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Solitude

145 poésies en cours de vérification
Solitude

Poésies de la collection solitude

    A

    Abderrahmane Amalou

    @abderrahmaneAmalou

    Habiter son silence Sentir une caresse, Un souffle sur le visage, Un murmure à l'oreille... Qui giflent le sommeil! Et l'Autre ,en face,se dresse Comme invité au partage! Tel un revenant Accroupi dans l'ombre , Distant ,il attend, Occupe toute la chambre, Se blottit dans le lit Puis devient "l'ami"! Se brûler de souffrance Pour peu de joies volées Qui dévoilent le secret En habillant le silence Que l'artiste de décor Retient jusqu'à l'aurore!

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    La nuit de Décembre Le poète Du temps que j’étais écolier, Je restais un soir à veiller Dans notre salle solitaire. Devant ma table vint s’asseoir Un pauvre enfant vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Son visage était triste et beau : A la lueur de mon flambeau, Dans mon livre ouvert il vint lire. Il pencha son front sur sa main, Et resta jusqu’au lendemain, Pensif, avec un doux sourire. Comme j’allais avoir quinze ans Je marchais un jour, à pas lents, Dans un bois, sur une bruyère. Au pied d’un arbre vint s’asseoir Un jeune homme vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Je lui demandai mon chemin ; Il tenait un luth d’une main, De l’autre un bouquet d’églantine. Il me fit un salut d’ami, Et, se détournant à demi, Me montra du doigt la colline. A l’âge où l’on croit à l’amour, J’étais seul dans ma chambre un jour, Pleurant ma première misère. Au coin de mon feu vint s’asseoir Un étranger vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Il était morne et soucieux ; D’une main il montrait les cieux, Et de l’autre il tenait un glaive. De ma peine il semblait souffrir, Mais il ne poussa qu’un soupir, Et s’évanouit comme un rêve. A l’âge où l’on est libertin, Pour boire un toast en un festin, Un jour je soulevais mon verre. En face de moi vint s’asseoir Un convive vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Il secouait sous son manteau Un haillon de pourpre en lambeau, Sur sa tête un myrte stérile. Son bras maigre cherchait le mien, Et mon verre, en touchant le sien, Se brisa dans ma main débile. Un an après, il était nuit ; J’étais à genoux près du lit Où venait de mourir mon père. Au chevet du lit vint s’asseoir Un orphelin vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Ses yeux étaient noyés de pleurs ; Comme les anges de douleurs, Il était couronné d’épine ; Son luth à terre était gisant, Sa pourpre de couleur de sang, Et son glaive dans sa poitrine. Je m’en suis si bien souvenu, Que je l’ai toujours reconnu A tous les instants de ma vie. C’est une étrange vision, Et cependant, ange ou démon, J’ai vu partout cette ombre amie. Lorsque plus tard, las de souffrir, Pour renaître ou pour en finir, J’ai voulu m’exiler de France ; Lorsqu’impatient de marcher, J’ai voulu partir, et chercher Les vestiges d’une espérance ; A Pise, au pied de l’Apennin ; A Cologne, en face du Rhin ; A Nice, au penchant des vallées ; A Florence, au fond des palais ; A Brigues, dans les vieux chalets ; Au sein des Alpes désolées ; A Gênes, sous les citronniers ; A Vevey, sous les verts pommiers ; Au Havre, devant l’Atlantique ; A Venise, à l’affreux Lido, Où vient sur l’herbe d’un tombeau Mourir la pâle Adriatique ; Partout où, sous ces vastes cieux, J’ai lassé mon coeur et mes yeux, Saignant d’une éternelle plaie ; Partout où le boiteux Ennui, Traînant ma fatigue après lui, M’a promené sur une claie ; Partout où, sans cesse altéré De la soif d’un monde ignoré, J’ai suivi l’ombre de mes songes ; Partout où, sans avoir vécu, J’ai revu ce que j’avais vu, La face humaine et ses mensonges ; Partout où, le long des chemins, J’ai posé mon front dans mes mains, Et sangloté comme une femme ; Partout où j’ai, comme un mouton, Qui laisse sa laine au buisson, Senti se dénuder mon âme ; Partout où j’ai voulu dormir, Partout où j’ai voulu mourir, Partout où j’ai touché la terre, Sur ma route est venu s’asseoir Un malheureux vêtu de noir, Qui me ressemblait comme un frère. Qui donc es-tu, toi que dans cette vie Je vois toujours sur mon chemin ? Je ne puis croire, à ta mélancolie, Que tu sois mon mauvais Destin. Ton doux sourire a trop de patience, Tes larmes ont trop de pitié. En te voyant, j’aime la Providence. Ta douleur même est soeur de ma souffrance ; Elle ressemble à l’Amitié. Qui donc es-tu ? – Tu n’es pas mon bon ange, Jamais tu ne viens m’avertir. Tu vois mes maux (c’est une chose étrange !) Et tu me regardes souffrir. Depuis vingt ans tu marches dans ma voie, Et je ne saurais t’appeler. Qui donc es-tu, si c’est Dieu qui t’envoie ? Tu me souris sans partager ma joie, Tu me plains sans me consoler ! Ce soir encor je t’ai vu m’apparaître. C’était par une triste nuit. L’aile des vents battait à ma fenêtre ; J’étais seul, courbé sur mon lit. J’y regardais une place chérie, Tiède encor d’un baiser brûlant ; Et je songeais comme la femme oublie, Et je sentais un lambeau de ma vie Qui se déchirait lentement. Je rassemblais des lettres de la veille, Des cheveux, des débris d’amour. Tout ce passé me criait à l’oreille Ses éternels serments d’un jour. Je contemplais ces reliques sacrées, Qui me faisaient trembler la main : Larmes du coeur par le coeur dévorées, Et que les yeux qui les avaient pleurées Ne reconnaîtront plus demain ! J’enveloppais dans un morceau de bure Ces ruines des jours heureux. Je me disais qu’ici-bas ce qui dure, C’est une mèche de cheveux. Comme un plongeur dans une mer profonde, Je me perdais dans tant d’oubli. De tous côtés j’y retournais la sonde, Et je pleurais, seul, loin des yeux du monde, Mon pauvre amour enseveli. J’allais poser le sceau de cire noire Sur ce fragile et cher trésor. J’allais le rendre, et, n’y pouvant pas croire, En pleurant j’en doutais encor. Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée, Malgré toi, tu t’en souviendras ! Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ? Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée, Ces sanglots, si tu n’aimais pas ? Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ; Mais ta chimère est entre nous. Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures Qui me sépareront de vous. Partez, partez, et dans ce coeur de glace Emportez l’orgueil satisfait. Je sens encor le mien jeune et vivace, Et bien des maux pourront y trouver place Sur le mal que vous m’avez fait. Partez, partez ! la Nature immortelle N’a pas tout voulu vous donner. Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle, Et ne savez pas pardonner ! Allez, allez, suivez la destinée ; Qui vous perd n’a pas tout perdu. Jetez au vent notre amour consumée ; – Eternel Dieu ! toi que j’ai tant aimée, Si tu pars, pourquoi m’aimes-tu ? Mais tout à coup j’ai vu dans la nuit sombre Une forme glisser sans bruit. Sur mon rideau j’ai vu passer une ombre ; Elle vient s’asseoir sur mon lit. Qui donc es-tu, morne et pâle visage, Sombre portrait vêtu de noir ? Que me veux-tu, triste oiseau de passage ? Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image Que j’aperçois dans ce miroir ? Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse, Pèlerin que rien n’a lassé ? Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse Assis dans l’ombre où j’ai passé. Qui donc es-tu, visiteur solitaire, Hôte assidu de mes douleurs ? Qu’as-tu donc fait pour me suivre sur terre ? Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère, Qui n’apparais qu’au jour des pleurs ? LA VISION – Ami, notre père est le tien. Je ne suis ni l’ange gardien, Ni le mauvais destin des hommes. Ceux que j’aime, je ne sais pas De quel côté s’en vont leurs pas Sur ce peu de fange où nous sommes. Je ne suis ni dieu ni démon, Et tu m’as nommé par mon nom Quand tu m’as appelé ton frère ; Où tu vas, j’y serai toujours, Jusques au dernier de tes jours, Où j’irai m’asseoir sur ta pierre. Le ciel m’a confié ton coeur. Quand tu seras dans la douleur, Viens à moi sans inquiétude. Je te suivrai sur le chemin ; Mais je ne puis toucher ta main, Ami, je suis la Solitude.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Rappelle toi Rappelle-toi, quand l’Aurore craintive Ouvre au Soleil son palais enchanté ; Rappelle-toi, lorsque la nuit pensive Passe en rêvant sous son voile argenté ; A l’appel du plaisir lorsque ton sein palpite, Aux doux songes du soir lorsque l’ombre t’invite, Ecoute au fond des bois Murmurer une voix : Rappelle-toi. Rappelle-toi, lorsque les destinées M’auront de toi pour jamais séparé, Quand le chagrin, l’exil et les années Auront flétri ce coeur désespéré ; Songe à mon triste amour, songe à l’adieu suprême ! L’absence ni le temps ne sont rien quand on aime. Tant que mon coeur battra, Toujours il te dira Rappelle-toi. Rappelle-toi, quand sous la froide terre Mon coeur brisé pour toujours dormira ; Rappelle-toi, quand la fleur solitaire Sur mon tombeau doucement s’ouvrira. Je ne te verrai plus ; mais mon âme immortelle Reviendra près de toi comme une soeur fidèle. Ecoute, dans la nuit, Une voix qui gémit : Rappelle-toi.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Souvenir J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir En osant te revoir, place à jamais sacrée, O la plus chère tombe et la plus ignorée Où dorme un souvenir ! Que redoutiez-vous donc de cette solitude, Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main, Alors qu’une si douce et si vieille habitude Me montrait ce chemin ? Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries, Et ces pas argentins sur le sable muet, Ces sentiers amoureux, remplis de causeries, Où son bras m’enlaçait. Les voilà, ces sapins à la sombre verdure, Cette gorge profonde aux nonchalants détours, Ces sauvages amis, dont l’antique murmure A bercé mes beaux jours. Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse, Comme un essaim d’oiseaux, chante au bruit de mes pas. Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse, Ne m’attendiez-vous pas ? Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères, Ces larmes que soulève un coeur encor blessé ! Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières Ce voile du passé ! Je ne viens point jeter un regret inutile Dans l’écho de ces bois témoins de mon bonheur. Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille, Et fier aussi mon coeur. Que celui-là se livre à des plaintes amères, Qui s’agenouille et prie au tombeau d’un ami. Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières Ne poussent point ici. Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages. Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ; Mais du sombre horizon déjà tu te dégages, Et tu t’épanouis. Ainsi de cette terre, humide encor de pluie, Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour : Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie Sort mon ancien amour. Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ? Tout ce qui m’a fait vieux est bien loin maintenant ; Et rien qu’en regardant cette vallée amie Je redeviens enfant. O puissance du temps ! ô légères années ! Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées Vous ne marchez jamais. Tout mon coeur te bénit, bonté consolatrice ! Je n’aurais jamais cru que l’on pût tant souffrir D’une telle blessure, et que sa cicatrice Fût si douce à sentir. Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées, Des vulgaires douleurs linceul accoutumé, Que viennent étaler sur leurs amours passées Ceux qui n’ont point aimé ! Dante, pourquoi dis-tu qu’il n’est pire misère Qu’un souvenir heureux dans les jours de douleur ? Quel chagrin t’a dicté cette parole amère, Cette offense au malheur ? En est-il donc moins vrai que la lumière existe, Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ? Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste, Est-ce toi qui l’as dit ? Non, par ce pur flambeau dont la splendeur m’éclaire, Ce blasphème vanté ne vient pas de ton coeur. Un souvenir heureux est peut-être sur terre Plus vrai que le bonheur. Eh quoi ! l’infortuné qui trouve une étincelle Dans la cendre brûlante où dorment ses ennuis, Qui saisit cette flamme et qui fixe sur elle Ses regards éblouis ; Dans ce passé perdu quand son âme se noie, Sur ce miroir brisé lorsqu’il rêve en pleurant, Tu lui dis qu’il se trompe, et que sa faible joie N’est qu’un affreux tourment ! Et c’est à ta Françoise, à ton ange de gloire, Que tu pouvais donner ces mots à prononcer, Elle qui s’interrompt, pour conter son histoire, D’un éternel baiser ! Qu’est-ce donc, juste Dieu, que la pensée humaine, Et qui pourra jamais aimer la vérité, S’il n’est joie ou douleur si juste et si certaine Dont quelqu’un n’ait douté ? Comment vivez-vous donc, étranges créatures ? Vous riez, vous chantez, vous marchez à grands pas ; Le ciel et sa beauté, le monde et ses souillures Ne vous dérangent pas ; Mais, lorsque par hasard le destin vous ramène Vers quelque monument d’un amour oublié, Ce caillou vous arrête, et cela vous fait peine Qu’il vous heurte le pied. Et vous criez alors que la vie est un songe ; Vous vous tordez les bras comme en vous réveillant, Et vous trouvez fâcheux qu’un si joyeux mensonge Ne dure qu’un instant. Malheureux ! cet instant où votre âme engourdie A secoué les fers qu’elle traîne ici-bas, Ce fugitif instant fut toute votre vie ; Ne le regrettez pas ! Regrettez la torpeur qui vous cloue à la terre, Vos agitations dans la fange et le sang, Vos nuits sans espérance et vos jours sans lumière : C’est là qu’est le néant ! Mais que vous revient-il de vos froides doctrines ? Que demandent au ciel ces regrets inconstants Que vous allez semant sur vos propres ruines, A chaque pas du Temps ? Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rêve, Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin, Nous n’avons pas plus tôt ce roseau dans la main, Que le vent nous l’enlève. Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments Que deux êtres mortels échangèrent sur terre, Ce fut au pied d’un arbre effeuillé par les vents, Sur un roc en poussière. Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment, Et des astres sans nom que leur propre lumière Dévore incessamment. Tout mourait autour d’eux, l’oiseau dans le feuillage, La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image De leurs traits oubliés ; Et sur tous ces débris joignant leurs mains d’argile, Etourdis des éclairs d’un instant de plaisir, Ils croyaient échapper à cet être immobile Qui regarde mourir ! Insensés ! dit le sage. Heureux dit le poète. Et quels tristes amours as-tu donc dans le coeur, Si le bruit du torrent te trouble et t’inquiète, Si le vent te fait peur? J’ai vu sous le soleil tomber bien d’autres choses Que les feuilles des bois et l’écume des eaux, Bien d’autres s’en aller que le parfum des roses Et le chant des oiseaux. Mes yeux ont contemplé des objets plus funèbres Que Juliette morte au fond de son tombeau, Plus affreux que le toast à l’ange des ténèbres Porté par Roméo. J’ai vu ma seule amie, à jamais la plus chère, Devenue elle-même un sépulcre blanchi, Une tombe vivante où flottait la poussière De notre mort chéri, De notre pauvre amour, que, dans la nuit profonde, Nous avions sur nos coeurs si doucement bercé ! C’était plus qu’une vie, hélas ! c’était un monde Qui s’était effacé ! Oui, jeune et belle encor, plus belle, osait-on dire, Je l’ai vue, et ses yeux brillaient comme autrefois. Ses lèvres s’entr’ouvraient, et c’était un sourire, Et c’était une voix ; Mais non plus cette voix, non plus ce doux langage, Ces regards adorés dans les miens confondus ; Mon coeur, encor plein d’elle, errait sur son visage, Et ne la trouvait plus. Et pourtant j’aurais pu marcher alors vers elle, Entourer de mes bras ce sein vide et glacé, Et j’aurais pu crier :  » Qu’as-tu fait, infidèle, Qu’as-tu fait du passé?  » Mais non : il me semblait qu’une femme inconnue Avait pris par hasard cette voix et ces yeux ; Et je laissai passer cette froide statue En regardant les cieux. Eh bien ! ce fut sans doute une horrible misère Que ce riant adieu d’un être inanimé. Eh bien ! qu’importe encore ? O nature! ô ma mère ! En ai-je moins aimé? La foudre maintenant peut tomber sur ma tête : Jamais ce souvenir ne peut m’être arraché ! Comme le matelot brisé par la tempête, Je m’y tiens attaché. Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent; Ni ce qu’il adviendra du simulacre humain, Ni si ces vastes cieux éclaireront demain Ce qu’ils ensevelissent. Je me dis seulement :  » À cette heure, en ce lieu, Un jour, je fus aimé, j’aimais, elle était belle.  » J’enfouis ce trésor dans mon âme immortelle, Et je l’emporte à Dieu !

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    A

    Alix Lerman Enriquez

    @alixLermanEnriquez

    Corps et plaintes Le vent grinçant entre les plinthes des portes, faisait entrer la pluie et la plainte d’un ciel gris. A l’aube, offrait à la nuit glacée percée d’étoiles le jour parcheminé de plaies et des fruits rouges de solitude. Jour balafré de mes blessures de corps et de cœur offerts à tous les vents. Corps brisé, tatoué d’opérations à cœur ouvert qui entendait la plainte des corbeaux dans le soir, qui attendait sa délivrance nue au dessus d’un ciel de suie perforé de silence et de nuit.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    L’isolement Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; Là le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs : Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports ; Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante : Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Fleur Solitaire À Madame de Bertha. Par un soir ténébreux de l'arrière-saison. Dans un coup de rafale une graine emportée, Tombant contre les murs d'une haute prison, Entre de vieux pavés mal joints s'est arrêtée. Dans ce lit de hasard elle dort tout l'hiver, Sous des blocs de granit froidement inhumée ; Mais quand au tiède avril le ciel bleu s'est ouvert, Elle tressaille et germe où le vent l'a semée. Alors, comme sortant d'un funèbre sommeil, Elle émerge à grand'peine et s'exhausse de terre, Et d'un suprême effort aspirant au soleil Elle frémit d'espoir, la pauvre solitaire. Puis, grâce à de longs jets flexibles et rampants, S'attachant par saut brusque ou par lente caresse, Comme la vigne vierge et les rosiers grimpants, Elle escalade enfin la haute forteresse. Quand elle arrive au bout de son rude chemin, Montant jusqu'au rebord d'une étroite fenêtre, Elle étale sa fleur près d'un visage humain Qu'elle a vu triste et pâle à la grille apparaître. À plein cœur exhalant son parfum printanier, La fleur s'épanouit... et meurt dans la soirée ; Mais elle s'est ouverte aux yeux du prisonnier, Qui seul a pu la voir, qui seul l'a respirée.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Entends comme brame Entends comme brame près des acacias en avril la rame viride du pois ! Dans sa vapeur nette, vers Phoebé ! tu vois s’agiter la tête de saints d’autrefois… Loin des claires meules des caps, des beaux toits, ces chers Anciens veulent ce philtre sournois… Or ni fériale ni astrale ! n’est la brume qu’exhale ce nocturne effet. Néanmoins ils restent, – Sicile, Allemagne, dans ce brouillard triste et blêmi, justement !

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Nuit en enfer J’ai avalé une fameuse gorgée de poison. – Trois fois béni soit le conseil qui m’est arrivé ! – Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier. C’est l’enfer, l’éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon ! J’avais entrevu la conversion au bien et au bonheur, le salut. Puis-je décrire la vision, l’air de l’enfer ne soufre pas les hymnes ! C’était des millions de créatures charmantes, un suave concert spirituel, la force et la paix, les nobles ambitions, que sais-je ? Les nobles ambitions ! Et c’est encore la vie ! – Si la damnation est éternelle ! Un homme qui veut se mutiler est bien damné, n’est-ce pas ? Je me crois en enfer, donc j’y suis. C’est l’exécution du catéchisme. Je suis esclave de mon baptême. Parents, vous avez fait mon malheur et vous avez fait le vôtre. Pauvre innocent ! – L’enfer ne peut attaquer les païens. – C’est la vie encore ! Plus tard, les délices de la damnation seront plus profondes. Un crime, vite, que je tombe au néant, de par la loi humaine. Tais-toi, mais tais-toi !… C’est la honte, le reproche, ici: Satan qui dit que le feu est ignoble, que ma colère est affreusement sotte. – Assez !… Des erreurs qu’on me souffle, magies, parfums, faux, musiques puériles. – Et dire que je tiens la vérité, que je vois la justice: j’ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection… Orgueil. – La peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j’ai peur. J’ai soif, si soif ! Ah ! l’enfance, l’herbe, la pluie, le lac sur les pierres, le clair de lune quand le clocher sonnait douze… le diable est au clocher, à cette heure. Marie ! Sainte-Vierge !… – Horreur de ma bêtise. Là-bas, ne sont-ce pas des âmes honnêtes, qui me veulent du bien… Venez… J’ai un oreiller sur la bouche, elles ne m’entendent pas, ce sont des fantômes. Puis, jamais personne ne pense à autrui. Qu’on n’approche pas. Je sens le roussi, c’est certain. Les hallucinations sont innombrables. C’est bien ce que j’ai toujours eu: plus de foi en l’histoire, l’oubli des principes. Je m’en tairai: poëtes et visionnaires seraient jaloux. Je suis mille fois le plus riche, soyons avare comme la mer. Ah ça ! l’horloge de la vie s’est arrêtée tout à l’heure. Je ne suis plus au monde. – La théologie est sérieuse, l’enfer est certainement en bas – et le ciel en haut. – Extase, cauchemar, sommeil dans un nid de flammes. Que de malices dans l’attention dans la campagne… Satan, Ferdinand, court avec les graines sauvages… Jésus marche sur les ronces purpurines, sans les courber… Jésus marchait sur les eaux irritées. La lanterne nous le montra debout, blanc et des tresses brunes, au flanc d’une vague d’émeraude… Je vais dévoiler tous les mystères: mystères religieux ou naturels, mort, naissance, avenir, passé, cosmogonie, néant. Je suis maître en fantasmagories. Écoutez !… J’ai tous les talents ! – Il n’y a personne ici et il y a quelqu’un: je ne voudrais pas répandre mon trésor. – Veut-on des chants nègres, des danses de houris ? Veut-on que je disparaisse, que je plonge à la recherche de l’anneau ? Veut-on ? Je ferai de l’or, des remèdes. Fiez-vous donc à moi, la foi soulage, guide, guérit. Tous, venez, – même les petits enfants, – que je vous console, qu’on répande pour vous son coeur, – le coeur merveilleux ! – Pauvres hommes, travailleurs ! Je ne demande pas de prières; avec votre confiance seulement, je serai heureux. – Et pensons à moi. Ceci me fait peu regretter le monde. J’ai de la chance de ne pas souffrir plus. Ma vie ne fut que folies douces, c’est regrettable. Bah ! faisons toutes les grimaces imaginables. Décidément, nous sommes hors du monde. Plus aucun son. Mon tact a disparu. Ah ! mon château, ma Saxe, mon bois de saules. Les soirs, les matins, les nuits, les jours… Suis-je las ! Je devrais avoir mon enfer pour la colère, mon enfer pour l’orgueil, – et l’enfer de la caresse; un concert d’enfers. Je meurs de lassitude. C’est le tombeau, je m’en vais aux vers, horreur de l’horreur ! Satan, farceur, tu veux me dissoudre, avec tes charmes. Je réclame. Je réclame ! un coup de fourche, une goutte de feu. Ah ! remonter à la vie ! Jeter les yeux sur nos difformités. Et ce poison, ce baiser mille fois maudit ! Ma faiblesse, la cruauté du monde ! Mon dieu, pitié, cachez-moi, je me tiens trop mal ! – Je suis caché et je ne le suis pas. C’est le feu qui se relève avec son damné.

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    S

    Sadek Belhamissi

    @sadekBelhamissi

    La raison du détenu Entre ces quatre murs je me sens minuscule, Ils semblent aussi durs que je suis ridicule. L’éblouissante muse aurait-elle aussi peur, Il semble qu’elle s’amuse à compter les heures. . Beaucoup l’ont en horreur, ce que je sais de la vie Et qu’est-ce le bonheur, chacun en a envie. Vertueuse ironie le silence l’est parfois, Je crains la calomnie et partout je la côtoie. . Dans la lugubre prison, on ne verse plus de larmes, Elle a fui notre raison on admire plutôt les armes. La vie est un mets sans sel où seul le cœur est libre, Mais nul n’entend son appel même si le seul à vivre. . Ne pouvant plus me lever, j’ai perdu le sourire Je voudrais tant pouvoir rêver je me sens en délire. Se croire seul sur cette terre chacun aime à le penser, La vie reste un mystère que nul ne pourra percer. . Belhamissi Sadek le 17.09.2017 . Tout détenu est amené à écrire sinon faire des graffitis, une volonté de communiquer, de sortir de l'anonymat, briser !e silence qui est imposé. Ces vestiges, écrits, dessins, graffitis témoignent de blessures psychologiques et sociales dans un monde carcéral privé de liberté pour un temps plus ou moins long. La seule forme qui reste à l'incarcéré pour exprimer les signes de sa raison. D'où le titre donné au texte « la raison du détenu » B.S

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    À une heure du matin Enfin ! seul ! On n’entend plus que le roulement de quelques fiacres attardés et éreintés. Pendant quelques heures, nous posséderons le silence, sinon le repos. Enfin ! la tyrannie de la face humaine a disparu, et je ne souffrirai plus que par moi-même. Enfin ! il m’est donc permis de me délasser dans un bain de ténèbres ! D’abord, un double tour à la serrure. Il me semble que ce tour de clef augmentera ma solitude et fortifiera les barricades qui me séparent actuellement du monde. Horrible vie ! Horrible ville ! Récapitulons la journée : avoir vu plusieurs hommes de lettres, dont l’un m’a demandé si l’on pouvait aller en Russie par voie de terre (il prenait sans doute la Russie pour une île) ; avoir disputé généreusement contre le directeur d’une revue, qui à chaque objection répondait : « — C’est ici le parti des honnêtes gens, » ce qui implique que tous les autres journaux sont rédigés par des coquins ; avoir salué une vingtaine de personnes, dont quinze me sont inconnues ; avoir distribué des poignées de main dans la même proportion, et cela sans avoir pris la précaution d’acheter des gants ; être monté pour tuer le temps, pendant une averse, chez une sauteuse qui m’a prié de lui dessiner un costume de Vénustre ; avoir fait ma cour à un directeur de théâtre, qui m’a dit en me congédiant : « — Vous feriez peut-être bien de vous adresser à Z… ; c’est le plus lourd, le plus sot et le plus célèbre de tous mes auteurs, avec lui vous pourriez peut-être aboutir à quelque chose. Voyez-le, et puis nous verrons ; » m’être vanté (pourquoi ?) de plusieurs vilaines actions que je n’ai jamais commises, et avoir lâchement nié quelques autres méfaits que j’ai accomplis avec joie, délit de fanfaronnade, crime de respect humain ; avoir refusé à un ami un service facile, et donné une recommandation écrite à un parfait drôle ; ouf ! est-ce bien fini ? Mécontent de tous et mécontent de moi, je voudrais bien me racheter et m’enorgueillir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j’ai aimés, âmes de ceux que j’ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde, et vous, Seigneur mon Dieu ! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. À peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    L’étranger Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ? — Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. — Tes amis ? — Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu. — Ta patrie ? — J’ignore sous quelle latitude elle est située. — La beauté ? — Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle. — L’or ? — Je le hais comme vous haïssez Dieu. — Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le guignon Pour soulever un poids si lourd, Sisyphe, il faudrait ton courage! Bien qu’on ait du coeur à l’ouvrage, L’Art est long et le Temps est court. Loin des sépultures célèbres, Vers un cimetière isolé, Mon coeur, comme un tambour voilé, Va battant des marches funèbres. — Maint joyau dort enseveli Dans les ténèbres et l’oubli, Bien loin des pioches et des sondes; Mainte fleur épanche à regret Son parfum doux comme un secret Dans les solitudes profondes.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Les quatre saisons - l'hiver C'est l'hiver. Le charbon de terre Flambe en ma chambre solitaire. La neige tombe sur les toits. Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids ! Même sillage aux cheminées Qu'en ses tresses disséminées. Au bal, chacun jette, poli, Les mots féroces de l'oubli, L'eau qui chantait s'est prise en glace, Amour, quel ennui te remplace !

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    L’orgue A André Gill Sous un roi d’Allemagne, ancien, Est mort Gottlieb le musicien. Un l’a cloué sous les planches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Il est mort pour avoir aimé La petite Rose-de-Mai. Les filles ne sont pas franches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Elle s’est mariée, un jour, Avec un autre, sans amour.  » Repassez les robes blanches! «  Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Quand à l’église ils sont venus, Gottlieb à l’orgue n’était plus, Comme les autres dimanches. Hou ! hou ! hou! Le vent souffle dans les branches. Car depuis lors, à minuit noir, Dans la forêt on peut le voir A l’époque des pervenches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux. Il fait peur aux petits oiseaux. orts d’amour ont leurs revanches. Hou ! hou ! hou ! Le vent souffle dans les branches.

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    C

    Charles Guérin

    @charlesGuerin

    Conseils au solitaire Aie une âme hautaine et sonore et subtile, Tais-toi, mure ton seuil, car la lutte déprave ; Forge en sceptre l'or lourd et roux de tes entraves, Ferme ton cœur à la rumeur soûle des villes ; Entends parmi le son des flûtes puériles Se rapprocher le pas profond des choses graves ; Hors la cité des rois repus, tueurs d'esclaves, Sache une île stérile où ton orgueil s'exile. Songe que tout est triste et que les lèvres mentent. Et si l'heure en froc noir érige du silence Les lys où mainte femme encore boira ton sang, Marche vers l'inconnu, peut-être vers le vide, Dans l'ombre que la Mort effarante en fauchant Du fond des horizons projette sur la Vie.

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    C

    Charles Guérin

    @charlesGuerin

    Ton image en tous lieux peuple ma solitude Ton image en tous lieux peuple ma solitude. Quand c'est l'hiver, la ville et les labeurs d'esprit, Elle s'accoude au bout de ma table d'étude, Muette, et me sourit. A la campagne, au temps où le blé mûr ondule, Amis du soir qui tombe et des vastes couchants, Elle et moi nous rentrons ensemble au crépuscule Par les chemins des champs. Elle écoute avec moi sous les pins maritimes La vague qui s'écroule en traînant des graviers. Parfois, sur la montagne, ivre du vent des cimes, Elle dort à mes pieds. Elle retient sa part des tourments et des joies Dont mon âme inégale est pleine chaque jour ; Où que j'aille, elle porte au-devant de mes voies La lampe de l'amour. Enfin, comme elle est femme et sait que le poète Ne voudrait pas sans elle oublier de souffrir, Lorsqu'elle me voit triste elle étend sur ma tête Ses mains pour me guérir.

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    C

    Charles Van Lerberghe

    @charlesVanLerberghe

    Au coeur solitaire du bonheur Au coeur solitaire du bonheur, Devenu mon coeur même, Quelle paix divine en ce jour, Et quelle plénitude suprême ! Ô le rire adorable d'amour De tout ce qui m'environne ! Autour de mon bonheur en fleur Une abeille éternelle bourdonne... Elle se clôt doucement et s'apaise, Mon âme heureuse ; Elle se tait, La rose qui chantait.

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    C

    Christian Castillo

    @christianCastillo

    Antichambre Il existe un lieu où se démettre Entre un abandon et un peut-être Une salle d’attente où se poser Un désordre où se retrouver. Un quai de gare où s’attarder Avant d’être au prochain arrêt Parfois le train est annulé Le temps de savoir où aller. Une pièce entre deux pièces Où délaisser sa tristesse Mettre sa vie (entre parenthèses) Verrouiller son cœur et son malaise. C’est une porte condamnée La fatalité du passé Son poids empêche d’avancer De parvenir à qui l’on est Il existe un fossé qui sépare Qui nous éloigne, qui nous répare Un gouffre où jeter son désir L’amour se cache pour mourir C’est un désert au fond de nous Un vent de sable emporte tout Un néant où l’apesanteur Suspend le temps et la douleur. C’est une porte entrouverte Une issue ou notre perte La lumière au bout du tunnel Un paradis artificiel Il existe une île entre deux rives Un refuge sans âme qui vive Île déserte entre deux eaux Où se laisser couler incognito. C’est une zone de transit Parfois le lieu nous habite C’est un calme pour écouter Ce que l’intuition veut confier Il existe un vide pour remplacer Tout le vide que l’amour a laissé Une vie entre deux vies, Une antichambre, un abri, Et j’y suis.

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    C

    Christian Mégrelis

    @christianMegrelis

    Le cygne C’était un jour heureux, c’était presqu’autrefois. Fidèles aux vieux serments, solitaires, édéniques, Ensemble parcourant la forêt endémique, Nous recherchions un lac enchâssé dans ces bois. C’étaient aux antipodes où les cygnes sont noirs, Et ce lac disait-on, possédait les plus nobles. Le cygne était pour nous la métaphore commode De ce qu’aux temps passés on appelait devoir. Ils étaient si nombreux, tellement assortis Sur les berges et sur l’eau, mystérieux et altiers, Qu’à les regarder vivre nous étions fascinés Par ces couples funèbres au milieu des orties. Cette course lointaine fut presque la dernière. Aveugles aux présages, sûrs de notre hyménée, Ce lac, et puis ses cygnes, comme un rêve éveillé Sous les flots du malheur brusquement s’effacèrent. Et puis le temps passa. Le temps passe toujours. Et la vie, sous mon toit, retrouvait son chemin Au bord d’un autre lac dont, la main dans la main, En ne pensant qu’à nous, nous aimions faire le tour. Sur le miroir immense où l’azur se contemple, Au milieu de ce lac, témoin de nos amours Dont les rives emprisonnent le parfum de tes jours, Un pur flocon de neige glisse sur l’eau qui tremble. Le col raide, figé dans sa tunique blanche, Il trace un sillon droit sans chercher alentour Ni la volée qu’il mène, ni celle qui, toujours, Lui apprit l’art d’aimer et de voguer ensemble. Sa compagne enfuie, l’immense solitude L’a d’abord étranglé, puis est venue la nuit Où il a deviné qu’elle ne vivrait qu’en lui. Puis cette intuition s’est muée en certitude. Solitaire à présent, il conduit ses fidèles. J’aime à te regarder, j’admire ta prestance Qui nourrît mes pensées au long du deuil immense Qui m’a vu terrassé de survivre sans elle. Comme toi, maintenant, je suis calme et pensif. Me récitant nos vies pour peser nos erreurs, Et je n’en trouve aucune méritant la douleur De cette solitude qui me consume à vif. Comme le cygne du lac, j’apprends la gravité Et reprends mon chemin sur l’océan du temps. Ma tribu, qui m’entoure de son amour constant, Dessine le devoir qui devra m’habiter. Il s’agit de ma vie, toujours tournée vers elle, Ou plutôt de ce qu’il m’en reste aujourd’hui. De ce bout de vie-là, je veux faire une pluie Pour irriguer les vies qu’ils ont tous reçues d’elle. Si jamais je parviens, comme l’oiseau chanteur, A donner à ces vies l’envie de nos espoirs, Nos vies renouvelées, en arrivant au soir, Unies, témoigneront la force du bonheur. Patriarche du lac, cygne mélancolique, Tu m’as montré la vie avecques l’espérance. Voilà, j’avais besoin de cette tâche immense Pour rejoindre Eurydice en son séjour orphique. Ta blancheur triomphante me dessine un bonheur Que tes sombres cousins, présages de la mort, Auraient pu abolir, si tu n’avais guidé mon sort Vers la rive embrasée du feu de nos deux cœurs.

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    Claude Luezior

    @claudeLuezior

    Déroute Au comble de la solitude je n’ai pas réussi à joindre les deux mots pour féconder les lumières de la ville à bout de bec à bout de plume

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    À la jeune dame mélancolique et solitaire Par seule amour, qui a tout surmonte, On trouve grâce en divine bonté, Et ne la faut par autre chemin querre. Mais tu la veux par cruauté conquerre, Qui est contraire à bonne volonté. Certes c'est bien à toi grand cruauté, De user en deuil la jeunesse et beauté, Que t'a donné Nature sur la terre Par seule amour. En sa verdeur se réjouit l'été, Et sur l'hiver laisse joyeuseté. En ta verdeur plaisir doneques asserre, Puis tu diras (si vieillesse te serre) : « Adieu le temps qui si bon a été Par seule amour ! »

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    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    Je suis née au milieu du jour Je suis née au milieu du jour, La chair tremblante et l’âme pure, Mais ni l’homme ni la nature N’ont entendu mon chant d’amour. Depuis, je marche solitaire, Pareille à ce ruisseau qui fuit Rêveusement dans les fougères Et mon coeur s’éloigne sans bruit.

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    C

    Cécile Sauvage

    @cecileSauvage

    L’enchantement lunaire L’enchantement lunaire endormant la vallée Et le jour s’éloignant sur la mer nivelée Comme une barque d’or nombreuse d’avirons, J’ai rassemblé, d’un mot hâtif, mes agneaux ronds, Mes brebis et mes boucs devenus taciturnes Et j’ai pris le chemin des chaumières nocturnes. Que l’instant était doux dans le tranquille soir ! Sur l’eau des rayons bleus étant venus s’asseoir Paraissaient des sentiers tracés pour une fée Et parfois se plissaient d’une ablette apeurée. Le troupeau me suivait, clocheteur et bêlant. Je tenais dans mes bras un petit agneau blanc Qui, n’ayant que trois jours, tremblait sur ses pieds roses Et restait en arrière à s’étonner des choses. Le silence était plein d’incertaines rumeurs, Des guêpes agrafaient encor le sein des fleurs, Le ciel était lilas comme un velours de pêche. Des paysans rentraient portant au dos leur bêche D’argent qui miroitait sous un dernier rayon, Et des paniers d’osier sentant l’herbe et l’oignon. Les champs vibraient encor du jeu des sauterelles. Je marchais. L’agneau gras pesait à mes bras frêles. Je ne sais quel regret me mit les yeux en pleurs Ni quel émoi me vint de ce coeur sur mon coeur, Mais soudain j’ai senti que mon âme était seule. La lune sur les blés roulait sa belle meule ; Par un même destin leurs jours étant liés, Mes brebis cheminaient auprès de leurs béliers ; Les roses défaillant répandaient leur ceinture Et l’ombre peu à peu devenait plus obscure.

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    Edmond Jabès

    Edmond Jabès

    @edmondJabes

    De la solitude, comme espace d'écriture Le geste d'écrire est geste solitaire. L'écriture est-elle l'expression de cette solitude? Peut-il y avoir écriture sans solitude ou encore solitude sans écriture ? Y aurait-il des degrés à la solitude — donc plusieurs plages, différents niveaux de solitude — comme il y a des paliers d'ombre ou de lumière? Pourrait-on, en ce cas, soutenir qu'il y a certaines solitudes vouées à la nuit et d'autres, au jour? Y aurait-il enfin diverses formes de solitude : solitude resplendissante, ronde — celle du soleil — ou solitude plate, ténébreuse — celle des dalles funéraires; solitude de la fête et solitude du deuil ? La solitude ne peut se dire sans, aussitôt, cesser d'être. Elle ne peut que s'écrire dans la distance qui la protège de l'œil qui la lira. Le dire serait donc au texte, ce que la parole orale est a la parole écrite : la fin d'une solitude assumée par l'une et le prélude à une aventure solitaire, pour l'autre. Celui qui, à voix haute, parle n'est jamais seul. Celui qui écrit rejoint, par l'intermédiaire du vocable, sa solitude. Qui oserait, au milieu des sables, faire usage de la parole? Le désert ne répond qu'au cri, l'ultime, déjà enveloppé de silence d'où surgira le signe ; car on n'écrit jamais qu'aux confins imprécis de l'être. Prendre conscience de cette limite c'est, en même temps, reconnaître comme point de départ de l'écrit, l'irrégulière ligne de démarcation de notre solitude. Il y aurait donc, ainsi, pour la solitude et pour l'écrit, de fluctuantes frontières que nous longerions, la plume en main; frontières par nous et grâce à nous, reconnues. A chaque livre, ses antres de solitude. Sept cieux se réclament du ciel. Le vide a ses étages. Ainsi la solitude qui est vide du ciel et de la terre, vide de l'homme dans lequel il s'agite et où il respire. Rattachée à toute origine, la solitude a ce pouvoir exceptionnel de rompre le temps, de dégager l'unité première ; de faire, en quelque sorte, du multiple indéterminable, l'un innombrable. Chercher à écrire, dans ces conditions, consisterait alors, en marge de l'écrit, à refaire d'abord, mais en sens inverse, le chemin suivi par la pensée ; à ramener la pensée à l'objet même de sa pensée ; l'écrit, au vocable qui le contenait ; reviendrait, en somme, à sortir de sa propre solitude pour épouser l'initiale solitude du livre dans l'ignorance encore de son commencement et à laquelle le livre procurera son nom ; car c'est sur les ruines d'un livre duquel on s'est détourné que le livre se construit; sur l'effrayante solitude de ses décombres. L'écrivain ne quitte pas le livre. Il croît et s'effondre à ses côtés. Écrire, dans un premier temps, ne serait que ramasser les pierres du livre écroulé, afin de bâtir avec elles, un nouvel ouvrage — le même, sans doute — ; édifice dont l'écrivain serait l'infatigable maître d'oeuvre, architecte et maçon ; moins attentif, cependant, au progrès de sa construction, qu'au mouvement interne, naturel qui préside à son achèvement; attentif, avant tout donc, à l'écriture de cette double solitude — celle du vocable et celle du livre — qui se voudra progressivement lisible. Nulle part ailleurs que dans ce rectangle de papier fin réservé à l'indicible, mots et demeure ne sont aussi fortement liés l'un à l'autre et, en même temps — ô paradoxe — si éloignés ; car aucune alliance n'est permise à la solitude, aucune union ou association ; aucune espérance de libération commune. Seule, elle s'édifie ; seule, avec la complicité de l'écriture, elle organise la lecture des orgueilleux pans de murs des époques de sa splendeur ou de ses larges et profondes blessures, à l'heure où l'œuvre qu'elle a contribué à mettre sur pied, tombe en poussière ; où le livre se brise dans la brisure infinie de ses mots. Solitude à laquelle l'écrivain se soumet; accorde, parfois, plus qu'il ne peut tenir, ne pouvant se soustraire à l'engagement pris envers elle. Mais pourquoi? La solitude n'est-elle pas un choix délibéré de l'homme ? Alors, quelles sont ces chaînes qu'il n'a pas forgées? Y aurait-il une solitude qui échapperait à sa volonté, qu'il ne pourrait, impuissant, que subir? L'exigence de cette solitude dont l'écrivain ne saurait s'affranchir est, précisément, celle que le mot qui la dénomme lui a imposée ; solitude du tréfonds de sa solitude, comme s'il y avait une solitude plus seule, enfouie dans la solitude, où le mot se modèle sur l'image captée de lui-même, tel l'enfant dans le ventre maternel. Désormais, tout s'élaborera selon un ordre prémédilé ; car le projet du livre est, d'abord, téméraire projet du vocable. On ne peut écrire le livre sans avoir indirectement participé à ce projet qui ne serait, peut-être, que l'intuition que nous avons du livre, à partir de laquelle celui-ci s'écrit. Solitude d'un mot donc, solitude du mot avant le mot, de la nuit avant la nuit où, astre immergé, le vocable ne brille plus que pour elle. Mais, objectera-t-on, comment peut-on, à partir du livre, aller au mot? — Comme le jour va au soleil, répondrai-je. Livre n'est-il pas un mot? C'est toujours au mol «Livre» que l'on revient L'espace du livre est celui, intérieur, du mot qui le désigne. Ecrire le livre ne serait ainsi qu'investir cet espace caché, qu'écrire dans ce mot. Mais ce mot qui rassemble tous les mots de la langue — comme l'astre du matin toute la lumière du monde — n'est, de celle-ci, que le lieu de sa solitude ; le lieu où elle se confronte au néant ; où elle cesse de signifier, ne désignant plus que le Rien. « Tu ne peux lire ce que tu vis, mais tu peux vivre ce que tu lis», disait-il. — Combien de pages a ton livre ? — Exactement quatre-vingt-seize surfaces planes de solitude. L'une au-dessous de l'autre. La première au sommet ; la dernière à la base. Tel est le cheminement de l'écriture — avait-il répondu. Et il avait ajouté : «Ce qui m'intrigue ce n'est point d'avoir descendu, de feuillet en feuillet, toutes les marches du livre, mais de savoir comment j'ai fait pour me trouver, d'entrée, sur la plus haute, la première?» Le fond de l'eau est parsemé d'étoiles. L'écriture est gageure de solitude ; flux et reflux d'inquiétude. Elle est aussi reflet d'une réalité réfléchie dans sa nouvelle origine et dont, au cœur de nos désirs confus et de nos doutes, nous façonnons l'image.

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    E

    Elodie Santos

    @elodieSantos

    J’étais ce jour de pluie La paille était bien belle et jaune comme l’été au dessus, une pelle qui n’avait pas creusé J’étais toute à l’abri sous ce toit de campagne et regardais la pluie tomber du ciel d’Espagne Allongée sur ce banc de bois, terre de Sienne je m’en allais rêvant j’étais une italienne Mes cheveux étaient noir mon corps pur comme l’eau mes pieds posés sur l’or et mes yeux un ruisseau J’étais ce jour de pluie comme je ne serai jamais plus

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    Ephraïm Jouy

    @ephraimJouy

    La geôle Au fond de ton antre sauvage Où jaillit l’obscur bruissement de la vie Se dresse l’écho tortueux de ton carnage Et la note sombre de ton cœur travesti

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    Ephraïm Jouy

    @ephraimJouy

    Les ruines solitaires Garder le mystère de ton âme Comme si rien ne finissait Au creux de tes mains retenues A l’aube rétive Comme si rien ne finissait A côté, juste à côté De ton cœur épars Et sentir la pesanteur du gouffre Où sombrent les silences sans recours

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    Ephraïm Jouy

    @ephraimJouy

    Sans titre Elle ne sait plus rien de ce cœur aride, de cet isthme malingre qu’elle a consumé. Elle imagine, simplement peut-être, la possibilité d’une voix, d’un désir nouveau qui s’ouvrirait à leurs corps perdus. Elle a encore cette grâce, ce ravissement qu’elle suscite à qui sait s’en saisir, celui-là même qui l’a dévasté, sans retour, à l’aube d’un jour de cendre. Elle voudrait le retrouver, le posséder de nouveau, lui qui erre dans le charnier brûlant de son âme cannibale, Mais, elle reste seule, dans la clameur naissante de son cœur ivre noir où résonne la stridence du néant et les cohortes silencieuses de ses amours lacérés.

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