Il devrait n’être point de désespoir pour toi Il devrait n’être point de désespoir pour toi
Tant que brûle la nuit les étoiles,
Tant que le soir répand sa rosée silencieuse,
Que le soleil dore le matin.
Il devrait n’être point de désespoir, même si les larmes
Ruissellent comme une rivière:
Les plus chères de tes années sont-elles pas
Autour de ton cœur à jamais?
Ceux-ci pleurent, tu pleures, il doit en être ainsi;
Les vents soupirent comme tu soupires,
Et l’Hiver en flocons déverse son chagrin
Là où gisent les feuilles d’automne.
Pourtant elles revivent, et de leur sort ton sort
Ne saurait être séparé:
Poursuis donc ton voyage, sinon ravie de joie,
Du moins jamais le cœur brisé
Novembre 1839
il y a 9 mois
Fernando Pessoa
@fernandoPessoa
Je suis un évadé Je suis un évadé.
Du jour de ma naissance
En moi-même reclus,
Je me suis fait transfuge.
Puisqu’il faut qu’on se lasse
D’être en un même lieu,
Pourquoi ne se lasser
D’être à soi toujours égal ?
De moi mon âme est en quête
Mais je bats la campagne,
Fasse le ciel qu’elle
Ne me trouve jamais.
N’être qu’un est une geôle ;
Être moi, c’est n’être point.
Dans la fuite je vivrai –
Pourtant bel et bien je vis.
il y a 9 mois
Jim Morrison
@jimMorrison
Lève toi, et aime Lève toi,
Reprends toi,
Pense à elle,
Elle est tellement belle.
Repense à chaque recoin de son corps,
Quand elle dort,
Repense à son si beau visage,
Qui te rendait sage.
Repense à ses yeux,
Qui sont tellement bleus,
Qu'on aurait cru aux cieux,
Pensant à dieu.
Lève toi,
Tu rebois?
Ne fous pas ta vie en l'air,
Après, de quoi tu auras l'air?
Elle t'aime,
Ne laisse pas passer cet amour.
il y a 9 mois
Langston Hughes
@langstonHughes
La Mère à son Fils Eh bien mon fils, je vais te dire quelque chose :
La vie ça n’a pas été pour moi un escalier de verre.
Il y a eu des clous,
Des échardes,
Et des planches défoncées,
Et des endroits sans moquettes,
A nu.
Mais quand même,
Je grimpais toujours,
Je passais les paliers,
Je prenais les tournants,
Et quelquefois j’allais dans le noir
Quand y avait pas de lumière.
Alors mon garçon faut pas retourner en arrière.
Faut pas t’asseoir sur les marches
Parce que tu trouves que c’est un peu dur.
Et ne va pas tomber maintenant…
Parce que, mon fils, moi je vais toujours,
Je grimpe toujours,
Et la vie ça n’a pas été pour moi un escalier de verre.
il y a 9 mois
P
Philoxène Boyer
@philoxeneBoyer
À V… H… Vers la terre où bientôt les citrons vont mûrir,
Vers l’ombre que versait la maison regrettée,
Vers les sentiers perdus de la grotte enchantée,
Il nous faut fuir, mon père, ou bien je vais mourir.
Ainsi chantait Mignon, lasse de trop souffrir.
Ainsi chante mon âme, et la pauvre attristée
Me dit, les yeux en pleurs, de sa voix tourmentée :
Si tu veux que je vive, oh ! laisse-moi partir!
Mais ce qu’elle voudrait, mon âme désolée,
Ce n’est pas l’eau du lac, les fleurs de la vallée,
Le vent toujours léger, le ciel toujours serein:
Il lui faut seulement, pour qu’elle se ranime,
S’agenouiller, tremblante, au Panthéon sublime
Où resplendit votre œuvre, ô maître souverain!
il y a 9 mois
Robert Marteau
@robertMarteau
Ne fais pas de ta vie un désert Ne fais pas de ta vie un désert. N’en expulse
Ni Dieu ni les divins qui t’ont permis de vivre
Un peu plus qu’un instant ici même où tu es
Sans que tu saches la raison. Entre les herbes,
Le ruisseau brille et nous murmure quelque chose
Que nous ne comprenons pas, bien que le chant, comme
L’eau, en soit clair. Pas plus, tu ne déchiffres l’A
B C que la buse épelle en miaulant sur
Son erre, ni le jaune intense des crépides
Face au soleil tout-puissant que les oiseaux noirs,
Haut perchés sur le coteau, acclament. Le vent,
Le perpétuel, quant à lui, propage à notre
Insu, se mêlant aux peupliers, les parties
Du discours qui nous font amèrement défaut.
Auchy, Mercredi 18 Août 1993
il y a 9 mois
Rudyard Kipling
@rudyardKipling
Tu seras un homme, mon Fils Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d’un mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère,
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;
Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur,
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral ni pédant ;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tous jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire
Tu seras un homme, mon fils.
il y a 9 mois
S
Serge Pey
@sergePey
Poème pour un enfant au sujet de l’espérance On pourrait poser le problème
ainsi à la manière de Gramsci :
Chaque gland peut penser
qu’il deviendra un chêne
Si les glands avaient
une idéologie
ce serait justement
celle de se sentir
enceints de chênes
Mais dans la réalité 999 glands sur 1000
servent de nourriture aux cochons
et contribuent tout au plus
à créer des saucisson
et de la mortadelle
Chaque mot peut penser
qu’il deviendra une vérité
Si les mots avaient une idéologie
ce serait justement celle
de se sentir
enceints de vérité
Mais dans la réalité 999 mots sur 1000
servent de nourriture au mensonge
et contribuent tout au plus
à créer des discours
et des prières
dans les cimetières
Chaque pierre peut penser
qu’elle deviendra une cathédrale
Si les pierres avaient une idéologie
ce serait justement celle
de se sentir
enceintes d’une cathédrale
Mais dans la réalité 999 pierres sur 1000
servent de nourriture à la terre
et contribuent tout au plus
à créer des murs dans les champs
et à faire des ronds dans l’eau
Chaque morceau de bois peut penser
qu’il deviendra une porte
Si les morceaux de bois avaient une idéologie
cela serait justement celle
de se sentir
enceints de portes
Mais dans la réalité 999 morceaux de bois sur 1000
servent de nourriture au feu
et contribuent tout au plus
à créer de la cendre ou à devenir
des cure-dents
après un repas de fête
Chaque soulier peut penser
qu’il deviendra un pont
Si les souliers avaient une idéologie
cela serait justement celle
de se sentir
enceints de ponts
Mais dans la réalité 999 souliers sur 1000
servent à laisser des empreintes
et contribuent tout au plus
à créer des chemins
ou à devenir des trottoirs
pour ne pas se mouiller les pieds
Chaque marche peut penser
qu’elle deviendra une libération
Si les marches avaient une idéologie
cela serait justement celle
de se sentir
enceintes de libérations
Mais dans la réalité 999 marches sur 1000
servent de poussière
à la direction
et contribuent tout au plus
à s’arrêter ou à devenir
des moyens d’aller d’un lieu immobile
à un autre lieu immobile
Chaque flaque d’eau immobile peut penser
qu’elle deviendra le ciel
qu’elle reflète
Si les flaques
avaient une idéologie
cela serait justement
celle de se sentir
enceintes de ciels
Mais dans la réalité 999 flaques sur 1000
servent d’abreuvoir aux cochons
et contribuent tout au plus
à salir nos souliers
ou à laisser flotter un morceau de bois
qui se prend pour un mot
ou pour une pierre
que personne n’aurait jeté
Etc.
(Poème à compléter librement
par celui qui le lit).
il y a 9 mois
Walt Whitman
@waltWhitman
La nuit sur la plage La nuit sur la plage
Il y a une petite fille avec son père,
Qui regarde vers le ciel d’automne vers l’est.
Très haut dans la nuit
Tandis que les nuages prédateurs, cumulus de deuil aux masses noires
oppressantes,
Annexent chagrinement l’étendue des basses régions du ciel,
Au centre d’une bande limpide d’éther restée intacte à l’est,
Monte, ample, paisible, le seigneur-astre Jupiter,
Avec tout près de lui, guère plus haut,
La troupe essaimante des Pléiades, sœurs délicates.
Sur la plage l’enfant qui tient son père par la main,
Devant ces funèbres nuées sur le point de tout engloutir victorieusement
dans leur caveau,
Pleure en silence.
Ne pleure pas ma petite,
Ne pleure pas ma chérie,
Laisse-moi sécher tes larmes par mes baisers,
Ces nuées voraces ne l’emporteront pas toujours,
N’occuperont pas toujours le ciel mais ne mangent les étoiles que par
une illusion,
Aie patience, Jupiter va surgir, reviens une autre nuit, tu verras apparaître les
Pléiades
Immortelles ont les étoiles, d’or ou d’argent, leur éclat resplendira à nouveau,
Petites ou grandes brilleront à nouveau, car elles durent,
Ainsi que durera la lumière des soleils immortels et des lunes pensives
éternellement.
Donc, ma petite chérie, pourquoi avoir du chagrin pour Jupiter ?
Pourquoi n’avoir de souci que pour la mort des étoiles ?
Il existe quelque chose
(Laisse-moi te le chuchoter de ma bouche apaisante,
Te confier l’ombre d’une confidence, le problème et la suggestion),
Il existe quelque chose de plus immortel que les étoiles
(Plus haut que la foule des nuits et des jours qui passent et qui meurent),
Quelque chose qui plus longtemps que l’éblouissant Jupiter,
Plus longtemps qu’aucun soleil, qu’aucun astre en ses révolutions,
Ou que les lumineuses sœurs, les Pléiades, durera.
il y a 9 mois
W
William Ernest Henley
@williamErnestHenley
Invictus Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé.
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.