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François Villon

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François de Montcorbier dit Villon (/vijɔ̃/), né en 1431 (peut-être à Paris) et mort après 1463, est un poète français de la fin du Moyen Âge. Écolier de l’Université, maître de la faculté des Arts dès 21 ans, il mène tout d'abord la vie joyeuse d’un étudiant indiscipliné du Quartier latin. À 24 ans, il tue un prêtre dans une rixe et fuit Paris. Amnistié, il s’exile de nouveau, un an plus tard, après le cambriolage du collège de Navarre. Accueilli à Blois à la cour du prince-poète Charles d’Orléans, il échoue à y faire carrière. Il mène alors une vie errante et misérable. Emprisonné à Meung-sur-Loire, libéré à l’avènement de Louis XI, il revient à Paris après quelque six ans d’absence. De nouveau arrêté lors d'une rixe, il est condamné à la pendaison. Après appel, le Parlement casse le jugement mais le bannit pour dix ans ; il a 31 ans. Ensuite, on perd totalement sa trace. Dans les décennies qui suivent la disparition de Villon, son œuvre est publiée et connaît un grand succès. Le Lais, long poème d’écolier, et Le Testament, son œuvre maîtresse, sont édités dès 1489 – il aurait eu 59 ans. Trente-quatre éditions se succèdent jusqu’au milieu du XVIe siècle. Très tôt, une « légende Villon » prend forme sous différents visages allant, selon les époques, du farceur escroc au poète maudit, du « bon follastre » au « povre Villon ». Son œuvre n’est pas d’un accès facile : elle nécessite notes et explications. Sa langue (dont certains termes ont disparu ou changé de sens) ne nous est pas familière, de même que sa prononciation est différente de l'actuelle, rendant certaines rimes curieuses dans la traduction en français moderne. Les allusions au Paris de son époque, en grande partie disparu et relevant de l'archéologie, son art du double sens et de l’antiphrase le rendent souvent difficilement compréhensible, même si la recherche contemporaine a éclairci beaucoup de ses obscurités.

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Poésies

15

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    Ballade contre les ennemis de la France Rencontré soit de bêtes feu jetant Que Jason vit, quérant la Toison d’or ; Ou transmué d’homme en bête sept ans Ainsi que fut Nabugodonosor ; Ou perte il ait et guerre aussi vilaine Que les Troyens pour la prise d’Hélène ; Ou avalé soit avec Tantalus Et Proserpine aux infernaux palus ; Ou plus que Job soit en grieve souffrance, Tenant prison en la tour Dedalus, Qui mal voudroit au royaume de France ! Quatre mois soit en un vivier chantant, La tête au fond, ainsi que le butor ; Ou au grand Turc vendu deniers comptants, Pour être mis au harnais comme un tor ; Ou trente ans soit, comme la Magdelaine, Sans drap vêtir de linge ne de laine ; Ou soit noyé comme fut Narcissus, Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus, Ou, comme fut Judas, par Despérance ; Ou puist périr comme Simon Magus, Qui mal voudroit au royaume de France ! D’Octovien puist revenir le temps : C’est qu’on lui coule au ventre son trésor ; Ou qu’il soit mis entre meules flottant En un moulin, comme fut saint Victor ; Ou transglouti en la mer, sans haleine, Pis que Jonas ou corps de la baleine ; Ou soit banni de la clarté Phébus, Des biens Juno et du soulas Vénus, Et du dieu Mars soit pugni à outrance, Ainsi que fut roi Sardanapalus, Qui mal voudroit au royaume de France ! Prince, porté soit des serfs Eolus En la forêt où domine Glaucus, Ou privé soit de paix et d’espérance : Car digne n’est de posséder vertus, Qui mal voudroit au royaume de France !

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    Ballade de bon conseil Hommes faillis, bertaudés de raison, Dénaturés et hors de connoissance, Démis du sens, comblés de déraison, Fous abusés, pleins de déconnoissance, Qui procurez contre votre naissance, Vous soumettant à détestable mort Par lâcheté, las ! que ne vous remord L’horribleté qui à honte vous mène ? Voyez comment maint jeunes homs est mort Par offenser et prendre autrui demaine. Chacun en soi voie sa méprison, Ne nous vengeons, prenons en patience ; Nous connoissons que ce monde est prison Aux vertueux franchis d’impatience ; Battre, rouiller pour ce n’est pas science, Tollir, ravir, piller, meurtrir à tort. De Dieu ne chaut, trop de verté se tort Qui en tels faits sa jeunesse démène, Dont à la fin ses poings doloreux tord Par offenser et prendre autrui demaine. Que vaut piper, flatter, rire en traison, Quêter, mentir, affirmer sans fiance, Farcer, tromper, artifier poison, Vivre en péché, dormir en défiance De son prouchain sans avoir confiance ? Pour ce conclus : de bien faisons effort, Reprenons coeur, ayons en Dieu confort, Nous n’avons jour certain en la semaine ; De nos maux ont nos parents le ressort Par offenser et prendre autrui demaine. Vivons en paix, exterminons discord ; Ieunes et vieux, soyons tous d’un accord : La loi le veut, l’apôtre le ramène Licitement en l’épître romaine ; Ordre nous faut, état ou aucun port. Notons ces points ; ne laissons le vrai port Par offenser et prendre autrui demaine.

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    Ballade de la belle Heaulmière Aux filles de joie. « Or y pensez, belle Gantière, Qui m’escolière souliez estre, Et vous, Blanche la Savetière, Ores est temps de vous congnoistre. Prenez à dextre et à senestre ; N’espargnez homme, je vous prie : Car vieilles n’ont ne cours ne estre, Ne que monnoye qu’on descrie. « Et vous, la gente Saulcissière, Qui de dancer estes adextre ; Guillemette la Tapissière, Ne mesprenez vers vostre maistre ; Tous vous fauldra clorre fenestre, Quand deviendrez vieille, flestrie ; Plus ne servirez qu’un vieil prebstre, Ne que monnoye qu’on descrie. « Jehanneton la Chaperonnière, Gardez qu’ennuy ne vous empestre ; Katherine la Bouchière, N’envoyez plus les hommes paistre : Car qui belle n’est, ne perpetre Leur bonne grace, mais leur rie. Laide vieillesse amour n’impetre, Ne que monnoye qu’on descrie. ENVOI. « Filles, veuillez vous entremettre D’escouter pourquoy pleure et crie C’est que ne puys remède y mettre, Ne que monnoye qu’on descrie. »

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    Ballade des dames du temps jadis Dites-moi où, n'en quel pays, Est Flora la belle Romaine, Archipiades, ni Thais, Qui fut sa cousine germaine, Écho parlant quand bruit on mène Dessus rivière ou sus étang, Qui beauté eut trop plus qu'humaine. Mais où sont les neiges d'antan ? Où est la très sage Hélois, Pour qui châtré fut et puis moine Pierre Esbaillart à Saint Denis ? Pour son amour eut cette essoyne. Semblablement où est la reine Qui commanda que Buridan Fut jeté en un sac en Seine ? Mais où sont les neiges d'antan ? La reine Blanche comme lys Qui chantait à voix de sirène, Berthe au grand pied, Bietris, Alis, Haremburgis qui tint le Maine, Et Jeanne la bonne Lorraine Qu'Anglais brulèrent à Rouen ; Où sont-ils, où, Vierge souv'raine ? Mais où sont les neiges d'antan ? Prince, n'enquerrez de semaine Où elles sont, ni de cet an, Qu'à ce refrain ne vous ramène : Mais où sont les neiges d'antan ?

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    Ballade des femmes de Paris Quoy qu'on tient belles langagières Florentines, Veniciennes, Assez pour estre messagieres, Et mesmement les anciennes; Mais, soient Lombardes, Rommaines, Genevoises, a mes perilz, Pimontoises, Savoisiennes, Il n'est bon bec que de Paris. De très beau parler tiennent chaieres, Ce dit on, les Neapolitaines, Et sont res bonnes caquetieres Allemandes et Pruciennes; Soient Grecques, Egipciennes, De Hongrie ou d'autre pays, Espaignolles ou Cathelennes, Il n'est bon bec que de Paris. Brettes, Suysses, n'y sçavent guieres, Gasconnes, n aussi Toulousaines : De Petit Pont deux harengieres Les concluront, et les Lorraines, Engloises et Calaisiennes, (Ay je beaucoup de lieux compris?) Picardes de Valenciennes ; Il n'est bon bec que de Paris. Prince, aux dames Parisiennes De beau parler donnez le pris; Quoy qu'on die d'Italiennes, Il n'est bon bec que de Paris. Regarde m'en deux, trois, assises Sur le bas du ply de leurs robes, En ces moustiers, en ces églises; Tire toy près, et ne te hobes ; Tu trouveras la que Macrobes Oncques ne fist tels jugemens. Entens; quelque chose en desrobes : Ce sont tous beaulx enseignemens. Item, et au mont de Montmartre, Qui est ung lieu moult ancien, Je luy donne et adjoings le tertre Qu'on dit le mont Valerien, Et, oultre plus, ung quartier d'an Du pardon qu'apportay de Romme : Si ira maint bon crestien Voir l'abbaye ou il n'entre homme. Item, varletz et chamberieres De bons hostelz (riens ne me nuyt) Feront tartes, flans et goyeres, Et grant raillias a mynuit : Riens n'y font sept pintes ne huit, Tant que gisent seigneur et dame; Puis après, sans mener grant bruit, Je leur ramentoy le jeu d'asne. Item, et a filles de bien, Qui ont pères, mères et antes, Par m'ame ! je ne donne rien, Car j'ay tout donné aux servantes. Si fussent ilz de peu contentes, Grant bien leur fissent mains loppins, Aux povres filles advenantes Qui se perdent aux Jacoppins, Aux Celestins et aux Chartreux; Quoy que vie mainent estroite, Si ont ilz largement entre eulx, Dont povres filles ont souffrete : Tesmoing Jaqueline et Perrete Et Ysabeau qui dit : « Enné ! » Puis qu'ilz en ont telle disette, A paine en seroit on damné. Item, a la grosse Margot, Très doulce face et pourtraicture, Foy que doy brelare bigod, Assez dévote créature; Je l'aime de propre nature, Et elle moy, la doulce sade : Qui la trouvera d'aventure, Qu'on luy lise ceste ballade.

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    Ballade des pendus Frères humains, qui après nous vivez, N’ayez les cœurs contre nous endurcis, Car, si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis. Vous nous voyez ci attachés, cinq, six : Quant à la chair, que trop avons nourrie, Elle est piéça dévorée et pourrie, Et nous, les os, devenons cendre et poudre. De notre mal personne ne s’en rie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Se frères vous clamons, pas n’en devez Avoir dédain, quoique fûmes occis Par justice. Toutefois, vous savez Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis. Excusez-nous, puisque sommes transis, Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l’infernale foudre. Nous sommes morts, âme ne nous harie, Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! La pluie nous a bués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis. Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis Puis çà, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! Prince Jésus, qui sur tous a maistrie, Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie : A lui n’ayons que faire ne que soudre. Hommes, ici n’a point de moquerie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

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    Ballade des proverbes Tant gratte chèvre que mal gît, Tant va le pot à l'eau qu'il brise, Tant chauffe-on le fer qu'il rougit, Tant le maille-on qu'il se débrise, Tant vaut l'homme comme on le prise, Tant s'élogne-il qu'il n'en souvient, Tant mauvais est qu'on le déprise, Tant crie-t'on Noël qu'il vient. Tant parle-on qu'on se contredit, Tant vaut bon bruit que grâce acquise, Tant promet-on qu'on s'en dédit, Tant prie-on que chose est acquise, Tant plus est chère et plus est quise, Tant la quiert-on qu'on y parvient, Tant plus commune et moins requise, Tant crie-t'on Noël qu'il vient.

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    Ballade des Seigneurs du temps jadis Qui plus ? Où est le tiers Calixte, Dernier decedé de ce nom, Qui quatre ans tint le Papaliste ? Alphonse, le roy d’Aragon, Le gracieux duc de Bourbon, Et Artus, le duc de Bretaigne, Et Charles septiesme, le Bon ?… Mais où est le preux Charlemaigne ! Semblablement, le roy Scotiste, Qui demy-face eut, ce dit-on, Vermeille comme une amathiste Depuys le front jusqu’au menton ? Le roy de Chypre, de renom ; Helas ! et le bon roy d’Espaigne, Duquel je ne sçay pas le nom ?… Mais où est le preux Charlemaigne ! D’en plus parler je me desiste ; Ce n’est que toute abusion. Il n’est qui contre mort resiste, Ne qui treuve provision. Encor fais une question : Lancelot, le roy de Behaigne, Où est-il ? Où est son tayon ?… Mais où est le preux Charlemaigne ! ENVOI. Où est Claquin, le bon Breton ? Où le comte Daulphin d’Auvergne, Et le bon feu duc d’Alençon ?… Mais où est le preux Charlemaigne !

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    Ballade en vieil françois A ce propos, en vieil françois. Mais où sont ly sainctz apostoles, D’aulbes vestuz, d’amys coeffez, Qui sont ceincts de sainctes estoles, Dont par le col prent ly mauffez, De maltalent tout eschauffez ? Aussi bien meurt filz que servans ; De ceste vie sont bouffez : Autant en emporte ly vens. Voire, où sont de Constantinobles L’emperier aux poings dorez, Ou de France ly roy tresnobles, Sur tous autres roys decorez, Qui, pour ly grand Dieux adorez, Bastist eglises et convens ? S’en son temps il fut honorez, Autant en emporte ly vens. Où sont de Vienne et de Grenobles Ly Daulphin, ly preux, ly senez ? Où, de Dijon, Sallins et Dolles, Ly sires et ly filz aisnez ? Où autant de leurs gens privez, Heraulx, trompettes, poursuyvans ? Ont-ilz bien bouté soubz le nez ?… Autant en emporte ly vens. ENVOI Princes à mort sont destinez, Et tous autres qui sont vivans ; S’ils en sont coursez ou tennez, Autant en emporte ly vens.

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    Ballade finale Ici se clôt le testament Et finit du pauvre Villon. Venez à son enterrement, Quand vous orrez le carillon, Vêtus rouge com vermillon, Car en amour mourut martyr : Ce jura-t-il sur son couillon Quand de ce monde vout partir. Et je crois bien que pas n’en ment, Car chassé fut comme un souillon De ses amours haineusement, Tant que, d’ici à Roussillon, Brosse n’y a ne brossillon Qui n’eût, ce dit-il sans mentir, Un lambeau de son cotillon, Quand de ce monde vout partir. Il est ainsi et tellement, Quand mourut n’avoit qu’un haillon ; Qui plus, en mourant, malement L’époignoit d’Amour l’aiguillon ; Plus aigu que le ranguillon D’un baudrier lui faisoit sentir (C’est de quoi nous émerveillon) Quand de ce monde vout partir. Prince, gent comme émerillon, Sachez qu’il fit au départir : Un trait but de vin morillon, Quand de ce monde vout partir.

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    Ballade pour prier Notre Dame Dame du ciel, régente terrienne, Emperière des infernaux palus, Recevez-moi, votre humble chrétienne, Que comprise soie entre vos élus, Ce nonobstant qu'oncques rien ne valus. Les biens de vous, ma Dame et ma Maîtresse Sont bien plus grands que ne suis pécheresse, Sans lesquels biens âme ne peut mérir N'avoir les cieux. Je n'en suis jangleresse : En cette foi je veuil vivre et mourir.

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    Le grand Ttstament I. En l’an trentiesme de mon eage, Que toutes mes hontes j’eu beues, Ne du tout fol, ne du tout sage. Nonobstant maintes peines eues, Lesquelles j’ay toutes receues Soubz la main Thibault d’Aussigny. S’evesque il est, seignant les rues, Qu’il soit le mien je le regny ! II. Mon seigneur n’est, ne mon evesque ; Soubz luy ne tiens, s’il n’est en friche ; Foy ne luy doy, ne hommage avecque ; Je ne suis son serf ne sa biche. Peu m’a d’une petite miche Et de froide eau, tout ung esté. Large ou estroit, moult me fut chiche. Tel luy soit Dieu qu’il m’a esté. III. Et, s’aucun me vouloit reprendre Et dire que je le mauldys, Non fais, si bien me sçait comprendre, Et rien de luy je ne mesdys. Voycy tout le mal que j’en dys : S’il m’a esté misericors, Jésus, le roy de paradis, Tel luy soit à l’ame et au corps ! IV. S’il m’a esté dur et cruel Trop plus que cy ne le racompte, Je vueil que le Dieu eternel Luy soit doncq semblable, à ce compte !… Mais l’Eglise nous dit et compte Que prions pour nos ennemis ; Je vous dis que j’ay tort et honte : Tous ses faictz soient à Dieu remis ! V. Si prieray Dieu de bon cueur, Pour l’ame du bon feu Cotard. Mais quoy ! ce sera doncq par cueur, Car de lire je suys faitard. Priere en feray de Picard ; S’il ne le sçait, voise l’apprandre, S’il m’en croyt, ains qu’il soit plus tard A Douay, ou à Lysle en Flandre ! VI. Combien souvent je veuil qu’on prie Pour luy, foy que doy mon baptesme, Obstant qu’à chascun ne le crye, Il ne fauldra pas à son esme. Au Psaultier prens, quand suys à mesme, Qui n’est de beuf ne cordoen, Le verset escript le septiesme Du psaulme de Deus laudem. VII. Si pry au benoist Filz de Dieu, Qu’à tous mes besoings je reclame, Que ma pauvre prière ayt lieu Verz luy, de qui tiens corps et ame, Qui m’a preservé de maint blasme Et franchy de vile puissance. Loué soit-il, et Nostre-Dame, Et Loys, le bon roy de France ! VIII. Auquel doint Dieu l’heur de Jacob, De Salomon l’honneur et gloire ; Quant de prouesse, il en a trop ; De force aussi, par m’ame, voire ! En ce monde-cy transitoire, Tant qu’il a de long et de lé ; Affin que de luy soit memoire, Vive autant que Mathusalé ! IX. Et douze beaulx enfans, tous masles, Veoir, de son très cher sang royal, Aussi preux que fut le grand Charles, Conceuz en ventre nuptial, Bons comme fut sainct Martial. Ainsi en preigne au bon Dauphin ; Je ne luy souhaicte autre mal, Et puys paradis à la fin. X. Pour ce que foible je me sens, Trop plus de biens que de santé, Tant que je suys en mon plain sens, Si peu que Dieu m’en a presté, Car d’autre ne l’ay emprunté, J’ay ce Testament très estable Faict, de dernière voulenté, Seul pour tout et irrevocable : XI. Escript l’ay l’an soixante et ung, Que le bon roy me delivra De la dure prison de Mehun, Et que vie me recouvra, Dont suys, tant que mon cueur vivra, Tenu vers luy me humilier, Ce que feray jusqu’il mourra : Bienfaict ne se doibt oublier. Icy commence Villon à entrer en matière pleine d’erudition et de bon sçavoir. XII. Or est vray qu’apres plaingtz et pleurs et angoisseux gemissemens, Après tristesses et douleurs, Labeurs et griefz cheminemens, Travail mes lubres sentemens, Esguisez comme une pelote, M’ouvrist plus que tous les Commens D’Averroys sur Aristote. XIII. Combien qu’au plus fort de mes maulx, En cheminant sans croix ne pile, Dieu, qui les Pellerins d’Esmaus Conforta, ce dit l’Evangile, Me montra une bonne ville Et pourveut du don d’esperance ; Combien que le pecheur soit vile, Riens ne hayt que perseverance. XIV. Je suys pecheur, je le sçay bien ; Pourtant Dieu ne veult pas ma mort, Mais convertisse et vive en bien ; Mieulx tout autre que peché mord, Soye vraye voulenté ou enhort, Dieu voit, et sa misericorde, Se conscience me remord, Par sa grace pardon m’accorde. XV. Et, comme le noble Romant De la Rose dit et confesse En son premier commencement, Qu’on doit jeune cueur, en jeunesse, Quant on le voit vieil en vieillesse, Excuser ; helas ! il dit voir. Ceulx donc qui me font telle oppresse, En meurté ne me vouldroient veoir. XVI. Se, pour ma mort, le bien publique D’aucune chose vaulsist myeulx, A mourir comme ung homme inique Je me jugeasse, ainsi m’aid Dieux ! Grief ne faiz à jeune ne vieulx, Soye sur pied ou soye en bière : Les montz ne bougent de leurs lieux, Pour un paouvre, n’avant, n’arrière. XVII. Au temps que Alexandre regna, Ung hom, nommé Diomedès, Devant luy on luy amena, Engrillonné poulces et detz Comme ung larron ; car il fut des Escumeurs que voyons courir. Si fut mys devant le cadès, Pour estre jugé à mourir. XVIII. L’empereur si l’arraisonna : « Pourquoy es-tu larron de mer ? » L’autre, responce luy donna : « Pourquoy larron me faiz nommer ? « Pour ce qu’on me voit escumer « En une petiote fuste ? « Se comme toy me peusse armer, « Comme toy empereur je fusse. XIX. « Mais que veux-tu ! De ma fortune, « Contre qui ne puis bonnement, « Qui si durement m’infortune, « Me vient tout ce gouvernement. « Excuse-moy aucunement, « Et sçaches qu’en grand pauvreté « (Ce mot dit-on communément) « Ne gist pas trop grand loyaulté. » XX. Quand l’empereur eut remiré De Diomedès tout le dict : « Ta fortune je te mueray, « Mauvaise en bonne ! » ce luy dit. Si fist-il. Onc puis ne mesprit A personne, mais fut vray homme ; Valère, pour vray, le rescript, Qui fut nommé le grand à Romme. XXI. Se Dieu m’eust donné rencontrer Ung autre piteux Alexandre, Qui m’eust faict en bon heur entrer, Et lors qui m’eust veu condescendre A mal, estre ars et mys en cendre Jugé me fusse de ma voix. Necessité faict gens mesprendre, Et faim saillir le loup des boys. XXII. Je plaings le temps de ma jeunesse, Ouquel j’ay plus qu’autre gallé, Jusque à l’entrée de vieillesse, Qui son partement m’a celé. Il ne s’en est à pied allé, N’à cheval ; las ! et comment donc ? Soudainement s’en est vollé, Et ne m’a laissé quelque don. XXIII. Allé s’en est, et je demeure, Pauvre de sens et de sçavoir, Triste, failly, plus noir que meure, Qui n’ay ne cens, rente, n’avoir ; Des miens le moindre, je dy voir, De me desadvouer s’avance, Oublyans naturel devoir, Par faulte d’ung peu de chevance. XXIV. Si ne crains avoir despendu, Par friander et par leschier ; Par trop aimer n’ay riens vendu, Que nuls me puissent reprouchier, Au moins qui leur couste trop cher. Je le dys, et ne croys mesdire. De ce ne me puis revencher : Qui n’a meffait ne le doit dire. XXV. Est vérité que j’ay aymé Et que aymeroye voulentiers ; Mais triste cueur, ventre affamé, Qui n’est rassasié au tiers, Me oste des amoureux sentiers. Au fort, quelqu’un s’en recompense, Qui est remply sur les chantiers, Car de la panse vient la danse. XXVI. Bien sçay se j’eusse estudié Ou temps de ma jeunesse folle, Et à bonnes meurs dedié, J’eusse maison et couche molle ! Mais quoy ? je fuyoye l’escolle, Comme faict le mauvays enfant… En escrivant ceste parolle, A peu que le cueur ne me fend. XXVII. Le dict du Saige est très beaulx dictz, Favorable, et bien n’en puis mais, Qui dit : « Esjoys-toy, mon filz, A ton adolescence ; mais Ailleurs sers bien d’ung autre mectz, Car jeunesse et adolescence (C’est son parler, ne moins ne mais) Ne sont qu’abbus et ignorance. » XXVIII. Mes jours s’en sont allez errant, Comme, dit Job, d’une touaille Sont les filetz, quant tisserant Tient en son poing ardente paille : Lors, s’il y a nul bout qui saille, Soudainement il le ravit. Si ne crains rien qui plus m’assaille, Car à la mort tout assouvyst. XXIX. Où sont les gratieux gallans Que je suyvoye au temps jadis, Si bien chantans, si bien parlans, Si plaisans en faictz et en dictz ? Les aucuns sont mortz et roydiz ; D’eulx n’est-il plus rien maintenant. Respit ils ayent en paradis, Et Dieu saulve le remenant ! XXX. Et les aucuns sont devenuz, Dieu mercy ! grans seigneurs et maistres, Les autres mendient tous nudz, Et pain ne voyent qu’aux fenestres ; Les autres sont entrez en cloistres ; De Celestins et de Chartreux, Bottez, housez, com pescheurs d’oystres : Voilà l’estat divers d’entre eulx. XXXI. Aux grans maistres Dieu doint bien faire, Vivans en paix et en requoy. En eulx il n’y a que refaire ; Si s’en fait bon taire tout quoy. Mais aux pauvres qui n’ont de quoy, Comme moy, Dieu doint patience ; Aux aultres ne fault qui ne quoy, Car assez ont pain et pitance. XXXII. Bons vins ont, souvent embrochez, Saulces, brouetz et gros poissons ; Tartres, flans, œufz fritz et pochez, Perduz, et en toutes façons. Pas ne ressemblent les maçons, Que servir fault à si grand peine ; Ils ne veulent nulz eschançons, Car de verser chascun se peine. XXXIII. En cest incident me suys mys, Qui de rien ne sert à mon faict. Je ne suys juge, ne commis, Pour punyr n’absouldre meffaict. De tous suys le plus imparfaict. Loué soit le doulx Jesus-Christ ! Que par moy leur soit satisfaict ! Ce que j’ay escript est escript. XXXIV. Laissons le monstier où il est ; Parlons de chose plus plaisante. Ceste matière à tous ne plaist : Ennuyeuse est et desplaisante. Pauvreté, chagrine et dolente, Tousjours despiteuse et rebelle, Dit quelque parolle cuysante ; S’elle n’ose, si le pense-elle. XXXV. Pauvre je suys de ma jeunesse, De pauvre et de petite extrace. Mon pere n’eut oncq grand richesse. Ne son ayeul, nommé Erace. Pauvreté tous nous suyt et trace. Sur les tumbeaulx de mes ancestres, Les ames desquelz Dieu embrasse, On n’y voyt couronnes ne sceptres. XXXVI. De pouvreté me guermentant, Souventesfoys me dit le cueur : « Homme, ne te doulouse tant Et ne demaine tel douleur, Se tu n’as tant qu’eust Jacques Cueur. Myeulx vault vivre soubz gros bureaux Pauvre, qu’avoir esté seigneur Et pourrir soubz riches tumbeaux ! » XXXVII. Qu’avoir esté seigneur !… Que dys ? Seigneur, lasse ! ne l’est-il mais ! Selon ce que d’aulcun en dict, Son lieu ne congnoistra jamais. Quant du surplus, je m’en desmectz. Il n’appartient à moy, pecheur ; Aux theologiens le remectz, Car c’est office de prescheur. XXXVIII. Si ne suys, bien le considère, Filz d’ange, portant dyadème D’etoille ne d’autre sydère. Mon pere est mort, Dieu en ayt l’ame, Quant est du corps, il gyst soubz lame… J’entends que ma mère mourra, Et le sçait bien, la pauvre femme ; Et le filz pas ne demourra. XXXIX. Je congnoys que pauvres et riches, Sages et folz, prebstres et laiz, Noble et vilain, larges et chiches, Petitz et grans, et beaulx et laidz, Dames à rebrassez colletz, De quelconque condicion, Portant attours et bourreletz, Mort saisit sans exception. XL. Et mourut Paris et Helène. Quiconques meurt, meurt à douleur. Celluy qui perd vent et alaine, Son fiel se crève sur son cueur, Puys sue Dieu sçait quelle sueur ! Et n’est qui de ses maulx l’allège : Car enfans n’a, frère ne sœur, Qui lors voulsist estre son pleige. XLI. La mort le faict fremir, pallir, Le nez courber, les veines tendre, Le col enfler, la chair mollir, Joinctes et nerfs croistre et estendre. Corps feminin, qui tant est tendre, Polly, souef, si precieulx, Te faudra-il ces maulx attendre ? Ouy, ou tout vif aller ès cieulx.

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    François Villon

    François Villon

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    Le petit testament I. Mil quatre cens cinquante six, Je, François Villon, escollier, Considérant, de sens rassis, Le frain aux dens, franc au collier, Qu’on doit ses œuvres conseiller, Comme Vegèce le racompte, Saige Romain, grant conseiller, Ou autrement on se mescompte. II. En ce temps que j’ay dit devant, Sur le Noël, morte saison, Que les loups se vivent du vent, Et qu’on se tient en sa maison, Pour le frimas, près du tison : Cy me vint vouloir de briser La très amoureuse prison Qui souloit mon cueur desbriser. III. Je le feis en telle façon, Voyant Celle devant mes yeulx Consentant à ma deffaçon, Sans ce que jà luy en fust mieulx ; Dont je me deul et plains aux cieulx, En requérant d’elle vengence À tous les dieux venerieux, Et du grief d’amours allégence. IV. Et, se je pense en ma faveur, Ces doulx regrets et beaulx semblans De très decepvante saveur, Me trespercent jusques aux flancs : Bien ilz ont vers moy les piez blancs Et me faillent au grant besoing. Planter me fault autre complant Et frapper en ung autre coing. V. Le regard de Celle m’a prins, Qui m’a esté felonne et dure ; Sans ce qu’en riens aye mesprins, Veult et ordonne que j’endure La mort, et que plus je ne dure. Si n’y voy secours que fouir. Rompre veult la dure souldure, Sans mes piteux regrets ouir ! VI. Pour obvier à ses dangiers, Mon mieulx est, ce croy, de partir. Adieu ! Je m’en voys à Angiers, Puisqu’el ne me veult impartir Sa grace, ne me departir. Par elle meurs, les membres sains ; Au fort, je meurs amant martir, Du nombre des amoureux saints ! VII. Combien que le depart soit dur, Si fault-il que je m’en esloingne. Comme mon paouvre sens est dur ! Autre que moy est en queloingne, Dont onc en forest de Bouloingne Ne fut plus alteré d’humeur. C’est pour moy piteuse besoingne : Dieu en vueille ouïr ma clameur ! VIII. Et puisque departir me fault, Et du retour ne suis certain : Je ne suis homme sans deffault, Ne qu’autre d’assier ne d’estaing. Vivre aux humains est incertain, Et après mort n’y a relaiz : Je m’en voys en pays lointaing ; Si establiz ce present laiz. IX. Premierement, au nom du Père, Du Filz et Saint-Esperit, Et de sa glorieuse Mère Par qui grace riens ne périt, Je laisse, de par Dieu, mon bruit À maistre Guillaume Villon, Qui en l’honneur de son nom bruit, Mes tentes et mon pavillon. X. À celle doncques que j’ay dict, Qui si durement m’a chassé, Que j’en suys de joye interdict Et de tout plaisir dechassé, Je laisse mon cœur enchassé, Palle, piteux, mort et transy : Elle m’a ce mal pourchassé, Mais Dieu luy en face mercy ! XI. Et à maistre Ythier, marchant, Auquel je me sens très tenu, Laisse mon branc d’acier tranchant, Et à maistre Jehan le Cornu, Qui est en gaige detenu Pour ung escot six solz montant ; Je vueil, selon le contenu, Qu’on luy livre, en le racheptant. XII. Item, je laisse a Sainct-Amant Le Cheval Blanc avec la Mule, Et à Blaru, mon dyamant Et l’Asne rayé qui reculle. Et le décret qui articulle : Omnis utriusque sexus, Contre la Carmeliste bulle, Laisse aux curez, pour mettre sus. XIII. Item, à Jehan Trouvé, bouchier, Laisse le mouton franc et tendre, Et ung tachon pour esmoucher Le bœuf couronné qu’on veult vendre, Et la vache, qu’on ne peult prendre. Le vilain qui la trousse au col, S’il ne la rend, qu’on le puist pendre Ou estrangler d’un bon licol ! XIV. Et à maistre Robert Vallée, Povre clergeon au Parlement, Qui ne tient ne mont ne vallée, J’ordonne principalement Qu’on luy baille legerement Mes brayes, estans aux trumellières, Pour coeffer plus honestement S’amye Jehanneton de Millières. XV. Pour ce qu’il est de lieu honeste, Fault qu’il soit myeulx recompensé, Car le Saint-Esprit l’admoneste. Ce obstant qu’il est insensé. Pour ce, je me suis pourpensé, Puis qu’il n’a sens mais qu’une aulmoire, De recouvrer sur Malpensé, Qu’on lui baille, l’Art de mémoire. XVI. Item plus, je assigne la vie Du dessusdict maistre Robert… Pour Dieu ! n’y ayez point d’envie ! Mes parens, vendez mon haubert, Et que l’argent, ou la pluspart, Soit employé, dedans ces Pasques, Pour achepter à ce poupart Une fenestre emprès Saint-Jacques. XVII. Derechief, je laisse en pur don Mes gands et ma hucque de soye À mon amy Jacques Cardon ; Le gland aussi d’une saulsoye, Et tous les jours une grosse oye Et ung chappon de haulte gresse ; Dix muys de vin blanc comme croye, Et deux procès, que trop n’engresse. XVIII. Item, je laisse à ce jeune homme, René de Montigny, troys chiens ; Aussi à Jehan Raguyer, la somme De cent frans, prins sur tous mes biens ; Mais quoy ! Je n’y comprens en riens Ce que je pourray acquerir : On ne doit trop prendre des siens, Ne ses amis trop surquerir. XIX. Item, au seigneur de Grigny Laisse la garde de Nygon, Et six chiens plus qu’à Montigny, Vicestre, chastel et donjon ; Et à ce malostru Changon, Moutonnier qui tient en procès, Laisse troys coups d’ung escourgon, Et coucher, paix et aise, en ceps. XX. Et à maistre Jacques Raguyer, Je laisse l’Abreuvoyr Popin, Pour ses paouvres seurs grafignier ; Tousjours le choix d’ung bon lopin, Le trou de la Pomme de pin, Le doz aux rains, au feu la plante, Emmailloté en jacopin ; Et qui vouldra planter, si plante. XXI. Item, à maistre Jehan Mautainct Et maistre Pierre Basannier, Le gré du Seigneur, qui attainct Troubles, forfaits, sans espargnier ; Et à mon procureur Fournier, Bonnetz courts, chausses semellées, Taillées sur mon cordouennier, Pour porter durant ces gellées. XXII. Item, au chevalier du guet, Le heaulme luy establis ; Et aux pietons qui vont d’aguet Tastonnant par ces establis, Je leur laisse deux beaulx rubis, La lenterne à la Pierre-au-Let… Voire-mais, j’auray les Troys licts, S’ilz me meinent en Chastellet. XXIII. Item, à Perrenet Marchant, Qu’on dit le Bastard de la Barre, Pour ce qu’il est ung bon marchant, Luy laisse trois gluyons de feurre Pour estendre dessus la terre À faire l’amoureux mestier, Où il luy fauldra sa vie querre, Car il ne scet autre mestier. XXIV. Item, au Loup et à Chollet Je laisse à la foys un canart, Prins sous les murs, comme on souloit, Envers les fossez, sur le tard ; Et à chascun un grand tabart De cordelier, jusques aux pieds, Busche, charbon et poys au lart, Et mes housaulx sans avantpiedz. XXV. Derechief, je laisse en pitié, À trois petitz enfans tous nudz, Nommez en ce present traictié, Paouvres orphelins impourveuz, Tous deschaussez, tous despourveus, Et desnuez comme le ver ; J’ordonne qu’ils seront pourveuz, Au moins pour passer cest yver. XXVI. Premierement, Colin Laurens, Girard Gossoyn et Jehan Marceau, Desprins de biens et de parens, Qui n’ont vaillant l’anse d’un ceau, Chascun de mes biens ung faisseau, Ou quatre blancs, s’ilz l’aiment mieulx ; Ils mengeront maint bon morceau, Ces enfans, quand je seray vieulx ! XXVII. Item, ma nomination, Que j’ay de l’Université, Laisse par resignation, Pour forclorre d’adversité Paouvres clercs de ceste cité, Soubz cest intendit contenuz : Charité m’y a incité, Et Nature, les voyant nudz. XXVIII. C’est maistre Guillaume Cotin Et maistre Thibault de Vitry, Deux paouvres clercs, parlans latin, Paisibles enfans, sans estry, Humbles, biens chantans au lectry. Je leur laisse cens recevoir Sur la maison Guillot Gueuldry, En attendant de mieulx avoir. XXIX. Item plus, je adjoinctz à la Crosse Celle de la rue Sainct-Anthoine, Et ung billart de quoy on crosse, Et tous les jours plain pot de Seine, Aux pigons qui sont en l’essoine, Ensserez soubz trappe volière, Et mon mirouer bel et ydoyne, Et la grace de la geollière. XXX. Item, je laisse aux hospitaux Mes chassis tissus d’araignée ; Et aux gisans soubz les estaux, Chascun sur l’œil une grongnée, Trembler à chière renffrongnée, Maigres, velluz et morfonduz ; Chausses courtes, robe rongnée, Gelez, meurdriz et enfonduz. XXXI. Item, je laisse à mon barbier Les rongneures de mes cheveulx, Plainement et sans destourbier ; Au savetier, mes souliers vieulx, Et au fripier, mes habitz tieulx Que, quant du tout je les délaisse, Pour moins qu’ilz ne coustèrent neufz Charitablement je leur laisse. XXXII. Item, aux Quatre Mendians, Aux Filles Dieu et aux Beguynes, Savoureulx morceaulx et frians, Chappons, pigons, grasses gelines, Et puis prescher les Quinze Signes, Et abatre pain à deux mains. Carmes chevaulchent nos voisines, Mais cela ce n’est que du meins. XXXIII. Item, laisse le Mortier d’or A Jehan l’Espicier, de la Garde, Et une potence à Sainct-Mor, Pour faire ung broyer à moustarde. Et celluy qui feit l’avant-garde, Pour faire sur moy griefz exploitz, De par moy sainct Anthoine l’arde ! Je ne lui lairray autre laiz. XXXIV. Item, je laisse à Mairebeuf Et à Nicolas de Louvieulx, A chascun l’escaille d’un œuf, Plaine de frans et d’escus vieulx. Quant au concierge de Gouvieulx, Pierre Ronseville, je ordonne, Pour luy donner encore mieulx, Escus telz que prince les donne. XXXV. Finalement, en escrivant, Ce soir, seullet, estant en bonne, Dictant ces laiz et descripvant, Je ouyz la cloche de Sorbonne, Qui tousjours à neuf heures sonne Le Salut que l’Ange predit ; Cy suspendy et cy mis bonne, Pour pryer comme le cueur dit. XXXVI. Cela fait, je me entre-oubliai, Non pas par force de vin boire, Mon esperit comme lié ; Lors je senty dame Memoire Rescondre et mectre en son aulmoire Ses espèces collaterales, Oppinative faulce et voire, Et autres intellectualles. XXXVII. Et mesmement l’extimative, Par quoy prosperité nous vient ; Similative, formative, Desquelz souvent il advient Que, par l’art trouvé, hom devient Fol et lunatique par moys : Je l’ay leu, et bien m’en souvient, En Aristote aucunes fois. XXXVIII. Doncques le sensif s’esveilla Et esvertua fantaisie, Qui tous argeutis resveilla, Et tint souveraine partie, En souppirant, comme amortie, Par oppression d’oubliance, Qui en moy s’estoit espartie Pour montrer des sens l’alliance. XXXIX. Puis, mon sens qui fut à repos Et l’entendement desveillé, Je cuide finer mon propos ; Mais mon encre estoit gelé, Et mon cierge estoit soufflé. De feu je n’eusse pu finer. Si m’endormy, tout enmouflé, Et ne peuz autrement finer. XL. Fait au temps de ladicte date, Par le bon renommé Villon, Qui ne mange figue ne date ; Sec et noir comme escouvillon, Il n’a tente ne pavillon Qu’il n’ayt laissé à ses amys, Et n’a mais q’un peu de billon, Qui sera tantost à fin mys. cy fine le testament Villon

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    François Villon

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    Les regrets de la belle heaulmière Jà parvenue à vieillesse. Advis m’est que j’oy regretter La belle qui fut heaulmière, Soy jeune fille souhaitter Et parler en ceste manière : « Ha ! vieillesse felonne et fière, Pourquoy m’as si tost abatue ? Qui me tient que je ne me fière, Et qu’à ce coup je ne me tue ? « Tollu m’as ma haulte franchise Que beauté m’avoit ordonné Sur clercz, marchans et gens d’Eglise : Car alors n’estoit homme né Qui tout le sien ne m’eust donné, Quoy qu’il en fust des repentailles, Mais que luy eusse abandonné Ce que reffusent truandailles. « A maint homme l’ay reffusé, Qui n’estoit à moy grand saigesse, Pour l’amour d’ung garson rusé, Auquel j’en feiz grande largesse. A qui que je feisse finesse, Par m’ame, je l’amoye bien ! Or ne me faisoit que rudesse, Et ne m’amoyt que pour le mien. « Jà ne me sceut tant detrayner, Fouller au piedz, que ne l’aymasse, Et m’eust-il faict les rains trayner, S’il m’eust dit que je le baisasse Et que tous mes maux oubliasse ; Le glouton, de mal entaché, M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse ! Que m’en reste-il ? Honte et peché. « Or il est mort, passé trente ans, Et je remains vieille et chenue. Quand je pense, lasse ! au bon temps, Quelle fus, quelle devenue ; Quand me regarde toute nue, Et je me voy si très-changée, Pauvre, seiche, maigre, menue, Je suis presque toute enragée. « Qu’est devenu ce front poly, Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz, Grand entr’œil, le regard joly, Dont prenoye les plus subtilz ; Ce beau nez droit, grand ne petiz ; Ces petites joinctes oreilles, Menton fourchu, cler vis traictis, Et ces belles lèvres vermeilles ? « Ces gentes espaules menues, Ces bras longs et ces mains tretisses ; Petitz tetins, hanches charnues, Eslevées, propres, faictisses A tenir amoureuses lysses ; Ces larges reins, ce sadinet, Assis sur grosses fermes cuysses, Dedans son joly jardinet ? « Le front ridé, les cheveulx gris, Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz, Qui faisoient regars et ris, Dont maintz marchans furent attaincts ; Nez courbé, de beaulté loingtains ; Oreilles pendans et moussues ; Le vis pally, mort et destaincts ; Menton foncé, lèvres peaussues : « C’est d’humaine beauté l’yssues ! Les bras courts et les mains contraictes, Les espaulles toutes bossues ; Mammelles, quoy ! toutes retraictes ; Telles les hanches que les tettes. Du sadinet, fy ! Quant des cuysses, Cuysses ne sont plus, mais cuyssettes Grivelées comme saulcisses. « Ainsi le bon temps regretons Entre nous, pauvres vieilles sottes, Assises bas, à croppetons, Tout en ung tas comme pelottes, A petit feu de chenevottes, Tost allumées, tost estainctes ; Et jadis fusmes si mignottes !… Ainsi en prend à maintz et maintes. »

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    François Villon

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    @francoisVillon

    Quand je considère ces têtes Quand je considère ces têtes Entassées en ces charniers, Tous furent maitres des requêtes, Au moins de la Chambre aux Deniers, Ou tous furent portepaniers : Autant puis l’un que l’autre dire, Car d’évêques ou lanterniers, Je n’y connois rien à redire.

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