Prisonnière A genoux
Dans sa cellule de 8 m²
Elle attend.
Une poignée de secondes
Entre les doigts
Elle attend.
Les lèvres
Cousues de silence
Et la chair
Rongée par l’hier
Elle attend.
Derrière le verrou
Le froid inonde
Son corps
Son être
– Tic-Tac –
A genoux
Seule son ombre
Résiste
A la grâce de Dieu.
il y a 6 mois
S
Sandrine Davin
@sandrineDavin
Regard d’EHPAD Assise derrière la fenêtre
Elle attend.
Un moineau picore
Les dernières miettes
De son déjeuner.
Elle lui sourit.
Les jours ne comptent plus.
Les nuits ne sont plus nuits.
Le silence hurle
A ses oreilles sourdes.
Elle attend.
D’en bas de la fenêtre
Je te vois.
Tu es toujours aussi belle
Grand-mère.
Ton sourire ricoche à mes pupilles
Et j’envoie valser
Ma main jusqu’à toi.
Le désir de te serrer dans mes bras,
De caresser ton visage.
Un rêve, une illusion.
Bientôt, je te le promets …
il y a 6 mois
S
Stanislas Rodanski
@stanislasRodanski
Connais-toi ta solitude Ma main de gloire joue sur les fils de la vierge
La nuit est une grande lyre mélodieuse
Ma musique brûle l'ombrage des arbres mortels
Ma musique brûle d'accord avec l'eau
J'apporte ma flamme au cœur de la glace
Cristal silencieux de ma solitude
Libéré mon ombre mon reflet morts avec les feuillages
Je suis seul
Au bord d'une mer de lait où nagent des poissons fraternels
Mon sang perpétuel connaît sa profondeur
Pour aimer il faut être deux
L'amour est une grande solitude
Etoile de mer la femme est une eau méditative
Prisonnier des places des plaines multiples
J'ai fui en moi le monde
Bel espace restauré grandeur nature
Le monde lieu commun
Lieu humain
Chacun son centre intime égal à l'un à l'autre
Du pareil au même on va on vient
Tels qu'en nous-mêmes en fin de quête
La vérité nous baigne tout nus dans notre nudité rayonnante
Mille fois plus seul de se regarder dans les yeux
Et de s'y retrouver au fond du puits
Puits de science intime
Je suis si vaste d'être seul
Je me croirai multiple
Femme ton corps est une lune rousse
Ta nuit une gelée blanche
Ton corps de tous les jours est un matin
Mais tu es toutes les pluies de la mer
Et pour cela je t'aime
Aimant la nuit.
il y a 6 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Angoisse Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d'un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l'incurable ennui que verse mon baiser :
Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sais plus que les morts :
Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M'a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité
Par un cœur que la dent d'aucun crime ne blesse,
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
il y a 6 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Quelconque une solitude Petit air.
I.
Quelconque une solitude
Sans le cygne ni le quai
Mire sa désuétude
Au regard que j'abdiquai
Ici de la gloriole
Haute à ne la pas toucher
Dont maint ciel se bariole
Avec les ors de coucher
Mais langoureusement longe
Comme de blanc linge ôté
Tel fugace oiseau si plonge
Exultatrice à côté
Dans l'onde toi devenue
Ta jubilation nue
II.
Indomptablement a dû
Comme mon espoir s'y lance
Éclater là-haut perdu
Avec furie et silence,
Voix étrangère au bosquet
Ou par nul écho suivie,
L'oiseau qu'on n'ouït jamais
Une autre fois en la vie.
Le hagard musicien,
Cela dans le doute expire
Si de mon sein pas du sien
A jailli le sanglot pire
Déchiré va-t-il entier
Rester sur quelque sentier !
il y a 6 mois
Stéphane Mallarmé
@stephaneMallarme
Salut Rien, cette écume, vierge vers
À ne désigner que la coupe;
Telle loin se noie une troupe
De sirènes mainte à l’envers.
Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d’hivers;
Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut
Solitude, récif, étoile
À n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.
il y a 6 mois
S
Susy Desrosiers
@susyDesrosiers
Amertume j’ai épluché
nos aventures
nos matins sur la grève
nos insomnies
encadré nos visages
tes yeux
tes soupirs
autant de paradis pillés
tes joues
réminiscences
coups de peur
coups de fête
ta bouche
un lambeau de ciel
débordant de tes lèvres
un brin d’éternité
fragile
où je dépose nos cendres
j’ai voulu
te retenir
te cloîtrer
faire un chantier
de nos paysages
hélas
nous sommes
zone sinistrée
il y a 6 mois
S
Susy Desrosiers
@susyDesrosiers
Langueur J’ai épuisé ma plume
jusqu’au bout de moi
jusqu’à plus rien
la gorge pleine de roches
ma voix s’étrangle
mes mains deviennent muettes
je m’égare dans mes silences
***
j’erre dans des ailleurs
habite des espaces
qui ne m’appartiennent pas
j’incarne des chairs inconnues
respire une autre vie
me perds dans de nouveaux visages
je meurs une fois de plus
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Artichaut de l’espoir Patauger dans une mare noire, fine
Suivant le chant du corbeau
Qui nous ronge au plus profond de notre âme
Rouge
Comme un éclat rubis d’une mouette blessée
Je t’ai cueilli le jour de tes rubicondes solitudes
Comme un soupir qui s’éparpille dans la lenteur
Jaune
La vie débute au chant du coq
Désormais je ne suis plus seule.
Bleu
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Aube rétrécie Je ne voulais pas fragmenter ton soupir
Je l’ai fait
Je fais tout ce que je veux
Insouciante dans ma jeunesse
Etourdie par une déferlante de pensées
divinatoires jubilatoires rafraîchissantes
Conquête d’un absolu ricanant derrière le soleil
de cette aurore de l’esprit
Les palmiers sont encore là aujourd’hui
Tu n’es que passé dans ma vie
Tu es le passé
Moi je suis le présent
Je suis l’aube
rétrécie
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Bonheur homothétique L’aboutissement empirique de notre vertu
n’est qu’une destinée
harmonie entre le moi et les autres
La morale laissée seule virevolte sur son destin
La plénitude de notre essence se peint
fidèle à sa propre image
sans synonymes
sans cage
soudainement réveillée
émerveillée
fustigée par la fureur du verbe
Le plaisir coule et découle de la chair
Il est là, il faut juste le vendanger
Image raisonnée ou raisonnement imagé
Soliloques
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Identité Questions récurrentes aux pensées interdites
Malchance suprême, amitié délaissée
Ma revanche est infinie
Mon amour est pris
Présence de tout le temps
Fraises dans les champs
Je, moi, moi-même, moi aussi
Moi et seulement moi au centre
Du magma se rivant dans la petitesse des autres.
Identité retrouvée
Je suis.
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Maladie des peuples Pourquoi contraindre vos vies et vos rêves aux idées d’un autre ?
Pensée figée, glaciale
Reine rigide
Marbre de l’esprit
Lobotomisation d’un futur déjà écrit
Impossible ascension vers un demain qui n’existe pas,
Et n’existera jamais !
Fin des rêves, fin des espoirs, fin des désirs
Fins décidées par les autres.
Liberté revient dans notre Eden
Laisse l’homme éclore
Dans la beauté de son âme.
Naissance inaltérée.
Solitude
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Mille-pattes dyscalculique Animal aux milles facettes
esprit libre des comptes parsemés de doutes
Le chiffre tu ne le connais pas
moi oui
mais je ne te l’infligerai jamais
Ignorance de la grandeur de l’infini
tu vis dans ton règne étrange
règne autre, sans résultats
d’un comptage qui ne nous revient pas
Ta supériorité est directement proportionnelle
Racine carrée
Tu es mille fois mieux que nous
il y a 6 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Terres inconnues Aux frontières de la folie
le cerveau déploie ses facultés
tatouages étranges
âme daltonienne
ironie du présent
fable inquiétante
Je regarde le monde avec les yeux d’un séraphin
les couleurs se mélangent
se blessent
Je régurgite la douleur
de mes aïeux
J’erre parmi les autres
en sursis
une fine pluie dorée
tombe sur mes rêves
je suis le gouffre du monde
sans fin
il y a 6 mois
T
Thomas Chaline
@thomasChaline
L’écho de nos silences On s’enverra des cœurs
A remplir nos solitudes
Et des tulipes de couleurs
Comme on n’a plus l’habitude
On se réchauffera l’âme
Depuis longtemps délaissée
On s’attribuera des Palmes
Pour chacune de nos qualités
Dans le désert bleu ciel
Nos sourires en souffrances
Combleront de plus belle
L’écho de nos silences
il y a 6 mois
Théodore Agrippa d'Aubigné
@theodoreAgrippaDaubigne
Miséricorde, ô cieux, ô cieux impitoyables III
Miséricorde, ô Cieux, ô Dieux impitoyables,
Espouvantables flots, o vous palles frayeurs
Qui mesme avant la mort faites mourir les cœurs.
En horreur, en pitié voyez ces misérables !
Ce navire se perd, desgarny de ses cables,
Ces cables ses moyens, de ses espoirs menteurs ;
La voile est mise à bas, les plus fermes rigueurs
D’une fiere beauté sont les rocs imployables ;
Les mortels changements sont les sables mouvant,
Les sanglots sont esclairs, les souspirs font les vents,
Les attentes sans fruict sont escumeuses rives
Où aux bords de la mer les esplorés Amours
Vogans de petits bras, las et foible secours,
Aspirent en nageant à faces demivives.
il y a 6 mois
T
Théophile de Viau
@theophileDeViau
La solitude Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l'eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau,
S'amuse à regarder son ombre.
De cette source une Naïade
Tous les soirs ouvre le portail
De sa demeure de cristal
Et nous chante une sérénade.
Les Nymphes que la chasse attire
À l'ombrage de ces forêts
Cherchent des cabinets secrets
Loin de l'embûche du Satyre.
Jadis au pied de ce grand chêne,
Presque aussi vieux que le Soleil,
Bacchus, l'Amour et le Sommeil
Firent la fosse de Silène.
Un froid et ténébreux silence
Dort à l'ombre de ces ormeaux,
Et les vents battent les rameaux
D'une amoureuse violence.
il y a 6 mois
T
Tristan Janco
@tristanJanco
Coureur solitaire Tu as marché dans les rues de
Jassy
Le mois de mai t'enivrait de la même odeur
De pommiers en fleur et du lilas
Tu t'es égaré dans les mêmes sentiers oubliés
Dans la forêt des sources et des cloches en cuivre
Où dansent les écureuils
Tu as vécu le même départ des cigognes
Leur retour au-dessus de
Bahlui
Pendant de vieilles années
Tu as embrassé le vent d'automne vagabond
Courant dans la même grande rue
Avec des murmures sémites
Tu as connu les mêmes visages, la même pluie
Monotone, l'appel du crépuscule moldave
Tant de
Vendredis
Tu as suivi les mêmes marches de l'école
Toi en qui vécurent tant de générations
Mer bleue d'innocence
Tu es parti dans le même hiver occidental
Eternel déraciné, lave volcanique
Chantre de l'exil
J'ai appris à t'aimer, j'ai appris la douleur
Les lampadaires à gaz se sont éteints
Les consciences sont mortes
il y a 6 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Aux arbres Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, – je vous atteste, ô bois aimés du ciel! –
J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!
Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des antres sourds,
Ravins où l’on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai.
il y a 6 mois
Victor Segalen
@victorSegalen
En l'honneur d'un sage solitaire Moi l'Empereur je suis venu. Je salue le Sage qui, soixante-dix années, a retourné et labouré nos Mutations anciennes et levé des savoirs nouveaux.
J'attends du Vieux Père la leçon : et d'abord, s'il a trouvé la Panacée des Immortels ? Comment on prend place au milieu des génies ?
o
Le Sage dit : Faire monter au Ciel le Prince que voici serait un malheur pour l'Empire terrestre.
o
Moi l'Empereur interroge le Solitaire : a-t-il reçu dans sa caverne la visite des trente-six mille Esprits ou seulement de quelques-uns de ces Très-Hauts ?
o
Moi le Solitaire n'aime pas les visiteurs importuns.
o
Moi l'Empereur implore enfin le Sage le pouvoir d'être utile aux hommes : quelque chose pour le bien des hommes !
o
Le Sage dit : Étant sage, je ne me suis jamais occupé des hommes.
il y a 6 mois
Voltaire
@voltaire
La Bastille Or ce fut donc par un matin, sans lune,
En beau printemps, un jour de Pentecôte,
Qu’un bruit étrange en sursaut m’éveilla.
Un mien valet, qui du soir était ivre:
« Maître, dit-il, le Saint-Esprit est là;
C’est lui sans doute, et j’ai lu dans mon livre
Qu’avec vacarme il entre chez les gens. »
Et moi de dire alors entre mes dents:
« Gentil puîné de l’essence suprême,
Beau Paraclet, soyez le bienvenu;
N’êtes-vous pas celui qui fait qu’on aime?
En achevant ce discours ingénu,
Je vois paraître au bout de ma ruelle,
Non un pigeon, non une colombelle,
De l’Esprit saint oiseau tendre et fidèle,
Mais vingt corbeaux de rapine affamés,
Monstres crochus que l’enfer a formés.
L’un près de moi s’approche en sycophante:
Un maintien doux, une démarche lente,
Un ton cafard, un compliment flatteur,
Cachent le fiel qui lui ronge le coeur.
« Mon fils, dit-il, la cour sait vos mérites;
On prise fort les bons mots que vous dites,
Vos petits vers, et vos galants écrits;
Et, comme ici tout travail a son prix,
Le roi, mon fils, plein de reconnaissance,
Veut de vos soins vous donner récompense,
Et vous accorde, en dépit des rivaux,
Un logement dans un de ses châteaux.
Les gens de bien qui sont à votre porte
Avec respect vous serviront d’escorte;
Et moi, mon fils, je viens de par le roi
Pour m’acquitter de mon petit emploi.
¾ Trigaud, lui dis-je, à moi point ne s’adresse
Ce beau début; c’est me jouer d’un tour:
Je ne suis point rimeur suivant la cour;
Je ne connais roi, prince, ni princesse;
Et, si tout bas je forme des souhaits,
C’est que d’iceux ne sois connu jamais.
Je les respecte, ils sont dieux sur la terre;
Mais ne les faut de trop près regarder:
Sage mortel doit toujours se garder
De ces gens-là qui portent le tonnerre.
Partant, vilain, retournez vers le roi;
Dites-lui fort que je le remercie
De son logis; c’est trop d’honneur pour moi;
Il ne me faut tant de cérémonie:
Je suis content de mon bouge; et les dieux
Dans mon taudis m’ont fait un sort tranquille:
Mes biens sont purs, mon sommeil est facile,
J’ai le repos; les rois n’ont rien de mieux.
J’eus beau prêcher, et j’eus beau m’en défendre,
Tous ces messieurs, d’un air doux et bénin,
Obligeamment me prirent par la main:
« Allons, mon fils, marchons. » Fallut se rendre,
Fallut partir. Je fus bientôt conduit
En coche clos vers le royal réduit
Que près Saint-Paul ont vu bâtir nos pères
Par Charles Cinq. O gens de bien, mes frères,
Que Dieu vous gard’ d’un pareil logement!
J’arrive enfin dans mon appartement.
Certain croquant avec douce manière
Du nouveau gîte exaltait les beautés,
Perfections, aises, commodités.
« Jamais Phébus, dit-il, dans sa carrière,
De ses rayons n’y porta la lumière:
Voyez ces murs de dix pieds d’épaisseur,
Vous y serez avec plus de fraîcheur. »
Puis me faisant admirer la clôture,
Triple la porte et triple la serrure,
Grilles, verrous, barreaux de tout côté:
« C’est, me dit-il, pour votre sûreté. »
Midi sonnant, un chaudeau l’on m’apporte;
La chère n’est délicate ni forte:
De ce beau mets je n’étais point tenté;
Mais on me dit: « C’est pour votre santé;
Mangez en paix, ici rien ne vous presse. »
Me voici donc en ce lieu de détresse,
Embastillé, logé fort à l’étroit,
Ne dormant point, buvant chaud, mangeant froid,
Trahi de tous, même de ma maîtresse.
O Marc-René, que Caton le Censeur
Jadis dans Rome eût pris pour successeur,
O Marc-René, de qui la faveur grande
Fait ici-bas tant de gens murmurer,
Vos beaux avis m’ont fait claquemurer:
Que quelque jour le bon Dieu vous le rende!
il y a 6 mois
W
Winston Perez
@winstonPerez
Avoir une idée d’ombre Avoir une idée d’ombre
et d’absolu pardon
comme l’Adolescent
qui voit la fin du monde
Errer dans l’océan du vide,
âme vagabonde
Devenir Ange noir
au dernier échelon
Avoir une idée d’ombre
et d’étreinte éternelle
au son du grand clocher,
au son d’un violon
Partir le soir venu,
et sans raisons
Quand l’égoût s’éclaircit,
au fond de la ruelle
Avoir une idée d’ombre,
s’évaporer au loin
comme une goutte acide
et devenir quelqu’un
d’autre
il y a 6 mois
W
Winston Perez
@winstonPerez
Etoiles solitaires Le ciel est parsemé d’étoiles solitaires
Qui vivent dans l’oubli en ces temps bien obscurs
Tristes sont les augures, quand vient le long sommeil,
Quand l’horizon se perd, quand s’assombrit l’Azur,
Ces étoiles sont pétries d’Angor et de douleurs
Quand en se retournant elles voient le ciel briller
Elles entendent siffler ces Symphonies d’Auteurs
que l’amertume des sens a réussi à tuer
Ô Vénus ton arôme est si bon quand il vient
se poser sur l’Etoile. Et protéger la Fleur
Que l’Ange et son Démon un jour ont partagé,
D’une belle saison aux jardins enchanteurs
que tout héros perdu parvient à museler
Soleil brille, Ô Soleil brille
Dans le coeur des gens tristes qu’on croyait inégaux
Viens détruire l’astre fixe qu’au lendemain des nuits
on abhorre en geignant
Exécute ta tâche
Ô Globe
du firmament
il y a 6 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
Projet de solitude Fuyons ces tristes lieux, ô maîtresse adorée !
Nous perdons en espoir la moitié de nos jours,
Et la crainte importune y trouble nos amours.
Non loin de ce rivage est une île ignorée,
Interdite aux vaisseaux, et d'écueils entourée.
Un zéphyr éternel y rafraîchit les airs.
Libre et nouvelle encor, la prodigue nature
Embellit de ses dons ce point de l'univers :
Des ruisseaux argentés roulent sur la verdure,
Et vont en serpentant se perdre au sein des mers ;
Une main favorable y reproduit sans cesse
L'ananas parfumé des plus douces odeurs ;
Et l'oranger touffu courbé sous sa richesse,
Se couvre en même temps et de fruits et de fleurs.
Que nous faut-il de plus ? cette île fortunée
Semble par la nature aux amants destinée.
L'océan la resserre, et deux fois en un jour
De cet asile étroit on achève le tour.
Là je ne craindrai plus un père inexorable.
C'est là qu'en liberté tu pourras être aimable,
Et couronner l'amant qui t'a donné son cœur.
Vous coulerez alors, mes paisibles journées,
Par les nœuds du plaisir l'une et l'autre enchaînées :
Laissez moi peu de gloire et beaucoup de bonheur.
Viens ; la nuit est obscure et le ciel sans nuage ;
D'un éternel adieu saluons ce rivage,
Où par toi seule encore mes pas sont retenus.
Je vois à l'horizon l'étoile de Vénus :
Vénus dirigera notre course incertaine.
Éole exprès pour nous vient d'enchaîner les vents ;
Sur les flots aplanis Zéphyre souffle à peine ;
Viens ; l'Amour jusqu'au port conduira deux amants.