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Titre : L’automne

Auteur : François Fabié Recueil : Le Clocher, 1887

A toute autre saison je préfère l’automne ; Et je préfère aux chants des arbres pleins de nids La lamentation confuse et monotone Que rend la harpe d’or des grands chênes jaunis. Je préfère aux gazons semés de pâquerettes Où la source égrenait son collier d’argent vif, La clairière déserte où, tristes et discrètes, Les feuilles mortes font leur bruit doux et plaintif. Plus de moissons aux champs, ni de foin aux vallées ; Mais le seigle futur rit sur les bruns sillons, Et le saule penchant ses branches désolées Sert de perchoir nocturne aux frileux oisillons. Et, depuis le ruisseau que recouvrent les aulnes Jusqu’aux sommets où, seuls, les ajoncs ont des fleurs, Les feuillages divers qui s’étagent par zones Doublent le chant des bruits de l’hymne des couleurs. Et les pommiers sont beaux, courbés sous leurs fruits roses, Et beaux les ceps sanglants marbrés de raisins noirs ; Mais plus beaux s’écroulant sous leurs langues décloses, Les châtaigniers vêtus de la pourpre des soirs. Ici c’est un grand feu de fougère flétrie D’où monte dans le ciel la fumée aux flots bleus, Et, comme elle, la vague et lente rêverie Du pâtre regardant l’horizon nébuleux. Plus loin un laboureur, sur la lande muette, S’appuie à la charrue, et le soleil couchant Détache sur fond d’or la fière silhouette Du bouvier et des boeufs arrêtés en plein champ. L’on se croirait devant un vitrail grandiose Où quelque artiste ancien, saintement inspiré, Aurait représenté dans une apothéose Le serf et l’attelage et l’araire sacré…