Leo Strauss se penche sur la signification du nihilisme allemand, qu'il considère comme la base culturelle du national-socialisme, lui qui en a connu les premiers signes en tant qu'Allemand et en tant que juif. Son analyse est simple et lumineuse. Il démontre que loin d'être un phénomène lié à la folie d'un chef capable de sidérer un peuple entier, le nazisme est enraciné dans l'histoire de l'Allemagne moderne et dans l'histoire de la modernité. La crise de notre temps est tout entière là, avec les moyens donnés par la tradition philosophique classique et biblique de la surmonter. Ce livre est composé des essais : "Sur le nihilisme allemand" (1941), "La crise de notre temps" (1962), et "La crise de la philosophie politique" (1962).

Nihilisme et politique

Notre rapport à Machiavel est obscurci par la manière dont il a lui-même ouvertement ou publiquement exposé son enseignement. Parce que nous sommes "machiavélisés", nous ne pouvons plus prendre la mesure de son étrangeté. Pris ou compris dans le mouvement de la Modernité dont il est le fondateur, nous ne pouvons plus concevoir qu'il puisse s'instaurer un rapport vivant, fascination ou hostilité, entre lui et nous. Strauss ne lit pas Machiavel à la lumière de ce qu'il a permis de fonder - la Modernité - mais à la lumière de ce qu'il a récusé - la Tradition classique. Ce n'est pas là nécessairement privilégier comme critère d'interprétation le passé par rapport au futur, mais éclairer ce que Machiavel dissimule : son affrontement avec la philosophie classique. Il dissimule ce conflit par ce qui paraît y mettre un terme. Figure énigmatique, ainsi le fait réapparaître l'interprétation straussienne : car si Machiavel est le premier à porter l'assaut contre la cité classique - première vague de la Modernité selon Strauss -, ne nous engage-t-il pas par ailleurs à renouer conversation avec les Anciens et, en suivant la trace de l'antique vertu, à inventer la gloire moderne ? Enigme de Machiavel qui est aussi énigme de Strauss, philosophe politique ; car si ce dernier nous a initiés par la redécouverte d'un art de l'écriture à un nouvel art de la lecture, comment lire Strauss lisant Machiavel lecteur de Tite-Live ? Que penser enfin du socratisme de Leo Strauss reconnaissant en Machiavel le compagnon de Socrate, qui, tous deux, contre les Sophistes et la réduction du politique aux purs jeux de langage, ont appris à voir au-delà de cette apparence le sérieux et l'âpreté des "choses humaines" ?

Pensées sur Machiavel

Leo Strauss se penche sur la signification du nihilisme allemand, qu'il considère comme la base culturelle du national-socialisme. C'est la seule fois où il parle du nazisme, lui qui en a connu les premiers signes en tant qu'Allemand et en tant que juif. Son analyse est simple et lumineuse. Il démontre que loin d'être un phénomène lié à la folie d'un chef capable de sidérer un peuple entier, le nazisme est enraciné dans l'histoire de l'Allemagne moderne et dans l'histoire de la modernité. Sa critique s'inscrit dans la tradition philosophique classique et dans la tradition biblique, l'une et l'autre radicalement opposées au nihilisme contemporain. La crise de notre temps est tout entière là, avec les moyens donnés par la tradition de la surmonter.Ce livre est composé de trois essais : Sur le nihilisme allemand (1941), La crise de notre temps (1962), et La crise de la philosophie politique (1962).

"Mais il apparaît maintenant plus clairement que jamais que l'opinion, la conversation ou la loi contient une vérité, ou qu'elle n'est pas arbitraire, ou qu'elle est en un sens naturel. On peut dire que la loi, la loi humaine, se révèle ainsi faire signe vers la loi divine ou naturelle comme vers son origine. Cela implique cependant que la loi humaine, précisément parce qu'elle ne se confond pas avec la loi divine ou naturelle, n'est pas parfaitement vraie ou juste : seul le droit naturel, seule la justice elle-même, l'"idée" ou la "forme" de la justice, est parfaitement juste. Néanmoins, la loi humaine, la loi de la cité, est parfaitement obligatoire pour les hommes qui lui sont soumis pourvu qu'ils aient le droit d'émigrer avec leurs biens, c'est-à-dire pourvu que leur soumission aux lois de la cité soit volontaire."

Histoire de la philosophie politique

Maïmonide (1135-1204), médecin, juriste, philosophe, est sans conteste le plus grand penseur du judaïsme médiéval, si ce n'est du judaïsme tout court.
Son oeuvre s'avère d'une part située dans un vaste projet politique. Pour Maïmonide, le judaïsme est, comme l'islam l'était avant lui pour son maître Fârâbî, moins une « religion » qu'une Loi. Les philosophes aristotélisants du Moyen Age montrent que la perfection de celle-ci en fait la réalisation de la cité idéale rêvée par Platon, avec à sa tête, héritier du philosophe-roi, un prophète-philosophe.
Cette politique philosophique se double d'autre part d'une philosophie devenue « politique » : le philosophe qui vit sous une telle Loi doit écrire de telle sorte que son enseignement exotérique, perçu par la masse, consolide la cité, alors que son enseignement ésotérique communiquera à l'élite une vérité autrement inquiétante.
Leo Strauss reconstitue les procédés qui ont permis à Maïmonide d'écrire entre les lignes, et nous met ainsi entre les mains la clé de la doctrine secrète.

Maïmonide (2e édition)

C'est autour de la revue de Martin Buber Der Jude et également par l'entremise de Walter Benjamin, que les premiers contacts entre Scholem et Strauss s'établissent, et l'amitié qui liera les deux hommes, le premier à Jérusalem dès 1923, le second à Londres à partir de 1934, puis Chicago à partir de 1938, restera sans tâche jusqu'à la mort de Strauss en 1973. Cette correspondance témoigne alors de ce dialogue ininterrompu de deux personnalités "hors normes" de la pensée du vingtième siècle, et donne la mesure de ce qu'a pu être, en d'autres temps, une amitié "stellaire".

Cabale et philosophie. correspondance 1933-1973

L'ambition de cet ouvrage est d'examiner la pensée de Leo Strauss (1899-1973) et d'étudier à partir d'elle les stratégies d'exposition et de dissimulation de la philosophie. Strauss demeure en France un philosophe peu connu et parfois mal compris. Les thèses de Droit naturel et histoire ne peuvent être évaluées qu'à partir de l'art d'écrire qu'il pratiquait et auquel il avait consacré un livre, Persecution and the Art of Writing (1952).
Les études ici réunies s'attachent à reconstituer l'idée straussienne de la philosophie. Elles mesurent la portée de l'hypothèse d'un « art d'écrire oublié » et examinent la fécondité et les limites de la conception straussienne de l'écriture philosophique. Ces études sont précédées d'une traduction de la première version de l'article « La persécution et l'art d'écrire » (1941).

Leo Strauss: Art d'écrire, politique, philosophie : Texte de 1941 et études

Dans le présent volume, Strauss nous fait voir les solutions politiques «classiques» en interprétant un opuscule méconnu d'un «classique» mal compris : Hiéron ou de la Tyrannie, de Xénophon. Kojève, dans un essai critique, Tyrannie et Sagesse, prend la défense des quelques deux mille ans d'histoire qui ont suivi le Hiéron. Cette tâche se révèle plus difficile qu'on ne pourrait le penser. Du moins, dans une Mise au Point, Strauss croit pouvoir maintenir toutes ses positions «classiques» en mentionnant à la fin le problème philosophique qui sert de base à la discussion. Ainsi le présent ouvrage constitue une pièce à verser au dossier de la vieille Querelle des Anciens et des Modernes.

De la tyrannie : "tyrannie et sagesse" d'Alexandre Kojève ; "hiéron ou le traité sur la tyrannie" de Xénophon

L'éducation libérale, qui consiste en des rapports sexuels constants avec les plus grands esprits, est une formation dans la plus haute forme de modestie. ... C'est en même temps une formation en gras. ... Cela nous demande l'audace impliquée dans la résolution de considérer les opinions acceptées comme de simples opinions, ou de considérer les opinions moyennes comme des opinions extrêmes qui sont au moins aussi susceptibles d'être fausses que les opinions les plus étranges ou les moins populaires

Notre compréhension de la pensée du passé est susceptible d'être plus adéquate, moins l'historien est convaincu de la supériorité de son propre point de vue, ou plus il est prêt à admettre la possibilité qu'il puisse avoir pour apprendre quelque chose, Pas seulement sur les penseurs du passé, mais d'eux.

Les hommes sont constamment attirés et trompés par deux charmes opposés: le charme de la compétence qui est engendré par les mathématiques et tout ce qui ressemble aux mathématiques, et le charme de l'humble crainte, qui est engendré par la méditation sur l'âme humaine et ses expériences. La philosophie est caractérisée par le refus doux, quoique ferme, de succomber à l'un ou l'autre charme.

Il est plus sûr d'essayer de comprendre le bas à la lumière du haut que le haut à la lumière du bas. En faisant ce dernier, on déforme nécessairement le haut, tandis que le premier ne prive pas le creux de la liberté de se révéler aussi pleinement que ce qu'il est.

La philosophie signifie donc passer du dogme public à des connaissances essentiellement privées.

L'éducation libérale rappelle à ces membres une démocratie de masse qui a des oreilles à entendre, de la grandeur humaine.

En prenant conscience de la dignité de l'esprit, nous réalisons le véritable terrain de la dignité de l'homme et là avec la bonté du monde, où nous la comprenons comme créée ou non créée, qui est la maison de l'homme parce qu'elle est la maison du esprit humain.

Si Dieu est un, et s'il ne peut y avoir aucun autre Dieu, il ne peut y avoir aucune idée de Dieu.

Le silence d'un homme sage est toujours significatif.

La vie est trop courte pour vivre avec tout sauf les meilleurs livres.

Tout ce qu'il y a à penser, c'est de voir quelque chose de notable, ce qui vous fait voir quelque chose que vous ne remarquiez pas, ce qui vous fait voir quelque chose qui n'est même pas visible.

L'émancipation des chercheurs et des scientifiques de la philosophie n'est selon [Nietzsche] qu'une partie du mouvement démocratique, c'est-à-dire de l'émancipation du bas de la subordination au sommet. ... Le caractère plébéien du savant ou scientifique contemporain est dû au fait qu'il n'a aucune vénération pour lui-même.

Il est aussi absurde de s'attendre à ce que les membres des départements de philosophie soient des philosophes car il s'agit de s'attendre à ce que les membres des départements artistiques soient des artistes.

Selon notre science sociale, nous pouvons être ou devenir sages dans toutes les matières secondaires, mais nous devons nous résigner à l'ignorance totale sur le point le plus important : nous ne pouvons avoir aucune connaissance des principes ultimes de nos choix, c'est-à-dire de leur le bien-fondé ou le mal-fondé... Nous sommes alors dans la position d'êtres sains d'esprit et sobres lorsqu'ils s'adonnent à des affaires triviales et qui jouent comme des fous lorsqu'ils sont confrontés à des problèmes graves.

Même en prouvant qu'un certain point de vue est indispensable pour bien vivre, on prouve simplement que le point de vue en question est un mythe salutaire: on ne prouve pas qu'il est vrai.

Il est vrai que la quête réussie de la sagesse pourrait conduire au résultat que la sagesse n'est pas la seule chose nécessaire. Mais ce résultat devait sa pertinence pour le fait que c'est le résultat de la quête de la sagesse: le désaveu même de la raison doit être un désaveu raisonnable.

Les délires faciles qui nous cachent notre véritable situation en sont tous: que nous sommes ou pouvons être, plus sages que les hommes les plus sages du passé. Nous sommes ainsi amenés à jouer le rôle, non pas d'auditeurs attentifs et dociles, mais d'impresarios et de damieurs de lion.

Le rejet contemporain du droit naturel conduit au nihilisme - non, il est identique au nihilisme.

L'éducation, selon eux [les philosophes], est la seule réponse à la question toujours urgente, à la question politique par excellence, sur la façon de concilier l'ordre qui n'est pas une oppression avec la liberté qui n'est pas une licence.

Le peuple juif et leur sort sont le témoin vivant de l'absence de rédemption. On pourrait dire que c'est le sens du peuple élu; Les Juifs sont choisis pour prouver l'absence de rédemption.

L'histoire nous enseigne qu'un point de vue donné a été abandonné en faveur d'un autre par tous les hommes, ou par tous les hommes compétents, ou peut-être par les hommes les plus vocaux; Il ne nous apprend pas si le changement était solide ou si la vue rejetée méritait d'être rejetée. Seule une analyse impartiale du point de vue en question, une analyse qui n'est pas éblouie par la victoire ou stupéfaite par la défaite des adhérents de la vue concernée - pourrait nous apprendre n'importe quoi concernant la valeur de la vue et donc en ce qui concerne le sens de l'historique changement.

Les raisons de Dieu de communiquer avec l'homme doivent être subsumées sous sa raison de lui communiquer son récit de sa création du monde - et de l'homme.

L'adjectif «politique» en «philosophie politique» désigne pas tant le sujet qu'un manière de traitement; De ce point de vue, je dis, la «philosophie politique» ne signifie principalement pas l'étude philosophique de la politique, mais le traitement politique ou populaire de la philosophie, ou l'introduction politique à la philosophie la tentative de diriger les citoyens qualifiés, ou plutôt leur qualifié qualifié fils, de la vie politique à la vie philosophique.

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