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Pauvreté

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Pauvreté

Poésies de la collection pauvreté

    A

    Amisador Andréa

    @amisadorAndrea

    Le revers du progrès Bienvenue dans la méritocratie Où la pauvreté sonne pour les riches comme un murmure Même si par ses bien pâles couleurs Elle témoigne des misères de ce monde Même si nous refusons d'en entendre la douleur Et que nous consentons à rouvrir ces blessures Qui saignent ceux qui n'ont déjà plus d'humeurs Ni d'abri, ni d'espoir Ni de forces, ni de nourriture et pourtant sans rancœur Que d'injustices profondes

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Ma bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ; Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! Mon unique culotte avait un large trou. – Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

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    Cesare Pavese

    Cesare Pavese

    @cesarePavese

    Révolte Le mort est crispé contre terre et ses yeux ne voient pas les étoiles : ses cheveux sont collés au pavé. La nuit est plus froide. Les vivants rentrent à la maison et en tremblent encore. On ne peut pas les suivre ; ils se dispersent tous : l’un monte un escalier, l’autre va à la cave. Certains marchent jusqu’à l’aube et se jettent dans un pré, en plein soleil. Demain en travaillant, il y en a qui auront un rictus de désespoir. Puis ça aussi passera. Quand ils dorment, ils sont pareils aux morts : s’il y a une femme, les odeurs sont plus lourdes mais on dirait des morts. Chaque corps se cramponne, crispé, à son lit comme au rouge pavé : la longue peine qui dure depuis l’aube vaut bien une brève agonie. Sur chaque corps s’englue une obscurité sale. Seul de tous, le mort est étendu aux étoiles. Il a aussi l’air mort cet amas de haillons appuyé au muret, que brûle le soleil. C’est faire confiance au monde que dormir dans la rue. Entre les haillons pointe une barbe que parcourent des mouches affairées ; les passants vont et viennent dans la rue, comme des mouches ; le clochard est un fragment de rue. La misère, comme une herbe, recouvre de barbe les rictus et donne un air tranquille. Ce vieux-là qui aurait pu mourir crispé dans son sang a l’air au contraire d’une chose et il vit. Ainsi, à part le sang, chaque chose est un fragment de rue. Et pourtant, les étoiles ont vu du sang dans la rue.

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    H

    Honoré Harmand

    @honoreHarmand

    Si j'étais riche A Jeanne ma femme Si j'étais riche je voudrais Que tu sois la reine des belles Que tes frous-frous et tes dentelles Troublent les regards indiscrets Je voudrais te voir conquérante Briller toujours au premier rang Et dans le Paris élégant Etre la plus intéressante Je voudrais voir à tes genoux Prosternés les tendres poètes Et les femmes les plus coquettes Voir même les anges jaloux Descendre du ciel sur la terre Et dans une tendre chanson Vénérer ta gloire et ton nom Mais je suis fils de la Misère Qu'importe, puisque ta beauté N'emprunte pas à la richesse Comme à la lèvre une caresse Nous sommes fous de volupté Tu es conquérante en mon âme Tu es la reine de mon coeur Et ton regard doux et vainqueur Grandit mon amour et l'enflamme Qu'importent les anges jaloux Les poètes les élégantes Puisque le soir aux heures lentes Je viens rêver à tes genoux. 23 août 1907

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    Jean Arp

    Jean Arp

    @jeanArp

    Jours effeuillés Poupée je suis une poupée. Mais une âme me viendrait bien à propos. Pourquoi n'ai-je pas d'ailes? N'y a -t-il personne qui veut me donner au moins une traîne d'argent? Une traîne d'argent un ruisseau qui murmure derrière moi. Ma tête est en porcelaine. Sur ma t^te un chapeau en porcelaine ne serait pas exagéré. Oui, il serait aussi nécessaire qu'une croix sur une cloche. Je suis pauvre. Je suis nue. Et que ne m'a -t-on pas déjà promis!

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    J

    Jehan Rictus

    @jehanRictus

    Les maisons des pauvres N’empêch’ si jamais j’ venais riche, Moi aussi j’ f’rais bâtir eun’ niche Pour les vaincus... les écrasés, Les sans-espoir... les sans-baisers, Pour ceuss’ là qui z’en ont soupé, Pour les Écœurés, les Trahis, Pour les Pâles, les Désolés, À qui qu’on a toujours menti Et que les roublards ont roulés ; Eun’ mason... un cottage... eun’ planque, Ousqu’on trouv’rait miséricorde, Pus prop’s que ces turn’s à la manque Ousque l’on roupille à la corde ; Pus chouatt’s que ces Asil’s de nuit Qui bouclent dans l’après-midi, Où les ronds-d’-cuir pleins de mépris (Les préposés à la tristesse) Manqu’nt d’amour et de politesse ; Eun’ Mason, Seigneur, un Foyer Où y aurait pus à travailler, Où y aurait pus d’ terme à payer, Pus d’ proprio, d’ pip’let, d’huissier. Y suffirait d’êt’ su’ la Terre Crevé, loufoque et solitaire, D’ sentir venir son dergnier soir Pour pousser la porte et... s’asseoir. Quand qu’on aurait tourné l’ bouton Personn’ vourait savoir vot’ nom Et vous dirait – « Quoi c’est qu’ vous faites ? Si you plaît ? Qui c’est que vous êtes ? » Non, pas d’ méfiance ou d’ paperasses, Toujours à pister votre trace, Avec leur manie d’étiqu’ter ; Ça n’est pas d’ la fraternité ! Mais on dirait ben au contraire : – « Entrez, entrez donc, mon ami, Mettez-vous à l’ais’, notre frère, Apportez vos poux par ici. » Pein’ dedans gn’aurait des baignoires, Des liquett’s propes... des peignoirs, D’ l’eau chaud’ dedans des robinets Qu’on s’ laiss’rait rigoler su’ l’ masque, Des savons à l’opoponasque, Des bross’s à dents et des bidets. Pis vite.. on s’en irait croûter Croûter d’ la soup’ chaude en Hiver Qui fait « plouf » quand ça tomb’ dans l’ bide, Des frich’tis fumants, des lentilles, Des ragoûts comm’ dans les familles, Des choux n’avec des pomm’s de terre, Des tambouill’s à s’en fair’ péter. Et quand qu’ ça s’rait la bell’ saison On boulott’rait dans le jardin (Gn’en aurait un dans ma Mason Un grand... un immense... un rupin) Ousqu’y aurait des balançoires, Des hamacs... des fauteuils d’osier (Pou’ pouvoir fair’ son Espagnole) Et ça s’rait d’ la choquott’ le soir Quand mont’rait l’ chant du rossignol Et viendrait l’odeur des rosiers. Mais l’Hiver il y f’rait l’ pus bon : Ça s’rait chauffé par tout’s les pièces ; Et les chiott’s où poser ses fesses J’ f’rais mett’ du poil de lapin d’ssus Pou’ pas qu’ ça vous fass’ foid au cul. Et pis dans les chambr’s à coucher Y gn’aurait des pieux à dentelles, D’ la soye... d’ la vouat’... des oneillers, Des draps blancs comm’ pour des mariés, Des lits-cage et mêm’ des berceaux Dans quoi qu’on pourrait s’ fair’ petiots ; Voui des plumards, voui des berceaux Près d’ quoi j’ mettrais esspressément Des jeun’s personn’s, prop’s et girondes, Des rouquin’s, des brun’s et des blondes À qui qu’on pourrait dir’ – « Moman ! » Ça s’rait des Sœurs modèl’ nouveau Qui s’raient sargées d’ vous endormir Et d’ vous consoler gentiment À la façon des petit’s-mères, À qui en beuglant comme un veau (La cabèch’ su’ le polochon), On pourrait conter ses misères : – « Moman, j’ai fait ci et pis ça ! » Et a diraient : – « Ben mon cochon ! » – « Moman, j’ai eu ça et pis ci. » Et a diraient : – « Ben mon salaud ! » « Mais à présent faut pus causer, Faut oublier... faut pus penser , Tâchez moyen d’ vous endormir Et surtout d’ pas vous découvrir. » Ma Mason, v’là tout, ma Mason, Ça s’rait un dortoir pour broyés Ousqu’on viendrait se fair’ choyer Un peu avant sa crevaison Loin des Magistrats de mes... Qu’ont l’ cœur de vous foute en prison Quand qu’on a pus l’ rond et pus d’ turne. Mais pour compléter l’illusion Qu’on est redevenu mignon Tout’s mes Momans à moi, à nous, Faurait qu’a z’ayent de beaux tétons, Lourds, fermes, blancs, durs, rebondis Comm’ les gros tétons des nounous Ou des fermièr’s de Normandie ; Et faurait qu’ ces appâts soyent nus. Mêm’ les gas les pus inconnus, Auraient l’ droit d’y boir’, d’y téter Au moment ousqu’y tourn’raient d’ l’œil. S’ils faisaient la frim’ d’êt’ pas sages Dans leur plumard ou leur fauteuil On s’empress’rait d’ leur apporter Les tétons sortis du corsage, Pleins d’amour et de majesté. Je vois d’ici mes Nounous tendres Introduir’ dans les pauvres gueules De tous les Errants de Paris Le bout de leurs tétons fleuris. Et j’ vois d’ici mes pauv’s frangins Aux dents allongées par la Faim Boir’ les yeux clos et mains crispées Par la mort et par le plaisir. Et pour jamais et pour jamais (Le museau un peu pus content) J’ les vois un à un s’endormir Le bout d’un téton dans les dents...

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    Langston Hughes

    Langston Hughes

    @langstonHughes

    Les vagabonds Nous sommes les désespérés, Les jamais soucieux, Les affamés, Qui n’avons aucun lieu Pour manger, Aucun endroit pour dormir, Les sans larmes Incapables De pleurer.

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    P

    Petrus Borel

    @petrusBorel

    Misère La faim mit au tombeau Malfilâtre ignoré. GILBERT. À mon air enjoué, mon rire sur la lèvre, Vous me croyez heureux, doux, azyme et sans fièvre, Vivant, au jour le jour, sans nulle ambition, Ignorant le remords, vierge d'affliction ; À travers les parois d'une haute poitrine, Voit-on le coeur qui sèche et le feu qui le mine ? Dans une lampe sourde on ne saurait puiser Il faut, comme le coeur, l'ouvrir ou la briser. Aux bourreaux, pauvre André, quand tu portais ta tête, De rage tu frappais ton front sur la charrette, N'ayant pas assez fait pour l'immortalité, Pour ton pays, sa gloire et pour sa liberté. Que de fois, sur le roc qui borde cette vie, Ai-je frappé du pied, heurté du front d'envie, Criant contre le ciel mes longs tourments soufferts Je sentais ma puissance, et je sentais des fers ! Puissance,... fers,... quoi donc ? - rien, encore un poète Qui ferait du divin, mais sa muse est muette, Sa puissance est aux fers. - Allons ! on ne croit plus, En ce siècle voyant, qu'aux talents révolus. Travaille, on ne croit plus aux futures merveilles. - Travaille !... Eh ! le besoin qui me hurle aux oreilles, Étouffant tout penser qui se dresse en mon sein ! Aux accords de mon luth que répondre ?... j'ai faim !...

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    Saint-Georges de Bouhélier

    Saint-Georges de Bouhélier

    @saintGeorgesDeBouhelier

    Inscription sur l"accueil dû au pauvre Mets la nappe de lin sur la table agrandie, Verse dans les cristaux Des vins fumants faits de raisins orientaux, Orne de citrons verts, de pommes, de gâteaux Les vaisselles polies. Répands les fruits du parc et les fleurs de la plaine En couronnes d’azur, Tords le feuillage d’or le long du calme mur, Inonde l’air d’odeurs, et que d’un parfum pur L’atmosphère soit pleine ! Commande aux serviteurs afin qu’ils te rapportent Tous les vins du cellier, Sors les sacs de la grange et détruis le hallier, Dénude-toi, soustrais la grappe à l’espalier !… Un pauvre est à la porte ! Or tout vrai pauvre a droit a la plus belle place, Il est l’hôte divin, Il est l’expiateur qui va par le chemin Lourd de tes maux dont il te rend le fardeau vain Et qu’il porte à ta place !…

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