Louis Bouilhet
@louisBouilhet
Mars Le printemps s’est hâté, mars en mai se déguise ; Comme un hérisson fauve, il traîne le soleil Qui lutte et fait trembler, au froid qui les aiguise, Sur son dos frissonnant ses pointes de vermeil. La brise a des chansons qui grelottent encore ; Sous son capuchon rose enfermée à demi, La fleur du marronnier regarde et veut éclore, Puisque des pieds d’oiseaux sur sa branche ont frémi. L’eau court, les liserons montent à l’escalade, Et, de son blanc linceul secouant les lambeaux, La nature sourit comme une enfant malade Dont le front a gardé la pâleur des tombeaux. Ô germes inquiets ! j’ai connu vos audaces, J’ai voulu, comme vous, forcer le temps vainqueur, Et, rêvant les blés mûrs dans la saison des glaces, Sous le premier soleil épanouir mon cœur. Alors, comme aujourd’hui, le vent chantait, les nues Versaient un rayon d’or à mes éclosions ; Tandis que tout gonflé de sèves inconnues Bourgeonnait, dans mon sein, l’arbre des passions. L’hiver est revenu, les feuilles sont brûlées, Le sol glacé résonne à chacun de mes pas, Et j’ai vu se flétrir, sous d’après giboulées, Les saintes floraisons qui ne repoussent pas !