Hyacinthe Pour la voir aussitôt m’apparaître, fidèle
Je n’ai qu’à prononcer son nom mélodieux,
Comme si quelque instinct miséricordieux
D’avance lui disait l’heure où j’ai besoin d’elle.
Je la trouve toujours, quand mon cœur contristé
S’exile et se replie au fond de ses retraites,
Et pansant à la nuit ses blessures secrètes,
Reprend avec l’orgueil sa native beauté.
C’est dans un parc illustre où la blancheur des marbres
Dans l’ombre çà et là dresse un beau geste nu,
Où ruisselle un bruit d’eau léger et continu,
Où les chemins rayés par les ombres des arbres
S’enfoncent comme on voit aux tableaux anciens.
Aux noblesses du cœur le décor est propice,
Et parmi les bosquets l’âme de Bérénice
Semble encor sangloter des vers raciniens.
Elle est là ; sous le dais des ténèbres soyeuses,
Elle attend ; autour d’elle à chaque mouvement
Ses ailes font d’un vague et lent frémissement
De plumes onduler les fleurs harmonieuses.
Ses lèvres par instants laissent tomber le mot
Unique où se concentre en goutte le silence ;
Le geste de ses mains pâles est l’indolence,
Et sa voix musicale est fille du sanglot.
Nous errons à travers les jardins taciturnes
Émus en même temps de limpides frissons,
Touchés de nous aimer dans ce que nous pensons
Et nous penchant ensemble aux fontaines nocturnes.
L’amour s’ouvre à ses doigts comme un lys infini,
Tout en elle se donne et rien ne se dérobe.
Ses bras savent surtout bercer et sous sa robe
Son sein a la chaleur maternelle du nid.
La pitié, la douceur, la paix sont ses servantes ;
À sa ceinture pend le rosaire des soirs,
Et c’est elle sans trêve et pourtant sans espoirs,
Que je cherche à jamais à travers les vivantes.
Elle est tout ce que j’aime au monde, le secret,
L’amour aux longs cheveux, la pudeur aux longs voiles,
Même elle me ressemble aux rayons des étoiles,
Et c’est comme une sœur morte qui reviendrait.
Hyacinthe est le nom mortel que je lui donne.
Souvent au fond des ans par d’étranges détours
Nous évoquons la même enfance aux mêmes jours,
Et sa voix dont l’accent fatidique m’étonne
Semble du plus profond de mon âme venir.
Elle a le timbre ému des heures abolies,
Et sonne l’angélus de mes mélancolies
Dans la vallée au vieux clocher du souvenir.
Et parfois elle dit, pâle en la nuit profonde,
Pendant qu’au loin la lune argente un marbre nu
Et qu’un ruissellement léger et continu
Mêle au son de sa voix l’écoulement de l’onde,
Pendant qu’aux profondeurs des grands espaces bleus
Palpite une douceur grave et surnaturelle,
Et que je vois comme un miracle fait pour elle
Les astres scintiller à travers ses cheveux,
Elle dit : quelque jour dans un pays suprême
Ton désir cueillera les fruits puissants et beaux
Dont la fleur blême ici languit sur les tombeaux.
Et ton propre idéal sera ton diadème.
Avec l’argile triste où chemine le ver
Tu quitteras le mal, la honte, l’esclavage,
Et je te sourirai dans les lys du rivage,
Belle comme la lune, en été, sur la mer.
Tes sens magnifiés vivront d’intenses fièvres,
Ivres d’intensité dans un air immortel ;
Alors s’accomplira ton rêve originel
Et, penché sur mes yeux pleins d’un soir éternel,
C’est ton âme que tu baiseras sur mes lèvres.
il y a 7 mois
Alfred De Musset
@alfredDeMusset
Se voir le plus possible… Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
Et dans cette clarté respirer librement –
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
Cest vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.
Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.
il y a 7 mois
André Chénier
@andreChenier
L’aveugle « Dieu, dont l’arc est d’argent, dieu de Claros, écoute,
» Ô Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
» Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant. »
C’est ainsi qu’achevait l’aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S’asseyait. Trois pasteurs, enfans de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulens
Des Molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlans.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète ;
Ils l’écoutaient de loin ; et s’approchant de lui :
« Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui ?
» Serait-ce un habitant de l’empire céleste ?
» Ses traits sont grands et fiers ; de sa ceinture agreste
» Pend une lyre informe, et les sons de sa voix
» Émeuvent l’air et l’onde et le ciel et les bois. »
Mais il entend leurs pas, prête l’oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
« Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger ;
» (Si plutôt sous un corps terrestre et passager
» Tu n’es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
» Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse !)
» Si tu n’es qu’un mortel, vieillard infortuné,
» Les humains près de qui les flots t’ont amené,
» Aux mortels malheureux n’apportent point d’injures.
» Les destins n’ont jamais de faveurs qui soient pures.
» Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux ;
» Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.
» — Enfans, car votre voix est enfantine et tendre,
» vos discours sont prudens, plus qu’on n’eût dû l’attendre ;
» Mais toujours soupçonneux, l’indigent étranger
» Croit qu’on rit de ses maux et qu’on veut l’outrager.
» Ne me comparez point à la troupe immortelle :
» Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
» Voyez ; est-ce le front d’un habitant des cieux ?
» Je ne suis qu’un mortel, un des plus malheureux
» Si vous en savez un pauvre, errant, misérable,
» C’est à celui-là seul que je suis comparable ;
» Et pourtant je n’ai point, comme fit Thomyris,
» Des chansons à Phœbus voulu ravir le prix ;
» Ni, livré comme OEdipe à la noire Euménide,
» Je n’ai puni sur moi l’inceste parricide ;
» Mais les dieux tout-puissans gardaient à mon déclin
» Les ténèbres, l’exil, l’indigence et la faim.
» Prends ; et puisse bientôt changer ta destinée,
» Disent-ils. » Et tirant ce que, pour leur journée,
Tient la peau d’une chèvre aux crins noirs et luisans,
Ils versent à l’envi, sur ses genoux pesans,
Le pain de pur froment, les olives huileuses,
Le fromage et l’amande, et les figues mielleuses,
Et du pain à son chien entre ses pieds gissant,
Tout hors d’haleine encore, humide et languissant ;
Qui malgré les rameurs, se lançant à la nage,
L’avait loin du vaisseau rejoint sur le rivage..
« Le sort, dit le vieillard, n’est pas toujours de fer.
» Je vous salue, enfans venus de Jupiter.
» Heureux sont les parens qui tels vous firent naître !
» Mais venez, que mes mains cherchent à vous connaît ;
» Je crois avoir des yeux. Vous êtes beaux tous trois.
» Vos visages sont doux, car douce est votre, voix.
» Qu’aimable est la vertu que la grâce environne !
» Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone,
» Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ;
» Car jadis, abordant à la sainte Délos,
» Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre,
» Un palmier, don du ciel, merveille de la terre.
» Vous croîtrez, comme lui, grands, féconds, révérés.
»’Puisque les malheureux sont par vous honorés.
» Le plus âgé de vous aura vu treize années :
» À peine, mes enfans, vos mères étaient nées,
» Que j’étais presque vieux. Assieds-toi près de moi,
» Toi, le plus grand de tous ; je me confie à toi.
» Prends soin du vieil aveugle.-O sage magnanime !
» Comment, et d’où viens-tu ? car l’oncle maritime
» Mugit de toutes parts sur nos bords orageux.
» — Des marchands de Cymé m’avaient pris avec eux.
» J’allais voir, m’éloignant des rives de Carie,
» Si la Grèce pour moi n’aurait point de patrie,
» Et des dieux moins jaloux, et de moins tristes jours ;
» Car jusques à la mort nous espérons toujours.
» Mais pauvre, et n’ayant rien pour payer mon passage,
» Ils m’ont, je ne sais où, jeté sur le rivage.
» — Harmonieux vieillard, tu n’as donc point chanté ?
» Quelques sons de ta voix auraient tout acheté.
» — Enfans, du rossignol la voix pure et légère
» N’a jamais apaisé le vautour sanguinaire,
» Et les riches grossiers, avares, insolens,
» N’ont pas une ame ouverte à sentir les talens.
» Guidé par ce bâton, sur l’arène glissante,
» Seul, en silence, au bord de l’onde mugissante,
» J’allais ; et j’écoutais le bêlement lointain
» Da troupeaux agitant leurs Sonnettes d’airain.
» Puis j’ai pris cette lyre, et les cordes mobiles
» Ont encor résonné sous mes vieux doigts débiles.
» Je voulais deS grands dieux implorer la bonté,
» Et surtout Jupiter, dieu d’hospitalité :
» Lorsque d’énormes chiens, à la voix formidable,
» Sont venus m’assaillir ; et j’étais misérable,
» Si vous (car c’était vous) avant qu’ils m’eussent pris
» N’eussiez armé pour moi les pierres et les cris.
» — Mon père, il est donc vrai : tout est devenu pire ?
» Car jadis, aux accens d’une éloquente lyre,
» Les tigres et les loups, vaincus, humiliés,
» D’un chanteur comme toi vinrent baiser les pieds.
» — Les barbares ! J’étais assis près de la poupe.
» Aveugle vagabond, dit l’insolente troupe,
» Chante ; si ton esprit n’est point comme tes yeux,
» Amuse notre ennui ; tu rendras grâce aux dieux.
» J’ai fait taire mon cœur qui voulait les confondre ;
» Ma bouche ne s’est point ouverte à leur répondre.
» Ils n’ont pas entendu ma voix, et sous ma main
» J’ai retenu le dieu courroucé dans mon sein.
» Cymé, puisque tes fils dédaignent Mnémosyne,
» Puisqu’ils ont fait outrage à la muse divine,
» Que leur vie et leur mort s’éteigne dans l’oubli ;
» Que ton nom dans la nuit demeure enseveli.
» — Viens, suis-nous à la ville ; elle est toute voisine,
» Et chérit les amis de la muse divine.
» Un siége aux cloux d’argent te place à nos festins ;
» Et là les mets choisis, le miel et les bons vins,
» Sous la colonne où pend une lyre d’ivoire,
» Te feront de tes maux oublier la mémoire.
» Et si, dans le chemin, rhapsode ingénieux,
» Tu veux nous accorder tes chants dignes des cieux,
» Nous dirons qu’Apollon, pour charmer les oreilles,
» T’a lui-même dicté de si douces merveilles.
» — Oui, je le veux ; marchons. Mais où m’entraînez-vous ?
» Enfans du vieil aveugle, en quel lieu sommes-nous
» — Sicos est l’île heureuse où nous vivons, mon père.
» — Salut, belle Sicos, deux fois hospitalière !
» Car sur ses bords heureux je suis déjà venu,
» Amis, je la connais. Vos pères m’ont connu :
» Ils croissaient comme vous ; mes yeux s’ouvraient encore
» Au Soleil, au printemps, aux roses de l’aurore ;
» J’étais jeune et vaillant. Aux danses des guerriers,
» À la course, aux combats, j’ai paru des premiers.
» J’ai vu Corinthe, Argos, et Crète et les cent villes,
» Et du fleuve Égyptus les rivages fertiles ;
» ; Mais la terre et la mer, et l’âge et les malheurs,
» Ont épuisé ce corps fatigué de douleurs.
» La voix me reste. Ainsi la cigale innocente,
» Sur un arbuste assise, et se console et chante.
» Commençons par les dieux : Souverain Jupiter ;
» Soleil, qui vois, entends, connais tout ; et toi, mer,
» Fleuves, terre, et noirs dieux des vengeances trop lentes,
» Salut ! Venez à moi de l’Olympe habitantes,
» Muses ; vous savez tout, vous déesses ; et nous,
» Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous. »
Il poursuit ; et déjà les antiques ombrages
Mollement en cadence inclinaient leurs feuillages ;
Et pâtres oubliant leur troupeau délaissé,
Et voyageurs quittant leur chemin commencé,
Couraient ; il les entend, près de son jeune guide,
L’un sur l’autre pressés tendre une oreille avide ;
Et nymphes et sylvains sortaient pour l’admirer,
Et l’écoutaient en foule, et n’osaient respirer ;
Car, en de longs détours de chansons vagabondes,
Il enchaînait de tout les semences fécondes ;
Les principes du feu, les eaux, la terre et l’air,
Les fleuves descendus du sein de Jupiter,
Les oracles, les arts, les cités fraternelles,
Et depuis le chaos les amours immortelles.
D’abord le Roi divin, et l’Olympe et les Cieux
Et le Monde, ébranlés d’un signe de ses yeux ;
Et les dieux partagés en une immense guerre,
Et le sang plus qu’humain venant rougir la terré,
Et les rois assemblés, et Sous les pieds guerriers,
Une nuit de poussière, : et les chars meurtriers ;
Et les héros armés, brillans dans les campagnes,
Comme un vaste incendie aux cimes des montagnes.
Les coursiers hérissant leur crinière à longs flots,
Et d’une voix humaine excitant les héros.
De là, portant ses pas dans les paisibles villes,
Les lois, les orateurs, les récoltes fertiles.
Mais bientôt de soldats les remparts entourés,
Les victimes tombant dans les parvis sacrés,
Et les assauts, mortels aux épouses plaintives,
Et les mères en deuil, et les filles captives ;
Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux
Bêlans ou mugissans, les rustiques pipeaux,
Les chansons, les festins, les vendanges bruyantes,
Et la flûte et la lyre, et les notes dansantes ;
Puis, déchaînant les vents à soulever les mers,
Il perdait les nochers sur les gouffres amers.
De là, dans le sein frais d’une roche azurée,
En foule il appelait les filles de Nérée,
Qui bientôt, à des cris, s’élevant sur les eaux,
Aux rivages troyens parcouraient des vaisseaux ;
Puis il ouvrait du Styx la rive criminelle,
Et puis les demi-dieux et les champs d’Asphodèle,
Et la foule des morts ; vieillards seuls et souffrans,
Jeunes gens emportés aux yeux de leurs parens,
Enfans dont au berceau la vie est terminée,
Vierges dont le trépas suspendit l’hyménée.
Mais ô bois, ô ruisseaux, ô monts, ô durs cailloux,
Quels doux frémissemens vous agitèrent tous
Quand bientôt à Lemnos, sur l’enclume divine,
Il forgeait cette trame irrésistible et fine,
Autant que d’Arachné les piéges inconnus,
Et dans ce fer mobile emprisonnait Vénus !
Et quand il revêtit d’une pierre soudaine
La fière Niobé, cette mère thébaine,
Et quand il répétait en accens de douleurs’
De la triste Aédon l’imprudence et les pleurs,
Qui, d’un fils méconnu marâtre involontaire,
Vola, doux rossignol, sous le bois solitaire ;
Ensuite, avec le vin, il versait aux héros
Le puissant Népenthès, oubli de tous les maux ;
Il cueillait le Moly, fleur qui rend l’homme sage ;
Du paisible Lotos il mêlait le breuvage.
Les mortels oubliaient, à ce philtre charmés,
Et la douce patrie et les parens aimés ;
Enfin, l’Ossa, l’Olympe et les bois du Pénée
Voyaient ensanglanter les banquets d’hyménée,
Quand Thésée, au milieu de la joie et du vin,
La nuit où son ami reçut à son festin
Le peuple monstrueux des enfans de la nue,
Fut contraint d’arracher l’épouse demi-nue
Au bras ivre et nerveux du sauvage Eurytus.
Soudain, le glaive en main, l’ardent Pirithoüs
« Attends ; il faut ici que mon affront s’expie,
» Traître ! » Mais, avant lui, sur le centaure impie,
Dryas a fait tomber, avec tous ses rameaux,
Un long arbre de fer hérissé de flambeaux.
L’insolent quadrupède en vain s’écrie, il tombe ;
Et son pied bat le sol qui doit être sa tombe.
Sous l’effort de Nessus, la table du repas
Roule, écrase Cymèle, Évagre, Périphas.
Pirithoüs égorge Antimaque, et Pétrée,
Et Cyllare aux pieds blancS, et le noir Macarée,
Qui de trois fiers lions, dépouillés par sa main,
Couvrait ses quatre flancs, armait son double sein.
Courbé, levant un roc choisi pour leur vengeance,
Tout-à-coup, sous l’airain d’un vase antique, immense,
L’imprudent Bianor, par Hercule surpris,
Sent de sa tête énorme éclater les débris.
Hercule et la massue entassent en trophée
Clanis, Démoléon, Lycotas, et Riphée
Qui portait sur ses crins, de taches, colorés,
L’héréditaire éclat des nuages dorés.
Mais d’un double combat Eurynome est avide ;
Car ses pieds, agités en un cercle rapide,
Battent à coups pressés l’armure de Nestor ;
Le quadrupède Hélops fuit l’agile Crantor ;
Le bras levé l’atteint ; Eurynome l’arrête.
D’un érable noueux il va fendre sa tête :
Lorsque le fils d’Égée, invincible, sanglant,
L’aperçoit ; à l’autel prend un chêne brûlant ;
Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible,
S’élance ; va saisir sa chevelure horrible,
L’entraîne, et quand sa bouche ouverte avec effort,
Crie ; il y plonge ensemble et la flamme et la mort.
L’autel est dépouillé. Tous vont s’armer de flamme,
Et le bois porte au loin les hurlernens de femme,
L’ongle frappant la terre, et les guerriers meurtris,
Et les vases brisés, et l’injure, et les cris.
Ainsi le grand vieillard, en images hardies,
Déployait, le tissu des saintes mélodies.
Les trois enfans, émus à son auguste aspect,
Admiraient, d’un regard de joie et de respect,
De sa bouche abonder les paroles divines,
Comme en hiver la neige aux sommets des collines.
E partout accourus, dansant sur son chemin,
Hommes, femmes, enfans, les rameaux à la main,
Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville,
Chantaient : « Viens dans nos murs, viens habiter notre île ;
» Viens, prophète éloquent, aveugle harmonieux,
» Convive du nectar, disciple aimé des dieux ;
» Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère
» Le jour où nous avons reçu le grand Homère. »
il y a 7 mois
André Chénier
@andreChenier
L’invention Ô fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple roi !
Et vous, à qui jadis, pour créer l’harmonie,
L’Attique, et l’onde Égée, et la belle Ionie,
Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des mœurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore, aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines.
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers
Et du tempe des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
À nous tous aujourd’hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d’importantes leçons.
Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L’esclave imitateur naît et s’évanouit ;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s’enfuit.
Ce n’est qu’aux inventeurs que la vie est promise :
Nous voyons les enfans de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés,
Mieux qu’eux, par votre exemple, à vous vaincre excités.
Osons ; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d’épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n’est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison ;
Ce n’est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme ;
Ce n’est pas, élevant des poissons dans les airs,
À l’aile des vautours ouvrir le sein des mers ;
Ce n’est pas, sur le front d’une nymphe brillante,
Hérisser d’un lion la crinière sanglante :
Délires insensés ! fantômes monstrueux !
Et d’un cerveau malsain rêves tumultueux !
Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l’accès de la fièvre et non pas du génie :
D’Ormus et d’Ariman ce sont les noirs combats,
Où partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
Luttent sans être unis ; mais l’esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour ;
D’élémens divisés il reconnaît l’amour,
Les rappelle ; et partout, en d’heureux intervales,
Sépare et met en paix les semences rivales.
Ainsi donc, dans les arts l’inventeur est celui
Qui peint ce que chacun pût sentir comme lui,
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes ;
Qui, par des nœuds certains, imprévus et nouveaux,
Unissant des objets qui paraissaient rivaux,
Montre et fait adopter à la nature mère
Ce qu’elle n’a point fait, mais ce qu’elle a pu faire ;
C’est le fécond pinceau qui, sûr dans ses regards,
Retrouve un seul visage en vingt belles épars ;
Les fait renaître ensemble, et par un art suprême
Des traits de vingt beautés forme la beauté même.
La nature dicta vingt genres opposés
D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés.
Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites,
N’aurait osé d’un autre envahir les limites ;
Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon,
N’aurait point de Marot associé le ton.
De ces fleuves nombreux dont l’antique Permesse
Arrosa si long-temps les cités de la Grèce,
De nos jours même, hélas ! nos aveugles vaisseaux
Ont encore oublié mille vastes rameaux.
Quand Louis et Colbert, sous les murs de Versailles,
Réparaient des beaux arts les longues funérailles ;
De Sophocle et d’Eschyle, ardens admirateurs,
De leur auguste exemple élèves inventeurs,
Des hommes immortels firent sur notre scène
Revivre aux yeux français les théàtres d’Athène.
Comme eux, instruit par eux, Voltaire offre à nos pleurs
Des grands infortunés les illustres douleurs ;
D’autres esprits divins, fouillant d’autres ruines,
Sous l’amas des débris, des ronces, dos épines,
Ont su, pleins des écrits des Grecs et des Romains,
Retrouver, parcourir leurs antiques chemins.
Mais, ô la belle palme et quel trésor de gloire
Pour celui qui, cherchant la plus noble victoire,
D’un si grand labyrinthe affrontant les hasards,
Saura guider sa muse aux immenses regards
De mille longs détours à la fois occupée,
Dans les sentiers confus d’une vaste épopée !
Lui dire d’être libre, et qu’elle n’aille pas
De Virgile et d’Homère épier tous les pas,
Par leur secours à peine à leurs pieds élevée ;
Mais, qu’auprès de leurs chars, dans un char enlevée,
Sur leurs sentiers marqués de vestiges si beaux,
Sa roue ose imprimer des vestiges nouveaux.
Quoi ! faut-il, ne s’armant que de timides voiles,
N’avoir que ces grands noms pour nord et pour étoiles,
Les côtoyer sans cesse, et n’oser un instant,
Seul et loin de tout bord intrépide et flottant,
Aller sonder les flancs du plus lointain Nérée,
Et du premier sillon fendre une onde ignorée !
Les coutumes d’alors, les sciences, les mœurs
Respirent dans les vers des antiques auteurs.
Leur siècle est en dépôt dans leurs nobles volumes.
Tout a changé pour nous, mœurs, sciences, coutumes.
Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin,
Sans rien voir près de nous, voyant toujours bien loin,
Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent,
Sans penser écrivant d’après d’autres qui pensent,
Retraçant un tableau que nos yeux n’ont point vu,
Dire et dire cent fois ce que nous avons lu ?
De la Grèce héroïque et naissante et sauvage
Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image.
Démocrite, Platon, Epicure, Thalès,
Ont dc loin à Virgile indiqué les secrets
D’une nature encore à leurs yeux trop. voilée.
Toricelli, Newton, Kepler et Galilée,
Plus doctes, plus heureux, dans leurs puissans efforts,
À tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors.
Tons les arts sont unis : les sciences humaines
N’ont pu de leur empire étendre les domaines,
Sans agrandir aussi la carrière (les vers.
Quel long travail pour eux a conquis l’univers !
Aux regards de Buffon, sans voile, sans obstacles,
La terre ouvrant son sein, ses ressorts, ses miracles,
Ses germes, ses coteaux, dépouille de Thétis :
Les nuages épais, sur elle appesantis,
De ses noires vapeurs nourrissant leur tonnerre,
Et l’hiver ennemi pour envahir la terre
Roi des antres dut Nord : et, de glaces armés,
Ses pas usurpateurs sur nos monts imprimés ;
Et l’œil perçant du verre en la vaste étendue,
Allant chercher ces feux qui fuyaient notre vue.
Aux changemens prédits, immuables, fixés,
Que d’une plume d’or Bailly nous a tracés ;
Aux lois de Cassini les comètes fidèles ;
L’aimant, de nos vaisseaux seul dirigeant les ailes,
Une Cibèle neuve et cent mondes divers,
Aux yeux de nos Jasons sortis du, sein des mers.
Quel amas de tableaux, de sublimes images,
Nait de ces grands objets réservés à nos âges !
Sous ces bois étrangers qui couronnent ces monts,
Aux vallons de Cusco, dans ces antres profonds,
Si chers à la fortune et plus chers au génie,
Germent des mines d’or, de gloire et d’harmonie.
Pensez-vous, si Virgile, ou l’Aveugle divin,
Renaissaient aujourd’hui, que leur savante main
Négligeât de saisir ces fécondes richesses,
De notre Pinde auguste éclatantes largesses ?
Nous en verrions briller leurs sublimes écrits :
Et ces mêmes objets que vos doctes mépris
Accueillent aujourd’hui d’un front dur et sévère,
Alors à vos regards auraient seuls droit de plaire ;
Alors, dans l’avenir, votre inflexible humeur
Aurait soin de défendre à tout jeune rimeur
D’oser sortir jamais de ce cercle d’images
Que vos yeux auraient vu tracé dans leurs ouvrages.
Mais qui jamais a su, dans des vers séduisans,
Sous des dehors plus vrais peindre l’esprit aux sens !
Mais quelle voix jamais, d’une plus pure flamme,
Et chatouilla l’oreille et pénétra dans l’aine !
Mais leurs mœurs et leurs lois, et mille autres hasards,
Rendaient leur siècle heureux plus propice aux beaux-arts.
Eh bien ! l’ame est partout ; la pensée a des ailes.
Volons, volons chez eux retrouver leurs modèles,
Voyageons dans leur âge, où libre, sans détour,
Chaque homme ose être un homme et penser au grand jour.
Au tribunal de Mars, sur la pourpre romaine,
Là du grand Cicéron la vertueuse haine
Écrase Céthégus, Catilina, Verrès ;
Là tonne Démosthène ; ici, de Périclès
La voix, l’ardente voix, de tous les cœurs maîtresse,
Frappe, foudroie, agite, épouvante la Grèce :
Allons voir la grandeur et l’éclat de leurs jeux.
Ciel ! la mer appelée en un bassin pompeux !
Deux flottes parcourant cette enceinte profonde,.
Combattant sous les yeux des conquérons du monde.
Ô terre de Pélops ! avec le monde entier
Allons voir d’Épidaure un agile coursier,
Couronné dans les champs de Némée et d’Elide ;
Allons voir au théâtre, aux accens d’Euripide,
D’une sainte folie un peuple furieux
Chanter : Amour, tyran des hommes et des dieux.
Puis, ivres des transports qui nous viennent surprendre,
Parmi nous, dans nos vers, revenons les répandre ;
Changeons en notre miel leurs plus antiques fleurs ;
Pour peindre notre idée, empruntons leurs couleurs ;
Allumons nos flambeaux à leurs feux poétiques ;
Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.
Direz-vous qu’un objet, né sur leur Hélicon,
À seul de nous charmer pu recevoir le don ?
Que leurs fables, leurs dieux, ces mensonges futiles,
Des Muses noble ouvrage, aux Muses sont utiles ?
Que nos travaux savons, nos calculs studieux,
Qui subjuguent l’esprit et répugnent aux yeux,
Que l’on croit malgré soi, sont pénibles, austères,
Et moins grands, moins pompeux que leurs belles chimères ?
Voilà ce que Traités, Préfaces, longs discours,
Prose, rime, partout nous disent tous les jours.
Mais enfin, dites-moi, si d’une œuvre immortelle
La nature est en nous la source et le modèle ;
Pouvez-vous le penser que tout cet univers,
Et cet ordre éternel, ces mouvemens divers,
L’immense vérité, la nature elle-même,
Soit moins grande en effet que ce brillant systême
Qu’ils nommaient la nature, et dont d’heureux efforts
Disposaient avec art les fragiles ressorts ?
Mais quoi ! ces vérités sont au loin reculées,
Dans un langage obscur saintement recelées :
Le peuple les ignore. Ô Muses, Ô Phébus !
C’est là, c’est là sans doute un aiguillon de plus.
L’auguste poésie, éclatante interprète,
Se couvrira de gloire en forçant leur retraite.
Cette reine des cœurs, à la touchante voix,
À le droit, en tous lieux, de nous dicter son choix.
Sûre de voir partout, introduite par elle,
Applaudir à grands cris une beauté nouvelle,
Et les objets nouveaux que sa voix a tentés
Partout de bouche en bouche après elle chantés.
Elle porte, à travers leurs nuages plus sombres,
Des rayons lumineux qui dissipent leurs ombres ;
Et rit quand, dans son vide, un auteur oppressé
Se plaint qu’on a tout dit et que tout est pensé.
Seule, et la lyre en main, et de fleurs couronnée,
De doux ravissemens partout accompagnée,
Aux lieux les plus déserts, ses pas, ses jeunes pas,
Trouvent mille trésors qu’on ne soupçonnait pas.
Sur l’aride buisson que son regard se pose,.
Le buisson à ses yeux rit et jette une rose.
Elle sait ne point voir, dans son juste dédain,
Les fleurs qui trop souvent, courant de main en main,
Ont perdu tout l’éclat de leurs fraîcheurs vermeilles ;
Elle sait même encore, ô charmantes merveilles !
Sous ses doigts délicats réparer et cueillir
Celles qu’une autre main n’avait su que flétrir ;
Elle seule connaît ces extases choisies,
D’un esprit tout de feu mobiles fantaisies,
Ces rêves d’un moment, belles illusions,
D’un monde imaginaire aimables visions,
Qui ne frappent jamais, trop subtile lumière,
Des terrestres esprits l’œil épais et vulgaire.
Seule, de mots heureux, faciles, transparens,
Elle sait revêtir ces fantômes errans :
Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide,
De l’ambre, enfant du ciel, distille l’or fluide ;
Et sa chute souvent rencontre dans les airs
Quelque insecte volant qu’il porte au fond des mers ;
De la Baltique enfin les vagues orageuses
Roulent et vont jeter ces larmes précieuses,
Où la fière Vistule, en de nobles coteaux,
Et le froid Niémen expirent dans ses eaux.
Là lès arts vont cueillir cette merveille utile,
Tombe odorante où vit l’insecte volatile,
Dans cet or diaphane il est lui-même encor,
On dirait qu’il respire et va prendre l’essor.
Qui que tu sois enfin ; ô toi, jeune poète,
Travaille ; ose achever cette illustre conquête.
De preuves, de raisons, qu’est-il encor besoin ?
Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.
Montre ce qu’on peut faire, en le faisant toi-même ;
Si pour toi la retraite est un bonheur suprême,
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dressent tes cheveux ;
Si tu sens chaque jour, animé de leur ame,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme,
Travaille. À nos censeurs, c’est à toi de montrer
Tous ces trésors nouveaux qu’ils veulent ignorer.
Il faudra bien les voir, il faudra bien se taire,
Quand ils verront enfin cette gloire étrangère
De rayons inconnus ceindre ton front brillant.
Aux antres de Paros le bloc étincelant
N’est aux vulgaires yeux qu’une pierre insensible.
Mais le docte ciseau, dans son sein invisible,
Voit, suit, trouve la vie, et l’ame, et tous ses traits.
Tout l’Olympe respire en ses détours secrets.
Là vivent de Vénus les beautés souveraines ;
Là des muscles nerveux, là de sanglantes veines
Serpentent ; là des flancs invaincus aux travaux
Pour soulager Atlas des célestes fardeaux.
Aux volontés du fer leur enveloppe énorme
Cède, s’amollit, tombe ; et de ce bloc informe
Jaillissent, éclatans, des dieux pour nos autels
C’est Apollon lui-même, honneur des immortels ;
C’est Alcide vainqueur des monstres de Némée ;
C’est du vieillard troyen la mort envenimée ;
C’est des Hébreux errans le chef, le défenseur :
Dieu tout entier habite en ce marbre penseur.
Ciel ! n’entendez-vous pas de sa bouche profonde
Éclater cette voix créatrice du monde.
Ô qu’ainsi parmi nous des esprits inventeurs
De Virgile et d’Homère atteignent les hauteurs !
Sachent dans la mémoire avoir comme eux un temple,
Et sans suivre leurs pas imiter leur exemple ;
Faire, en s’éloignant d’eux, avec un soin jaloux,
Ce qu’eux-même ils feraient s’ils vivaient parmi nous !
Que la nature seule, en ses vastes miracles,
Soit leur fable et leurs dieux, et ses lois leurs oracles ;
Que leurs vers, de Thétis respectant le sommeil,
N’aillent plus dans ses flots rallumer le soleil ;
De la cour d’Apollon que l’erreur soit bannie,
Et qu’enfin Calliope, élève d’Uranie,
Montant sa lyre d’or sur un plus noble ton,
En langage des dieux fasse parler Newton !
Oh ! si je puis, un jour !… Mais, quel est ce murmure,
Quelle nouvelle attaque et plus forte et plus dure ?
Ô langue des Français ! est-il vrai que ton sort
Est de ramper toujours et que toi seule as tort ?
Ou si d’un faible esprit l’indolente paresse
Veut rejeter sur toi sa honte et sa faiblesse ?
Il n’est sot traducteur de sa richesse enflé,
Sot auteur d’un poème, ou d’un discours sifflé,
Ou d’un recueil ombré de chansons à la glace,
Qui ne vous avertisse, en sa fière préface’,
Que si son style épais vous fatigue d’abord,
Si sa prose vous pèse et bientôt vous endort ;
Si son vers est gêné, sans feu, sans harmonie,
Il n’en est point coupable ; il n’est pas sans génie,
Il a tous les talens qui font les grands succès :
Mais enfin, malgré lui, ce langage français,
Si faible en ses couleurs, si froid et si timide,
L’a contraint d’être lourd, gauche, plat, insipide.
Mais serait-ce Le Brun, Racine, Despréaux,
Qui l’accusent ainsi d’abuser leurs travaux ?
Est-ce à Rousseau, Buffon, qu’il résiste infidelle ?
Est-ce pour Montesquieu, qu’impuissant et rebelle,.
Il fuit ? Ne sait-il pas, se reposant sur eux,
Doux, rapide, abondant, magnifique, nerveux,
Creusant dans les détours de ces aines profondes,
S’y teindre, s’y tremper de leurs couleurs fécondes ?
Un rimeur voit partout un nuage ; et jamais,
D’un coup d’œil ferme et grand, n’a saisi les objets ;
La langue se refuse à ses demi-pensées,
De sang-froid, pas à pas, avec peine amassées :
Il se dépite alors, et restant en chemin,
Il se plaint qu’elle échappe et glisse de sa main.
Celui qu’un vrai démon presse, enflamme, domine,
Ignore un tel supplice : il pense, il imagine ;
Un langage imprévu dans son ame produit,
Naît avec sa pensée, et l’embrasse et la suit ;
Les images, les mots que le génie inspire,
Où l’univers entier vit, se meut et respire,
Source vaste et sublime et qu’on ne peut tarir,
En foule en son cerveau se hâtent de courir.
D’eux-même ils vont chercher un nœud qui les rassemble :
Tout s’allie et se forme, et tout va naître ensemble.
Sous l’insecte vengeur envoyé par Junon,
Telle Io tourmentée, en l’ardente saison,
Traverse en vain les bois et la longue campagne,
Et le fleuve bruyant qui presse la montagne ;
Tel le bouillant poète, en ses transports brûlans,
Le front échevelé, les yeux étincelans,
S’agite, se débat ; cherche en d’épais bocages
S’il pourra de sa tête apaiser les orages,
Et secouer le dieu qui fatigue son sein.
De sa bouche à grands flots ce dieu dont il est plein,
Bientôt en vers nombreux s’exhale et se déchaîne :
Leur sublime torrent roule, saisit, entraîne.
Les tours impétueux, inattendus, nouveaux,
L’expression de flamme aux magiques tableaux,
Qu’a trempés la nature en ses couleurs fertiles ;
Les nombres tour à tour turbulens ou faciles :
Tout porte au fond du cœur le tumulte et la paix,
Dans la mémoire au loin tout s’imprime à jamais.
C’est ainsi que Minerve, en un instant formée,
Du front de Jupiter s’élance toute armée,
Secouant et le glaive et le casque guerrier,
Et l’horrible Gorgone à l’aspect meurtrier.
Des Toscans, je le sais, la langue est séduisante ;
Cire molle à tout feindre habile et complaisante,
Qui prend d’heureux contours sous les plus faibles mains.
Quand le Nord, s’épuisant de barbares essaims,
Vint, par une conquête en malheurs plus féconde,
Venger sur les Romains l’esclavage du monde,
De leurs affreux accens la farouche âpreté
Du latin en tous lieux souilla la pureté :
On vit de ce mélange étranger et sauvage
Naitre des langues sœurs, que le temps et l’usage,
Par des sentiers divers guidant diversement,
D’une lime insensible ont poli lentement,
Sans pouvoir en entier, malgré tous leurs prodiges,
De la rouille barbare effacer les vestiges.
De là du Castillan la pompe et la fierté,
Teint encor des couleurs du langage indompté,
Qu’au Tage transplantaient les fureurs musulmanes.
La grâce et la douceur sur les lèvres toscanes
Fixèrent leur empire ; et la Seine à la fois
De grâce et de fierté sut composer sa voix.
Mais ce langage, armé d’obstacles indociles,
Lutte et ne veut plier que sous des mains habiles.
Est-ce un mal ? Eh ! plutôt, rendon, rendons grâces aux dieux ;
Un faux éclat long-temps ne peut tromper nos yeux,
Et notre langue même à tout esprit vulgaire
De nos vers dédaigneux fermant le sanctuaire,
L’avertit dès l’abord que, s’il y veut monter,
Il faut savoir tout craindre et savoir tout tenter ;
Et, recueillant affronts ou gloire sans mélange,
S’élever jusqu’au faîte ou ramper dans la fange.
il y a 7 mois
Andrée Chedid
@andreeChedid
L’autre « Je est un autre. » Arthur R.
À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Je recherche l’Autre
J’aperçois au loin
La femme que j’ai été
Je discerne ses gestes
Je glisse sur ses défauts
Je pénètre à l’intérieur
D’une conscience évanouie
J’explore son regard
Comme ses nuits
Je dépiste et dénude un ciel
Sans réponse et sans voix
Je parcours d’autres domaines
J’invente mon langage
Et m’évade en Poésie
Retombée sur ma Terre
J’y répète à voix basse
Inventions et souvenirs
À force de m’écrire
Je me découvre un peu
Et je retrouve l’Autre.
Andrée Chedid
il y a 7 mois
Anna de Noailles
@annaDeNoailles
L’ardeur Rire ou pleurer, mais que le coeur
Soit plein de parfums comme un vase,
Et contienne jusqu’à l’extase
La force vive ou la langueur.
Avoir la douleur ou la joie,
Pourvu que le coeur soit profond
Comme un arbre où des ailes font
Trembler le feuillage qui ploie ;
S’en aller pensant ou rêvant,
Mais que le coeur donne sa sève
Et que l’âme chante et se lève
Comme une vague dans le vent.
Que le coeur s’éclaire ou se voile,
Qu’il soit sombre ou vif tour à tour,
Mais que son ombre et que son jour
Aient le soleil ou les étoiles…
il y a 7 mois
B
Bertrand Naivin
@bertrandNaivin
Cette colère de vivre L’habiter
sans fuir
cette douleur dans le dos
cette peur dans la mâchoire
cette colère
de vivre
il y a 7 mois
B
Bertrand Naivin
@bertrandNaivin
Derrière le selfie Derrière le soupir
comme derrière la colère
sous la salive mauvaise
dans le creux de chaque ride
mal assis
courbatures
au fond de l’ennui du monde
il y a toi
toi
toi
toi et la sieste coupable
la nudité honteuse
il y a 7 mois
C
Carolyne Cannella
@carolyneCannella
Diaphane, tu m’es apparue Sur mon beau drap de lune
tu es venue troubler
mon aube cristalline
Dès lors j’ai cessé d’être
ce que je croyais être
et que je n’étais plus
Un jour
sur mon beau drap de lune
diaphane, tu m’es apparue
il y a 7 mois
C
Carolyne Cannella
@carolyneCannella
Le danseur et la danse Agir
sans rien faire
Enseigner
sans paroles
Avoir
sans posséder
Œuvrer
sans rien faire
…
Tu regardes
que vois-tu
Tu écoutes
qu’entends-tu
Tu tends la main
que saisis-tu
…
Être,
une présence-absence
En vérité
peut-on séparer le danseur de la danse ?
il y a 7 mois
Charles Cros
@charlesCros
Le fleuve À Monsieur Ernest Legouvé
Ravi des souvenirs clairs de l’eau dont s’abreuve
La terre, j’ai conçu cette chanson du Fleuve.
Derrière l’horizon sans fin, plus loin, plus loin
Les montagnes, sur leurs sommets que nul témoin
N’a vus, condensent l’eau que le vent leur envoie.
D’où le glacier, sans cesse accru, mais qui se broie
Par la base et qui fond en rongeant le roc dur.
Plus bas, non loin des verts sapins, le rire pur
Des sources court parmi les mousses irisées
Et sur le sable fin pris aux roches usées.
Du ravin de là-bas sort un autre courant,
Et mille encore. Ainsi se grossit le torrent
Qui descend vers la plaine et commence le Fleuve.
Mais l’eau court trop brutale et d’une ardeur trop neuve
Pour féconder le sol. Sur ces bords déchirés,
Aubépines, lavande et thym, genêts dorés
Trouvent seuls un abri dans les fentes des pierres.
Voici que le torrent heurte en bas les barrières
De sable et de rochers par lui-même traînés.
C’est la plaine. Il s’y perd en chemins détournés
Qui calment sa fureur. Et quelques petits arbres
Suivent l’eau qui bruit sur les grès et les marbres.
Ces collines, derniers remous des monts géants,
Flots figés du granit coulant en océans,
Ces coteaux, maintenant verts, se jaspent de taches
Blanches et rousses qui marchent. Ce sont les vaches
Ou, plus près, le petit bétail. Le tintement
Des clochettes se mêle au murmure endormant
De l’eau.
Les peupliers pointus aiment les rives
Plates. Voici déjà que leurs files passives
Escortent çà et là le Fleuve calme et fort.
Les champs sont possédés par les puissants. Au bord
Ceux qui n’ont pas l’espoir des moissons vont en foule
Attendre l’imprévu qu’apporte l’eau qui coule :
Paillettes d’or, saphirs, diamants et rubis,
Que les roches, après tant d’orages subis,
Abandonnent du fond de leur masse minée,
Sous l’influx caressant de l’eau froide, obstinée.
Que de sable lavé, que de rêves promis,
Pour qu’un peu d’or, enfin, reste au fond du tamis !
Prends ton bâton, chercheur ! La ville n’est pas proche,
Et d’obliques regards ont pesé ta sacoche.
D’autres, durs au travail sèment en rond les plombs
Des grands filets ; l’argent frétillant des poissons
Gonfle la trame grise, apportant l’odeur fraîche
Et fade qui s’attache aux engins de la pêche.
Mais le gain est précaire, et plus d’un écumeur
Descend, cadavre enflé, dans le flot endormeur.
Le fleuve emporte tout, d’ailleurs. Car de sa hache
Le bûcheron, tondeur des montagnes, arrache
Les sapins des hauteurs, qu’il confie au courant ;
Et, plus bas, la scierie industrieuse prend
Ces arbres, et, le Fleuve étant complice encore,
Les dépèce, malgré leur révolte sonore.
Puis la plaine avec ses moissons, puis les hameaux
D’où viennent s’abreuver, au bord, les animaux :
Bœufs, chevaux ; tandis qu’en amont, les lavandières
Font claquer leurs battoirs sur le linge et les pierres.
Ou bien plongent leurs bras nacrés dans l’eau qui court,
Et, montrant leurs pieds nus, le jupon troussé court,
Chantent une chanson où le roi les épouse.
Chanson, pieds nus, bras blancs, font que ce gars en blouse
Distrait, laisse aller seul son cheval fatigué,
Fumant, poitrail dans l’eau, par les courbes du gué.
Ces feuillages, en plein courant, couvrent quelqu’île
Qu’on voudrait posséder, pour y rêver tranquille.
Puis des collines à carreaux irréguliers,
Des petits bois ; plus près de l’eau, les peupliers
Et les saules. Le Fleuve élargi, moins rapide,
S’emplit de nénuphars, de joncs. Dans l’or fluide
Du soir, les moucherons valsent.
Mais, rapprochés,
Maintenant les coteaux s’élèvent. Des rochers
Interrompent souvent les cultures en pente.
Tout le pays pierreux, où le Fleuve serpente
Nourrit, pauvre et moussu, la ronce et le bandit.
Le courant étranglé dans les ravins, bondit
Sur les roches, ou bien dort dans les trous qu’il creuse.
Mais l’eau n’interrompt pas sa course aventureuse
Malgré tant de travaux et de sommeils. Voici
La brèche ouverte sur l’horizon obscurci
Par la poussière d’eau. Le lit de pierre plate
Finit brusque, et le flot, pesante nappe, éclate
En un rugissement perpétuel. En bas,
Les rocs éparpillés comme après des combats
De titans, brisent l’eau sur leurs arêtes dures.
Au loin, tout est mouillé. L’audace des verdures
Plantureuses encadre et rompt souvent l’éclat
De la chute écumeuse.
Ici le pays plat
Étale encor ses prés, ses moissons. Des rivières,
Venant on ne sait d’où, capricieuses, fières
Courent les champs, croyant qu’elles vivront toujours
Dans la parure en fleur de leur jeune parcours.
Mais le Fleuve vainqueur les arrête au passage,
Et fait taire ce rire en son cours vaste et sage.
Aux rives les hameaux se succèdent pareils.
Puis, voici l’industrie aux discordants réveils.
Les rossignols, troublés par le bruit et la suie
Des usines, s’en vont vers les bois frais qu’essuie
La pluie et qu’au matin parfume le muguet.
Le soleil luit toujours ; mais l’homme fait le guet.
Voilà qu’il a bâti des quais et des écluses ;
Et les saules cendrés, méfiants de ces ruses,
Et les peupliers fiers ne vont pas jusque-là.
Ces coteaux profanés, d’où le loup s’en alla,
S’incrustent de maisons blanches et de fabriques
Qui dressent gravement leurs hauts tuyaux de briques.
Sur le Fleuve tranquille, égayant le tableau,
Les jeunes hommes, forts et beaux, qui domptent l’eau,
Oublieux, en ramant, de l’intrigue servile,
S’en vont, joyeux, avec des femmes.
C’est la ville,
La ville immense avec ses cris hospitaliers,
L’eau coule entre les quais corrects. Des escaliers
Mènent aux profondeurs glauques du suicide.
À la paroi moussue un gros anneau s’oxide,
Pour celui qui se noie inaccessible espoir.
Ligne capricieuse et noire sur le soir
Verdâtre, les maisons, les palais en étages
Se constellent. Au port, les ventes, les courtages
Sont finis. Le jour baisse, et les chauves-souris
Voltigent lourdement, poussant des petits cris.
Ces vieux quais oubliés sur leurs pierres disjointes
Supportent des maisons grises aux toits en pointes.
Là, sèchent des chiffons que de leurs maigres bras
Les femmes pauvres ont rincés. En bas, des rats.
Le flot profond, serré par les piles massives
Du pont, court plus féroce, et les pierres passives
Se laissent émietter par l’eau, tranquillement.
On voit s’allumer moins d’astres au firmament
Que de lumières sur les quais et dans les rues
Pleines du bruit des voix, des bals gais, parcourues
Par les voitures.
Seul, le Fleuve ne rit pas
Sous les chalands ventrus et lourds. D’ailleurs, en bas,
L’égout vomit l’eau noire aux affreuses écumes,
Roulant des vieux souliers, des débris de légumes,
Des chiens, des chats pourris qu’emmène le courant,
Souillure sans effet dans le Fleuve si grand
Dont la lune, œil d’argent, paillette la surface.
Mais, qu’importe la vie humaine à l’eau qui passe,
Les ordures, la foule immense et les bals gais ?
L’eau ne s’attarde pas à ces choses.
Les gués
Sont rompus, maintenant, en aval de la ville.
L’homme a dragué le lit du Fleuve, plus docile
Depuis qu’il est si large et si profond.
La mer
Aux bateaux goudronnés laisse un parfum amer
Qui parle des pays lointains où le vent mène.
Le Fleuve, insoucieux de l’industrie humaine,
Continue à travers la campagne. La nuit
S’avance triomphante et constellée, au bruit
Des feuilles que l’air frais emperle de rosée.
Puis, au matin, encore une ville posée
Dans la plaine, bijou de perle sur velours
Vert, dont tous ces coteaux imitent les plis lourds ;
Des fermes aux grands toits, bas et moussus, tapies
Au bord des prés sans fin où voltigent les pies,
Richesses qu’à mi-voix ce paysan pensif
Évalue en fouettant son vieux mulet poussif.
Le Fleuve s’élargit toujours, tant, que les rives
Perdent vers l’horizon leurs lignes fugitives.
Les coteaux abaissés, le ciel agité, l’air
Murmurant et salé, proclament que la mer
Est là, terme implacable à la folle équipée
De l’eau, qui vers le ciel chaud s’était échappée.
La mer demande tout fantasque, et puis, parfois
Refuse les tributs du Fleuve, limon, bois,
Cadavres, rocs brisés, qu’aux montagnes lointaines,
Aux terres grasses, aux hameaux, aux vastes plaines,
Il a volé, voulant rassasier la mer.
Et tout s’entasse, obstacle au Fleuve. L’homme fier
Trouve ici les débris distincts de chaque année,
Aux temps obscurs où sa race n’était pas née.
Tout le pays est gai. De loin le chant des coqs
Fend la brume. Voici les bassins et les docks,
Les cris des cabestans, les barques amarrées
D’où mille portefaix enlèvent les denrées,
Ballots, tonneaux, métaux en barres, tas de blés.
Aux cabarets fumeux, les marins attablés
Se menacent, avec des jurons exotiques.
On trouve tous les fruits lointains dans les boutiques.
L’eau du Fleuve s’arrête, un peu troublée, avant
De se perdre, innommée, en l’infini mouvant.
C’est comme une bataille en ligne régulière :
Escadrons au galop, soulevant la poussière,
Les vagues de la mer arrivent à grands bruits,
Blanches d’écume, ayant des airs vainqueurs, et puis
S’en retournent, efforts que le Fleuve repousse
Avec ses petits flots audacieux d’eau douce.
La mer fuit, mais emporte et disperse à jamais,
Rang par rang, tous ces flots, fils des lointains sommets.
*
Muse hautaine. Muse aux yeux clairs, sois bénie !
Malgré tes longs dédains, ma chanson est finie ;
Car tu m’as consolé de tous les bruits railleurs ;
Tu m’as montré, parmi mes souvenirs meilleurs,
Des lueurs pour teinter l’eau qui court et gazouille,
L’eau fraîche où, vers le soir, l’hirondelle se mouille.
Et j’ai suivi ses flots jusqu’à la grande mer.
Qu’on se lise entre amis ce chant tranquille et fier,
Dans les moments de fièvre et dans les jours d’épreuve,
Qu’on endorme son cœur aux murmures du Fleuve.
il y a 7 mois
C
Chloe Douglas
@chloeDouglas
La vérité Seulement la vérité est solide
Tout le reste se dissout entre les doigts
Comme une lumière
Qui perce à travers
La forêt de pin à l’aube
On ne peut pas empêcher
La lumière d’entrer.
La vérité charge
La couleur des évènements
Elle est sans complication de design
Elle est fière sans supériorité
Parce qu’elle est magnifique
Le symbole d’un droit de naissance
Naturelle et ouverte
Une loi divine.
La présence du jour
Est changée par la vérité.
Un moment,
L’ambiance est triste, sombre, dépressive
Et le suivant,
Joyeuse, pleine d’espoir, inspirée.
La vérité est
Notre espoir de vivre réveillés !
il y a 7 mois
C
Chloe Douglas
@chloeDouglas
Oh là là! La dame presque parfaite,
est faite de perles énormes,
et de lignes sophistiquées,
et de mots économes.
Elle se balance sur ses hanches de cuir,
et sobrement polit ses bouts de doigts,
sans renverser une seule goutte
de son gobelet de champagne blanc.
La dame presque parfaite,
a une frange droite comme il faut,
elle pratique une danse de soie
autour de gens transparents.
Dans ses étoffes bien coordonnées
elle est raide d’ambition,
et son regard isolé
trahit une larme épuisée.
La dame presque parfaite
et ‘tout comme il le faut’,
pourtant, et ‘Oh là là’,
dans son sac à main,
tout ce qui lui appartient !
Et oui la dame presque parfaite,
aux mouchoirs mouillés,
et aux verres de bleuets,
avec du mascara épais
et une peau dorée.
A l’intérieur de son sac à main,
Son royaume secret en rouge brillant,
une vie détériorée et presque vide,
‘Oh là là !‘ elle regarde ses vers inachevés.
il y a 7 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Faux et usage de faux Dans le forum
La cacophonie
Des faux pas
Des « faut pas »
Des faux fuyants
Affolés
Etait loin d’être du Fauré
Ni un Foggy Dew..
Dans un Faubourg
Au dessus du faux plafond,
Volaient les vrais cons
A faux nez
Et des faux-papiers…
Dans mon foxtrot
Sous les fausses-lueurs
Avec ma bière sans faux-col
En position foetale
Je griffonnais
Mes métaphores
Au mégaphone
Sur un folio
Des mots chiffonnés
Ils se faufilaient
Par défaut
A travers la faune
Qui, dans la fosse aux lions
S’euphorisait
D’anaphores
Dans la fausse ville
Suffocante
Avant de finir fossile
Dans la forêt…
Dans le Fog
Fauteur de trouble
Fauché
En faux roubles
Travaillées sur PhotoShop
Fauve
A faucille et marteau
Je fauchais
Du faux-filet
Chez Fauchon
En courant sur les faux-plats..
Toujours en porte à faux
J’écoutais la symphonie
Aphone
Des « faut que ça saute »
« faut que ça pête »
Qui fomentaient
Fautivement cyniques
A coup de Fauchard
Leur faux départ
En réglant leur foc…
En faux porte-plume
J’envoyais mes fausses-balles
Dans le faux jour..
Dans l’air faussement doux
Je ne me focalisais pas
Faisant faussement semblant
Faussement sceptique
Sur ma fin sur l’échafaud
Et dans une fausse commune..
Sans fausse apparence
…A vous, les fossoyeurs
Creusez-donc la tombe de mes défauts..
Que la faucheuse s’envole… !
il y a 7 mois
C
Christophe Bregaint
@christopheBregaint
Massacre Dans la matrice martiale
Des spermatozoïdes sont formatés
Par le programme automatique
Informatisant l’humanité.
Un magma d’anonymat
Se masse dans les supermarchés
Pour amasser des images
Camouflant les traumas….
Des marginaux sont matraqués
Emasculés, matés
Par la machine manichéenne
Hermaphrodite Mathématique
L’imagination est émaciée
Par le magnétisme de la majorité
Macrocosme Maelström
Martelant le Schéma…
La masse en coma
Marche sur le macadam
Quand les Magnats ramassent
Le magot du massacre……
il y a 7 mois
C
Cécile Carrara
@cecileCarrara
Te connaitre Puisqu’il me semble quelquefois
que je t’ai toujours bien connu
je sens parfois au fond de moi
que je peux toujours te connaitre.
Même lorsque les choses indicibles
auront toutes été prononcées
lorsque le vent de l’au-delà
aura arrêté de souffler.
Même lorsque la roue des carrosses
aura moisi dans la rosée
lorsque la pluie des jours de gris
se sera enfin écoulée.
Puisqu’il me semble quelquefois
que je t’ai toujours bien connu
je sens parfois au fond de moi
que je peux toujours te connaitre.
Quand la nuit aura avalé
les orages qui se sont fanés
le tremblement et les
grondements
de nos plus actives années.
Quand le soleil aura percé
la fraîcheur des tendres baisers
quand le temps sera révolu
fatigué d’avoir trop tourné.
Puisqu’il me semble quelquefois
que je t’ai toujours bien connu
je sens parfois au fond de moi
que je peux toujours te connaitre.
il y a 7 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Je t’apporte ce soir Je t’apporte ce soir ma natte plus lustrée
Que l’herbe qui miroite aux collines de juin ;
Mon âme d’aujourd’hui fidèle à toi rentrée
Odore de tilleul, de verveine et de foin ;
Je t’apporte cette âme à robe campagnarde.
Tout le jour j’ai couru dans la fleur des moissons
Comme une chevrière innocente qui garde
Ses troupeaux clochetant des refrains aux buissons.
Je fis tout bas ta part de pain et de fromage ;
J’ai bu dans mes doigts joints l’eau rose du ruisseau
Et dans le frais miroir j’ai cru voir ton image.
Je t’apporte un glaïeul couché sur des roseaux.
Comme un cabri de lait je suis alerte et gaie ;
Mes sonores sabots de hêtre sont ailés
Et mon visage a la rondeur pourpre des baies
Que donne l’aubépine quand les mois sont voilés.
Lorsque je m’en revins, dans les ombres pressées
Le soc bleu du croissant ouvrait un sillon d’or ;
Les étoiles dansaient cornues et lactées ;
Des flûtes de bergers essayaient un accord.
Je t’offre la fraîcheur dont ma bouche était pleine,
Le duvet mauve encor suspendu dans les cieux,
L’émoi qui fit monter ma gorge sous la laine
Et la douceur lunaire empreinte dans mes yeux.
il y a 7 mois
C
Cécile Sauvage
@cecileSauvage
Voeux simples Vivre du vert des prés et du bleu des collines,
Des arbres racineux qui grimpent aux ravines,
Des ruisseaux éblouis de l’argent des poissons ;
Vivre du cliquetis allègre des moissons,
Du clair halètement des sources remuées,
Des matins de printemps qui soufflent leurs buées,
Des octobres semeurs de feuilles et de fruits
Et de l’enchantement lunaire au long des nuits
Que disent les crapauds sonores dans les trèfles.
Vivre naïvement de sorbes et de nèfles,
Gratter de la spatule une écuelle en bois,
Avoir les doigts amers ayant gaulé des noix
Et voir, ronds et crémeux, sur l’émail des assiettes,
Des fromages caillés couverts de sarriettes.
Ne rien savoir du monde où l’amour est cruel,
Prodiguer des baisers sagement sensuels
Ayant le goût du miel et des roses ouvertes
Ou d’une aigre douceur comme les prunes vertes
À l’ami que bien seule on possède en secret.
Ensemble recueillir le nombre des forêts,
Caresser dans son or brumeux l’horizon courbe,
Courir dans l’infini sans entendre la tourbe
Bruire étrangement sous la vie et la mort,
Ignorer le désir qui ronge en vain son mors,
La stérile pudeur et le tourment des gloses ;
Se tenir embrassés sur le néant des choses
Sans souci d’être grands ni de se définir,
Ne prendre de soleil que ce qu’on peut tenir
Et toujours conservant le rythme et la mesure
Vers l’accomplissement marcher d’une âme sûre.
Voir sans l’interroger s’écouler son destin,
Accepter les chardons s’il en pousse en chemin,
Croire que le fatal a décidé la pente
Et faire simplement son devoir d’eau courante.
Ah ! vivre ainsi, donner seulement ce qu’on a,
Repousser le rayon que l’orgueil butina,
N’avoir que robe en lin et chapelet de feuilles,
Mais jouir en son plein de la figue qu’on cueille,
Avoir comme une nonne un sentiment d’oiseau,
Croire que tout est bon parce que tout est beau,
Semer l’hysope franche et n’aimer que sa joie
Parmi l’agneau de laine et la chèvre de soie.
il y a 7 mois
D
Didier Sicchia
@didierSicchia
La salamandre rouge J’ai sur le coeur dans la foetale position
Une rouge salamandre mélancolique
Et ce facétieux amphibien glauque et mignon
Démange mon être tant il râle et supplique.
On lui accorde dans l’occulte érudition
Quelques éternelles aptitudes magiques ;
Elle ne craint ni la flamme ni l’ébullition
Et se joue de chacun – l’anathème mythique.
Nutrisco – extinguo, nec pluribus impar ;
Elle a su se blottir en mon être bâtard.
Ainsi, c’est le trouble de ma conscience atone
Où passent le surin et l’eau dans la gouttière.
C’est aussi mon échine râblée qui frissonne
Quand au cou me souffle le soir : « Clos tes paupières ! »
il y a 7 mois
E
Eleni Cay
@eleniCay
Face-book A celui en haut, à ceux en bas ainsi qu’à ceux sous nos pieds,
un visage tu prêtes, visage de ce que tu es.
Et puis, tu es étonné que la toile numérique
soit parsemée même de prières.
Depuis toujours, on s’émerveille devant nos propres visages.
Voilà pourquoi tu es attiré à présent par tous ces écrans.
Face-book… Ce livre des visages…
Pour nos sourires, on a inventé de nouveaux cadres photo.
Ces nouveaux visages exposés sur l’écran,
c’est de figurer dans l’album qu’ils sont reconnaissants.
Combien de fois as-tu changé ta photo de profil ?
Là, c’est moi au travail et, là, c’est moi qui cuisine…
Devant cette mode changeante, je me retrouve souriante.
J’attends que le temps habille de vert les statues sur la place,
dans les cultures et sociétés, il ne marque pas de différences.
Son oeil se pose partout, quoi que tu fasses,
impossible de t’abriter sous un mot de passe.
Alors, ne sois pas facile et dévoile-toi seulement au fur et à mesure,
surtout ne casse pas du marbre en petits cailloux tout de suite.
N’avoue pas dans un autoportrait
ce qui avait manqué à ton souvenir.
Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015
il y a 7 mois
E
Eleni Cay
@eleniCay
Les temples des pensées intactes Fatiguée, je suis fatiguée.
Blasée de textes, de sons, de mots.
Comme pour me droguer je vais me connecter sur internet.
M’emmêler un instant dans mes filets, c’est tout ce que je souhaite…
Alors permets-moi de raccrocher un instant,
permets-moi de me perdre sur l’écran.
C’est dans une ville où l’air est suffoquant
que je voudrais laisser se reposer un souvenir vivant.
Autrefois, j’allais en chercher dans le vide des églises.
Dans le silence, sans sonneries, sans écrans.
Aux yeux rafraîchis, mon âme résista à l’appel
d’autres slogans.
Aujourd’hui, je cherche en vain une cachette pour y déposer mes expériences fânées.
De la pression, on me met, de tous les côtés – il te faut enregistrer, écrire, filmer…
Tu navigues à bord de petits bâteaux ronds dans des eaux claires
en prenant le cap de tes pensées cachées au fond d’un palais royal.
Quand tu entres dans un temple pour être originale,
il faut encore que tu sois accompagnée de quelqu’un.
L’inspiration ondule avec innocence
en allant de toi en moi.
J’ai trouvé la paix, je me suis trouvée moi-même
comme sur une surface, celle de la mer.
Eleni Cay, Frémissements d’un papillon en ère numérique, 2015
il y a 7 mois
E
Elodie Santos
@elodieSantos
Comprendre Ecrire un poème c’est
comprendre le jour
comprendre la nuit
comprendre l’amour
Comme une fleur qui s’est fanée
J’ai oublié la belle histoire
qu’on me racontait quand j’étais petite
Une histoire simple
Une histoire bleue
Comme le vent qui s’est mis à souffler
j’ai volé à toute vitesse
Par dessus la prairie
Par dessus la maison
Comme la vie qui ainsi continue
Je continue de croire
Qu’il faut
Comprendre
il y a 7 mois
Emile Verhaeren
@emileVerhaeren
Comme aux âges naïfs Comme aux âges naïfs, je t’ai donné mon coeur,
Ainsi qu’une ample fleur,
Qui s’ouvre pure et belle aux heures de rosée ;
Entre ses plis mouillés ma bouche s’est posée.
La fleur, je la cueillis avec des doigts de flamme,
Ne lui dis rien : car tous les mots sont hasardeux
C’est à travers les yeux que l’âme écoute une âme.
La fleur qui est mon coeur et mon aveu,
Tout simplement, à tes lèvres confie
Qu’elle est loyale et claire et bonne, et qu’on se fie
Au vierge amour, comme un enfant se fie à Dieu.
Laissons l’esprit fleurir sur les collines
En de capricieux chemins de vanité,
Et faisons simple accueil à la sincérité
Qui tient nos deux coeurs vrais en ses mains cristallines
Et rien n’est beau comme une confession d’âmes
L’un à l’autre, le soir, lorsque la flamme
Des incomparables diamants
Brûle comme autant d’yeux
Silencieux
Le silence des firmaments.
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Au féminin Vais-je traîner toute ma vie
en moi cette sorte de litanie
qui ne me laisse point de repos
et met ma conscience en morceaux ?
Car voyez-vous, quoi que je fasse,
toujours quelque chose me tracasse
et mes actes les plus louables
au fond de moi me crient : coupable !
Coupable je suis, sachez-le.
Comment, pourquoi importent peu
car mes réponses mille fois reprises
sans fin en moi se contredisent.
Coupable je suis de telle sorte
qu’à y penser toute chose me porte
et mes regrets sempiternels
me sont punition éternelle.
Ainsi donc, n’ayant nulle paix,
de moi-même faisant le portrait,
je rumine l’énumération
de mes actions et inactions…
J’adore me prélasser au lit,
lisant, me cultivant l’esprit.
Mais le remords, comme un démon,
sitôt m’insuffle son poison.
Alors je m’attèle à la tâche
et comme une brute, fais le ménage,
mais en même temps je me répète :
ma fille, tu seras toujours bête !
Je veux, ai-je raison ou tort ?
aussi m’occuper de mon corps
pour être épouse désirable
d’un effet quelque peu durable.
Mais dès qu’à mes soins je m’adonne,
une voix perfide me chantonne :
tu as raison, ne pense qu’à toi,
ils attendront pour le repas !
Alors, retrouvant mes casseroles,
échevelée et l’air d’une folle,
je me redis dans un sermon :
toujours seras-tu une souillon ?
Parfois, avide de détente,
je me complais à ce qui tente,
croyant voler quelques bonnes heures
au temps à consacrer ailleurs.
Mais au lieu de me réjouir,
je ne cherche qu’à troubler ma fête
car de mes cent tâches non faites,
je me punis comme à plaisir !
Ainsi donc, n’ayant nulle paix…
De moi-même faisant le procès…
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Bien dans sa peau Paraît que pour être au plus haut
faut se sentir bien dans sa peau.
Si donc nous nous y sentons mal
ça peut nous bouffer le moral
et c’est porte ouverte aux dégâts…
Aussi soyons de notre temps
car qui voudrait tels embarras ?
Solutionnons en nous soignant
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour s’épanouir
avant tout faut se définir.
S’adore-t-on ? Quand ? Et comment ?
Se déteste-t-on mêmement ?
Si c’était les deux à la fois
(car connaît-on ce qu’on engrange ?)
faut en situer les pourquoi
et clarifier un tel mélange.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour être serein
faut pas jouer au p’tit malin.
N’hésitons pas à exposer
ce qui en nous fut enterré
dans les entrailles du non-dit
depuis peu, ou des décennies,
et qui pourtant respire encore
causant en nous le plus grand tort.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour tourner le dos
aux dépressions et autres maux,
faut réparer là où ça craque.
Si vous pensez : « J’en ai ma claque.
Je me croyais hier un génie
et moins qu’une merde aujourd’hui »,
pour vous sortir de ce micmac
au plus tôt videz votre sac.
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout peut y aider…
*
Paraît que pour s’équilibrer,
en soi autant qu’en société,
les procédés courent les rues.
Y’a qu’à mettre son âme à nu
et décortiquer sa substance.
L’implication de mille traits
s’entremêlant en permanence
ne devrait pas vous affoler…
Ché pas si j’ai bien expliqué.
P’têt’ qu’un ajout… ?
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Circuit fermé Avec ardeur je me fuyais.
Pourtant ailleurs je m’inventais
Mais au retour de mes voyages
quand je me sortais des nuages
où trop de fois je m’évadais…
tel qu’en moi et faisant le guet,
j’étais là… et me regardais.
*
Me dénigrais avec entrain.
Or, me cherchant d’autres chemins…
Mais émergeant de ces forêts
où mes souvenirs je semais
et jusqu’à mon nom oubliais…
tel qu’en moi, la dent dure, mauvais,
j’étais là… et me regardais.
*
Alors, me niant avec rage
et me toquant d’autres rivages…
Mais à la fin de ces kermesses
tout en plaisirs, tout en liesse
où dans le bruit je me grisais…
tel qu’en moi et pris de pitié,
j’étais là… et me regardais
*
Et quand affamé de sérieux
et me vouant à d’autres lieux…
Mais à la fin de ces soirées
où j’étais brillant, admiré,
lorsqu’enfin chacun s’en allait…
tel qu’en moi et plus que jamais,
j’étais là ! Et me regardais !
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Contradictions Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :
Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule…
Pour tout ça je suis seul.
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Dans le vent De le nier, on aurait tort.
De l’ignorer, pareillement.
Tant il est vrai qu’en plein essor,
et de nos jours, superbement,
le cul est roi. Et dans le vent.
C’est vérité fondamentale.
Pour l’ériger en idéal,
au bond il faut saisir la balle.
Tout malin y sera gagnant.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Soudainement c’est frénésie.
Deviser cul crée bons profits !
Déjà maints champs sont investis.
Et tous les styles y sont présents.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Pour se laver de tout vulgaire
et pour ne point nuire aux affaires
et pour en user librement,
aux mots latins on se réfère.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Ecrivains et écrivassiers
qui tant de pages noircissez,
et dans la douleur enfantez,
dissertez cul, abondamment.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Du cul, ne soyez point avares
Indispensable au rendement,
vous y gagnerez belles parts.
Et grand succès. Conséquemment.
Le cul est roi. Et dans le vent.
Quant à l’écran et à l’image,
envahissant, il y fait rage.
Mal acceptées, les oeuvres sans.
Que d’obstructions et de barrages !
Le cul est roi ! Et dans le vent !
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
D’un enseignement Bien peu vous m’enseignâtes, Gide,
et m’emmerdâtes infiniment.
Que votre ouvrage a pris de rides !
De nos jours, il ferait un bide.
Vaut-il qu’on s’y arrête un temps ?
Pourtant vous eûtes la part belle
et renommée universelle.
« Nathanaël, Nathanaël,
je t’enseignerai la ferveur »
bêlâtes-vous, toujours rebelle.
Fourvoyant vos admirateurs,
vous fûtes à côté de la plaque,
chaque époque éveillant ses leurres.
Mais toute vague a son ressac.
Pour oser ternir votre image,
doit-on se cacher le visage ?
Au fond, qui m’en tiendra rigueur ?
Mais revenons à nos moutons.
Du sujet, ne nous écartons…
Au premier jour de sa naissance,
lorsque la vie lui est donnée,
de ferveur tout être est doté,
immensément, sans réticences.
Dès lors, prétendre l’enseigner
est, à vrai dire, un contresens…
Or, qu’en est-il d’un tel cadeau ?
Il ira, étalant son drame
sur le parcours d’une existence.
Ce sera par petits morceaux
et comme arrachés à notre âme
que la ferveur, ce pur joyau,
s’émiettera, trahie, gâchée,
plus que souvent dégueulassée.
Ça fait très mal. Qui ne le sait ?
il y a 7 mois
E
Esther Granek
@estherGranek
Enceinte Je suis enceinte de prés verts…
Je porte en moi des pâturages…
Que mon humeur soit drôle ou sage,
je suis enceinte de prés verts…
Belle est l’image !
Doux le langage…
« Je porte en moi des pâturages… »
Et tout à la fois, mais qu’y faire ?
je suis enceinte de déserts.
Et de mirages.
Et de chimères
De grands orages.
De regrets à tort à travers.
De rires à ne savoir qu’en faire.
Et mes grossesses cohabitent.
En tout mon être. Sans limite.