splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi
@jeanLorrain profile image

Jean Lorrain

Auteurplume

Jean Lorrain, pseudonyme de Paul Alexandre Martin Duval, est un écrivain français à très forte tendance parnassienne, né le 9 août 1855 à Fécamp, en Haute-Normandie, et mort le 30 juin 1906 dans le 17e arrondissement de Paris. Dandy sybarite, ouvertement homosexuel, amateur de drogues, Jean Lorrain est l'un des écrivains scandaleux de la Belle Époque, au même titre que d'autres auteurs « fin de siècle » comme Rachilde, Hugues Rebell et Fabrice Delphi. Ses œuvres peuvent être rapprochées de la littérature dite « décadente ».

...plus

Compte non officiel

Poésies

13

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    A quoi rêvent les jeunes filles Elle a seize ans, l’aspect d’une rose mousseuse, Deux grands yeux bleus trop ronds sous de fins cheveux roux Le père est un savant, brave homme simple et doux, Mais la mère est coquette et la fille est poseuse. Les samedis du Cirque et les chapeaux Frileuse, Les private-meetings et les mails à prix doux, La pêche à quinze louis, la pêche à quinze sous L’affolent : dans la moelle elle est, hélas ! gommeuse. Elle a des vestons courts, un col droit qui l’étrangle, Une robe bridée au ventre et qui la sangle… Mais elle sait au Bois montrer le duc Mignon. Elle sait prononcer : « Ah ! » d’une voix exquise, Rêve d’être célèbre ainsi qu’une marquise Tarée, et met du crin dans l’or de son chignon.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Abandonée Parmi les gros de Tours et les valenciennes, Affaissée au milieu de coussins de velours, Gladia, vieille belle aux traits bouffis et lourds, Rumine avec ennui les voluptés anciennes. Riche et noble et parmi les plus patriciennes, Elle a connu jadis de superbes amours, Mais à ses vieux désirs les hommes restent sourds Aujourd’hui ; leurs ardeurs ne veulent plus des siennes. C’est en vain qu’au milieu des parfums énervants Combinant et les fards et les peignoirs savants, Elle attend du hasard la volupté suprême D’être encor possédée… Hommage décevant, Ses invités corrects baisent tous sa main blême Et la respectent trop pour aller plus avant.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Amour Pur Elle est rousse, un peu maigre : un glauque caftan vert Aux grands plis moirés d’ombre, ainsi qu’une eau dormante De sa cheville grêle à sa nuque charmante, Suaire étroit, l’étreint, à l’aisselle entr’ouvert. Dans la fraîche harmonie adoucie et calmante Des peupliers feuillus, dressés sur un ciel clair, Pieds nus dans l’herbe haute, elle pose en plein air Devant l’heureux rapin, qui la croit son amante. L’homme est joyeux, ravi : l’ombre d’un vieux bouleau La baigne en avivant le rose de sa peau : Elle songe à Montmartre où, sous le froid qui tue, Chétive, en waterproof, en souliers prenant l’eau, Elle faisait le quart, adorée et battue Par la Terreur d’Ivry, Rouquin dit Bonneteau.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Anémie À Élémir Bourges. Tout en dentelles d’or, d’un blême damara De l’Inde enlinceulée, avec un fier sourire Éclairant la pâleur de sa face de cire, L’enfant reine agonise en superbe apparat, Torturés de joyaux ses frêles petits bras Étreignent sur son cœur de fillette en délire Des écrins, sa poupée et, trop faible pour lire, Des traités de blasons traînant là sur ses draps. Trop fine, trop nerveuse, exsangue et déjà lasse De vivre, ayant vécu le passé des aïeux Dont l’indomptable orgueil éclate dans ses yeux, Elle a l’étrange attrait, la maladive grâce Des verres de Venise aux tons faux, précieux Et la fragilité de la fin d’une race.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Clair de Lune A l’heure, où les bois d’aubépines, De combe en combe au loin neigeant, Apparaîtront dans les ravines Comme un léger brouillard d’argent, Nous irons dans la forêt brune, Dans l’ombre, écouter les récits, Que fait aux bois le clair de lune, Ce bleuâtre amant des taillis: Contes païens, récits épiques, Dont les combats, tragique enfer, Surgissent parfois noirs de piques Au ciel brouillé des nuits d’hiver; Quand dans les brumes écroulées La bise à l’horizon frileux Entasse de pâles mêlées D’escadrons d’astres fabuleux… Mais ta marche hésite et tressaille En m’écoutant, va, ne crains rien. Le ciel d’Avril est sans bataille, Le bois moderne est bon chrétien. Un chasseur nimbé d’or l’habite; Les chênes en Mai sont bénis. Un souffle innocent y palpite, Le souffle adorable des nids. La chasse errante sous la lune De Diane et du roi païen S’est perdue au loin sur la dune Aux sons du cor de saint Julien. Heureux si dans cette déroute, Qui fait hélas ! le bois désert, Il nous reste au bord de la route Le grand cerf blanc de saint Hubert; Pourtant je me suis laissé dire Que les nains rieurs des talus Étaient fils du vieux dieu Satyre Et des faunes aux reins velus. On veut aussi que la ruine, Pour garder un ancien trésor, Ait dans la mousse et la bruine Des gnomes verts couronnés d’or… Rêve ou non ! libre à toi d’y croire. Le bois nocturne a ses rayons Mêlés de légende et d’histoire Et des fables pour papillons. Qui sait ? Dans l’herbe lumineuse Tramant des encensoirs d’argent, Verrons-nous passer sous l’yeuse Le cortège de la Saint-Jean? Avec ses basses, ses violes Fredonnant dans l’air tiède et pur, Et ses diacres en étoles, Tachant d’or clair le bois obscur; Ses vierges d’iris bleus coiffées, Portant des rameaux de buis vert, Dont Shakespeare eût fait des fées, Platon des nymphes à l’oeil clair. Écartant sur leurs pas les branches, Nous verrons leurs manteaux de lin Et l’ourlet de leurs robes blanches Se perdre au tournant du chemin, Et, dans la clairière irisée, Le long des verts taillis mouillés, Nous reviendrons dans la rosée, De notre rêve émerveillés!

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Coquines Avec des gestes de coquines Les petites femmes des bars Versent aux snobs des boulevards Des poisons verts dans des chopines. En jerseys collants, en basquines, Deux grands yeux fous, comme hagards, Sous des frisons d’or clair épars, Ce sont les sveltes arlequines Des longs Pierrots en habit noir, Qu’avec des gestes de coquines Ces chattes blanches et taquines Attirent près de leur comptoir. Leurs mains perversement câlines En servant ont d’heureux hasards Et leurs bouches rouges de fards Ont des paroles si félines, Qu’on est fou de ces libertines Qui, raillant dans le chaud boudoir L’entreteneur en habit noir, Une fois seules, les coquines, S’entre-baisent en colombines, Les seins nus devant leur miroir.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Débutante « Ohé, ohé, ohé, chantent des voix lointaines, « Ohé, ohé, ohé, répondent les bassons ; » L’acte second commence et dans les bleus frissons Des toiles, simulant un bois sacré d’Athènes, Parmi le frais laurier-rose et les marjolaines Titania la blonde et les folles chansons Des gais lutins, rôdeurs familiers des buissons, S’éveillent, emplissant l’air de leurs turlutaines. Sous ses gazes d’argent Titania la fée Songe à sa renommée, à l’aurore étouffée, Si, sage et vierge encore, elle n’est pas ce soir, D’abord au grand critique assis là pour la voir, Ensuite au directeur, enfin, sanglant trophée, À l’auteur … et le temps lui manque, ô désespoir !

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    En famille Du frais boudoir Empire au grand salon Louis seize Elle rôde, inquiète, et de ses doigts tremblants Fleurit d’œillets musqués les vieux Sèvres galants Et de grands iris bleus la vasque japonaise. Sa bouche a l’incarnat et l’odeur d’une fraise. Très svelte, en satin mauve, avec un fichu blanc De mousseline ; elle a l’air naïf et troublant D’un Chaplin descendu vivant de la cimaise Debout depuis l’aurore, elle épie, elle attend Au fond du grand château, dont elle est héritière Son cher oncle et tuteur, vieux banquier protestant, Qui la traite en enfant, pouvant être son père, Et qui le soir au lit, en sueur, haletant À son grand désespoir ne peut la rendre mère.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Frère et Soeur Il s’appelle Hans Ulric, elle a nom Christiane. Beethoven est leur dieu, Shakspeare çst leur amour, Leur chambre somptueuse, où flotte un demi-jour De songe et des odeurs d’encens, à tout profane Est fermée. Un mystère étrange et noir y plane Du plafond à caissons aux orfroids morts et lourds, Où de grands archiluths et des théorbes sourds Luisent, pendus aux murs, auprès d’un vieil Albane. Des chandeliers de fer et des saintes d’émail Y rougeoient dans la braise ardente d’un vitrail, Où des iris de pourpre enflamment un ciel jaune, Et ce sont là les fiers et mystiques plaisirs De ces enfants de rois, mourant au pied du trône, L’un pour l’autre obsédés de monstrueux désirs.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    La nuit Portant dans ses bras nus ses deux enfants jumeaux, Le Sommeil et la Mort, la Nuit pensive et douce D'un vol auguste et calme, égal et sans secousse, Glisse au-dessus des monts, des mers et des hameaux. Sous ses longs voiles noirs étincelants d'émaux Elle allaite ses fils, et de sa toison rousse, Astre au cieux, d'un torrent d'étoiles éclabousse L'ombre, où son lait tombé verse l'oubli des maux. Et des bleues oasis, où sont les caravanes, Aux balustres des tours, où perchent les cabanes Des guetteurs, muezzins des froids climats du Nord, Le vieux monde, hanté d'un peuple d'ombres vagues, Comme un guerrier d'Homère au bercement des vagues Sous les pas de la Nuit se détend et s'endort.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Mariage « Maintenant, mon ami, conte-moi ma future. « Tu veux me marier. Pour arrêter les frais « Des emprunts, (les amis son parfois indiscrets), « Tu m’enterres, c’est bien… Elle a de la figure ? — « Très blonde… » — « De la taille ? » — « Une bonne tournure » — « Mal faite… et dix huit ans ? » — « Dix huit ans… à peu près « — « Vingt-cinq ans. La dot est ? » — « De cinq cent mille ? — « Après ? — « Le double. » — « Et là bien vrai, rien, aucune aventure ? — « Aucune. » — « Alors, mon cher, je ne l’épouse pas. « La fille au million, qui prend le vieux panas, « L’homme enfin que je suis, sans faute, est une grouse. » — « C’est-à-dire… on a dit… dans le monde on jalouse « Bien vite une héritière. » — « Allons, pas d’embarras. « Qu’on double son apport, mon cher, et je l’épouse. »

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    Visionnaire C'était au fond d'un rêve obsédant de regrets. J'errais seul au milieu d'un pays insalubre. Disque énorme, une lune éclatante et lugubre Émergeait à demi des herbes d'un marais. Et j'arrivais ainsi dons un bois de cyprès, Où des coups de maillet attristaient le silence Et l'air était avare et plein de violence, Comme autour d'un billot dont on fait les apprêts. Un bruit humide et mat de chair et d'os qu'on froisse, Des propos qu'on étouffe, et puis dans l'air muet Un râle exténué, qui défaille et se tait, Y faisaient l'heure atroce et suante d'angoisse ! Une affre d'agonie autour de moi tombait. J'avançai hardiment entre les herbes sèches, Et je vis une fosse et, les pieds sur leurs bêches, Deux aides de bourreau, qui dressaient un gibet. Les deux bras de la croix étaient encore à terre ; Des ronces la cachaient : devant elle à genoux Trois hommes, trois bandits à visage de loups Achevaient d'y clouer un être de mystère, Un être enseveli sous de longs cheveux roux Tout grumelés de pourpre, et dont les cuisses nues, Entre cet or humide et vivant apparues, Brillaient d'un pâle éclat d'étoile triste et doux. Au-dessus des cyprès la lune énorme et rouge Éclaira tout à coup la face des bourreaux Et le Crucifié, dont les blancs pectoraux Devinrent les seins droits et pourprés d'une gouge ! Et, les paumes des mains saignantes, et deux trous Dans la chair des pieds nus se crispant d'épouvante, Je vis qu'ils torturaient une Vierge vivante, Contre la croix pâmée avec des grands yeux fous. Les hommes, l'oeil sournois allumé de luxures Devant ce corps de femme à la blême splendeur, Dont l'atroce agonie aiguisait l'impudeur, Prolongeaient savamment la lenteur des tortures. Et dans ces trois bourreaux, sûrs de l'impunité, Raffinant la souffrance et creusant le supplice, Je reconnus la Peur, la Force et la Justice, Torturant à jamais la blême Humanité.

    en cours de vérification

    Jean Lorrain

    Jean Lorrain

    @jeanLorrain

    À quoi rêve l’amour Ils reviennent tous deux dans le chaud crépuscule Par les bois de Clamart. Le mari jeune et fort Travaille au Ministère : alerte et sans effort, Il porte sur son dos mademoiselle Ursule. Mademoiselle Ursule a cinq ans : elle dort. La mère, blonde et mince, en grand chapeau de tulle, Pas trop coûteux, les suit : un vol de libellule Luit dans l’air et le ciel est au loin d’ambre et d’or. L’homme sourit, heureux : la brise est embaumée. La femme, elle, est pensive et rêve d’un camée Si joli, le profil d’un César, mais si cher. Le voisin d’en dessous, le gros qu’on dit si riche, La regarde toujours avec un œil si clair Mais ouiche… un vieux garçon, pas plan, roublard et chiche !

    en cours de vérification

  • 1