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Pierre Corneille

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Pierre Corneille, aussi appelé « le Grand Corneille » ou « Corneille l'aîné », né le 6 juin 1606 à Rouen et mort le 1er octobre 1684 à Paris (paroisse Saint-Roch), est un dramaturge et poète français du XVIIe siècle. Issu d'une famille de la bourgeoisie de robe, Pierre Corneille, après des études de droit, occupa des offices d'avocat à Rouen tout en se tournant vers la littérature, comme bon nombre de diplômés en droit de son temps. Il écrivit d'abord des comédies comme Mélite, La Place royale, et des tragi-comédies comme L'Illusion comique (1636), Clitandre (vers 1630) et en 1637, Le Cid, qui fut un triomphe, malgré les critiques de ses rivaux et des théoriciens. Il avait aussi donné dès 1634-35 une tragédie mythologique (Médée), mais ce n'est qu'en 1640 qu'il se lança dans la voie de la tragédie historique — il fut le dernier des poètes dramatiques de sa génération à le faire —, donnant ainsi ce que la postérité considéra comme ses chefs-d’œuvre : Horace, Cinna, Polyeucte, Rodogune, Héraclius et Nicomède. Déçu par l'accueil rencontré par Pertharite (1652, pendant les troubles de la Fronde), au moment où le début de sa traduction de L'Imitation de Jésus-Christ connaissait un extraordinaire succès de librairie, il décida de renoncer à l'écriture théâtrale et acheva progressivement la traduction de L'Imitation. Plusieurs de ses confrères, constatant à leur tour que la Fronde avait occasionné un rejet de la tragédie historique et politique, renoncèrent de même à écrire des tragédies ou se concentrèrent sur le genre de la comédie. Tenté dès 1656 de revenir au théâtre par le biais d'une tragédie à grand spectacle que lui avait commandée un noble normand (La Conquête de la Toison d'or, créée à Paris six ans plus tard fut l'un des plus grands succès du siècle), occupé les années suivantes à corriger tout son théâtre pour en publier une nouvelle édition accompagnée de discours critiques et théoriques, il céda facilement en 1658 à l'invitation du surintendant Nicolas Fouquet et revint au théâtre au début de 1659 en proposant une réécriture du sujet-phare de la tragédie, Œdipe. Cette pièce fut très bien accueillie et Corneille enchaîna ensuite les succès durant quelques années, mais la faveur grandissante des tragédies où dominait l'expression du sentiment amoureux (de Philippe Quinault, de son propre frère Thomas, et enfin de Jean Racine) relégua ses créations au second plan. Il cessa d'écrire après le succès mitigé de Suréna en 1674. La tradition biographique des XVIIIe et XIXe siècles a imaginé un Corneille aux prises avec des difficultés matérielles durant ses dernières années, mais tous les travaux de la deuxième moitié du XXe siècle révèlent qu'il n'en a rien été et que Corneille a achevé sa vie dans une aisance confortable. Son œuvre, 32 pièces au total, est variée : à côté de comédies proches de l'esthétique baroque, pleines d'invention théâtrale comme L'Illusion comique, Pierre Corneille a su donner une puissance émotionnelle et réflexive toute nouvelle à la tragédie moderne, apparue en France au milieu du XVIIe siècle. Aux prises avec la mise en place des règles du théâtre classique, il a marqué de son empreinte le genre par les hautes figures qu'il a créées : des âmes fortes placées devant des choix moraux fondamentaux (le fameux « dilemme cornélien ») comme Rodrigue qui doit choisir entre amour et honneur familial, Auguste qui préfère la clémence à la vengeance ou Polyeucte placé entre l'amour humain et l'amour de Dieu. Si les figures des jeunes hommes pleins de fougue (Rodrigue, le jeune Horace) s'associent à des figures de pères nobles (Don Diègue ou le vieil Horace), les figures masculines ne doivent pas faire oublier les personnages féminins vibrant de sentiments comme Chimène dans Le Cid, Camille dans Horace ou Cléopâtre, reine de Syrie, dans Rodogune. Aussi marquée par la puissance d'un alexandrin rythmé qui donne de célèbres morceaux de bravoure (monologue de Don Diègue dans Le Cid, imprécations de Camille dans Horace) et la force de maximes à certaines paroles (« À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », Le Cid, II, 2 - « Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi », dernier vers du Cid - « Je suis maître de moi comme de l'univers », Cinna, V, 3 - « Dieu ne veut point d'un cœur où le monde domine » Polyeucte, I, 1). Le théâtre de Pierre Corneille fait ainsi écho aux tournures du Grand Siècle dont il reflète aussi les valeurs comme l'honneur et les grandes interrogations, sur le pouvoir par exemple (contexte de la mort de Richelieu et de Louis XIII), la question de la guerre civile dans La Mort de Pompée (1643), ou la lutte pour le trône dans Nicomède (1651, dans le contexte de la Fronde). Aujourd'hui, il compte parmi l'un des auteurs les plus joués et par ailleurs, l'une des références de la littérature universelle,.

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Poésies

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    Pierre Corneille

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    Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! LÔ rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire, Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire, Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! Nouvelle dignité, fatale à mon bonheur ! Précipice élevé d'où tombe mon honneur ! Faut-il de votre éclat voir triompher le comte, Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? Comte, sois de mon prince à présent gouverneur : Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ; Et ton jaloux orgueil, par cet affront insigne, Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux instrument, Mais d'un corps tout de glace inutile ornement, Fer, jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense, M'as servi de parade, et non pas de défense, Va, quitte désormais le dernier des humains, Passe, pour me venger, en de meilleures mains.

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    Percé jusques au fond du cœur Percé jusques au fond du cœur D'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, Misérable vengeur d'une juste querelle, Et malheureux objet d'une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon âme abattue Cède au coup qui me tue. Si près de voir mon feu récompensé, Ô Dieu, l'étrange peine ! En cet affront mon père est l'offensé, Et l'offenseur le père de Chimène !

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    Les imprécations de Camille Rome, l'unique objet de mon ressentiment ! Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant ! Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore ! Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! Puissent tous ses voisins ensemble conjurés Saper ses fondements encor mal assurés ! Et si ce n'est assez de toute l'Italie, Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie ; Que cent peuples unis des bouts de l'univers Passent pour la détruire et les monts et les mers ! Qu'elle même sur soi renverse ses murailles, Et de ses propres mains déchire ses entrailles ! Que le courroux du Ciel allumé par mes vœux Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux ! Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre, Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause et mourir de plaisir !

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    A la marquise Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu’à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront, Et saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits On m’a vu ce que vous êtes; Vous serez ce que je suis. Cependant j’ai quelques charmes Qui sont assez éclatants Pour n’avoir pas trop d’alarmes De ces ravages du temps. Vous en avez qu’on adore; Mais ceux que vous méprisez Pourraient bien durer encore Quand ceux-là seront usés. Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu’il me plaira de vous. Chez cette race nouvelle, Où j’aurai quelque crédit, Vous ne passerez pour belle Qu’autant que je l’aurai dit. Pensez-y, belle marquise. Quoiqu’un grison fasse effroi, Il vaut bien qu’on le courtise Quand il est fait comme moi.

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    Amourettes de jeune homme J'ai fait autrefois de la bête, J'avais des Philis à la tête, J'épiais les occasions, J'épiloguais mes passions, Je paraphrasais un visage. Je me mettais à tout usage, Debout, tête nue, à genoux, Triste, gaillard, rêveur, jaloux, Je courais, je faisais la grue Tout un jour au bout d'une rue. Soleil, flambeaux, attraits, appas, Pleurs, désespoir, tourment, trépas, Tout ce petit meuble de bouche Dont un amoureux s'escarmouche, Je savais bien m'en escrimer. Par là je m'appris à rimer, Par là je fis, sans autre chose, Un sot en vers d'un sot en prose.

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    Au roy Est-il vrai, grand Monarque, et puis-je me vanter Que tu prennes plaisir à me ressusciter ; Qu’au bout de quarante ans Cinna, Pompée, Horace, Reviennent à la mode et retrouvent leur place, Et que l’heureux brillant de mes jeunes rivaux N’ôte point leur vieux lustre à mes premiers travaux ? Achève. Les derniers n’ont rien qui dégénère. Rien qui les fasse croire enfants d’un autre père ; Ce sont des malheureux, étouffés au berceau, Qu’un seul de tes regards tirerait du tombeau. On voit Sertorius, Oedipe, et Rodogune, Rétablis par ton choix dans toute leur fortune : Et ce choix montrerait qu’Othon et Suréna Ne sont pas des cadets indignes de Cinna. Sophonisbe à son tour, Attila, Pulchérie, Reprendraient pour te plaire une seconde vie ; Agésilas en foule aurait des spectateurs, Et Bérénice enfin trouverait des acteurs. Le peuple, je l’avoue, et la cour les dégradent ; J’affaiblis, ou du moins ils se le persuadent : Pour bien écrire encor j’ai trop longtemps écrit, Et les rides du front passent jusqu’à l’esprit ; Mais contre cet abus que j’aurais de suffrages Si tu donnais les tiens à mes derniers ouvrages ! Que de tant de bonté l’impérieuse loi Ramènerait bientôt et peuple et cour vers moi !  » Tel Sophocle à cent ans charmait encore Athènes, Tel bouillonnait encor son vieux sang dans ses veines, Diraient-ils à l’envi, lorsque Oedipe aux abois De ses juges pour lui gagna toutes les voix. «  Je n’irai pas si loin, et, si mes quinze lustres Font encor quelque peine aux Modernes illustres, S’il en est de fâcheux jusqu’à s’en chagriner, Je n’aurai pas longtemps à les importuner. Quoi que je m’en promette, ils n’en ont rien à craindre ; C’est le dernier éclat d’un feu prêt à s’éteindre : Sur le point d’expirer, il tâche d’éblouir, Et ne frappe les yeux que pour s’évanouir. Souffre, quoi qu’il en soit, que mon âme ravie Te consacre le peu qui me reste de vie : L’offre n’est pas bien grande, et le moindre moment Peut dispenser mes voeux de l’accomplissement. Préviens ce dur moment par des ordres propices ; Compte mes bons désirs comme autant de services. Je sers depuis douze ans, mais c’est par d’autres bras Que je verse pour toi du sang dans nos combats : J’en pleure encore un fils, et tremblerai pour l’autre Tant que Mars troublera ton repos et le nôtre ; Mes frayeurs cesseront enfin par cette paix Qui fait de tant d’Etats les plus ardents souhaits. Cependant, s’il est vrai que mon service plaise, Sire, un bon mot, de grâce, au Père de la Chaise.

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    Chagrin Usez moins avec moi du droit de tout charmer ; Vous me perdrez bientôt si vous n’y prenez garde. J’aime bien a vous voir, quoi qu’enfin j’y hasarde ; Mais je n’aime pas bien qu’on me force d’aimer. Cependant mon repos a de quoi s’alarmer ; Je sens je ne sais quoi dès que je vous regarde ; Je souffre avec chagrin tout ce qui m’en retarde, Et c’est déjà sans doute un peu plus qu’estimer. Ne vous y trompez pas, l’honneur de ma défaite N’assure point d’esclave à la main qui l’a faite, Je sais l’art d’échapper aux charmes les plus forts, Et quand ils m’ont réduit à ne plus me défendre, Savez-vous, belle Iris, ce que je fais alors ? Je m’enfuis de peur de me rendre.

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    Chanson Si je perds bien des maîtresses, J'en fais encor plus souvent, Et mes vœux et mes promesses Ne sont que feintes caresses, Et mes vœux et mes promesses Ne sont jamais que du vent.

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    Ciel, à qui voulez-vous désormais que je fie Ciel, à qui voulez-vous désormais que je fie Les secrets de mon âme, et le soin de ma vie ? Reprenez le pouvoir que vous m'avez commis Si donnant des sujets il ôte les amis, Si tel est le Destin des grandeurs souveraines Que leurs plus grands bienfaits n'attirent que des haines, Et si votre rigueur les condamne à chérir Ceux que vous animez à les faire périr. Pour elles rien n'est sûr, qui peut tout, doit tout craindre. Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre. Quoi, tu veux qu'on t'épargne, et n'as rien épargné ! Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine, Combien celle de Sexte, et revois tout d'un temps Pérouse au sien noyée et tous ses habitants, Remets dans ton esprit, après tant de carnages, De tes proscriptions les sanglantes images, Où toi-même des tiens devenu le bourreau Au sein de ton tuteur enfonças le couteau, Et puis ose accuser le Destin d'injustice Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton supplice. Et que par ton exemple à ta perte guidés Ils violent les droits que tu n'as pas gardés. Leur trahison est juste et le Ciel l'autorise, Quitte ta Dignité comme tu l'as acquise, Rends un sang infidèle à l'infidélité, Et souffre des ingrats après l'avoir été. Mais que mon jugement au besoin m'abandonne ! Quelle fureur, Cinna, m'accuse et te pardonne ? Toi, dont la trahison me force à retenir Ce pouvoir souverain dont tu me veux punir, Me traite en criminel et fait seule mon crime, Relève pour l'abattre un Trône illégitime, Et d'un zèle effronté couvrant son attentat, S'oppose pour me perdre au bonheur de l'État ? Donc jusqu'à l'oublier je pourrais me contraindre ! Tu vivrais en repos après m'avoir fait craindre ! Non, non, je me trahis moi-même d'y penser, Qui pardonne aisément invite à l'offenser, Punissons l'assassin, proscrivons les complices. Mais quoi ! Toujours du sang, et toujours des supplices ! Ma cruauté se lasse, et ne peut s'arrêter, Je veux me faire craindre, et ne fais qu'irriter ; Rome a pour ma ruine une Hydre trop fertile, Une tête coupée en fait renaître mille, Et le sang répandu de mille conjurés Rend mes jours plus maudits et non plus assurés. Octave, n'attends plus le coup d'un nouveau Brute, Meurs, et dérobe-lui la gloire de ta chute, Meurs, tu ferais pour vivre un lâche et vain effort Si tant de gens de cœur font des vœux pour ta mort, Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse Pour te faire périr tour à tour s'intéresse : Meurs, puisque c'est un mal que tu ne peux guérir, Meurs enfin puisqu'il faut, ou tout perdre, ou mourir. La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste, Meurs. Mais quitte du moins la vie avec éclat, Éteins-en le flambeau dans le sang d'un ingrat, Á toi-même en mourant immole ce perfide, Contentant ses desirs punis son parricide, Fais un tourment pour lui de ton propre trépas En faisant qu'il le voie et n'en jouisse pas. Mais jouissons plutôt nous-même de sa peine, Et si Rome nous hait, triomphons de sa haine. Ô Romains, ô vengeance, ô pouvoir absolu, Ô rigoureux combat d'un cœur irrésolu Qui fuit en même temps tout ce qu'il se propose, D'un Prince malheureux ordonnez quelque chose, Qui des deux dois-je suivre, et duquel m'éloigner ? Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner.

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    Epitaphe sur la mort de damoiselle Elisabeth Ranquet Ne verse point de pleurs sur cette sépulture, Passant ; ce lit funèbre est un lit précieux, Où gît d’un corps tout pur la cendre toute pure ; Mais le zèle du coeur vit encore en ces lieux. Avant que de payer le droit de la nature, Son âme, s’élevant au-delà de ses yeux, Avait au Créateur uni la créature ; Et marchant sur la terre elle était dans les cieux. Les pauvres bien mieux qu’elle ont senti sa richesse L’humilité, la peine, étaient son allégresse ; Et son dernier soupir fut un soupir d’amour. Passant, qu’à son exemple un beau feu te transporte ; Et, loin de la pleurer d’avoir perdu le jour, Crois qu’on ne meurt jamais quand on meurt de la sorte.

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    Espérance D’un accueil si flatteur, et qui veut que j’espère, Vous payez ma visite alors que je vous vois, Que souvent à l’erreur j’abandonne ma foi, Et croîs seul avoir droit d’aspirer à vous plaire. Mais si j’y trouve alors de quoi me satisfaire, Ces charmes attirants, ces doux je ne sais quoi, Sont des biens pour tout autre aussi bien que pour moi, Et c’est dont un beau feu ne se contente guère. D’une ardeur réciproque il veut d’autres témoins, Un mutuel échange et de vœux et de soins, Un transport de tendresse à nul autre semblable. C’est là ce qui remplit un cœur fort amoureux : Le mien le sent pour vous ; le vôtre en est capable. Hélas ! si vous vouliez, que je serais heureux !

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    Eve et Marie Homme, qui que tu sois, regarde Eve et Marie, Et comparant ta mère à celle du Sauveur, Vois laquelle des deux en est le plus chérie, Et du Père Eternel gagne mieux la faveur. L’une a toute sa race au démon asservie, L’autre rompt l’esclavage où furent ses aïeux Par l’une vient la mort et par l’autre la vie, L’une ouvre les enfers et l’autre ouvre les cieux. Cette Ève cependant qui nous engage aux flammes Au point qu’elle est bornée est sans corruption Et la Vierge  » bénie entre toutes les femmes «  Serait-elle moins pure en sa conception ? Non, non, n’en croyez rien, et tous tant que nous sommes Publions le contraire à toute heure, en tout lieu : Ce que Dieu donne bien à la mère des hommes, Ne le refusons pas à la Mère de Dieu.

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    Inquiétude Je vous estime, Iris, et crois pouvoir sans crime Permettre à mon respect un aveu si charmant : Il est vrai qu'à chaque moment Je songe que je vous estime. Cette agréable idée, où ma raison s'abîme, Tyrannise mes sens jusqu'à l'accablement ; Mais pour vouloir fuir ce tourment La cause en est trop légitime. Aussi, quelque désordre où mon cœur soit plongé, Bien loin de faire effort à l'en voir dégagé, Entretenir sa peine est toute mon étude. J'en aime le chagrin, le trouble m'en est doux. Hélas ! que ne m'estimez-vous Avec la même inquiétude !

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    Jalousie N'aimez plus tant, Phylis, à vous voir adorée : Le plus ardent amour n'a pas grande durée ; Les nœuds les plus serrés sont le plus tôt rompus ; A force d'aimer trop, souvent on n'aime plus, Et ces liens si forts ont des lois si sévères Que toutes leurs douceurs en deviennent amères. Je sais qu'il vous est doux d'asservir tous nos soins : Mais qui se donne entier n'en exige pas moins ; Sans réserve il se rend, sans réserve il se livre, Hors de votre présence il doute s'il peut vivre : Mais il veut la pareille, et son attachement Prend compte de chaque heure et de chaque moment. C'est un esclave fier qui veut régler son maître, Un censeur complaisant qui cherche à trop connaître, Un tyran déguisé qui s'attache à vos pas, Un dangereux Argus qui voit ce qui n'est pas ; Sans cesse il importune, et sans cesse il assiège, Importun par devoir, fâcheux par privilège, Ardent à vous servir jusqu'à vous en lasser, Mais au reste un peu tendre et facile à blesser. Le plus léger chagrin d'une humeur inégale, Le moindre égarement d'un mauvais intervalle, Un sourire par mégarde à ses yeux dérobé, Un coup d'œil par hasard sur un autre tombé, Le plus faible dehors de cette complaisance Que se permet pour tous la même indifférence ; Tout cela fait pour lui de grands crimes d'état ; Et plus l'amour est fort, plus il est délicat. Vous avez vu, Phylis, comme il brise sa chaîne Sitôt qu'auprès de vous quelque chose le gêne ; Et comme vos bontés ne sont qu'un faible appui Contre un murmure sourd qui s'épand jusqu'à lui. Que ce soit vérité, que ce soit calomnie, Pour vous voir en coupable il suffit qu'on le dit ; Et lorsqu'une imposture a quelque fondement Sur un peu d'imprudence, ou sur trop d'enjouement, Tout ce qu'il sait de vous et de votre innocence N'ose le révolter contre cette apparence, Et souffre qu'elle expose à cent fausses clartés Votre humeur sociable et vos civilités. Sa raison au dedans vous fait en vain justice, Sa raison au dehors respecte son caprice ; La peur de sembler dupe aux yeux de quelques fous Etouffe cette voix qui parle trop pour vous. La part qu'il prend sur lui de votre renommée Forme un sombre dépit de vous avoir aimée ; Et, comme il n'est plus temps d'en faire un désaveu, Il fait gloire partout d'éteindre un si beau feu : Du moins s'il ne l'éteint, il l'empêche de luire, Et brave le pouvoir qu'il ne saurait détruire. Voilà ce que produit le don de trop charmer. Pour garder vos amants faites-vous moins aimer ; Un amour médiocre est souvent plus traitable : Mais pourriez-vous, Phylis, vous rendre moins aimable ? Pensez-y, je vous prie, et n'oubliez jamais, Quand on vous aimera, que l'amour est doux ; mais...

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    Je ne puis aimer Stance. Que vous sert-il de me charmer ? Aminte, je ne puis aimer Où je ne vois rien à prétendre ; Je sens naître et mourir ma flamme à votre aspect, Et si pour la beauté j'ai toujours l'âme tendre, Jamais pour la vertu je n'ai que du respect. Vous me recevez sans mépris, Je vous parle, je vous écris, Je vous vois quand j'en ai l'envie ; Ces bonheurs sont pour moi des bonheurs superflus ; Et si quelque autre y trouve une assez douce vie, Il me faut pour aimer quelque chose de plus. Le plus grand amour sans faveur, Pour un homme de mon humeur, Est un assez triste partage ; Je cède à mes rivaux cet inutile bien, Et qui me donne un cœur, sans donner davantage, M'obligerait bien plus de ne me donner rien. Je suis de ces amants grossiers Qui n'aiment pas fort volontiers Sans aucun prix de leurs services, Et veux, pour m'en payer, un peu mieux qu'un regard ; Et l'union d'esprit est pour moi sans délices Si les charmes des sens n'y prennent quelque part.

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    L'immortelle blanche Madrigal. Donnez-moi vos couleurs, tulipes, anémones ; Œillets, roses, jasmins, donnez-moi vos odeurs ; Des contraires saisons le froid ni les ardeurs Ne respectent que les couronnes Que l'on compose de mes fleurs : Ne vous vantez donc point d'être aimables ni belles ; On ne peut nommer beau ce qu'efface le temps : Pour couronner les beautés éternelles, Et pour rendre leurs yeux contents, Il ne faut point être mortelles, Si vous voulez affranchir du trépas Vos brillants, mais frêles appas, Souffrez que j'en sois embellie, Et, si je leur fais part de mon éternité, Je les rendrai pareils aux appas de Julie, Et dignes de parer sa divine beauté.

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    La fleur d'orange Madrigal. Du palais d'émeraude où la riche nature M'a fait naître et régner avecque majesté, Je viens pour adorer la divine beauté Dont le soleil n'est rien qu'une faible peinture. Si je n'ai point l'éclat ni les vives couleurs Qui font l'orgueil des autres fleurs, Par mes odeurs je suis plus accomplie, Et par ma pureté plus digne de Julie. Je ne suis point sujette au fragile destin De ces belles infortunées, Qui meurent dès qu'elles sont nées, Et de qui les appas ne durent qu'un matin ; Mon sort est plus heureux, et le ciel favorable Conserve ma fraîcheur et la rend plus durable. Ainsi, charmant objet, rare présent des cieux, Pour mériter l'honneur de plaire à vos beaux yeux, J'ai la pompe de ma naissance, Je suis en bonne odeur en tout temps, en tous lieux ; Mes beautés ont de la constance, Et ma pure blancheur marque mon innocence. J'ose donc me vanter, en vous offrant mes vœux, De vous faire moi seule une riche couronne, Bien plus digne de vos cheveux Que les plus belles fleurs que Zéphire vous donne : Mais, si vous m'accusez de trop d'ambition, Et d'aspirer plus haut que je ne devrais faire, Condamnez ma présomption, Et me traitez en téméraire ; Punissez, j'y consens, mon superbe dessein Par une sévère défense De m'élever plus haut que jusqu'à votre sein ; Et ma punition sera ma récompense.

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    La peste J’ai vu la peste en raccourci : Et s’il faut en parler sans feindre, Puisque la peste est faite ainsi, Peste, que la peste est à craindre ! De cœurs qui n’en sauraient guérir Elle est partout accompagnée, Et dût-on cent fois en mourir, Mille voudraient l’avoir gagnée. L’ardeur dont ils sont emportés, En ce péril leur persuade, Qu’avoir la peste à ses côtés, Ce n’est point être trop malade. Aussi faut-il leur accorder Qu’on aurait du bonheur de reste, Pour peu qu’on se pût hasarder Au beau milieu de cette peste. La mort serait douce à ce prix, Mais c’est un malheur à se pendre Qu’on ne meurt pas d’en être pris, Mais faute de la pouvoir prendre. L’ardeur qu’elle fait naître au sein N’y fait même un mal incurable Que parce qu’elle prend soudain, Et qu’elle est toujours imprenable. Aussi chacun y perd son temps, L’un en gémit, l’autre en déteste, Et ce que font les plus contents C’est de pester contre la peste.

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    La tulipe Madrigal Au soleil. Bel astre à qui je dois mon être et ma beauté, Ajoute l’immortalité A l’éclat non pareil dont je suis embellie ; Empêche que le temps n’efface mes couleurs : Pour trône donne-moi le beau front de Julie ; Et, si cet heureux sort à ma gloire s’allie, Je serai la reine des fleurs.

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    Le cid Elvire, où sommes-nous, et qu'est-ce que je voi? Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi ! DON RODRIGUE N'épargnez point mon sang : goûtez sans résistance La douceur de ma perte et de votre vengeance. CHIMÈNE Hélas! DON RODRIGUE Écoute-moi. CHIMÈNE Je me meurs. DON RODRIGUE Un moment. CHIMÈNE Va, laisse-moi mourir. DON RODRIGUE Quatre mots seulement : Après, ne me réponds qn'avecque cène épée. CHIMÈNE Quoi ! du sang de mon père encor toute trempée ! DON RODRIGUE Ma Chimène... CHIMÈNE Ote-moi cet objet odieux, Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux. DON RODRIGUE Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine. CHIMÈNE Il est teint de mon sang. DON RODRIGUE Plonge-le dans le mien Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien. CHIMÈNE Ah! quelle cruauté, qui tout en un jour tue Le père par le fer, la fille par la vue ! Ote-moi cet objet, je ne le puis souffrir : Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir! DON RODRIGUE Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie De finir par tes mains ma déplorable vie; Car enfin n'attends pas de mon affection Un lâche repentir d'une bonne action. L'irréparable effet d'une chaleur trop prompte Déshonorait mon père, et me couvrait de honte. Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur; J'avais part à l'affront, j'en ai cherché l'auteur : Je l'ai vu, j'ai vengé mon honneur et mon père; Je le ferais encor, si j'avais à le faire. Ce n'est pas qu'en effet contre mon père et moi, Ma flamme assez longtemps n'ait combattu pour toi; Juge de son pouvoir : dans une telle offense, J'ai pu délibérer si j'en prendrais vengeance. Réduit à te déplaire, ou souffrir un affront, J'ai pensé qu'à son tour mon bras était trop prompt; Je me suis accusé de trop de violence; Et ta beauté sans doute emportait la balance, A moins que d'opposer à tes plus forts appas Qu'un homme sans honneur ne te méritait pas; Que malgré cette part que j'avais en ton âme, Qui m'aima généreux me haïrait infâme; Qu'écouter ton amour, obéir à sa voix, C'était m'en rendre indigne et diffamer ton choix. Je te le dis encore; et, quoique j'en soupire, Jusqu'au dernier soupir je veux bien le redire : Je t'ai fait une offense, et j'ai dû m'y porter Pour effacer ma honte, et pour te mériter; [père, Mais, quitte envers l'honneur, et quitte envers mon C'est maintenant à toi que je viens satisfaire : C'est pour t'offrir mon sang qu'en ce lieu tu me vois. J'ai fait ce que j'ai dû, je fais ce que je dois. Je sais qu'un père mort t'arme contre mon crime; Je ne t'ai pas voulu dérober ta victime : Immole avec courage au sang qu'il a perdu Celui qui met sa gloire à l'avoir répandu. CHTMÈNE Ah! Rodrigue, il est vrai, quoique ton ennemie, Je ne puis te blâmer d'avoir fui l'infamie ; Et de quelque façon qu'éclatent mes douleurs, Je ne t'accuse point, je pleure mes malheurs. Je sais ce que l'honneur, après un tel outrage, Demandait à l'ardeur d'un généreux courage : Tu n'as fait le devoir que d'un homme de bien ; Mais aussi, le faisant, tu m'as appris le mien. Ta funeste valeur m'instruit par ta victoire ; Elle a vengé ton père et soutenu ta gloire : Même soin me regarde, et j'ai, pour m'affliger, Ma gloire à soutenir, et mon père à venger. Hélas ! ton intérêt ici me désespère : Si quelque autre malheur m'avait ravi mon père, Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir L'unique allégement qu'elle eût pu recevoir; Et contre ma douleur j'aurais senti des charmes, Quand une main si chère eût essuyé mes larmes. Mais il me faut te perdre après l'avoir perdu; Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû; Et cet affreux devoir, dont l'ordre m'assassine, Me force à travailler moi-même à ta ruine. Car enfin n'attends pas de mon affection De lâches sentiments pour ta punition. De quoi qu'en ta faveur notre amour m'entretienne, Ma générosité doit répondre à la tienne : Tu t'es, en m'offensant, montré digne de moi ; Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi. DON RODRIGUE Ne diffère donc plus ce que l'honneur t'ordonne : Il demande ma tête, et je te l'abandonne; Fais-en un sacrifice à ce noble intérêt : Le coup m'en sera doux, aussi bien que l'arrêt. Attendre après mon crime une lente justice, C'est reculer ta gloire autant que mon supplice. Je mourrai trop heureux, mourant d'un coup si beau. CHTMÈNE Va, je suis ta partie, et non pas ton bourreau. Si tu m'offres ta tête, est-ce à moi de la prendre? Je la dois attaquer, mais tu dois la défendre; C'est d'un autre que toi qu'il me faut l'obtenir, Et je dois te poursuivre, et non pas te punir. DON RODRIGUE De quoi qu'en ma faveur notre amour t'entretienne, Ta générosité doit répondre à la mienne; Et pour venger un père emprunter d'autres bras, Ma Chimène, crois-moi, c'est n'y répondre pas : Ma main seule du mien a su venger l'offense, Ta main seule du tien doit prendre la vengeance. CHIMÈNE Cruel! à quel propos sur ce point t'obstiner? Tu t'es vengé sans aide, et tu m'en veux donner! Je suivrai ton exemple, et j'ai trop de courage Pour souffrir qu'avec toi ma gloire se partage. Mon père et mon honneur ne veulent rien devoir Aux traits de ton amour ni de ton désespoir. DON RODRIGUE Rigoureux point d'honneur ! hélas ! quoi que je fasse, Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce? Au nom d'un père mort, ou de notre amitié, Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié. Ton malheureux amant aura bien moins de peine A mourir par ta main qu'à vivre avec ta haine. CHIMÈNE Va, je ne te hais point. DON RODRIGUE Tu le dois. CHIMÈNE Je ne puis. DON RODRIGUE Crains-tu si peu le blâme, et si peu les faux bruits ? Quand on saura mon crime, et que ta flamme dure, Que ne publieront point l'envie et l'imposture! Force-les au silence, et sans plus discourir, Sauve ta renommée en me faisant mourir. CHIMÈNE Elle éclate bien mieux en te laissant la vie; Et je veux que la voix de la plus noire envie Elève au ciel ma gloire et plaigne mes ennuis, Sachant que je t'adore et que je te poursuis. Va-t'en, ne montre plus à ma douleur extrême Ce qu'il faut que je perde, encore que je l'aime. Dans l'ombre de la nuit cache bien ton départ : Si l'on te voit sortir, mon honneur court hasard. La seule occasion qu'aura la médisance, C'est de savoir qu'ici j'ai souffert ta présence : Ne lui donne point lieu d'attaquer ma vertu. DON RODRIGUE Que je meure! CHIMÈNE Va-t'en. DON RODRIGUE A quoi te résous-tu? CHIMÈNE algré des feux si beaux, qui troublent ma colère, e ferai mon possible à bien venger mon père ; "ais malgré la rigueur d'un si cruel devoir, on unique souhait est de ne rien pouvoir. DON RODRIGUE O miracle d'amour! CHIMÈNE O comble de misères! DON RODRIGUE Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères! CHIMÈNE Rodrigue, qui l'eût cru? . DON RODRIGUE Chimène, qui l'eût dit ? CHIMÈNE Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît? DON RODRIGUE Et que si près du port, contre toute apparence, Un orage si prompt brisât notre espérance? CHIMÈNE Ah! mortelles douleurs! DON RODRIGUE Ah! regrets superflus! CHIMÈNE Va-t'en, encore un coup, je ne t'écoute plus. OON RODRIGUE Adieu : je vais traîner une mourante vie, Tant que par ta poursuite elle me soit ravie. CHIMÈNE Si j'en obtiens l'effet, je t'engage ma foi De ne respirer pas un moment après toi. Adieu : sors, et surtout garde bien qu'on te voie.

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    Pierre Corneille

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    L’immortelle blanche Donnez-moi vos couleurs, tulipes, anémones ; Œillets, roses, jasmins, donnez-moi vos odeurs ; Des contraires saisons le froid ni les ardeurs Ne respectent que les couronnes Que l’on compose de mes fleurs : Ne vous vantez donc point d’être aimables ni belles ; On ne peut nommer beau ce qu’efface le temps : Pour couronner les beautés éternelles, Et pour rendre leurs yeux contents, Il ne faut point être mortelles, Si vous voulez affranchir du trépas Vos brillants, mais frêles appas, Souffrez que j’en sois embellie, Et, si je leur fais part de mon éternité, Je les rendrai pareils aux appas de Julie, Et dignes de parer sa divine beauté.

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    Pierre Corneille

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    Perdu au jeu Je chéris ma défaite, et mon destin m’est doux, Beauté, charme puissant des yeux et des oreilles : Et je n’ai point regret qu’une heure auprès de vous Me coûte en votre absence et des soins et des veilles. Se voir ainsi vaincu par vos rares merveilles, C’est un malheur commode à faire cent jaloux : Et le cœur ne soupire en des pertes pareilles, Que pour baiser la main qui fait de si grands coups. Recevez de la mienne, après votre victoire, Ce que pourrait un Roi tenir à quelque gloire ; Ce que les plus beaux yeux n’ont jamais dédaigné. Je vous en rends, Iris, un juste et prompt hommage, Hélas ! contentez-vous de me l’avoir gagné, Sans, me dérober davantage.

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    Pierre Corneille

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    Regrets d'amour Caliste, lorsque je vous vois, Dirai-je que je vous admire ? C'est vous dire bien peu pour moi, Et peut-être c'est trop vous dire. Je m'expliquerais un peu mieux Pour un moindre rang que le vôtre, Vous êtes belle, j'ai des yeux, Et je suis homme comme un autre. Que n'êtes-vous à votre tour, Caliste, comme une autre femme ! Je serais pour vous tout d'amour Si vous n'étiez point si grande dame. Votre grade hors du commun Incommode fort qui vous aime, Et sous le respect importun Un beau feu s'éteint de lui-même. J'aime un peu l'indiscrétion Quand je veux faire des maîtresses ; Et quand j'ai de la passion, J'ai grand amour pour les caresses. Mais si j'osais me hasarder Avec vous au moindre pillage, Vous me feriez bien regarder Le grand chemin de mon village. J'aime donc mieux laisser mourir L'ardeur qui serait mal traitée, Que de prétendre à conquérir Ce qui n'est point de ma portée.

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    Pierre Corneille

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    Récit de Rodrigue Sous moi donc cette troupe s'avance, Et porte sur le front une mâle assurance. Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port, Tant, à nous voir marcher avec un tel visage, Les plus épouvantés reprenaient de courage ! J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés, Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ; Le reste, dont le nombre augmentait à toute heure, Brûlant d'impatience, autour de moi demeure, Se couche contre terre, et sans faire aucun bruit Passe une bonne part d'une si belle nuit. Par mon commandement la garde en fait de même, Et se tenant cachée, aide à mon stratagème ; Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous. Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles ; L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port. On les laisse passer ; tout leur parait tranquille ; Point de soldats au port, point aux murs de la ville. Notre profond silence abusant leurs esprits, Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris ; Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent, Et courent se livrer aux mains qui les attendent. Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatants. Les nôtres, à ces cris, de nos vaisseaux répondent ; Ils paraissent armés, les Maures se confondent, L'épouvante les prend à demi descendus ; Avant que de combattre ils s'estiment perdus. Ils couraient au pillage, et rencontrent la guerre ; Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre, Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang, Avant qu'aucun résiste ou reprenne son rang. Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient, Leur courage renait, et leurs terreurs s'oublient : La honte de mourir sans avoir combattu Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu. Contre nous de pied ferme ils tirent leurs alfanges ; De notre sang au leur font d'horribles mélanges. Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port, Sont des champs de carnage où triomphe la mort. Ô combien d'actions, combien d'exploits célèbres Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres, Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait, Ne pouvait discerner où le sort inclinait ! J'allais de tous côtés encourager les nôtres, Faire avancer les uns et soutenir les autres, Ranger ceux qui venaient, les pousser à leur tour, Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour. Mais enfin sa clarté montre notre avantage ; Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage : Et voyant un renfort qui nous vient secourir, L'ardeur de vaincre cède à la peur de mourir. Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles, Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables, Font retraite en tumulte, et sans considérer Si leurs rois avec eux peuvent se retirer. Pour souffrir ce devoir leur frayeur est trop forte ; Le flux les apporta, le reflux les remporte ; Cependant que leurs rois, engagés parmi nous, Et quelque peu des leurs, tous percés de nos coups, Disputent vaillamment et vendent bien leur vie. À se rendre moi-même en vain je les convie : Le cimeterre au poing ils ne m'écoutent pas ; Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats, Et que seuls désormais en vain ils se défendent, Ils demandent le chef ; je me nomme, ils se rendent. Je vous les envoyai tous deux en même temps ; Et le combat cessa faute de combattants.

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    Source délicieuse en misères féconde Source délicieuse en misères féconde, Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés ? Honteux attachements de la chair et du Monde, Que ne me quittez-vous, quand je vous ai quittés ? Allez honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre, Toute votre félicité Sujette à l'instabilité En moins de rien tombe par terre, Et comme elle a l'éclat du verre Elle en a la fragilité.

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    Pierre Corneille

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    Stances à la marquise du parc Marquise si mon visage À quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu'à mon âge Vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses Se plaît à faire un affront, Et saura faner vos roses Comme il a ridé mon front. Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits : On m'a vu ce que vous êtes Vous serez ce que je suis. Cependant j'ai quelques charmes Qui sont assez éclatants Pour n'avoir pas trop d'alarmes De ces ravages du temps. Vous en avez qu'on adore ; Mais ceux que vous méprisez Pourraient bien durer encore Quand ceux-là seront usés. Ils pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu'il me plaira de vous.

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    Pierre Corneille

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    Sur une absence Stance. Depuis qu'un malheureux adieu Rendit vers vous ma flamme criminelle, Tout l'univers, prenant votre querelle, Contre moi conspire en ce lieu. Ayant osé me séparer Du beau soleil qui luit seul à mon âme, Pour le venger, l'autre cachant sa flamme, Refuse de plus m'éclairer. L'air, qui ne voit plus ce flambeau, En témoignant ses regrets par ses larmes, M'apprend assez qu'éloigné de vos charmes Mes yeux se doivent fondre en eau. Je vous jure, mon cher souci, Qu'étant réduit à voir l'air qui distille, Si j'ai le cœur prisonnier à la ville, Mon corps ne l'est pas moins ici.

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    Pierre Corneille

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    Vos beaux yeux Vos beaux yeux sur ma franchise N’adressent pas bien leurs coups, Tête chauve et barbe grise Ne sont pas viande pour vous ; Quand j’aurais l’heure de vous plaire, Ce serait perdre du temps ; Iris, que pourriez-vous faire D’un galant de cinquante ans ? Ce qui vous rend adorable N’est propre qu’à m’alarmer, Je vous trouve trop aimable Et crains de vous trop aimer : Mon cœur à prendre est facile, Mes vœux sont des plus constants ; Mais c’est un meuble inutile Qu’un galant de cinquante ans. Si l’armure n’est complète, Si tout ne va comme il faut, Il vaut mieux faire retraite Que d’entreprendre un assaut : L’amour ne rend point la place À de mauvais combattants, Et rit de la vaine audace Des galants de cinquante ans.

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