, en juin, un berger d’abeilles, Lorsque les prés sont des corbeilles Et les champs des mers de froment ; Quand les faucheurs sur les enclumes Martèlent la faux au son clair, Et que les oisillons dans l’air Font bouffer leurs premières plumes ! Berger d’abeilles, je le fus, A huit ans, la-bas, chez mon père, Lorsque son vieux rucher prospère Chantait sous ses poiriers touffus. Quel bonheur de manquer l’école Que l’été transforme en prison, De se rouler dans le gazon, Ou de suivre l’essaim qui vole, En lui disant sur un ton doux Pour qu’il s’arrête aux branches basses : » Posez-vous, car vous êtes lasses ; Belles abeilles, posez-vous ! » Nous avons des ruches nouvelles Faites d’un bois qui vous plaira ; La sauge les parfumera : Posez-vous, abeilles, mes belles ! » Et les abeilles se posaient En une énorme grappe grise Que berçait mollement la brise Dans les rameaux qui bruissaient. » Père ! criais-je, père ! arrive ! Un essaim ! » Et l’on préparait La ruche neuve où sans regret La tribu demeurait captive. Puis, sur le soir, lorsque, à pas lents, Du fond des pâtures lointaines Les troupeaux revenaient bêlants Vers l’étable et vers les fontaines, Je retrouvais mon père au seuil Comptant ses bêtes caressantes, Et lui disais avec orgueil : » Toutes les miennes sont présentes ! » Le doux titre et l’emploi charmant : Être, en juin, un berger d’abeilles, Lorsque les prés sont des corbeilles Et les champs des mers de froment !

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Le laboureur soldat Laboureur ! – Il n’était, ne voulut jamais être Que laboureur ; – un beau laboureur, lent et doux Et fort comme ses boeufs, qui l’aimaient entre tous Leurs bouviers, et venaient très docilement mettre, Dès son premier appel, leurs cornes et leurs cous Sous le dur joug en bois de hêtre… A vingt ans il dut les quitter, étant conscrit ; Mais, libéré, vers eux il revint à la hâte, Et, dès le lendemain de son retour, reprit Avec eux le labeur qui soulève, pétrit Et repétrit le soi comme une bonne pâte Dont le blé futur se nourrit… Un soir qu’il leur chantait le vieil air sans paroles Qu’ils comprennent fort bien et qui rythme leurs pas. Et qui les fait marcher encor quand ils sont las, Au petit clocher bleu soudain les cloches folles S’agitèrent dans un furieux branle-bas… Surpris, il s’arrête : Est-ce un glas ? Non. – Le gai carillon des veilles de dimanche ? Non plus. – Quelque incendie ? Ah ! certes ! Et partout Des gens courent :  » La guerre !… on mobilise !  » Au bout Du sillon brun, le laboureur lâche le manche, Dételle :  » Adieu, mes boeufs !  » Il part, et le trois août Il labourait pour la Revanche. Il porta le fusil et le sac vaillamment, Mais sans fanfaronnade et sans emballement, Se battit à Namur, fut blessé, guérit vite, Fut blessé de nouveau…, puis, comme nul n’évite Sa destinée, alla périr obscurément Dans cette presqu’île maudite Où sur un sol ingrat sans verdure et sans eaux, Sous la soif et la faim, les obus et les balles, Tant de pauvres enfants, des meilleurs, des plus beaux, – Ainsi qu’au grand soleil des épis sous la faux, – Si follement, si loin des campagnes natales, Tombèrent dans de vains assauts… Mon laboureur qui tant aimait son coin de terre, Ses genêts, ses prés verts et ses coteaux herbeux, Et la source où, le soir, il abreuvait ses boeufs, Et sa ferme, et peut-être, avec crainte et mystère D’un amour patient qu’il devait encor taire, La fille d’un maître ombrageux ; Le voyez-vous mourir longuement sur le sable, Là-bas, dans un pays atroce de païens, Les yeux martyrisés par l’azur implacable, Sans un regard ami de son ciel ni des siens, Sans que nul sur sa lèvre, à l’instant redoutable, Mît le signe aimé des chrétiens !… Pauvre petit soldat, ta mort, dont on ignore L’heure et le lieu, ne t’aura point valu la croix ; Que dis-je ! tu n’as pas même celle de bois Sur ta tombe perdue et que rien ne décore, Ni les ordres du jour flatteurs qui font encore Qu’on parle de vous quelquefois. Puisse le Dieu que tu servais et qui dénombre Exactement les morts et sait où sont leurs os, Sur le tertre où tu dors mettre au moins un peu d’ombre Et, quand vient la saison où migrent nos oiseaux, Faire gémir sur toi les ramiers du bois sombre Qui couvrit nos communs berceaux ; Et puisse-t-il donner à ceux-là qui te pleurent, Mais qui ne doutent pas de l’éternel revoir, La résignation, soeur tendre de l’espoir, Et leur persuader que les jeunes qui meurent En faisant comme toi simplement leur devoir Doublent l’ange veillant sur les vieux qui demeurent !

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    François Fabié

    @francoisFabie

    Les genêts Les genêts, doucement balancés par la brise, Sur les vastes plateaux font une boule d’or ; Et tandis que le pâtre à leur ombre s’endort, Son troupeau va broutant cette fleur qui le grise ; Cette fleur qui le fait rêver d’amour, le soir, Quand il roule du haut des monts vers les étables, Et qu’il croise en chemin les grands boeufs vénérables Dont les doux beuglements appellent l’abreuvoir ; cette fleur toute d’or, de lumière et de soie, En papillons posée au bout des brins menus, Et dont les lourds parfums semblent être venus De la plage lointaine où le soleil se noie… Certes, j’aime les prés où chantent les grillons, Et la vigne pendue aux flancs de la colline, Et les champs de bleuets sur qui le blé s’incline, Comme sur des yeux bleus tombent des cheveux blonds. Mais je préfère aux prés fleuris, aux grasses plaines, Aux coteaux où la vigne étend ses pampres verts, Les sauvages sommets de genêts recouverts, Qui font au vent d’été de si fauves haleines. * * * Vous en souvenez-vous, genêts de mon pays, Des petits écoliers aux cheveux en broussailles Qui s’enfonçaient sous vos rameaux comme des cailles, Troublant dans leur sommeil les lapins ébahis ? Comme l’herbe était fraîche à l’abri de vos tiges ! Comme on s’y trouvait bien, sur le dos allongé, Dans le thym qui faisait, aux sauges mélangé, Un parfum enivrant à donner des vertiges ! Et quelle émotion lorsqu’un léger froufrou Annonçait la fauvette apportant la pâture, Et qu’en bien l’épiant on trouvait d’aventure Son nid plein d’oiseaux nus et qui tendaient le cou ! Quel bonheur, quand le givre avait garni de perles Vos fins rameaux émus qui sifflaient dans le vent, – Précoces braconniers, – de revenir souvent Tendre en vos corridors des lacets pour les merles. * * * Mais il fallut quitter les genêts et les monts, S’en aller au collège étudier des livres, Et sentir, loin de l’air natal qui vous rend ivres, S’engourdir ses jarrets et siffler ses poumons ; Passer de longs hivers dans des salles bien closes, A regarder la neige à travers les carreaux, Éternuant dans des auteurs petits et gros, Et soupirant après les oiseaux et les roses ; Et, l’été, se haussant sur son banc d’écolier, Comme un forçat qui, tout en ramant, tend sa chaîne, Pour sentir si le vent de la lande prochaine Ne vous apporte pas le parfum familier. * * * Enfin, la grille s’ouvre ! on retourne au village ; Ainsi que les genêts notre âme est tout en fleurs, Et dans les houx remplis de vieux merles siffleurs, On sent un air plus pur qui vous souffle au visage. On retrouve l’enfant blonde avec qui cent fois On a jadis couru la forêt et la lande ; Elle n’a point changé, – sinon qu’elle est plus grande, Que ses yeux sont plus doux et plus douce sa voix.  » Revenons aux genêts ! – Je le veux bien ?  » dit-elle. Et l’on va côte à côte, en causant, tout troublés Par le souffle inconnu qui passe sur les blés, Par le chant d’une source ou par le bruit d’une aile. Les genêts ont grandi, mais pourtant moins que nous ; Il faut nous bien baisser pour passer sous leurs branches, Encore accroche-t-elle un peu ses coiffes blanches ; Quant à moi, je me mets simplement à genoux. Et nous parlons des temps lointains, des courses folles, Des nids ravis ensemble, et de ces riens charmants Qui paraissent toujours si beaux aux coeurs aimants Parce que les regards soulignent les paroles. Puis le silence ; puis la rougeur des aveux, Et le sein qui palpite, et la main qui tressaille, Au loin un tendre appel de ramier ou de caille… Comme le serpolet sent bon dans les cheveux ! Et les fleurs des genêts nous font un diadème ; Et, par l’écartement des branches, haut dans l’air. Paraît comme un point noir l’alouette au chant clair Qui, de l’azur, bénit le coin d’ombre où l’on aime !… Ah ! de ces jours lointains, si lointains et si doux, De ces jours dont un seul vaut une vie entière, – Et de la blonde enfant qui dort au cimetière, – Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous ?

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    François Fabié

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    Les moineaux La neige tombe par les rues, Et les moineaux, au bord du toit, Pleurent les graines disparues. « J’ai faim ! » dit l’un ; l’autre : « J’ai froid ! » « Là-bas, dans la cour du collège, Frères, allons glaner le pain Que toujours jette – ô sacrilège ! – Quelque écolier qui n’a plus faim ». A cet avis, la bande entière S’égrène en poussant de grands cris, Et s’en vient garnir la gouttière Du vieux collège aux pignons gris. C’est l’heure vague où, dans l’étude, Près du poêle au lourd ronflement, Les écoliers, de lassitude, S’endorment sur le rudiment. Un seul auprès de la fenêtre, – Petit rêveur au fin museau, – Se plaint que le sort l’ait fait naître Ecolier, et non pas oiseau.

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    François Fabié

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    L’automne A toute autre saison je préfère l’automne ; Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids La lamentation confuse et monotone Que rend la harpe d’or des grands chênes jaunis. Je préfère aux gazons semés de pâquerettes Où la source égrenait son collier d’argent vif, La clairière déserte où, tristes et discrètes, Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif. Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées ; Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons, Et le saule penchant ses branches désolées Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons. Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes Jusqu’aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs, Les feuillages divers qui s’étagent par zones Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs. Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses, Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs ; Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues décloses, Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs. Ici c’est un grand feu de fougère flétrie D’où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus, Et, comme elle, la vague et lente rêverie Du pâtre regardant l’horizon nébuleux. Plus loin un laboureur, sur la lande muette, S’appuie à la charrue, et le soleil couchant Détache sur fond d’or la fière silhouette Du bouvier et des boeufs arrêtés en plein champ. L’on se croirait devant un vitrail grandiose Où quelque artiste ancien, saintement inspiré, Aurait représenté dans une apothéose Le serf et l’attelage et l’araire sacré…

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    François Fabié

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    Ma maison Face au midi, bien adossée A l’ancien étang féodal Dont elle épaule la chaussée, Elle fut le moulin banal Où deux ou trois pauvres villages Et quelques petits mas perdus, Avec leurs maigres attelages Plusieurs siècles sont descendus Moudre, au tic tac vieillot et grêle D’un mécanisme trébuchant, Tout ce que la dîme ou la grêle Laissaient de seigle sur leur champ… Mais lorsque le soc populaire Démantela le vieux château, Et que, sous un flot de colère, Son granit roula du coteau, Mon aïeul, – un Jacques Bonhomme Très longtemps meunier chez autrui, – Ayant été très économe, Put devenir meunier chez lui. Il acheta l’humble ruine, Prit la truelle du maçon, Et fit un moulin à farine De l’antique moulin de son, Exhaussa le tout d’un étage Large, aéré, plein de soleil, D’où l’on entend le caquetage De la trémie à son réveil ; Puis crânement, sur la toiture, Comme un noble arbore un blason, D’une meule en miniature Il girouetta sa maison. Il planta – car celui qui plante A foi vraiment en l’avenir – Des arbres à croissance lente Qui font durer le souvenir, Et qui, maintenant séculaires, Sur le vieux toit coubés du vent, Parlent à voix hautes et claires De l’ancêtre en eux survivant… Il prit femme ; et ma bonne aïeule Se mit a l’oeuvre sans façons, Berçant au refrain de sa meule Trois filles et quatre garçons Qui remplirent de cris, de joies, De luttes et de jeux sans fin La maison, le pâtis aux oies Et tous les halliers du ravin, Puis si vaillamment essaimèrent Et si gaîment, quoique pieds nus, Que des vieillards qui les aimèrent Sont fiers de les avoir connus… C’est là ma maison paternelle, C’est là le nid qui m’a bercé : Que ne puis-je y ployer mon aile Et n’y vivre que du passé ?

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    François Fabié

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    Notre nid A Madelaine F. Un jardin tout planté de poiriers en plein vent, Auxquels depuis trente ans le pinson est fidèle, Une blanche maison où revient l’hirondelle, Voilà le nid heureux que je rêve souvent. Un bouquet de sureaux au parfum énervant, Par les midis en feu, servirait de tonnelle ; J’aurais un banc très court pour être plus près d’Elle Et mieux sentir son doux regard noir me couvant. Puis des murs tapissés de ronces et de treilles, Des carrés tout remplis de fèves et de pois, Dont les fleurs à ta joue, ô chère ! sont pareilles. Là, nous apporterions un livre quelquefois, Je te lirais mes vers au bruit de nos abeilles, Et tu t’endormirais doucement à ma voix.

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    François Fabié

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    Paysanne de guerre Héroïque, elle aussi, de coeur haut, de bras ferme, La veuve paysanne à qui, depuis vingt mois, Incombent les labours, les marchés, les charrois Et le gouvernement tout entier de la ferme. Au début on lui prend soudain ses trois garçons (Et deux sont morts déjà), son valet de charrue Et son berger… Sa fille, un instant accourue, Lui laisse ses marmots, et repart sans façons… Et plus un journalier valide en la contrée ; Un chemineau douteux pour garder le troupeau. Mais la veuve n’a point plié sous le fardeau, Car plus la tâche est rude et plus elle est sacrée. Repas des gens, repas des bêtes, basse-cour, La traite des brebis, une heure avant l’aurore, Le lavoir, les oisons qui vont bientôt éclore, Et, pour se délasser, semailles et labour. Car elle guide aussi la charrue et la herse, Ses pieds dans des sabots et ses jupes au vent, A travers les guérets, – les corbeaux la suivant Dont le cri de malheur par instant la transperce… Il faut porter le lait an village lointain, Faire aiguiser le soc et la pioche à la forge, Aller moudre au moulin perdu dans quelque gorge, Mettre le bois au four et la pâte au pétrin. * * * Elle rentre le soir, à la ferme en détresse Où tout l’attend, où tout l’appelle, où tout a faim, Les bêtes de provende, et les marmots de pain ; Tous, d’une voix connue et d’une âme maîtresse. Jette du grain, fermière ! emplis les râteliers ; Rends à l’agneau plaintif sa brebis implorante ; Verse à tes petits-fils la marmite odorante ; Prie ensuite avec eux pour les morts familiers : Pour ton mari, parti le premier, avant l’heure, Pour ceux de tes enfants soldats déjà fauchés, Sans qu’ou puisse savoir où leurs corps sont couchés, Et pour d’autres encor, qu’aux alentours on pleure ; Et pour que Dieu conserve à tes ans un appui, Qu’il sauve des périls et bientôt te ramène Ton dernier-né, dernier espoir de ce domaine Qui demain tomberait en quenouille sans lui… * * * Puis, quand tous dormiront, marmots, vacher, servante, Toi, veille encor, reprise ou ravaude des bas ; Réponds à ton petit qui se morfond là-bas, Dans la neige et la boue, la nuit et l’épouvante. Pleure enfin dans ton lit, jusqu’à ce que tes yeux Sentent par le sommeil tarir leur source amère, Et goûte dans un songe un repos éphémère Qu’abrégera le coq d’un clairon furieux. Car déjà demain luit aux vitres de la ferme : Debout, fermière ! et lutte ainsi jusqu’à la fin, Contre le deuil, l’absence, et la terre et la faim, Dans un combat dont nul ne peut prévoir le terme ; Lutte pour conserver les bois, les champs, les prés, Le nom et le renom de la maison ancienne Qui te prit jeune femme, un soir, et te fit sienne, T’enchaînant à jamais par des liens sacrés !… * * * Plus grande que ne fut, certes, la veuve antique, Plus que les Pénélope en secret ourdissant Leur vaine toile pour se garder à l’absent, Nous devons t’admirer, Providence rustique ! Aussi, quand nous aurons chassé l’envahisseur Et que nous fêterons la sainte délivrance, Je voudrais qu’on te mît, toi, mère, ou veuve, ou soeur, Au milieu des héros, à la place d’honneur, Gardienne du sol, Paysanne de France ! François Fabié, Fleurs de genêts

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    François Fabié

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    Savoir vieillir Vieillir, se l’avouer à soi-même et le dire, Tout haut, non pas pour voir protester les amis, Mais pour y conformer ses goûts et s’interdire Ce que la veille encore on se croyait permis. Avec sincérité, dès que l’aube se lève, Se bien persuader qu’on est plus vieux d’un jour. À chaque cheveu blanc se séparer d’un rêve Et lui dire tout bas un adieu sans retour. Aux appétits grossiers, imposer d’âpres jeûnes, Et nourrir son esprit d’un solide savoir ; Devenir bon, devenir doux, aimer les jeunes Comme on aima les fleurs, comme on aima l’espoir. Se résigner à vivre un peu sur le rivage, Tandis qu’ils vogueront sur les flots hasardeux, Craindre d’être importun, sans devenir sauvage, Se laisser ignorer tout en restant près d’eux. Vaquer sans bruit aux soins que tout départ réclame, Prier et faire un peu de bien autour de soi, Sans négliger son corps, parer surtout son âme, Chauffant l’un aux tisons, l’autre à l’antique foi, Puis un jour s’en aller, sans trop causer d’alarmes, Discrètement mourir, un peu comme on s’endort, Pour que les tout petits ne versent pas de larmes Et qu’ils ne sachent pas ce que c’est que la mort.

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    François Fabié

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    Terre de France Oui, partout elle est bonne et partout elle est belle, Notre terre de France aux mille aspects divers ! Belle sur les sommets où trônent les hivers, Et dans la lande fauve à l’araire rebelle, Belle au bord des flots bleus, belle au fond des bois verts ! Belle et bonne aux coteaux où la vigne s’accroche, Et dans la plaine grasse où moutonnent les blés ; Bonne dans les pâtis où les boeufs rassemblés Mugissent ; bonne encore aux fentes de la roche Où les oliviers gris aux figuiers sont mêlés ! Au front des pics neigeux où l’aigle pend son aire, Et dont le soleil fait des tours de diamant, Dans le glacier d’où sort le gave en écumant, Et d’où parfois, avec un fracas de tonnerre, L’avalanche bondit sur nos champs de froment ; Belle et bonne toujours, à la fois forte et douce, Notre terre se dresse en granit menaçant, Tourne vers l’étranger son plus âpre versant, Et nous déroule l’autre en gradins, sans secousse, Comme un tapis moelleux qui d’un palais descend. Et là-bas, tout au bout du morne promontoire D’où s’élèvent, le soir, les cris et les sanglots Des mères et des soeurs pleurant nos matelots, Notre terre est superbe en sa double victoire De ses feux sur la nuit, de ses rocs sur les flots ! Elle est belle surtout au pays d’où nous sommes, Provençaux ou Lorrains, Rouergats ou Bretons, Au pays qu’en nos coeurs partout nous emportons, Dont nous gardons l’accent, dont nous vantons les hommes, Et que, depuis Brizeux, à Paria nous chantons ! Elle est douce au vallon où joua notre enfance Et dont l’esprit toujours reprend l’étroit chemin ; Douce ou l’on nous connaît, où l’on nous tend la main, Douce où dorment nos morts, douce où l’on a d’avance Marqué la place où l’on ira dormir demain !… Mais plus belle et plus douce à notre âme meurtrie Est la terre d’Alsace arrachée à nos flancs, La terre où sont tombés nos cuirassiers sanglants, Et d’où leur ombre encore éperdument nous crie :  » Frères, comme à venir vers nous vous êtes lents ! «  La terre qu’il faudra reprendre par l’épée, Quitte à donner nos fils la les plus forts, les plus beaux, – Mères, vous le savez ! – en pâture aux corbeaux, Mais qui, plus belle encor de notre sang trempée, Verra se soulever les morts de leurs tombeaux Pour regarder venir, au sommet des collines, Nos drapeaux bien-aimés qui claqueront au vent, Pour ouïr nos clairons sonner en les suivant, Tandis que sous le ciel, en notes cristallines, Ses clochers chanteront dans le soleil levant !… Terre de France, terre entre toutes féconde, Dont on a pu blesser mais non tarir le sein, Ruche d’où part vibrant le glorieux essaim Que depuis trois mille ans Dieu mène par le monde A l’accomplissement de quelque grand dessein ; Terre où le soc demain peut se changer en glaive, Et le canon bondir en écrasant des fleurs, Mère d’un peuple fier que trempent les douleurs, Qui trop souvent faiblit, mais toujours se relève, Plus grand au lendemain de ses plus grands malheurs ; Terre de laboureurs, d’apôtres, de poètes Qui font beau ton passé, triste et doux ton présent ; Terre d’où l’Idéal son vol puissant Et monte dans le ciel avec tes alouettes Dès que l’aigle a cessé de réclamer du sang ; Pardonne à l’un de ceux que tes beautés enchantent, Qui t’aime dans tes monts, tes plaines et tes bois, Tes douleurs d’aujourd’hui, tes gloires d’autrefois, De te chanter, un peu comme nos pâtres chantent, Avec beaucoup de coeur, sans art, à pleine voix.

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