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Jacques Prévert

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Jacques Prévert, né le 4 février 1900 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et mort le 11 avril 1977 à Omonville-la-Petite (Manche), est un poète français. Auteur de recueils de poèmes, parmi lesquels Paroles (1946), il devint un poète populaire grâce à son langage familier et à ses jeux sur les mots. Ses poèmes sont depuis lors célèbres dans le monde francophone et massivement appris dans les écoles françaises. Il a également écrit des sketchs et des chœurs parlés pour le théâtre, des chansons, des scénarios et des dialogues pour le cinéma où il est un des artisans du réalisme poétique. Il a également réalisé de nombreux collages sonores à partir des années 1940.

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Poésies

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    Le cancre Il dit non avec la tête mais il dit oui avec le cœur il dit oui à ce qu'il aime il dit non au professeur il est debout on le questionne et tous les problèmes sont posés soudain le fou rire le prend et il efface tout les chiffres et les mots les dates et les noms les phrases et les pièges et malgré les menaces du maître sous les huées des enfants prodiges avec des craies de toutes les couleurs sur le tableau noir du malheur il dessine le visage du bonheur

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    A la Belle Étoile Boulevard de la Chapelle où passe le métro aérien Il y a des filles très belles et beaucoup de vauriens Les clochards affamés s'endorment sur les bancs De vieilles poupées font encore le tapin à soixante-cinq ans Boulevard Richard-Lenoir j'ai rencontré Richard Leblanc Il était pâle comme l'ivoire et perdait tout son sang Tire-toi d'ici tire-toi d'ici voilà ce qu'il m'a dit Les flics viennent de passer Histoire de s' réchauffer ils m'ont assaisonné Boulevard des Italiens j'ai rencontré un Espagnol Devant chez Dupont tout est bon après la fermeture Il fouillait les ordures pour trouver un croûton Encore un sale youpin qui vient manger notre pain Dit un monsieur très bien Boulevard de Vaugirard j'ai aperçu un nouveau-né Au pied d'un réverbère dans une boîte à chaussures Le nouveau-né donnait dormait ah ! quelle merveille De son dernier sommeil Un vrai petit veinard Boulevard de Vaugirard Au jour le jour à la nuit la nuit A la belle étoile C'est comme ça que je vis Où est-elle l'étoile Moi je n' l'ai jamais vue Elle doit être trop belle pour le premier venu Au jour le jour à la nuit la nuit A la belle étoile Cest comme ça que je vis C'est une drôle d'étoile c'est une triste vie Une triste vie.

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    Alicante Une orange sur la table Ta robe sur le tapis Et toi dans mon lit Doux présent du présent Fraîcheur de la nuit Chaleur de ma vie.

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    Art abstrus Désagréablement surpris de vivre à peine satisfait de ne pas être mort jamais il n'adresse la parole à la vie Il y a une nuance entre dire et demander merci Et la tête entre les mains et les pinceaux tout prêts mais la couleur si loin debout devant son chevalet de torture picturale il se regarde et s'observe dans le miroir de la toile où la mygale de la mégalomanie tisse et retisse à l'infini la décalcomanie logogriphique de ses spéculations esthétiques Abstraire une vache pour en tirer du lait et tirer de ce lait le portrait d'un brin d'herbe que la vache a brouté Pourtant des tournesols de fer voltigent en Provence dans les jardins de Calder pourtant sous la pluie contre un poteau télégraphique un vélo de Braque dit merci à l'éclaircie pourtant Claude et Paloma Picasso ne prennent pas la peine de pousser le cadre pour sortir tout vivants du tableau pourtant la bohémienne endormie rêve encore au douanier Rousseau pourtant des éclats de soleil blessent encore l'oiseau tardif des paysages de Miro pourtant à Florence cette haleine de fleurs peintes entre les lèvres de la bouche d'un visage de Botticelli a toujours le même parfum que le printemps de Vivaldi pourtant aujourd'hui en pleine lumière d'Antibes dans une galerie d'art à Parie l'enfant du sang des songes frémissant et meurtri devant une toile de Nicolas de Staël chante sa fraternelle ritournelle La mort est dans la vie la vie aidant la mort la vie est dans la mort la mort aidant la vie.

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    Au hasard des Oiseaux J'ai appris très tard à aimer les oiseaux je le regrette un peu mais maintenant tout est arrangé on s'est compris ils ne s'occupent pas de moi je ne m'occupe pas d'eux je les regarde je les laisse faire tous les oiseaux font de leur mieux ils donnent l'exemple pas l'exemple comme par exemple Monsieur Glacis qui s'est remarquablement courageusement conduit pendant la guerre ou l'exemple du petit Paul qui était si pauvre et si beau et tellement honnête avec ça et qui est devenu plus tard le grand Paul si riche et si vieux si honorable et si affreux et si avare et si charitable et si pieux ou par exemple cette vieille servante qui eut une vie et une mort exemplaires jamais de discussions pas ça l'ongle claquant sur la dent pas ça de discussion avec monsieur ou avec madame au sujet de cette affreuse question des salaires non les oiseaux donnent l'exemple l'exemple comme il faut exemple des oiseaux exemple des oiseaux exemple les plumes les ailes le vol des oiseaux exemple le nid les voyages et les chants des oiseaux exemple la beauté des oiseaux exemple le cceur des oiseaux la lumière des oiseaux.

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    Barbara Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là Et tu marchais souriante Épanouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisée rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de même Rappelle-toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle-toi Rappelle-toi quand même ce jour-là N'oublie pas Un homme sous un porche s'abritait Et il a crié ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie épanouie Et tu t'es jetée dans ses bras Rappelle-toi cela Barbara Et ne m'en veux pas si je te tutoie Je dis tu à tous ceux que j'aime Même si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis tu à tous ceux qui s'aiment Même si je ne les connais pas Rappelle-toi Barbara N'oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu d'acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est-il mort disparu ou bien encore vivant Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin très loin de Brest Dont il ne reste rien.

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    Belle Déni de Dieu déni du diable incapable d'être coupable tu es belle indéniable Tu es belle comme la mer et la Terre avant la prolifération humaine Et pourtant tu es femme Tu es belle comme le vent qu'on ne peut voir belle comme le matin et le soir Tu es belle et tu n'es pas la seule Tu es belle entre les belles mais dans la ribambelle des belles tu n'es pas l'étoile Tu es l'une d'elles la mienne et pourtant tu ne m'appartiens pas Mais tu es la seule île déserte où je pourrais vivre avec toi.

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    C'est l'été.. C'est l'été, de jeunes garçons, des enfants, font le tour des alignements de Carnac en racontant aux touristes le mystère des pierres levées. Bien sûr, ils ont appris cela par cœur, mais leur voix monocorde et chantante garde le charme secret du rêve éveillé, comme s'ils y croyaient, comme s'ils y étaient. Le même charme que celui des petites filles qui vendent les colliers de coquillages au pied du phare d'Eckmùhl, ou qui disent devant les rochers de Saint-Guénolé, la triste histoire d'un préfet ou d'un sous-préfet emporté par une lame de fond avec sa petite famille, un jour de grande marée. La Bretagne, la poésie c'est le même pays, celui de Sévy Valner qui ressemble à ces enfants. Est-il poète simplement parce qu'il est jeune ou surtout parce qu'il est Breton? Sans l'avoir entendue il a déjà répondu à la question. « Il suffit peut-être de le demander à la nuit, quand elle se drape d'un linceul vert-de-gris et parle à travers l'oubli. »

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    Cagnes-Sur-Mer Soleil de novembre et déjà de décembre et bientôt de janvier Fête de la Jeunesse et fête de la Pais Eaux claires de la lune dansez sur les galets Dans les filets du vent des sardines d'argent valsent sur l'olivier et des filles de Renoir dans les vignes du soir chantent la vie l'amour et le vin de l'espoir Cagnes-sur-Mer jolie tour de Babel aimée des étrangers Pierre blanche sur la carte des pays traversés et jamais oubliés Danse danse jeunesse danse danse pour la Paix danse danse avec elle sans jamais l'oublier Elle est si belle si frêle et toujours menacée et toujours vivante et toujours condamnée Les plus savants docteurs du monde occis-mental disent qu'une fois de plus elle est encore perdue enfin qu'elle n'en a plus pour longtemps et que la der des nerfs lui a tourné les sangs Et qu'un vaccin la guerre pourrait à l'extrême rigueur la remettre sur pied et qu'à titre préventif et obligatoirement tout le monde comme un seul homme avec femme et enfants devra se faire piquer à bout portant providentiellement Saisonnière horreur sacrifices humains sacrifices enfantins souhaités louanges fêtés Les bourreaux trouvent toujours des aèdes et en première ligne des journaux aussi bien qu'aux avant-postes de radio des voix livides intrépides et autorisées donnent de source sûre les nouvelles toutes fraîches des tout derniers charniers et des éleveurs de monuments aux morts racolent la clientèle pour l'Europe nouvelle AHô allô ne quittez pas l'écoute restez sur le qul-vive sans demander qui meurt et ni pourquoi il meurt Sa mort c'est notre affaire c'est l'affaire du Pays au revers de toutes nos médailles son nom pieusement sera gravé comme sur les premières timbales du gentil nouveau-né Allô allô ne quittez pas l'écoute et que personne ne bouge le drapeau dieu blanc rouge flotte sur le chantier que l'Europe nouvelle est en train de vous fabriquer Allô allô laissez-nous travailler en paix et bientôt l'Afrance et la Lemagne amies héréditaires sœurs latines ignorées trop longtemps divisées mais enfin retrouvées marqueront le pas de l'oie du vaillant coq gaulois sous l'Arc de Triomphe du grand Napoléon trop longtemps oublié et ranimeront le lance-flammes du héros inconnu pour la grande revanche des retraites de Russie Et toujours comme par le passé glorieux et non révolu Épée sur la terre aux hommes de bonne volonté Et à ceux qui bassement nous accusent de nous ne savons quel trafic de piastres et de devises dans les contrées lointaines de notre empire français illimité avec le clair regard des rares honnêtes gens nous répondons très simplement Voyez nos mains sont pleines preuve que nous sommes innocents Danse jeunesse de Cagnes-sur-Mer danse jeunesse de tous les pays et sans en excepter un seul promise à la tuerie danse danse avec la paix On lui tire dans le dos mais elle a les reins solides quand tu la tiens dans tes bras Elle est si belle si fragile si frêle elle est aussi très vieille abîmée détraquée Danse jeunesse du grand monde ouvrier et si tu ne veux pas la guerre Répare la paix.

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    Chanson Le malheur avait mis les habits du mensonge Ils étaient d'un beau rouge couleur du sang du cœur Mais son cœur à lui était gris Penché sur la margelle il me chantait l'amour Sa voix grinçait comme la poulie Et moi dans mon costume de vérité je me taisais et je riais et je dansais au fond du puits Et sur l'eau qui riait aussi la lune brillait contre le malheur la lune se moquait de lui.

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    Chasse a l'enfant Bandit! Voyou! Voleur! Chenapan! Au-dessus de l'île on voit des oiseaux Tout autour de l'île il y a de l'eau Bandit! Voyou! Voleur! Chenapan! Qu'est-ce que c'est que ces hurlements Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! C'est la meute des honnêtes gens Qui fait la chasse à l'enfant Il avait dit J'en ai assez de la maison de redressement Et les gardiens à coups de clefs lui avaient brisé les dents Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment Bandit! Voyou! Voleur! Chenapan! Maintenant il s'est sauvé Et comme une bête traquée Il galope dans la nuit Et tous galopent après lui Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! C'est la meute des honnêtes gens Qui fait la chasse à l'enfant Pour chasser l'enfant pas besoin de permis Tous les braves gens s'y sont mis Qu'est-ce qui nage dans la nuit Quels sont ces éclairs ces bruits C'est un enfant qui s'enfuit On tire sur lui à coups de fusil Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Tous ces messieurs sur le rivage Sont bredouilles et verts de rage Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent ! Au-dessus de l'île on voit des oiseaux Tout autour de l'île il y a de l'eau.

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    Cheval dans une île Celui-là, c'est le cheval qui vit tout seul quelque part très loin dans une ilé. Il mange un peu d'herbe ; derrière lui, il y a un bateau ; c'est le bateau sur lequel le cheval est venu, c'est le bateau sur lequel il va repartir. Ce n'est pas un cheval solitaire, il aime beaucoup la compagnie des autres chevaux; tout seul, il s'ennuie, il voudrait faire quelque chose, être utile aux autres. 12 continue à manger de l'herbe et pendant qu'il mange, il pense à son grand projet. Son grand projet, c'est de retourner chez les chevaux pour leur dire : — Il faut que cela change. Et les chevaux demanderont : — Qu'est-ce qui doit changer? Et lui, il répondra : — Ceet notre vie qui doit changer, elle est trop misérable, nous sommes trop malheureux, cela ne peut pas durer. Mais les plus gros chevaux, les mieux nourris, ceux qui traînent les corbillards des grands de ce monde, les carrosses des rois et qui portent sur la tête un grand chapeau de paille de riz, voudront l'empêcher de parler et lui diront : — De quoi te plains-tu, cheval, n'es-tu pas la plus noble conquête de l'homme? Et ils se moqueront de lui. Alors tous les autres chevaux, les pauvres traî-neurs de camion n'oseront pas donner leur avis. Mais lui, le cheval qui réfléchit dans l'île, il élèvera la voix : — S'il est vrai que je suis la plus noble conquête de l'homme, je ne veux pas être en reste avec lui. « L'homme nous a comblés de cadeaux, mais l'homme a été trop généreux avec nous, l'homme nous a donné le fouet, l'homme nous a donné la cravache, les éperons, les œillères, les brancards, il nous a mis du fer dans la bouche et du fer sous les pieds, c'était froid, mais il nous a marqués au fer rouge pour nous réchauffer... « Pour moi, c'est fini, il peut reprendre ses bijoux, qu'en pensez-vous? Et pourquoi a-t-il écrit sérieusement et en grosses lettres sur les murs... sur les murs de ses écuries, sur les murs de ses casernes de cavalerie, sur les murs de ses abattoirs, de ses hippodromes et de ses boucheries hippophagiques ' : « 8oyez bons pour les Animaux » ? Avouez tout de même que c'est se moquer du monde des chevaux « Alors, tous les autres pauvres chevaux commenceront à comprendre et tous ensemble ils s'en iront trouver les hommes et ils leurs parleront très fort. » LES CHEVAUX Messieurs, nous voulons bien traîner vos voitures, vos charrues, faire vos courses et tout le travail, mais reconnaissons que c'est un service que nous vous rendons : il faut nous en rendre aussi. Souvent, vous nous mangez quand nous sommes morts, il n'y a rien à dire là-dessus, si vous aimez ça ; c'est comme pour le petit déjeuner du matin, il y en a qui prennent de l'avoine au café au lit, d'autres de l'avoine au chocolat, chacun ses goûts; mais souvent aussi vous nous frappez : cela, ça ne doit plus se reproduire. De plus, nous voulons de l'avoine tous les jours ; de l'eau fraîche tous les jours et puis des vacances et qu'on nous respecte, nous sommes des chevaux, on n'est pas des bœufs. Premier qui nous tape dessus, on le mord. Deuxième qui nous tape dessus, on le tue. Voilà. Et les hommes comprendront qu'ils ont été un peu fort, ils deviendront plus raisonnables. Il rit, le cheval, en pensant à toutes ces choses qui arriveront sûrement un jour. Il a envie de chanter, mais il est tout seul, et il n'aime que chanter en chœur; alors il crie tout de même : « Vive la liberté ! » Dans d'autres îles, d'autres chevaux l'entendent et ils crient à leur tour de toutes leurs forces : « Vive la liberté ! >. Tous les hommes des îles et ceux du continent entendent des cris et se demandent ce que c'est, puis ils se rassurent et disent en haussant les épaules : « Ce n'est rien, c'est des chevaux. » Mais ils ne se doutent pas de ce que les chevaux leur préparent.

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    Complainte de la mer Complainte de la mer dans le fracas du vent Tout ce qu'elle vocifère et qu'elle chante en rêvant dans les sables mouvants Tout ce qu'elle tait soudain Silencieuse étale et plate calmement

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    Des jeunes... Ils ne veulent pas entrer dans la carrière de leurs aînés qui n'y sont plus Il ne veulent pas, dans la poussière, suivre la trace de leurs vertus! - Leurs vertus, ça les fait marrer Leur poussière, ça les fait tousser. - Enfin, ils ne savent pas ce qu'il veulent! - Si. Ils ne veulent rien savoir de votre savoir.

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    Définir l'humour Louable entreprise définir tout est là et le reste avec Il faut savoir à quoi s'en tenir Et il est grand temps que les entrepreneurs de définitions mettent l'humour au pied du mur c'est-à-dire à sa place là où on remet le maçon Depuis trop longtemps on prenait trop souvent l'humour à la légère il s'agit maintenant de le prendre à la lourde Alors messieurs définissez-le expliquez-le cataloguez-le contingentez-le prouvez-le par l'œuf disséquez-le encensez-le recensez-le engagez-le rempilez-le encagez-le dans la marine encadrez-le hiérarchisez-le arraisonnez-le béatifiez-le polissez-le sans cesse et repolissez-le Enfin attrapez-le sans oublier de mettre votre grain de sel s'il en a une sur sa queue Et quand voua en aurez fini aveo lui dé-fi-ni-ti-ve-ment c'est-à-dire prouvé didactiquement dialectiquement casuistiquement ostensiblement et naturellement poétiquement qu'il est nénarrable solite décis pondérable proviste commen8urable tempestif déniable et trépide et qu'il a son rôle historique à jouer dans l'histoire mais qu'il doit cesser de prêter à rire pour donner à penser Et de même que de remarquables érudits spécialistes ont prouvé que le marquis de Sade n'était que le modeste précurseur des chrétiens progressistes et votre Seigneur Jésus-Christ le premier des socialistes n'oubliez pas de démontrer ostensiblement que Jésus-Christ était surtout un enfant de l'humour Et grâce à cette consécration officielle la conscience universelle encore une fois pour quelques-unes si ce n'est pas pour toutes sera tranquille comme saint Jean-Baptiste Et cette conscience redeviendra encore pour un temps science des cons et la civilisation redeviendra militarisation et la révolution vérolution nationale Et vous pourrez tourner les manivelles des grandes orgues des très hauts lieux où souffle l'esprit critique Et décanter les cantiques des cantiques Quel beau jour quel touchant spectacle Tressaillons d'humour de bonheur Jésus sort de son tabernacle Et s'avance en triomphateur Refrain Humour Humour Humour à Jésus Humour Humour Humour à Jésus Variante Tout ça ne vaut pas l'humour la belle humour Sans oublier dans vos entonnoirs l'humour platonique l'humour sacré de la patrie et l'humour de l'art Et que l'on entende encore longtemps le cri du chœur des fouilleurs de tiroirs Pour l'humour de Dieu Ne plaisantez pas avec l'humour L'humour c'est sérieux ! P. S. Et comme je vous le disais dans ma dernière lettre que selon la formule consacrée vous n'avez pas reçue parce que je ne l'ai pas envoyée et que je n'ai pas envoyée parce que je ne l'ai pas écrite Pour ce qui est de mon pedigree permettez-moi d'avancer masqué comme en pareille occasion il sied et d'emprunter les feuilles de vigne roses du Petit Larousse illustré pour vous confier ceci sous le sceau du secret professionnel de ma vie privée

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    Déjeuner du matin Il a mis le café Dans la tasse Il a mis le lait Dans la tasse de café Il a mis le sucre Dans le café au lait Avec la petite cuillère Il a tourné Il a bu le café au lait Et il a reposé la tasse Sans me parler Il a allumé Une cigarette Il a fait des ronds Avec la fumée Il a mis les cendres Dans le cendrier Sans me parler Sans me regarder Il s’est levé Il a mis Son chapeau sur sa tête Il a mis son manteau de pluie Parce qu’il pleuvait Et il est parti Sous la pluie Sans une parole Sans me regarder Et moi j’ai pris Ma tête dans ma main Et j’ai pleuré

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    Eternite instantanée En Inde, la mer telle qu'elle est, des pêcheurs et leurs filets. Sur le rivage, un buffle blanc près d'un chien noir. Oue dire de plus, il n'y a qu'à voir ce que Boubat voit et nous fait voir, la simple magie des choses, des êtres, de la vie quand la vie est la vie, épargnée, hors de danger, privilégiée, malgré la dure rigueur du bonheur journalier. Caméra et filets. Magie : ne bougeons plus, le grand poisson va sortir! Et le grand poisson sort, une femme avec un bel enfant et un très tendre sourire le tient à bout de bras. Pêche miraculeuse, magie, ils en tireront quelques roupies. Boubat a vécu là, il a vu tout cela et quand il est parti, on lui a dit au revoir comme à un ami. C'est tellement simple, n'est-ce pas, alors que partout ailleurs les reporters du malheur travaillent en pleine tuerie. Boubat, lui, dans les villes les plus proches, comme dans les terres les plus lointaines ou les grands déserts de l'ennui, cherche et trouve des oasis. C'est un correspondant de paix. Et c'est peut-être, comme on dit, par un juste retour des choses qu'il expose aujourdTiui son travail au coin du boulevard Raspail là où il n'y a pas tellement longtemps se dressaient les murs du Conseil de Guerre et de la sinistre prison du Cherche-Midi.

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    Figuratifs de l'imaginaire Quand l'homme, en fin de querelle, a égrené tout son chapelet d'injures, il hausse les épaules pousse un grand soupir et dit: «Figure!» Puis, ne précisant pas, s'en va. Un autre jour, racontant ce qui s'est passé la veille et qu'il a trouvé surprenant il dit : « Figurez-vous que pas plus tard qu'hier... et il ajoute - vous ne pouvez pas vous imaginer! » De même, l'homme devant une peinture ou en écoutant un air de musique, comme au retour d'un rêve, n'ose avouer qu'il n'a que de très faibles indices pour déceler ce qu'il est convenu d'appeler la réalité. De là tant de questions : est-ce auditif ou non-auditif, est-ce pré-non-figuratif ou tout bonnement prohibitif. Figuratifs de l'imaginaire. Tout ce qui est de l'imagination est réel et l'imagination n'en peut mais. Cet été, au Bastion d'Amibes, trois peintres se rassemblent et qui pourtant ne se ressemblent pas tellement. Un lien indépendant les unit. Celui de peindre, pour leur bon plaisir, en figurant des images, en imaginant des figures.

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    Fête a Mennecy À Paris autrefois, c'est-à-dire il y a seulement quelque temps les fêtes foraines avaient droit de cité. La fête ça existait. La musique de carton des manèges à vapeur vous appelait de très loin, et la rumeur heureuse des tours de chevaux de bois et des tours de cochons mêlée au rugissement des lions de chez Pezon, c'était beau, tendre et violent et comme toute fête un petit peu triste en même temps. Les gens allaient à la fête comme ils allaient au bois, au muguet, à Luna-Park ou à Robinson. Aujourd'hui, on dirait que les fêtes, c'est seulement les fantômes des fêtes d'autrefois. Et puis il y avait les fêtes « rituelles », les fêtes des autres âges. Au mardi-gras, à la mi-carême défilaient des chars, des rêves de reines, des rois de cirque, des déguisés, enrubannés de serpentins et bombardés de confetti. Aujourd'hui le peuple ne fait plus la fête comme avant, il n'a plus la place, il n'a plus le temps... il ne fait plus la fête mais les savants font la Bombe. Aujourd'hui, c'est la foire roulante, les feux follets rouges, les feux follets verts, les clignotants. C'est le grand Pardon de saint Parking, l'exode hebdomadaire, et défilent seulement les déesses, les jaguars, les idées, les deux chevaux : en s'engueulant. Les mots les plus grossiers, les gens bien élevés les ont piqués au peuple et en font un bien pauvre usage. Pourtant, un peu partout, de temps en temps, de joyeux drilles font encore la fête. C'est pourquoi à deux coups d'aile de Paris, vous pouvez voir « comme si vous y étiez » ou en garder le souvenir, comme si vous y étiez allés, le carnaval de Men-necy: une petite ville aux volets fermés. Sur la neige à peine balayée l'homme invisible, tcharlie chapline, et une femme du monde de « la belle époque» s'en vont retrouver leurs amis. Mennecy en Seine-et-Oise. Pays trop près, pays trop loin, c'est un dit-on des environs. 30 kilomètres, trop près pour faire un vrai voyage et loin, trop loin pour y aller souvent. À Mennecy une fois l'an, les carnavaliers se réunissent, se déguisent, se maquillent et en avant la musique. L'unique char c'est un tracteur, un bœuf gras déguisé en robot. Parfois dans la petite foule, sur la grand'place, des voix regrettent l'ardeur, l'intensité des fêtes du passé. Mais chaque année, cette fête recommence, elle est comme elle est, les joyeux drilles de Mennecy se refusent à demander l'aide de la municipalité. Ils chantent, ils boivent le coup, ils font la quête, ils dressent une croix et cette croix, quand la nuit tombe tout à fait, ils la font flamber. Et tous dansent autour de ce tout petit feu de joie. Carnaval de Mennecy fête d'aujourd'hui et d'autrefois.

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    Le bonhomme de neige Dans la nuit de l'hiver galope un grand homme blanc c'est un bonhomme de neige avec une pipe en bois un grand bonhomme de neige poursuivi par le froid il arrive au village voyant de la lumière le voilà rassuré. Dans une petite maison il entre sans frapper et pour se réchauffer s'assoit sur le poêle rouge, et d'un coup disparait ne laissant que sa pipe au milieu d'une flaque d'eau ne laissant que sa pipe et puis son vieux chapeau.

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    Les amoureux trahis Moi j'avais une lampe et toi la lumière Qui a vendu la mèche ?

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    Pater Noster Notre Père qui êtes au cieux Restez-y Et nous nous resterons sur la terre Qui est quelquefois si jolie Avec ses mystères de New York Et puis ses mystères de Paris Qui valent bien celui de la Trinité Avec son petit canal de l'Ourcq Sa grande muraille de Chine Sa rivière de Morlaix Ses bêtises de Cambrai Avec son océan Pacifique Et ses deux bassins aux Tuileries Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets Avec toutes les merveilles du monde Qui sont là Simplement sur la terre Offertes à tout le monde Éparpillées Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles Et qui n'osent se l'avouer Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer Avec les épouvantables malheurs du monde Qui sont légion Avec leurs légionnaires Avec leurs tortionnaires Avec les maîtres de ce monde

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    Jacques Prévert

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    Tentative de description d'un dîner de têtes a Paris-France Ceux qui pieusement... Ceux qui copieusement... Ceux qui tricolorent Ceux qui inaugurent Ceux qui croient Ceux qui croient croire Ceux qui croa-croa Ceux qui ont des plumes Ceux qui grignotent Ceux qui andromaquent Ceux qui majusculent Ceux qui chantent en mesure Ceux qui brossent à reluire Ceux qui ont du ventre Ceux qui baissent les yeux Ceux qui savent découper le poulet Ceux qui sont chauves à l'intérieur de la tête Ceux qui bénissent les meutes Ceux qui font les honneurs du pied Ceux qui debout les morts Ceux qui baïonnette... on Ceux qui donnent des canons aux enfants Ceux qui donnent des enfants aux canons Ceux qui flottent et ne sombrent pas Ceux qui ne prennent pas le Pirée pour un homme Ceux que leurs ailes de géants empêchent de voler Ceux qui plantent en rêve des tessons de bouteille sur la grande muraille de Chine Ceux qui mettent un loup sur leur visage quand ils mangent du mouton Ceux qui volent des œufs et qui n'osent pas les faire cuire Ceux qui ont quatre mille huit cent dix mètres de Mont-Blanc, trois cents de Tour Eiffel, vingt-cinq centimètres de tour de poitrine et qui en sont fiers Ceux qui mamellent de la France Ceux qui courent, volent et nous vengent, tous ceux-là, et beaucoup d'autres entraient fiévreusement à l'Elysée en faisant craquer les graviers, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes et chacun s'était fait celle qu'il voulait ceux qui travaillent dans la mine ceux qui écaillent le poisson ceux qui mangent la mauvaise viande ceux qui fabriquent les épingles à cheveux ceux qui soufflent vides les bouteilles que d'autres boiront pleines ceux qui coupent leur pain avec leur couteau ceux qui passent leurs vacances dans les usines ceux qui ne savent pas ce qu'il faut dire ceux qui traient les vaches et ne boivent pas le lait ceux qu'on n'endort pas chez le dentiste ceux qui crachent leurs poumons dans le métro ceux qui fabriquent dans les caves les stylos avec lesquels d'autres écriront en plein air que tout va pour le mieux ceux qui ont trop à dire pour pouvoir le dire ceux qui ont du travail ceux qui n'en ont pas ceux qui en cherchent ceux qui n'en cherchent pas ceux qui donnent à boire aux chevaux ceux qui regardent leur chien mourir ceux qui ont le pain quotidien relativement hebdomadaire ceux qui l'hiver se chauffent dans les églises ceux que le suisse envoie se chauffer dehors ceux qui croupissent ceux qui voudraient manger pour vivre ceux qui voyagent sous les roues ceux qui regardent la Seine couler ceux qu'on engage, qu'on remercie, qu'on augmente, qu'on diminue, qu'on manipule, qu'on fouille, qu'on assomme ceux dont on prend les empreintes ceux qu'on fait sortir des rangs au hasard et qu'on fusille ceux qu'on fait défiler devant l'arc ceux qui ne savent pas se tenir dans le monde entier ceux qui n'ont jamais vu la mer ceux qui sentent le lin parce qu'ils travaillent le lin ceux qui n'ont pas l'eau courante ceux qui sont voués au bleu horizon ceux qui jettent le sel sur la neige moyennant un salaire absolument dérisoire ceux qui vieillissent plus vite que les autres ceux qui ne se sont pas baissés pour ramasser l'épingle ceux qui crèvent d'ennui le dimanche après-midi parce qu'ils voient venir le lundi et le mardi, et le mercredi, et le jeudi, et le vendredi et le samedi et le dimanche après-midi.

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    Jacques Prévert

    Jacques Prévert

    @jacquesPrevert

    Étranges étrangers Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel Hommes de pays loin Cobayes des colonies Doux petits musiciens Soleils adolescents de la porte d’Italie Boumians de la porte de Saint-Ouen Apatrides d’Aubervilliers Brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris Ébouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied Au beau milieu des rues Tunisiens de Grenelle Embauchés débauchés Manœuvres désœuvrés Polacks du Marais du Temple des Rosiers Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone Pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère Rescapés de Franco Et déportés de France et de Navarre Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre La liberté des autres. Esclaves noirs de Fréjus Tiraillés et parqués Au bord d’une petite mer Où peu vous vous baignez Esclaves noirs de Fréjus Qui évoquez chaque soir Dans les locaux disciplinaires Avec une vieille boîte à cigares Et quelques bouts de fil de fer Tous les échos de vos villages Tous les oiseaux de vos forêts Et ne venez dans la capitale Que pour fêter au pas cadencé La prise de la Bastille le quatorze juillet.

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