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Louis-Honoré Fréchette

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Louis-Honoré Fréchette, né le 16 novembre 1839 à Saint-Joseph-de-la-Pointe-De Lévy et mort le 31 mai 1908 à Montréal, est un poète, dramaturge, écrivain et homme politique québécois.

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Poésies

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    Amitié Je connais un petit ange Lequel n'a jamais mouillé Sa blanche robe à la fange Dont notre monde est souillé.

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    Janvier La tempête a cessé. L'éther vif et limpide A jeté sur le fleuve un tapis d'argent clair, Où l'ardent patineur au jarret intrépide Glisse, un reflet de flamme à son soulier de fer.

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    A mon Ami Alphonse Leduc Le jour de son mariage Le bonheur de la vie est un fatal problème Que pour résoudre il faut, son tour venu, savoir, Comme un hardi joueur, jeter tout son avoir, Nom, honneur, avenir, sur la carte suprême. Ce jour aux lendemains que nul ne peut prévoir, C'est celui qu'on choisit pour dire : - Je vous aime ! A celle qui, changée en un autre vous-même, Doit tremper votre amour aux sources du devoir. Ami, le risque est grand ; nul cas rédhibitoire ; Le destin est au fond de l'urne aléatoire, Et les arrêts qu'il rend sont les arrêts de Dieu. Heureux celui qui peut, toute crainte bannie, Dans le choix de son coeur trouver un bon génie, Et dire comme toi : - J'ai gagné tout l'enjeu !

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    Cinquieme anniversaire de mariage A Mme J.R. Thibaudeau Madame, dans la longue et brillante série Des bonheurs radieux que Dieu vous a donnés, Vous avez, comme nous, des moments fortunés, Plus ou moins caressants pour votre âme attendrie. Or l'instant le plus beau - minute, heure fleurie ! - Dont vos jours si sereins se soient illuminés, C'est sans doute celui dont ---vous me devinez - Nous venons célébrer la mémoire chérie. A cette occasion acceptez ce bouquet. - De roses l'on devrait couvrir votre parquet ; Mais s'il fallait, ce soir, que l'on vous fît l'offrande D'une fleur pour chacun des dons qu'on aime en vous, Madame, nos bouquets, pour les contenir tous, Jamais votre maison ne serait assez grande.

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    Août C'est la fenaison ; personne ne chôme. Dès qu'on voit du jour poindre les blancheurs, En groupes épars, les rudes faucheurs Vont couper le foin au sauvage arome.

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    Avril La neige fond partout ; plus de lourde avalanche. Le soleil se prodigue en traits plus éclatants ; La sève perce l'arbre en bourgeons palpitants Qui feront sous les fruits, plus tard, plier la branche. Un vent tiède succède aux farouches autans ; L'hirondelle est absente encor ; mais en revanche Des milliers d'oiseaux blancs couvrent la plaine blanche, Et de leurs cris aigus rappellent le printemps. Sous l'effluve fécond il faut que tout renaisse... Avril c'est le réveil, avril c'est la jeunesse. Mais quand la Poésie ajoute : mois des fleurs - Il faut bien avouer - nous que trempe l'averse, Qu'entraîne la débâcle, ou qu'un glaçon renverse - Que les poètes sont d'aimables persifleurs.

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    Décembre Le givre étincelant, sur les carreaux gelés, Dessine des milliers d'arabesques informes ; Le fleuve roule au loin des banquises énormes ; De fauves tourbillons passent échevelés. Sur la crête des monts par l'ouragan pelés, De gros nuages lourds heurtent leurs flancs difformes ; Les sapins sont tout blancs de neige, et les vieux ormes Dressent dans le ciel gris leurs grands bras désolés. Des hivers boréaux tous les sombres ministres Montrent à l'horizon leurs figures sinistres ; Le froid darde sur nous son aiguillon cruel.

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    Février Aux pans du ciel l'hiver drape un nouveau décor ; Au firmament l'azur de tons roses s'allume ; Sur nos trottoirs un vent plus doux enfle la plume Des petits moineaux gris qu'on y retrouve encor. Maint coup sec retentit dans la forêt qui dort ; Et, dans les ravins creux qui s'emplissent de brume, Aux franges du brouillard malsain qui nous enrhume L'Orient plus vermeil met une épingle d'or. Folâtre, et secouant sa clochette argentine, Le bruyant Carnaval fait sonner sa bottine Sur le plancher rustique ou le tapis soyeux ; Le spleen chassé s'en va chercher d'autres victimes ; La gaîté vient s'asseoir à nos cercles intimes... C'est le mois le plus court : passons-le plus joyeux.

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    Juillet Depuis les feux de l'aube aux feux du crépuscule, Le soleil verse à flots ses torrides rayons ; On voit pencher la fleur et jaunir les sillons Voici les jours poudreux de l'âpre canicule. Le chant des nids a fait place au chant des grillons ; Un fluide énervant autour de nous circule ; La nature, qui vit dans chaque animalcule, Fait frissonner d'émoi tout ce que nous voyons.

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    Juin L'été met des fleurs à sa boutonnière ; Au fond des taillis et dans les roseaux, Ivres de soleil, les petits oiseaux Entonnent en chœur l'hymne printannière ; Sur les clairs sommets, les champs et les eaux, Tombent de l'azur des jets de lumière ; Au nid, au palais et sous la chaumière, Le parfait amour tourne ses fuseaux. Sous les bois touffus la source murmure ; La brise en jouant berce la ramure ; Le papillon vole au rosier fleuri ; Tout chante, s'émeut, palpite, étincelle… Transports infinis ! joie universelle ! À son créateur la terre a souri !

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    Mai Hozanna ! La forêt renaît de ses ruines ; La mousse agrafe au roc sa mante de velours ; La grive chante ; au loin les grands bœufs de labours S'enfoncent tout fumants dans les chaudes bruines ; Le soleil agrandit l'orbe de son parcours ; On ne sait quels frissons passent dans les ravines ; Et dans l'ombre des nids, fidèle aux lois divines, Bientôt va commencer la saison des amours ! Aux échos d'alentour chantant à gorge pleine, Le semeur, dont la main fertilise la plaine, Jette le froment d'or dans les sillons fumés. Sortons tous ; et, groupés sur le seuil de la porte, Aspirons à loisir le vent qui nous apporte Comme un vague parfum de lilas embaumés !

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    Mars Adieu les jours sereins, et les nuits étoilées ! La neige à flocons lourds s'amoncelle à foison Au penchant des coteaux, dans le fond des vallées C'est le dernier effort de la rude saison. C'est le mois ennuyeux, le mois des giboulées ; Des frimas cristallins l'étrange floraison Brode ses fleurs de givre aux branches constellées ; - Là-bas un trait bronzé dessine l'horizon. Le vieux chasseur des bois dépose ses raquettes ; Plus d'orignaux géants, plus de biches coquettes, Plus de course lointaine au lointain Labrador. Il s'en consolera, dans la combe voisine, En regardant monter sur un feu de résine La sève de l'érable en brûlants bouillons d'or.

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    Messe de minuit C'est Noël. Bébé dort sous ses tentures closes, Rêvant, les poings fermés sur ses yeux alourdis, De beaux jouets dorés, de fleurs fraîches écloses Dans les jardins du paradis. Au dehors on entend des voix ; la foule passe, Calme, écoutant au loin le clocher plein de bruit, Qui jette sa clameur sonore dans l'espace À tous les échos de la nuit. Maîtres et serviteurs, qu'un symbole égalise, De crainte d'éveiller le bébé rose et frais, Pieux et recueillis, pour se rendre à l'église, Passent le seuil à pas discrets. Il est minuit bientôt. Seule, la jeune mère Reste auprès du berceau que son amour défend, Oubliant tout, chagrins, soucis, la vie amère, Pour ne songer qu'à son enfant. Il est là sous ses yeux, son trésor, qui sommeille, Innocent et serein, tandis qu'au ciel profond Resplendit pour lui seul la vision vermeille Que les blonds chérubins lui font. La mère enfin se lève, anxieuse, attentive, Et, dans les petits bas au chevet suspendus, D'une main tout émue elle glisse, furtive, Joujoux et bonbons confondus.

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    Novembre Jours de deuil ! Plus de nids sous le feuillage vert ; Les chantres de l'été désertent nos bocages ; On n'entend que le cri de l'oiseau dans les cages, Avec les coups de bec sonores du pivert. De jaunissants débris le gazon s'est couvert ; Les grands bœufs tristement reviennent des pacages ; Et la sarcelle brune, au bord des marécages, Prend son essor pour fuir l'approche de l'hiver. Aux arbres dépouillés la brise se lamente ; A l'horizon blafard, l'aile de la tourmente Fouette et chasse vers nous d'immenses oiseaux gris... Des passants tout en noir gagnent le cimetière ; Suivons-les, et donnons notre pensée entière, Pour un instant, à ceux que la mort nous a pris.

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    Noëls ! Le lourd battant de fer bondit dans l'air sonore, Et le bronze en rumeur ébranle ses essieux… Volez, cloches, grondez, clamez, tonnez encore, Chantez paix sur la terre et gloire dans les cieux ! Sous les dômes ronflants des vastes basiliques, L'orgue répand le flot de ses accords puissants ; Montez vers l'Éternel, beaux hymnes symboliques, Montez avec l'amour, la prière et l'encens ! Enfants, le doux Jésus vous sourit dans ses langes ; A vos accents joyeux laissez prendre l'essor ; Lancez vos clairs noëls : là-haut les petits anges Pour vous accompagner penchent leurs harpes d'or. Blonds chérubins chantant à la lueur des cierges, Cloche, orgue, bruits sacrés que le ciel même entend, Sainte musique, au moins, gardez chastes et vierges, Pour ceux qui ne croient plus, les légendes d'antan. Et quand de l'an nouveau l'heure sera sonnée, Sombre airain, cœurs naïfs, claviers harmonieux, Pour offrir au Très-Haut l'aurore de l'année, Orgues, cloches, enfants, chantez à qui mieux mieux !

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    Octobre Les feuilles des bois sont rouges et jaunes ; La forêt commence à se dégarnir ; L'on se dit déjà : l'hiver va venir, Le morose hiver de nos froides zones.

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    Première Moisson Je ne désire point. Au nord moment splendides Les échelons lointains des vastes Laurentides. En bas, le fleuve immense et paisible, roulant Au soleil du matin son flot superbe et lent, Reflète, avec les pins des grands rochers moroses, Le clair azur du ciel et ses nuages roses. Nous sommes en septembre ; et le blond fructidor. Qui sur la plaine verte a mis des teintes d'or, Au front des bois bercés par les brises flottantes Répand comme un fouillis de couleurs éclatantes ; On dirait les joyaux d'un gigantesque écrin. Un repos solennel plein de calme serein Plane encor sur ces bords où la chaste Nature, Aux seuls baisers du ciel dénouant sa ceinture, Drapée en sa sauvage et rustique beauté, Garde encor les trésors de sa virginité. Cependant un lambeau de brise nous apporte Comme un refrain joyeux qu'une voix mâle et forte, Mêlée à des éclats de babil argentin, Jette dans l'air sonore aux échos du lointain. Ce sont des moissonneurs avec des moissonneuses. Ils suivent du sentier les courbes sablonneuses, Et, le sac à l'épaule, ils cheminent gaîment. Ce sont des émigrés du doux pays normand, Des filles du Poitou, de beaux gars de Bretagne, Qui viennent de quitter leur lande ou leur campagne Pour fonder une France au milieu du désert. L'homme qui les conduit, c'est le robuste Hébert, Un vaillant ! le premier de cette forte race Dont tout un continent garde aujourd'hui la trace, Qui, dans ce sol nouveau par son bras assaini, Mit le grain de froment, trésor du ciel béni, Héritage sans prix dont la France féconde Dans sa maternité dota le nouveau monde. Ils vont dans la vallée où les vents assoupis Font ondoyer à peine un flot mouvant d'épis Qu'ont mûris de l'été les tépides haleines.

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    Septembre L'atmosphère dort, claire et lumineuse ; Un soleil ardent rougit les houblons ; Aux champs, des monceaux de beaux épis blonds Tombent sous l'acier de la moissonneuse. Sonore et moqueur, l'écho des vallons Répète à plaisir la voix ricaneuse Du glaneur qui cherche avec sa glaneuse, Pour s'en revenir, des sentiers plus longs. Tout à coup éclate un bruit dont la chute Retentit au loin, et que répercute Du ravin profond le vaste entonnoir. N'ayez point frayeur de ce tintamarre ?... C'est quelque nemrod qui, de mare en mare, Poursuit la bécasse ou le canard noir.

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