splash screen icon Lenndi
splash screen name leendi
J

Jehan Rictus

Auteurplume

En savoir plus sur l'auteur

...plus

Compte non officiel

Poésies

3

    J

    Jehan Rictus

    @jehanRictus

    Berceuse pour un pas-de-Chance Do mon pétiot ; do ma tototte.... Te viens d’ t’effondrer su’ l’ crottoir comme un bestiau à l’abattoir ou comme un qui s’rait en ribotte. V’lan ! Nib de fieu ! Floc ! Never more ! Les passants caus’nt : « C’est h’yeun’ syncope, faurait l’ poser chez l’ pharmacope ! » Toi... tu caus’s pas, pisque t’es mort. Un Mossieu qu’a un beau pardosse dit : « J’ la connais c’est du chiqué ! » Toi, tu t’ostin’s à fair’ la rosse et tu t’ tais pisque t’es claqué. Ton bloum pisseux roulé à terre, ta p’lur’, tes tifs en escaïers, tes sorlots qui montr’nt tes goigts d’ pieds font croir’ qu’ t’es pas un meuyardaire. Voyons un p’tit peu c’ qu’y t’a pris ; on t’ lèv’, on ouvr’ ta requimpette, v’là qu’on voit qu’ t’avais pus d’ liquette et qu’ tes boïaux sont vert-de-gris. Oh ! ça fait voir d’ quoi t’es crevé ; chacun se z’yeute avec malaise, le Mossieu lui... s’ tire à l’anglaise du temps qu’on t’arr’couch’ su’ l’ pavé. Do rataplan ! Do Mad’moiselle... de loin, légers comm’ des gazelles deux sergots s’amèn’nt essouflés, la gueul’ pleine de « Circulez » ! T’as d’ la veine d’êt’ cuit, autrement qué qu’on t’ pass’rait dans l’ genr’ mandales pour t’apprendre à fair’ du scandale et « causer des rassemblements » ! C’mment mon pauv’ vieux, en plein Paris, à deux pas des chouatt’s devantures t’es clamsé faute ed’ nourriture ? Pas possib’, c’était h’un pari ! Tu sauras qu’ c’est pas comme y faut, qu’ ça s’ fait pas en not’ « temps d’ lumière » et qu’ les ceuss’ qui dis’nt el’ contraire, c’est d’ la grain’ d’anars et « d’ Bonnots ». T’as donc pas pu te mette huissier, proprio, barbot, financier ? T’as empoyé ton ézistence à rester parmi les « Pas-d’-Chance » ? Sûr qu’avant d’en arriver là t’as dû t’ cogner à ben des seuils, pus d’eun’ fois rester chocolat, le ventre vide et l’ cœur en deuil. C’est donc ça qu’ t’as pas l’air content, qu’ t’as su’ la tronche un mauvais rire ; en sombrant quoi c’est qu’ t’as pu t’ dire si la Mort t’en a laissé l’ temps ? Tu t’es p’têt ben revu p’tit gas quand, au retour de l’atelier, ton Pepa t’ prenait dans ses bras en t’ disant : « Bonïour mon salé ? » Au temps des preumières quenottes où ta Moman se saoulait d’ toi en t’app’lant : « Mon trésor, mon Roi, mon cien-cien, mon loup, ma tototte ! » Et pis t’ fesait dans les tétés des papatt’s et des çatouillettes, et t’inondait de baisouillettes, du quiqui à la berdouillette comme eun’ puïe d’orage en été. Hein, si a t’ voyait là ta Vieille, A lèv’rait ses pauv’s mains au ciel en disant : « Moi que j’ l’ai nourri, y n’est claqué d’ faim, mon petit ! » Maint’nant t’as p’t-êt’ jamais rien eu que la Solitude et la Peine, t’as p’t-êt’ jamais tété, goulu, que l’ téton mou de la Déveine ! Bah ! à présent, do ma filleule.... Quoi qu’ t’aye pleuré, quoi qu’ t’aye souffert, te v’là sorti de not’ enfer, t’es « arrivé », tu t’ fous d’ nos gueules. Avec eun’ bonne grâce essquise, les flics te lèv’nt à leur hauteur et te balanc’nt comme eun’ marquise d’autrefois, en chaise-à-porteurs. Les mêm’s, qui t’emport’nt au p’tit trot, t’auraient truffé d’ coups d’ bottes ou d’ giffes si t’avais fait grève ou d’ la r’biffe ou bouffé à l’œil chez Bistrot. Les passants qui sont cor émus s’en vont chacun à leu’ z’affaires ; tout à l’heure y n’y pensaient guère, à l’estant y n’y pens’ront pus. Adieu mon p’tit, pars... pour la Morgue. Tout l’ mond’ peut pas, évidemment, s’ procurer pour son enterr’ment les griftons, la grand Messe et l’orgue. Mais si des fois tu vas aux Cieux et qu’ tu t’y but’s dans l’ Fils de Dieu, au nom de nos maigres remords n’y racont’ pas comment qu’ t’es mort. N’y dis pas : « J’arriv’ de Paris moi Seigneur, qu’étais votre Image ! Voilà comme on vous rend hommage, regardez mes boïaux pourris ! Le turbin a pris ma jeunesse ma santé, ma joie, mes désirs ; et vioque on m’a laissé moisir, seul et nu devant la Richesse. Et quand à ces gas économes j’ai d’mandé un peu d’ pain ou d’ pèze ; Y m’ont cité les « Droits de l’Homme » et m’ont chanté « La Marseillaise ».

    en cours de vérification

    J

    Jehan Rictus

    @jehanRictus

    La charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du réveillon Seigneur Jésus, je pense à vous ! Ça m’ prend comm’ ça, gn’y a pas d’offense ! J’ suis mort’ de foid, j’ me quiens pus d’bout, ce soir encor... j’ai pas eu d’ chance Ce soir, pardi ! c’est Réveillon : On n’ voit passer qu’ des rigoleurs ; j’ gueul’rais « au feu » ou « au voleur », qu’ personne il y f’rait attention. Et vous aussi, Vierge Marie, Sainte-Vierge, Mère de Dieu, qui pourriez croir’ que j’ vous oublie, ayez pitié du haut des cieux. J’ suis là, Saint’-Vierge, à mon coin d’ rue où d’pis l’apéro, j’ bats la semelle ; j’ suis qu’eune ordur’, qu’eun’ fill’ perdue, c’est la Charlotte qu’on m’appelle. Sûr qu’avant d’ vous causer preumière, eun’ femm’ qu’ est pus bas que l’ ruisseau devrait conobrer ses prières, mais y m’en r’vient qu’ des p’tits morceaux. Vierge Marie... pleine de grâce... j’ suis fauchée à mort, vous savez ; mes pognets, c’est pus qu’eun’ crevasse et me v’là ce soir su’ l’ pavé. Si j’entrais m’ chauffer à l’église, on m’ foutrait dehors, c’est couru ; ça s’ voit trop que j’ suis fill’ soumise... (oh ! mand’ pardon, j’ viens d’ dir’ « foutu. ») T’nez, z’yeutez, c’est la Saint-Poivrot ; tout flamb’, tout chahut’, tout reluit... les restaurants et les bistrots y z’ont la permission d’ la nuit. Tout chacun n’ pens’ qu’à croustiller. Y a plein d’ mond’ dans les rôtiss’ries, les épic’mards, les charcut’ries, et ça sent bon l’ boudin grillé. Ça m’ fait gazouiller les boïaux ! Brrr ! à présent Jésus est né. Dans les temps, quand c’est arrivé, s’ y g’lait comme y gèle c’te nuit, su’ la paill’de vot’ écurie v’s z’avez rien dû avoir frio, Jésus et vous, Vierge Marie. Bing !... on m’ bouscule avec des litres, des pains d’ quatr’ livr’s, des assiett’s d’huîtres, Non, r’gardez-moi tous ces salauds ! (Oh ! esscusez, Vierge Marie, j’ crois qu’ j’ai cor dit un vilain mot !) N’est-c’ pas que vous êt’s pas fâchée qu’eun’ fill’ d’amour plein’ de péchés vous caus’ ce soir à sa magnère pour vous esspliquer ses misères ? Dit’s-moi que vous êt’s pas fâchée ! C’est vrai que j’ai quitté d’ chez nous, mais c’était qu’ la dèche et les coups, la doche à crans, l’ dâb toujours saoul, les frangin’s déjà affranchies.... (C’était h’un vrai enfer, Saint’-Vierge ; soit dit sans ête eune effrontée, vous-même y seriez pas restée.) C’est vrai que j’ai plaqué l’ turbin. Mais l’ouvrièr’ gagn’ pas son pain ; quoi qu’a fasse, elle est mal payée, a n’ fait mêm’ pas pour son loyer ; à la fin, quoi, ça décourage, on n’a pus de cœur à l’ouvrage, ni le caractère ouvrier. J’ dois dire encor, Vierge Marie ! que j’ai aimé sans permission mon p’tit... « mon béguin... » un voyou, qu’ est en c’ moment en Algérie, rapport à ses condamnations. (Mais quand on a trinqué tout gosse, on a toujours besoin d’ caresses, on se meurt d’amour tout’ sa vie : on s’arr’fait pas que voulez-vous !) Pourtant j’y suis encore fidèle, malgré les aut’s qui m’ cour’nt après. Y a l’ grand Jul’s qui veut pas m’ laisser, faudrait qu’avec lui j’ me marie, histoir’ comme on dit, d’ l’engraisser. Ben, jusqu’à présent, y a rien d’ fait ; j’ai pas voulu, Vierge Marie ! Enfin, je suis déringolée, souvent on m’a mise à l’hosto, et j’ m’ai tant battue et soûlée, que j’en suis plein’ de coups d’ couteau. Bref, je suis pus qu’eun’ salop’rie, un vrai fumier Vierge Marie ! (Seul’ment, quoi qu’on fasse ou qu’on dise pour essayer d’ se bien conduire, y a quèqu’ chos’ qu’ est pus fort que vous.) Eh ! ben, c’est pas des boniments, j’ vous l’ jure, c’est vrai, Vierge Marie ! Malgré comm’ ça qu’ j’aye fait la vie, j’ai pensé à vous ben souvent. Et ce soir encor ça m’ rappelle un temps, qui jamais n’arr’viendra, ousque j’allais à vot’ chapelle les mois que c’était votre fête. J’arr’vois vot’ bell’ rob’ bleue, vot’ voile, (mêm’ qu’il était piqué d’étoiles), vot’ bell’ couronn’ d’or su’ la tête et votre trésor su’ les bras. Pour sûr que vous étiez jolie comme eun’ reine, comme un miroir, et c’est vrai que j’ vous r’vois ce soir avec mes z’yeux de gosseline ; c’est comm’ si que j’y étais... parole. Seul’ment, c’est pus comme à l’école ; ces pauv’s callots, ce soir, Madame, y sont rougis et pleins de larmes. Aussi, si vous vouliez, Saint’-Vierge, fair’ ce soir quelque chos’ pour moi, en vous rapp’lant de ce temps-là, ousque j’étais pas eune impie ; vous n’avez qu’à l’ver un p’tit doigt et n’ pas vous occuper du reste.... J’ vous d’mand’ pas des chos’s... pas honnêtes ! Fait’s seul’ment que j’ trouve et ramasse un port’-monnaie avec galette perdu par un d’ ces muf’s qui passent (à moi putôt qu’au balayeur !) Un port’-lazagn’, Vierge Marie ! gn’y aurait-y d’dans qu’un larantqué, ça m’aid’rait pour m’aller planquer ça m’ permettrait d’attendre à d’main et d’ m’enfoncer dix ronds d’ boudin ! Ou alorss, si vous pouez pas ou voulez pas, Vierge Marie... vous allez m’ trouver ben hardie, mais... fait’s-moi de suit’ sauter l’ pas ! Et pis... emm’nez-moi avec vous, prenez-moi dans le Paradis ousqu’y fait chaud, ousqu’y fait doux, où pus jamais je f’rai la vie, (sauf mon p’tit, dont j’ suis pas guérie, vous pensez qu’ je n’arr’grett’rai rien d’ Saint-Lago, d’ la Tour, des méd’cins, des barbots et des argousins !) Ah ! emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi avant que la nuit soye passée et que j’ soye encor ramassée ; Saint’-Vierge, emm’nez-moi, j’ vous en prie ? Je n’en peux pus de grelotter... t’nez... allumez mes mains gercées et mes p’tits souliers découverts ; j’ n’ai toujours qu’ mon costume d’été qu’ j’ai fait teindre en noir pour l’hiver. Voui, emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi. Et comme y doit gn’y avoir du ch’min si des fois vous vous sentiez lasse Vierge Marie, pleine de grâce, de porter à bras not’ Seigneur, (un enfant, c’est lourd à la fin), Vous me l’ repass’rez un moment, et moi, je l’ port’rai à mon tour, (sans le laisser tomber par terre), comm’ je faisais chez mes parents La p’tit’ moman dans les faubourgs quand j’ trimballais mes petits frères.

    en cours de vérification

    J

    Jehan Rictus

    @jehanRictus

    Les maisons des pauvres N’empêch’ si jamais j’ venais riche, Moi aussi j’ f’rais bâtir eun’ niche Pour les vaincus... les écrasés, Les sans-espoir... les sans-baisers, Pour ceuss’ là qui z’en ont soupé, Pour les Écœurés, les Trahis, Pour les Pâles, les Désolés, À qui qu’on a toujours menti Et que les roublards ont roulés ; Eun’ mason... un cottage... eun’ planque, Ousqu’on trouv’rait miséricorde, Pus prop’s que ces turn’s à la manque Ousque l’on roupille à la corde ; Pus chouatt’s que ces Asil’s de nuit Qui bouclent dans l’après-midi, Où les ronds-d’-cuir pleins de mépris (Les préposés à la tristesse) Manqu’nt d’amour et de politesse ; Eun’ Mason, Seigneur, un Foyer Où y aurait pus à travailler, Où y aurait pus d’ terme à payer, Pus d’ proprio, d’ pip’let, d’huissier. Y suffirait d’êt’ su’ la Terre Crevé, loufoque et solitaire, D’ sentir venir son dergnier soir Pour pousser la porte et... s’asseoir. Quand qu’on aurait tourné l’ bouton Personn’ vourait savoir vot’ nom Et vous dirait – « Quoi c’est qu’ vous faites ? Si you plaît ? Qui c’est que vous êtes ? » Non, pas d’ méfiance ou d’ paperasses, Toujours à pister votre trace, Avec leur manie d’étiqu’ter ; Ça n’est pas d’ la fraternité ! Mais on dirait ben au contraire : – « Entrez, entrez donc, mon ami, Mettez-vous à l’ais’, notre frère, Apportez vos poux par ici. » Pein’ dedans gn’aurait des baignoires, Des liquett’s propes... des peignoirs, D’ l’eau chaud’ dedans des robinets Qu’on s’ laiss’rait rigoler su’ l’ masque, Des savons à l’opoponasque, Des bross’s à dents et des bidets. Pis vite.. on s’en irait croûter Croûter d’ la soup’ chaude en Hiver Qui fait « plouf » quand ça tomb’ dans l’ bide, Des frich’tis fumants, des lentilles, Des ragoûts comm’ dans les familles, Des choux n’avec des pomm’s de terre, Des tambouill’s à s’en fair’ péter. Et quand qu’ ça s’rait la bell’ saison On boulott’rait dans le jardin (Gn’en aurait un dans ma Mason Un grand... un immense... un rupin) Ousqu’y aurait des balançoires, Des hamacs... des fauteuils d’osier (Pou’ pouvoir fair’ son Espagnole) Et ça s’rait d’ la choquott’ le soir Quand mont’rait l’ chant du rossignol Et viendrait l’odeur des rosiers. Mais l’Hiver il y f’rait l’ pus bon : Ça s’rait chauffé par tout’s les pièces ; Et les chiott’s où poser ses fesses J’ f’rais mett’ du poil de lapin d’ssus Pou’ pas qu’ ça vous fass’ foid au cul. Et pis dans les chambr’s à coucher Y gn’aurait des pieux à dentelles, D’ la soye... d’ la vouat’... des oneillers, Des draps blancs comm’ pour des mariés, Des lits-cage et mêm’ des berceaux Dans quoi qu’on pourrait s’ fair’ petiots ; Voui des plumards, voui des berceaux Près d’ quoi j’ mettrais esspressément Des jeun’s personn’s, prop’s et girondes, Des rouquin’s, des brun’s et des blondes À qui qu’on pourrait dir’ – « Moman ! » Ça s’rait des Sœurs modèl’ nouveau Qui s’raient sargées d’ vous endormir Et d’ vous consoler gentiment À la façon des petit’s-mères, À qui en beuglant comme un veau (La cabèch’ su’ le polochon), On pourrait conter ses misères : – « Moman, j’ai fait ci et pis ça ! » Et a diraient : – « Ben mon cochon ! » – « Moman, j’ai eu ça et pis ci. » Et a diraient : – « Ben mon salaud ! » « Mais à présent faut pus causer, Faut oublier... faut pus penser , Tâchez moyen d’ vous endormir Et surtout d’ pas vous découvrir. » Ma Mason, v’là tout, ma Mason, Ça s’rait un dortoir pour broyés Ousqu’on viendrait se fair’ choyer Un peu avant sa crevaison Loin des Magistrats de mes... Qu’ont l’ cœur de vous foute en prison Quand qu’on a pus l’ rond et pus d’ turne. Mais pour compléter l’illusion Qu’on est redevenu mignon Tout’s mes Momans à moi, à nous, Faurait qu’a z’ayent de beaux tétons, Lourds, fermes, blancs, durs, rebondis Comm’ les gros tétons des nounous Ou des fermièr’s de Normandie ; Et faurait qu’ ces appâts soyent nus. Mêm’ les gas les pus inconnus, Auraient l’ droit d’y boir’, d’y téter Au moment ousqu’y tourn’raient d’ l’œil. S’ils faisaient la frim’ d’êt’ pas sages Dans leur plumard ou leur fauteuil On s’empress’rait d’ leur apporter Les tétons sortis du corsage, Pleins d’amour et de majesté. Je vois d’ici mes Nounous tendres Introduir’ dans les pauvres gueules De tous les Errants de Paris Le bout de leurs tétons fleuris. Et j’ vois d’ici mes pauv’s frangins Aux dents allongées par la Faim Boir’ les yeux clos et mains crispées Par la mort et par le plaisir. Et pour jamais et pour jamais (Le museau un peu pus content) J’ les vois un à un s’endormir Le bout d’un téton dans les dents...

    en cours de vérification

  • 1