Terreur du mensonge Oui, j’endure aujourd’hui le pire des tourments,
Tu m’as menti… Tu m’as trompé… Et tu me mens !…
Mensonge caressant qui glisse de ta bouche !
Ô serment que l’on croit, ô parole qui touche !
Ô multiples douleurs qui s’abattent sur vous
Ainsi qu’un petit vent pluvieusement doux !…
Comme un lilas ne peut devenir asphodèle,
Jamais tu ne seras ni franche ni fidèle.
Tu seras celle-là qui se dérobe et fuit
Plus sinueusement qu’un démon dans la nuit.
Ô toi que j’aime encor ! L’horreur de ton mensonge
Est dans mon cœur amer… Il me mord, il me ronge…
Je suis lasse d’avoir suivi les noirs chemins…
Col frêle qu’on voudrait prendre entre ses deux mains !
il y a 10 mois
R
Renee Vivien
@reneeVivien
Tes cheveux irréels, aux reflets clairs et froids Tes cheveux irréels, aux reflets clairs et froids,
Ont des lueurs de lune et des lumières blondes ;
Tes regards ont l’azur des éthers et des ondes ;
Ta robe a le frisson des brises et des bois.
Je brûle de baisers la blancheur de tes doigts.
L’air nocturne répand la poussière des mondes.
Pourtant je ne sais plus, au sein des nuits profondes,
Te contempler avec l’extase d’autrefois.
Car l’Astre t’effleura d’une lueur oblique,
Et ce fut un éclair lugubre et prophétique
Révélant la hideur au fond de ta beauté.
Je vis, — oh la terreur de ce rêve profane ! —
Sur ta lèvre, pareille aux aurores d’été,
Un sourire fané de vieille courtisane.
il y a 10 mois
R
Régis Boury
@regisBoury
Du con battu au long cours Prendre les papiers sur la table
(Accueil aimable)
Détour par l'isoloir
(Obligatoire)
Attente en file bien sage
(Sans tapage)
Devant l'autre table
(Aussi affable)
AFIN DE...
MAIS D'ABORD, LES FORMALITES :
(Check-list)
Pièce d'identité, présentée
Liste AlphaNumé, pointée
Nom, Prénom, annoncés
"Mais oui, vous pouvez..."
Allez-y"
ENFIN, JE...
Président dit "A voté !"
"S.v;p, signez ici"
Merci BENI OUI-OUI.
24 janvier 1998
zadig92000
il y a 10 mois
S
Sabine Sicaud
@sabineSicaud
Le chemin de l’oiseau Je ne choisirai pas cette route ni l’autre
Où des oiseaux tout court ont trop chanté
À la saison des chasses.
On a trahi partout leurs souvenirs de l’Arche
Et saint François ne leur a plus parlé.
Saint Hubert, Saint Hubert :
Plumes que vent emporte ;
Plumes et feuilles mortes
Sous le ciel pommelé…
il y a 10 mois
S
Sybille Rembard
@sybilleRembard
Angle mort Il déboule dans ses pensées
désir somptueux
mémoire physique
elle entre dans la chambre
draps froissés
elle regarde les étagères
livres décadents
fleurs flétries
bibelots ébréchés
la passion dégouline
le miroir ricane
de loin
la violence du regard se pose sur ses mains
elle a peur
de lui
d’une vérité qui éclate sous ses yeux
elle a compris
la trahison la blesse
une larme coule
elle a vu l’étranger
de demain
il y a 10 mois
T
Thibault Desbordes
@thibaultDesbordes
Omerta I
Demain je m’en irai
Sous l’enseigne du banc, où il fait bon espoir
De déclarer forfait,
D’avancer sans retrait à l’ombre des couloirs.
Quand tintera au clair une règle, un bocal,
Ânonnons tous en chœur comme un grand récital
L’âpre combinaison des gorges enrouées,
Car je vois, mes amis, l’omerta m’écrouer.
II
Chantons, chantons chers amis !
Déversons nos poumons cois
À la tête de l’égérie
Comme un hideux éjaculat.
il y a 10 mois
T
Thomas Chaline
@thomasChaline
Colère d’un printemps Tu piques dans la caisse
L’argent des contribuables
Car ce n’est que la paresse
Ta qualité honorable
Tu joues à quitte ou double
La lenteur de la justice
Les électeurs t’adoubent
Ta force est ton artifice
Quand l’heure des comptes viendra
Sous la colère d’un printemps
Tu prieras encore tous les vents
Pour t’échapper par là
il y a 10 mois
Tristan Corbière
@tristanCorbiere
Femme Lui — cet être faussé, mal aimé, mal souffert,
Mal haï — mauvais livre… et pire : il m’intéresse. —
S’il est vide après tout… Oh mon dieu, je le laisse,
Comme un roman pauvre — entr’ouvert.
Cet homme est laid… — Et moi, ne suis-je donc pas belle,
Et belle encore pour nous deux ! —
En suis-je donc enfin aux rêves de pucelle ?…
— Je suis reine : Qu’il soit lépreux !
Où vais-je — femme ! — Après… suis-je donc pas légère
Pour me relever d’un faux pas !
Est-ce donc Lui que j’aime ! — Eh non ! c’est son mystère…
Celui que peut-être Il n’a pas.
Plus Il m’évite, et plus et plus Il me poursuit…
Nous verrons ce dédain suprême.
Il est rare à croquer, celui-là qui me fuit !…
Il me fuit — Eh bien non !… Pas même.
… Aurais-je ri pourtant ! si, comme un galant homme,
Il avait allumé ses feux…
Comme Ève — femme aussi — qui n’aimait pas la Pomme,
Je ne l’aime pas — et j’en veux ! —
C’est innocent. — Et lui ?… Si l’arme était chargée…
— Et moi, j’aime les vilains jeux !
Et… l’on sait amuser, avec une dragée
Haute, un animal ombrageux.
De quel droit ce regard, ce mauvais œil qui touche :
Monsieur poserait le fatal ?
Je suis myope, il est vrai… Peut-être qu’il est louche ;
Je l’ai vu si peu — mais si mal. —
… Et si je le laissais se draper en quenouille,
Seul dans sa honteuse fierté !…
— Non. Je sens me ronger, comme ronge la rouille,
Mon orgueil malade, irrité.
Allons donc ! c’est écrit — n’est-ce pas — dans ma tête,
En pattes-de-mouche d’enfer ;
Écrit, sur cette page où — là — ma main s’arrête.
— Main de femme et plume de fer. —
Oui ! — Baiser de Judas — Lui cracher à la bouche
Cet amour ! — Il l’a mérité —
Lui dont la triste image est debout sur ma couche,
Implacable de volupté.
Oh oui : coller ma langue à l’inerte sourire
Qu’il porte là comme un faux pli !
Songe creux et malsain, repoussant… qui m’attire !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
— Une nuit blanche…. un jour sali…
il y a 10 mois
Tristan Corbière
@tristanCorbiere
Sonnet de nuit Ô croisée ensommeillée,
Dure à mes trente-six morts !
Vitre en diamant, éraillée
Par mes atroces accords !
Herse hérissant rouillée
Tes crocs où je pends et mords !
Oubliette verrouillée
Qui me renferme… dehors !
Pour Toi, Bourreau que j’encense,
L’amour n’est donc que vengeance ?…
Ton balcon : gril à braiser ?…
Ton col : collier de garotte ?…
Eh bien ! ouvre, Iscariote,
Ton judas pour un baiser !
il y a 10 mois
Victor Hugo
@victorHugo
La conscience Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva
Au bas d'une montagne en une grande plaine ;
Sa femme fatiguée et ses fils hors d'haleine
Lui dirent : « Couchons-nous sur la terre, et dormons. »
Caïn, ne dormant pas, songeait au pied des monts.
Ayant levé la tête, au fond des cieux funèbres,
Il vit un œil, tout grand ouvert dans les ténèbres,
Et qui le regardait dans l'ombre fixement.
« Je suis trop près », dit-il avec un tremblement.
Il réveilla ses fils dormant, sa femme lasse,
Et se remit à fuir sinistre dans l'espace.
Il marcha trente jours, il marcha trente nuits.
Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,
Furtif, sans regarder derrière lui, sans trêve,
Sans repos, sans sommeil; il atteignit la grève
Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.
« Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.
Restons-y. Nous avons du monde atteint les bornes. »
Et, comme il s'asseyait, il vit dans les cieux mornes
L'œil à la même place au fond de l'horizon.
Alors il tressaillit en proie au noir frisson.
« Cachez-moi ! » cria-t-il; et, le doigt sur la bouche,
Tous ses fils regardaient trembler l'aïeul farouche.
Caïn dit à Jabel, père de ceux qui vont
Sous des tentes de poil dans le désert profond :
« Étends de ce côté la toile de la tente. »
Et l'on développa la muraille flottante ;
Et, quand on l'eut fixée avec des poids de plomb :
« Vous ne voyez plus rien ? » dit Tsilla, l'enfant blond,
La fille de ses Fils, douce comme l'aurore ;
Et Caïn répondit : « je vois cet œil encore ! »
Jubal, père de ceux qui passent dans les bourgs
Soufflant dans des clairons et frappant des tambours,
Cria : « je saurai bien construire une barrière. »
Il fit un mur de bronze et mit Caïn derrière.
Et Caïn dit « Cet œil me regarde toujours! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours
Si terrible, que rien ne puisse approcher d'elle.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Bâtissons une ville, et nous la fermerons. »
Alors Tubalcaïn, père des forgerons,
Construisit une ville énorme et surhumaine.
Pendant qu'il travaillait, ses frères, dans la plaine,
Chassaient les fils d'Enos et les enfants de Seth ;
Et l'on crevait les yeux à quiconque passait ;
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles.
Le granit remplaça la tente aux murs de toiles,
On lia chaque bloc avec des nœuds de fer,
Et la ville semblait une ville d'enfer ;
L'ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes ;
Ils donnèrent aux murs l'épaisseur des montagnes ;
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d'entrer. »
Quand ils eurent fini de clore et de murer,
On mit l'aïeul au centre en une tour de pierre ;
Et lui restait lugubre et hagard. « Ô mon père !
L'œil a-t-il disparu ? » dit en tremblant Tsilla.
Et Caïn répondit : « Non, il est toujours là. »
Alors il dit: « je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
On fit donc une fosse, et Caïn dit « C'est bien ! »
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.
il y a 10 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Ultima verba Quand même grandirait l'abjection publique
A ce point d'adorer l'exécrable trompeur ;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur !
Quand même nous serions comme la feuille morte,
Quand, pour plaire à César, on nous renîrait tous ;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;
Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste,
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;
Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !
Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;
Bannis, la République est là qui nous unit.
J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte ;
Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit !
il y a 10 mois
Victor Segalen
@victorSegalen
Trahison fidèle Tu as écrit : "Me voici, fidèle à l'écho de ta voix, taciturne, inexprimé." Je sais ton âme tendue juste au gré des soies chantantes de mon luth :
C'est pour toi seul que je joue.
Écoute en abandon et le son et l'ombre du son dans la conque de la mer où tout plonge. Ne dis pas qu'il se pourrait qu'un jour tu entendisses moins délicatement !
Ne le dis pas. Car j'affirme alors, détourné de toi, chercher ailleurs qu'en toi-même le répons révélé par toi. Et j'irai, criant aux quatre espaces :
Tu m'as entendu, tu m'as connu, je ne puis pas vivre dans le silence. Même auprès de cet autre que voici, c'est encore,
C'est pour toi seul que je joue.
il y a 10 mois
Voltaire
@voltaire
À la marquise du Châtelet Ainsi donc cent beautés nouvelles
Vont fixer vos brillants esprits
Vous renoncez aux étincelles,
Aux feux follets de mes écrits
Pour des lumières immortelles ;
Et le sublime Maupertuis
Vient éclipser mes bagatelles.
Je n’en suis fâché ni surpris ;
Un esprit vrai doit être épris
Pour des vérités éternelles :
Mais ces vérités que sont-elles ?
Quel est leur usage et leur prix ?
Du vrai savant que je chéris
La raison ferme et lumineuse
Vous montrera les cieux décrits,
Et d’une main audacieuse
Vous dévoilera les replis
De la nature ténébreuse :
Mais, sans le secret d’être heureuse,
Il ne vous aura rien appris.
il y a 10 mois
É
Éphraïm Mikhaël
@ephraimMikhael
Infidélités Tu parlais de choses anciennes,
De riches jardins somnolents
Que de nobles musiciennes
Troublent, le soir, d’échos dolents;
Et de chapelles où s’attardent
Les princesses en oraison;
Et de lits féodaux que gardent
Toutes les bêtes du blason.
Hélas! tes paroles amies
Pour mon coeur avide et lassé
Ont réveillé ces endormies:
Les amoureuses du passé.
Et chacune à présent se lève
Devant moi dans le calme soir,
Émergeant à demi du rêve
Comme un corps blanc d’un fleuve noir.
Oh! les invincibles rivales
Que vous-mêmes vous appelez;
par ces visions triomphales
Nos pâles amours sont troublés.
Entre vos seins de soeur clémente
Vous caches vainement mon front:
C’est vers quelque lointaine amante
Que mes désirs cruels iront.
Je sais bien, vos yeux d’améthyste
S’emplissent de reproches doux...
Et je suis mortellement triste
De n’avoir plus d’amour pour vous.
il y a 10 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
L'infidélité Un bosquet, une jeune femme ;
À ses genoux un séducteur
Qui jure une éternelle flamme,
Et qu'elle écoute sans rigueur ;
C'est Valsin. Dans le même asile
Justine, crédule et tranquille,
Venait rêver a son amant :
Elle entre : que le peintre habile
Rende ce triple étonnement.
il y a 10 mois
Evariste de Parny
@evaristeDeParny
À un ami trahi par sa maîtresse Quoi ! tu gémis d'une inconstance ?
Tu pleures, nouveau Céladon ?
Ah ! le trouble de ta raison
Fait honte à ton expérience.
Es-tu donc assez imprudent
Pour vouloir fixer une femme ?
Trop simple et trop crédule amant,
Quelle erreur aveugle ton âme !
Plus aisément tu fixerais
Des arbres le tremblant feuillage,
Les flots agités par l'orage,
Et l'or ondoyant des guérets
Que balance un zéphyr volage.
Elle t'aimait de bonne foi ;
Mais pouvait-elle aimer sans cesse ?
Un rival obtient sa tendresse ;
Un autre l'avait avant toi ;
Et dès demain, je le parie,
Un troisième, plus insensé,
Remplacera dans sa folie
L'imprudent qui t'a remplacé.
Il faut au pays de Cythère
À fripon fripon et demi.
Trahis, pour n'être point trahi ;
Préviens même la plus légère ;
Que ta tendresse passagère
S'arrête où commence l'ennui.
Mais que fais-je ? et dans ta faiblesse
Devrais-je ainsi te secourir ?
Ami, garde-toi d'en guérir :
L'erreur sied bien à la jeunesse.
Va, l'on se console aisément
De ses disgrâces amoureuses.
Les amours sont un jeu d'enfant ;
Et, crois-moi, dans ce jeu charmant,
Les dupes mêmes sont heureuses.