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Exil

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Exil

Poésies de la collection exil

    Abdellatif Laâbi

    Abdellatif Laâbi

    @abdellatifLaabi

    Chronique de la citadelle d'exil Écrire, écrire, ne jamais cesser. Cette nuit et toutes les nuits à venir. Quand je suis enfin face à moi-même et que je dois déposer mes bilans. Plus d'uniforme. Je ne suis plus l'arpenteur égaré d'un espace calculé pour la promenade réglementaire. Je n'obéis plus à la misère des ordres. Mon numéro reste derrière la porte. J'ai fini de boire, manger, uriner, déféquer. J'ai fini de parler pour appeler les choses par leurs noms usés. Je fume d'interminables cigarettes dont la fumée ressort des poumons en éclats de chaînes, en volutes acres de rejets. La nuit carcérale a englouti les lumières artificielles du jour. Des étoiles échevelées peuplent la voûte des visions. Écrire. Quand je m'arrête, ma voix devient toute drôle. Comme si des notes inconnues s'accrochaient à ses cordes, poussées par des tempêtes étranges, venues de toutes les zones où la vie et la mort se regardent et s'épient, deux fauves aux couleurs inédites, chacun tapi, prêt à bondir, lacérer, anéantir le principe qui fonde l'autre. Écrire. Je ne peux plus vivre qu'en m'arrachant de moi-même, qu'en arrachant de moi-même mes points de rupture et de suture, là où je sens davantage la déchirure, la collision, là où je me fragmente pour revivre dans d'incalculables ailleurs : terre, racines, arbres d'intensité, effervescence grenue à la face du soleil. Écrire. Quand l'indifférence s'évanouit. Quand tout me parle. Quand ma mémoire devient houleuse et que ses flots viennent se fracasser contre les rivages de mes yeux. Je déchire l'amnésie, surgis armé et moissonneur implacable dans ce qui m'arrive, dans ce qui m'est arrivé. Doucement mon émoi. Doucement ma détresse de ce qui fuit. Doucement ma fureur d'être. Écrire. Quand il m'est impossible de seulement penser à toi. Et que ma main n'en peut plus de brûler à ton absence là, ton souffle régulier ou haletant, l'odeur de tes cheveux, l'infini de ton épaule, ce silence où je devine coulant tout doucement en moi chaque variation de ta sensibilité. Tu déplaces une main, tu croises ou décroises les jambes, tes paupières cillent, et je sais l'exact frisson qui te traverse, le moment où cette lumière t'incommode, l'instant où tes narines frémissent à la fragrance qui vient de naître, l'image, oui l'image filante qui a brouillé tes iris. Tant de bonheur, est-ce possible ? Tu as la chair de poule seulement au bras gauche et tu plonges de nouveau dans cette vague mutuelle qui nous berce. Mais doucement ma tendresse. Doucement ma fringale de certitude. Doucement mon rêve destructeur d'aphasie. Écrire, écrire, ne jamais cesser. Dix ans. C'est quoi dans l'équation d'une vie ? C'était une aube, au creux de ta chaleur. Quand t'étais-tu endormie ? Quand suis-je rentré ? Puis la sonnette s'est affolée. Ils défonçaient la porte à coups de poing. Nous avions su tout de suite. J'ai bondi hors du lit, me suis mis à la fenêtre, ai écarté précautionneusement le rideau. La voiture noire était en bas, dans la rue. Phares éteints. Une Fiat 125. Plus de doute. Puis nous avons entamé les préparatifs, comme pour un long voyage. La sonnette s'affolait, fis défonçaient la porte à coups de poing. Ecrire. Impossible de faire autrement. J'ai réfléchi à m'en trouer la cervelle sur ce besoin qui m'a investi. Depuis si longtemps. Et qui fait que la réalité qui se présente à moi est toujours fonction d'une autre, à venir. Qui fait que le présent est un projet permanent, le lieu où j'accumule la matière, les matériaux d'un édifice dont je ne connais encore rien, que je ne peux qu'appréhender comme la pulsation d'un nouvel organe qui s'est logé en moi, grossit à faire mal et petit à petit organise sa fonction. Comment dire cet espionnage vigilant et maniaque du réel ? Et son arène, c'est le vaste théâtre de nos luttes, de nos douleurs, du génocide et des résurrections, de toute vitalité qui ploie sous le joug du silence, de tous les cris clandestins, de toutes les mémoires décapitées. J'ai réfléchi à m'en trouer la cervelle sur ce besoin qui m'a investi. Mais doucement ma lucidité. Doucement ma hargne contre les ténèbres de l'indicible. Ecrire. Ce matin glacial de janvier. Premier jour d'exil. J'étais couché sur un banc, pieds et mains ligotés. Un chiffon me couvrait entièrement le visage. L'eau coulait, traversait le linge, se versait dans le nez. Impossible d'en boire. - Verse par petites quantités, disait quelqu'un à un autre. - Et toi, maintiens-lui la tête bien collée au banc, chuchotait la même voix. - Verse encore, encore un peu, s'acharnait la voix. - Ça suffit maintenant, concluait la voix. On aurait dit une démonstration autour d'une table de dissection. « Conscience professionnelle », souci du travail « propre » et bien fait. Je ne les voyais pas. J'entendais des voix à distances inégales, le bruit des souliers raclant le sol. Des mains visqueuses aplatissaient ma tête contre le banc. J'étouffais lentement. Je pensais au rythme de la résistance et de la mort pressentie. Mais quelle image, quel éclair d'idée de ce foisonnement pourraient rendre l'ampleur de ce moment où la ligne de vie se distendait, s'amincissait comme une corde à linge tirée violemment par les deux bouts et qui arrive au point où les fils commencent à craquer un à un ? Écrire, ne pas s'arrêter. À chaque page triompher de ce malaise, de ce sentiment d'inanité qui me paralyse par à-coups. Peut-on écrire, seulement écrire pour ébranler la férule de l'état de siège, lorsque chaque rue est devenue un traquenard, lorsque les réduits de la torture affichent complet, lorsqu'un peuple entier se vide quotidiennement de son sang, lorsqu'un pays est mis aux enchères, découpé en petits et gros lots de lupanars, de bases de meurtre, de chairs-graisse à machines, de mains esclaves. Et que dire que Fhomme-de-la-rue, que le moindre adolescent jeté sur le trottoir du chômage et de l'errance ne connaissent et reconnaissent comme la face livide du malheur familier : attente, matraque, mépris, balles, haine solidifiée. Mais doucement affres du doute. Doucement ma nausée. Doucement mon volcan irrédentiste. Écrire. Cette nuit devant moi, neuve de son silence, des mots qui germent, s'ordonnent et qui viendront entrelacer mon souffle, l'agencer en voix. Il fait bon fumer. Un train siffle dans le lointain. S'approche. Essaim de lucioles invisibles. Chaleur dans les compartiments. Le bar bondé de consommateurs. Voyageurs somnolents aux rêves cahotés, plus ou moins erotiques. Un autre train s'en détache, roule dans la plaine andalouse, me restitue Grenade. Nous deux à Grenade. Tout était émerveillement : s'accouder à un zinc pour prendre un petit verre de jerez, se donner la main, épeler le nom des rues, regarder travailler les artisans calligraphies, dépositaires de l'héritage de l'Alhambra, demander son chemin à des passants avec lesquels le dialogue même le plus élémentaire vous transmet un frisson de fraternité, dormir, se réveiller au même degré d'intensité. Grenade où il était déchirant de s'aimer. Un train siffle dans le lointain. S'approche. Me traverse de part en part. Se détache du tunnel de mon corps. Et de nouveau le silence que trouble si peu l'aboiement timide d'un chien probablement dérangé dans son assoupissement. Écrire. Au jour le jour l'étau. Prisonnier ! Qu'est-ce à dire ? Une cellule tout ce qu'il y a de plus cellule : 2,30 mètres x 1,30 mètre environ. Écrire. Est-ce l'épreuve seule qui a fait de nous ce que nous sommes devenus, dans notre rapport l'un à l'autre, dans nos rapports aux autres ? Il a fallu nous connaître, nous faire mal, errer de piétinements en balbutiements, nous taire et nous isoler faute de comprendre, triompher allègrement lorsqu'un rayon de lumière venait nous révéler une nouvelle acception de la tendresse, épauler notre désarroi, nous ouvrir la voie pour une étape inédite. Puis nous nous sommes mis à parler à mesure que le monde autour de nous devenait plus réel, à mesure que la poésie nous humanisait, à mesure que notre peuple par ses luttes et ses sacrifices nous octroyait une patrie vivable, à mesure de notre propre réveil au don. Tout ce périple, au bout duquel nous avons découvert que nos mains se ressemblaient terriblement, où nous avons découvert la fraternité. Écrire. De nouveau cette nuit incommensurable. Un avion surgit brusquement dans le silence. Son vrombissement éclate comme des orgues aériennes détraquées. Il doit s'apprêter à atterrir. Pourquoi est-ce si poignant ? Et mon corps comme une caisse de résonance qui fourmille de partout. Tu vois, un rien déclenche en moi ta présence, ce qui ne peut être simple souvenir mais vécu vibratoire qui me secoue sur mon grabat, me serre la gorge, me fait déposer le stylo, allumer machinalement une cigarette et m'éloigne dans cet espace croisé qui défie le temps et où nous marchons côte à côte, comblés. Écrire. Dois-je l'avouer. Je n'ai qu'une relative confiance en les mots, quand bien même je les tourne et les retourne dans tous les sens, les prononce à haute voix pour vérifier si le timbre n'en est pas fêlé, s'il ne s'est pas glissé dans le nombre quelques unités de mauvais aloi. Et quand je les enfile et ordonne, je dois me relire et me relire pour m'assurer encore que ce que j'ai écrit n'est ni ésotérique ni étranger à ce qui est recevable comme le fonds commun de nos peines et espérances. Écrire est une telle responsabilité. Et du moment que je l'assume (oh oui je l'assume), il n'est pas possible de biaiser, de se contenter de l'à-peu-près. Il faut pouvoir défendre chaque mot, chaque phrase, et si possible n'avoir rien à défendre, faire en sorte qu'ils s'adressent et s'imposent à la sensibilité de chacun comme ce crépitement familier de la pluie indispensable à la terre, comme ces fleurs innombrables et souvent étranges sans lesquelles le printemps avorte. Mais doucement mon intransigeance. Doucement démon rationnel de la poésie. Écrire, écrire, ne jamais cesser. Cette nuit et toutes les nuits à venir. Encore une nuit où je ne peux qu'écrire, me heurter à ce silence qui me nargue dans son idiome d'exil. Je me tends entièrement pour explorer cette voix de la nuit carcérale. J'écoute, et peu à peu j'en perçois l'harmonie, j'en parcours l'étendue, reçois comme en contrepoint ses échos sanglants. Je traque le silence, lui arrache la puissante rumeur contre laquelle ses digues cèdent de plus en plus, s'effondrent en un fracas qui m'éblouit et s'éparpillent dans la nuit. Le pays vient à moi, chant aérien surgi du fond de l'histoire, forge d'incandescence et de sueurs, de muscles huilés battant l'enclume de la matière rebelle, semailles, moissons, pain et olives noires partagés, écume de thé brûlant dont on se passe le verre de main en main, trompes, musettes et tambours soulevant les ruelles en processions bariolées, rires et trémoussements d'enfants ivres de musiques et de parfums, chevilles rouges de femmes juchées sur des tables rondes, battant la mesure avec les pieds, les seins vibrant en mûres grenades de fraîcheur, frénésie de crotales, musiciens déconnectés égorgeant ostensiblement des violons surchauffés, électrocutant les tambourins, éventrant des luths dodus flambant de toutes leurs incrustations. Long silence puis le pays revient à moi, la face ravagée, méconnaissable. Cris ici ou là, d'une rixe, d'un viol, d'un meurtre. Cris d'enfants aux yeux hagards fouettés pour apprendre et se taire. Cris de deuils et de pleureuses se lacérant les joues, s'arrachant les cheveux, battant le sol de leurs foulards, se tapant les cuisses et se cognant la tête contre les murs. Cris de nourrissons abandonnés dans les baraques des bidonvilles, dans la pénombre de tous les manques. Cris chauffés à blanc de malnutrition et de fièvres. Cris de femmes battues à mort par des mâles saouls et désespérés. Gémissements et râles de ces femmes terrorisées, embrassant les pieds de leur agresseur pour demander pitié, pour l'amour de Dieu, pour les enfants, pour les misères partagées. Cris de Mars portés par le vent de haine des insurgés, écoliers mitraillés en plein soleil des fausses indépendances, blindés dinosauriens contre de tout petits rêves pressentis dans la germination des jours, la marée du soleil, le sourire des hommes. Cris de mes camarades sous le perchoir, la pau de ara, la magnéto. Cris quand le cri devient espéranto de résistance, mélopée épique du drame humain et de l'espérance. Oh mes doux camarades, ma chair hallucinée, mon cœur gros d'amour à n'en plus pouvoir, vos yeux inoubliables de promesses, notre tendresse irrépressible.

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    A

    Adonis

    @adonis

    Index des travaux du vent J'ai écrit mon identité A la face du vent Et j'ai oublié d'écrire mon nom. Le temps ne s'arrête pas sur l'écriture Mais il signe avec les doigts de l'eau Les arbres de mon village sont poètes Ils trempent leur pied Dans les encriers du ciel. Se fatigue le vent Et le ciel déroule une natte pour s'y étendre. La mémoire est ton ultime demeure Mais tu ne peux l'y habiter Qu'avec un corps devenu lui-même mémoire. Dans le désert de la langue L'écriture est une ombre Où l'on s'y abrite. Le plus beau tombeau pour un poète C'est le vide de ses mots. Peut-être que la lumière T'induira en erreur Si cela arrive Ne craint rien, la faute est au soleil

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    A

    Amina Saïd

    @aminaSaid

    L'exil est dans la distance Qui préfigure tout voyage nous nous cherchons sous d'autres latitudes le jour est plein d'oiseaux dans cette lumière rare se dissipent des fragments de nuit nous donnons lieux et dates à nos vies inaccomplies un cercle noir pour visage notre mort attend assise sur une pierre sans témoin

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Exil Que l'on s'intéressa souvent, mon cher Conneau!... Plus qu'à l'Oncle Vainqueur, au Petit Ramponneau!... Que tout honnête insti net sort du Peuple débile !... Hélas ! ! Et qui a fait tourner mal notre bile!... Et qu'il nous sied déjà de pousser le verrou Au Vent que les enfants nomment Bari-barou!...

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    Christine de Pisan

    Christine de Pisan

    @christineDePisan

    Vous en pourriez exillier Vous en pourriez exillier Un millier Des amans par vo doulz oeil, Plains d'esveil, Qui ont fait maint fretillier Et veillier. Je m'en sens plus que ne sueil Et m'en dueil. Belle, qui bien traveillier Et pillier Savez cuers a vostre vueil, En recueil Vous en pourriez exillier. Mais bien sçavez pou baillier Et taillier Moins de joye et plus de dueil Sur le sueil, Pour musars entortillier, Conseillier, Par vostre attraiant acueil Sans orgueil Vous en pourriez exillier.

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    Clément Marot

    Clément Marot

    @clementMarot

    Au roi, du temps de son exil a ferrare Pour revenir doncques à mon propos, Rhadamanthus avecques ses suppôts Dedans Paris, combien que fusse à Blois, Encontre moi fait ses premiers exploits, En saisissant de ses mains violentes Toutes mes grandes richesses excellentes, Et beaux trésors, d'avarices délivres , C'est à savoir mes papiers et mes livres Et mes labeurs. Ô juge sacrilège, Qui t'a donné ni lois ni privilège D'aller toucher et faire tes massacres Au cabinet des saintes Muses sacres ? Bien est-il vrai que livres de défense3 On y trouva ; mais cela n'est offense A un poète, à qui on doit lâcher La bride longue et rien ne lui cacher, Soit d'art magique, nécromance ou caballe ; Et n'est doctrine écrite ni verbale, Qu'un vrai poète au chef ne dut avoir, Pour faire bien d'écrire son devoir. Savoir le mal est souvent profitable. Mais en user est toujours évitable. Et d'autre part, que me nuit de tout lire ? Le grand donneur m'a donné sens d'élire En ces livrets tout cela qui accorde Aux saints écrits de grâce et de concorde. Et de jeter tout cela qui diffère Du sacré sens, quand près on le confère ; Car l'Ecriture est la touche où l'on trouve Le plus haut or. Et qui veut faire épreuve D'or quel qu'il soit, il le convient toucher A cette pierte et bien près l'approcher De l'or exquis, qui tant se fait paraîtte, Que, bas ou haut, tout autre fait connaître. (...) Puis tôt après, royal chef couronné, Sachant plusieurs de vie trop meilleure Que je ne suis être brûlés à l'heure, Si durement, que mainte nation En est tombée en admitation1. J'abandonnai, sans avoir commis crime, Eingrate France, ingrate, ingratissime A son poète : et en la délaissant, Fort gtand regret ne vint mon cœur blessant Tu mens, Marot ! grand regret tu sentis, Quand tu pensas à tes enfants petits. Enfin, passai les grand froides montagnes Et vins entrer aux lombardes campagnes, Puis en l'Itale , où Dieu qui me guidait Dressa mes pas au lieu où résidait De ton clair sang une princesse humaine, Ta belle-sceur et cousine getmaine, Fille du roi tant craint et renommé Père du peuple aux chroniques nommé. En son duché de Ferrare venu,

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    François Coppée

    François Coppée

    @francoisCoppee

    Chanson d’exil Triste exilé, qu’il te souvienne Combien l’avenir était beau, Quand sa main tremblait dans la tienne Comme un oiseau, Et combien ton âme était pleine D’une bonne et douce chaleur, Quand tu respirais son haleine Comme une fleur ! Mais elle est loin, la chère idole, Et tout s’assombrit de nouveau ; Tu sais qu’un souvenir s’envole Comme un oiseau ; Déjà l’aile du doute plane Sur ton âme où naît la douleur ; Et tu sais qu’un amour se fane Comme une fleur.

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    François de Malherbe

    François de Malherbe

    @francoisDeMalherbe

    Caliste, en cet exil j'ai l'âme.. À la vicomtesse d'Auchy (1608) Caliste, en cet exil j'ai l'âme si gênée, Qu'au tourment que je souffre il n'est rien de pareil ; Et ne saurais ouïr ni raison ni conseil, Tant je suis dépité contre ma destinée. J'ai beau voir commencer et finir la journée, En quelque part des cieux que luise le soleil ; Si le plaisir me fuit, aussi fait le sommeil, Et la douleur que j'ai n'est jamais terminée. Toute la cour fait cas du séjour où je suis, Et, pour y prendre goût, je fais ce que je puis ; Mais j'y deviens plus sec plus j'y vois de verdure. En ce piteux état si j'ai du réconfort, C'est, ô rare beauté, que vous êtes si dure, Qu'autant près comme loin je n'attends que la mort.

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    Guillaume Apollinaire

    Guillaume Apollinaire

    @guillaumeApollinaire

    La Grâce Exilée Va-t'en va-t'en mon arc-en-ciel Allez-vous-en couleurs charmantes Cet exil t'est essentiel Infante aux écharpes changeantes Et l'arc-en-ciel est exilé Puisqu'on exile qui l'irise Mais un drapeau s'est envolé Prendre ta place au vent de bise

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    Gérard de Nerval

    Gérard de Nerval

    @gerardDeNerval

    La mort de l'exilé Toi qui semblas un dieu, quoique fils de la terre, Qui pourra de ta vie expliquer le mystère? Un matin, tu brillas comme un soleil nouveau, Mais, le soir, las enfin de lasser la victoire, Trop chargé de grandeurs, de triomphe, de gloire, Tu roulas contre un roc avec ton lourd fardeau 8. Là, tu viens de t'asseoir, et ta tâche 8 est finie : Du crêpe de la nuit la terre est rembrunie; Au repos bienfaisant tu vas enfin céder... Jusqu'à ce que la voix du maître qui t'éveille A la fin de la nuit vienne te demander Compte du travail de la veille. Mais, avant d'accueillir ce sommeil précieux, Vers le jour qui n'est plus tu reportes les yeux, Et ton esprit, plongeant dans ta course passée, Tantôt veut secouer un triste souvenir, Tantôt d'un plus brillant aime à s'entretenir, Et semble en écouter l'enivrante * pensée. Dont les premiers essais étonnaient l'univers? Et toi, que pensas-tu, quand, battu par l'orage, Tu te vis, de si loin, jeté sur le rivage, Comme un débris vomi par l'écume des mers? Mais pourquoi par le temps laisser ronger tes armes? Pourquoi laisser couler ton âme dans les larmes? Reprends le glaive encor, sors de ton long repos! N'as-tu donc plus le bras qui lance le tonnerre? N'as-tu plus le sourcil qui fait trembler la terre? N'as-tu plus le regard qui produit les héros? Lève-toi! c'est assez gémir dans le silence! De tes lâches gardiens crains-tu la vigilance? Ces vaincus d'autrefois ne te connaissent plus : Mais redeviens toi-même, et reparais leur maître!... Ils gardent sans effroi ce que tu semblés être, Et s'enfuiront encor devant ce que tu fus ! Mais ton âme n'a plus sa brûlante * énergie, Ton talisman sans force a perdu sa magie, Et les fers ont usé ta vie et ton ardeur : Ainsi le roi des bois devient doux et docile, Et se laisse guider par le chasseur habile, Qui sut enchaîner sa fureur 2. Tu n'es plus à présent qu'un mortel ordinaire, Faible dans l'infortune et sensible aux malheurs ; Plus d'encens! plus d'autels pour l'enfant de la terre... On ne peut désormais t'accorder que des pleurs ! Il fallait rester grand en restant à ta place ; Au lieu de te plier 3, te briser sous le sort, Tu pouvais en héros défier sa menace : N'avais-tu pas toujours * un asile?... la mort! La mort, mais elle est là : c'est Dieu qui te rappelle; Il va te délivrer de l'écorce mortelle Qui cachait ton âme de feu B : Lui seul peut prononcer l'éloge ou l'anathème. Quand sur les rois détruits tu régnais, dieu toi-même ; Songeais-tu qu'il était un Dieu? Maintenant tu frémis, et ta vue incertaine Sonde l'éternité; Et ton œil, égaré dans la céleste plaine, Pénètre avec horreur dans son immensité. Ne crains rien! notre Dieu, c'est un Dieu La clémence qui l'environne, Et son éternelle bonté, Sont sa plus brillante couronne, Le plus bel attribut de sa divinité. Il te pardonnera ; qu'importe que sur terre Il t'ait vu consumer un temps si précieux, A ramasser en tas quelque peu de poussière... Que le souffle du Nord fit voler dans tes yeux. La mort vient. — Et, semblable à la mourante flamme, Dans ton cœur défaillant tu sens trembler ton âme, Et tes cils, tout chargés du long sommeil des morts *, Vacillent sur tes yeux, s'abaissent; tu t'endors!2 — Adieu! — Mais, en quittant sa dépouille 3 grossière, Ton âme arrête encor et se porte en arrière; Tu crains... que peux-tu craindre au moment du trépas? Non, personne jamais n'occupera ta place; Eh! quel fils de la terre osera, sur ta trace, S'élancer jusqu'aux cieux pour retomber si bas? O vous * qu'il étonna dans sa noble carrière, Contemplez le héros au moment du sommeil; De sa chute on le vit se relever naguère... Mais, hélas! cette fois, c'est sa chute dernière, Et son repos tardif n'aura plus de réveil. Ah! contemplez encore au moment qu'il expire, Cette tête où siégea le destin d'un empire, Cette bouche où tonna sa formidable voix, Ce front vaste, foyer de ses projets immenses, Cette main dont l'effort écrasait des puissances, Elevait des guerriers, ou pesait sur des rois. Mais sa bouche est muette, et sa main impuissante. Son front n'enferme plus une pensée ardente, Et, puisque le grand homme est au séjour des morts, II n'en restera plus bientôt que la mémoire... Et le ver du cercueil aura rongé son corps, Quand l'Envie à son tour voudra ronger sa gloire. Dans le triste réduit où le roi prisonnier Après tant de chagrins exhala l'existence, Les preux, frappés encor de son accent dernier*, Les yeux fixés sur lui, gémissent en silence; Mais aux portes s'entend un bruit long et confus; Soudain la Renommée embouche la trompette; L'écho redit ses sons, et partout il répète Ces mots : // n'est plus! il n'est plus! N'est-ce qu'un bruit trompeur et l'accent du mensonge?... Sans le croire on l'entend : mais le bruit se prolonge, Le temps, comme un vain son, ne l'a point dissipé, Et sur tant de grandeur la mort a donc frappé! Les uns ont tressailli d'une barbare joie ; D'autres, pleurant sa perte, au chagrin sont en proie; Quelques-uns même encor ne peuvent consentir A croire un coup du sort qu'ils étaient loin de craindre : « Comme si le soleil pouvait jamais s'éteindre, Et comme si le dieu pouvait jamais mourir! »] Il n'est plus ; mais la gloire a droit de le défendre Du blâme qui souvent plane autour des tombeaux, Le grand homme en mourant a couvert ses défauts Du rapide laurier qui grandit sur sa cendre. Quoique, ressortant plus sur un fond radieux. Des faiblesses sans doute entachent sa mémoire, Honte a vous qui voulez rabaisser cette gloire Dont l'éclat aveugla vos yeux : Ne portez pas si haut ces yeux faits pour la terre ; Reptiles impuissants, rampez dans la poussière... L'aigle était dans les cieuxl Avant sa mort, craignant un revers de fortune, L'Europe, mesurant le long gouffre des mers Et la lenteur * d'une vie importune. Frémissait au bruit de ses fers. Mais, le champ désormais étant libre à l'injure, Ta s mémoire est en butte à des flots d'imposture; Des nocturnes oiseaux les lamentables cris Viennent insulter l'aigle à son heure dernière, Comme un vent empesté, planent sur ses débris, Et croassent longtemps autour de sa poussière. « Il n'est plus 8, disent-ils, ce tyran des mortels ; Dans un honteux exil à son tour il succombe, Ce lâche contempteur des ordres éternels, Qui voulait de la terre obtenir des autels, Et qui n'en obtient7 qu'une tombe. « Le hasard, ce seul Dieu qu'il voulût adorer, De la coupe des biens se plut à l'enivrer; Mais il la vida tout entière; Alors sa fortune cessa; Puis il l'emplit du sang des peuples de la terre Et la coupe se renversa ! « Comme un songe d'Enfer, il pesait sur le monde, Balayait en passant son espoir renversé, Ainsi qu'un vent du nord dans la plaine féconde, Promenant son souffle glacé. La palme qu'il portait était toute sanglante, Les x guirlandes étaient des fers ; « Et son sceptre imprimait une tache infamante Au front des rois de l'univers; Sa gloire qui brûlait la terre palpitante, Était de sang toute fumante, Et ses rayons de feu 2 n'étaient que des éclairs. « Mais les hivers du Nord arrêtèrent sa rage, Le tonnerre au néant le força de rentrer, La mer le revomit dans une île sauvage, Où le sol le porta... mais pour le dévorer. « Tigre 3 cruel, l'horreur de toute la nature, Dans un étroit cachot l'on sut te captiver. Là, tu viens d'expirer 4 faute de nourriture; Car il t'aurait fallu tout le monde en pâture, Et tout le sang pour t'abreuver! » En insultes ainsi déborde l'impudence! Mais un autre motif le guidait aux combats Que celui de régner sur de vastes États : Ce fut par le désir d'une juste défense 5, Par celui de venger et d'agrandir la France, Qu'il remplit vingt pays des flots de ses soldats. Cependant, si toujours à conquérir la terre, A rabaisser l'orgueil de ses puissants rivaux, Il eût borné tous ses travaux, Sans doute il n'eût été qu'un conquérant vulgaire Mais il fut des talents et le guide et l'appui; Il encourageait le génie, Ornait de monuments la France rajeunie, Et les arts régnaient avec lui. Admirez en tous lieux ces superbes portiques, Ces monuments sacrés 8, ces palais magnifiques, Dont il remplissait ses États ; II fut grand dans la paix comme dans la victoire ; 0 Français, contemplez ces colonnes de gloire, Dont le bronze orgueilleux retrace vos combats : Gloire au législateur! il terrasse le crime, Il montre à l'innocence un sévère vengeur, Et Thémis, reprenant son pouvoir qu'il ranime, Entoure le héros d'une sainte splendeur 1 Gloire 2 à lui qui fut grand, et de toutes les gloires, A lui qui nous combla de maux et de bienfaits, A lui qui fut vainqueur de toutes les victoires, Mais ne put se vaincre jamais! Extrême en ses grandeurs comme en ses petitesses 3, N'allons pas comparer à César, à Sylla, Dans ses vertus ou ses faiblesses, Ce qu'il fut... ou ce qu'il sembla; N'égalons donc à rien celui que rien n'égale; Qu'il tombât dans l'abîme, ou volât au soleil, Sur un rocher désert, dans la pourpre royale, Ou plus haut, ou plus bas, il était sans pareil! Le superbe tombeau qu'il fit jadis construire, Ainsi que son immense empire, Est demeuré vide de lui : On tailla dans le roc sa demeure dernière, Et sous une modeste pierre Sa cendre repose aujourd'hui. Mais ses gloires, toujours aux nôtres enchaînées, Lui promettent un nom qui ne doit pas finir, Monument éternel, enfant du souvenir, Qui ne croulera pas sous le poids des années, Mais grandira dans l'avenir!

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    H

    Habib Tengour

    @habibTengour

    Exil pointé Une journée de travail qui s'achève dans une aquarelle J'ai pris un oeuf et beaucoup d'alcool Signe éteint me saisit * Je suis pessimiste octobre hors de cause Qu'est-ce qu'une saison ? Une cause juste triomphe toujours invincible Une évidence non évidente à l'histoire il arrive que la Révolution échoue Mes frères massacrés... * Changer l'homme en homme et colorer la vie de nos chants nos danses Je te donnerai un nom et une forme et tu mangeras à ma table dans les rues propres la poésie chasse les poètes riment à rien * Érection de mots La parole en spasmes La rue n'est jamais vide de rencontre au rancart Ma banane à deux cents balles avec ma pomme je suis poire rance Je note tout sur un bout de papier avant de faire le marché À ma grande surprise les légumes sont à poils la viande saigne et les fruits trop gâtés tirent la langue Et les garçons bouchers c'est un métier ça c'est un problème On ne sera jamais socialiste tant qu'on laisse un seul garçon boucher faire le coeur tendre derrière ses entrecôtes Les carottes font la navette entre les poulets rôtis et les canards sauvages Qu'est-ce que je vais bien pouvoir manger ce soir ?

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    J

    Jacques Richard

    @jacquesRichard

    Dans le temps du soleil Cela ouvert dans la lumière arrivé à celui cet enfant débarqué dans le temps du soleil et qui prononce moi et qui déjà se sait seul possible de cela cours au long du désert la tartine à la main narine emplie de vent mal au ventre musique seul moi seul ici et seul temps où rien n’est là en vrai que par ce moi d’où sortent deux mains presque deux bras deux pieds presque deux jambes et seul à qui cela arrive cours au long du désert la tartine à la main narine emplie de vent tête ventre de bruits ce sac de déjà plein d’un mal et qu’aucun autre n’a et qu’aucun autre n’est rien n’est moi comme moi irremplaçable enfant et tout qui n’est plus là s’il part cours au long du désert la tartine à la main narine emplie de vent mal au ventre musique

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    J

    Jacques Richard

    @jacquesRichard

    Non-lieu De moi à moi appel d’un lieu d’où nul ne parle lieu-dit sans nom non-lieu je n’entends pas ce que je dis j’entrave pas ce que je parle c’est que ma langue m’est entrave qui trop me lie au dire ma bouche s’ouvre sur rien mes lèvres c’est à ce là que je dis moi c’est à ce lui ce moi que je suis sourd silence suspens avant tout d’après moi maintenant qui n’a pas de lieu

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    Jean Follain

    Jean Follain

    @jeanFollain

    Exil Le soir ils écoutent la même musique à peine gaie un visage se montre à un tournant du monde habité les roses éclosent une cloche a tinté sous les nuées devant l’entrée à piliers. Un homme assis répète à tout venant dans son velours gris montrant les sillons à ses mains moi vivant personne ne touchera à mes chiens amis.

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    J

    José Maria de Heredia

    @joseMariaDeHeredia

    L'exilée Dans ce vallon sauvage où César t'exila, Sur la roche moussue, au chemin d'Ardiège, Penchant ton front qu'argenté une précoce neige, Chaque soir, à pas lents, tu viens t'accouder là. Tu revois ta jeunesse et ta chère villa Et le Flamine rouge avec son blanc cortège ; Et pour que le regret du sol Latin s'allège, Tu regardes le ciel, triste Sabinula. Vers le Gar éclatant aux sept pointes calcaires, Les aigles attardés qui regagnent leurs aires Emportent en leur vol tes rêves familiers ; Et seule, sans désirs, n'espérant rien de l'homme, Tu dresses des autels aux Monts hospitaliers Dont les Dieux plus prochains te consolent de Rome.

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    J

    Jude Stéfan

    @judeStefan

    Sur la roche d'exil Sœur dans l'éclatant midi tu m'offris tes seins pour m'enseigner la chasteté et si voracement je savourais leur pointe plus que la sainteté (lors attaché à tes mollets non tes jupes) pour tous ceux qui meurent à la tombée des heures disparus comme les feuilles ou carrément se fichant sur un pal enfin les yeux devenus privés de sens à faire l'amour dans le plein jour toute joie tombant toute rage

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    Louis Aragon

    Louis Aragon

    @louisAragon

    La nuit d'exil Qu'importe à l'exilé que les couleurs soient fausses On jurerait dit-il que c'est Paris si on Ne refusait de croire aux apparitions J'entends le violon préluder dans la fosse C'est l'Opéra dit-il ce feu follet changeant J'aurais voulu fixer dans mes yeux mal ouverts Ces balcons embrasés ces bronzes ce toit vert Cette émeraude éteinte et ce renard d'argent Je reconnais dit-il ces danseuses de pierre Celle qui les conduit brandit un tambourin Mais qui met à leur front ces reflets sous-marins Le dormeur-éveillé se frotte les paupières Des méduses dit-il les lunes des halos Sous mes doigts fins sans fin déroulent leurs pâleurs Dans l'Opéra paré d'opales et de pleurs L'orchestre au grand complet contrefait mes sanglots J'aurais voulu fixer dans ma folle mémoire Cette rose dit-il cette mauve inconnue Ce domino fantôme au bout de l'avenue Qui changeait pour nous seuls de robe tous les soirs Ces nuits t'en souvient-il Me souvenir me nuit Avaient autant d'éclairs que l'œil noir des colombes Rien ne nous reste plus de ces bijoux de l'ombre Nous savons maintenant ce que c'est que la nuit Ceux qui s'aiment d'amour n'ont qu'elle pour adresse Et tes lèvres tenaient tous les soirs le pari D'un ciel de cyclamen au-dessus de Paris O nuits à peine nuits couleur de la tendresse Le firmament pontait ses diamants pour toi Je t'ai joué mon cœur sur les chances égales Soleil tournant des boulevards feux de Bengale Que d'étoiles à terre et par dessus les toits Quand j'y songe aujourd'hui les étoiles trichèrent Le vent charriait trop de rêves dérivés Et les pas des rêveurs sonnaient sur les pavés Des amants s'enlaçaient sous les portes cochères Nous peuplions à deux l'infini de nos bras Ta blancheur enflammait la pénombre éternelle Et je ne voyais pas au fond de tes prunelles Les yeux d'or des trottoirs qui ne s'éteignaient pas Passe-t-il toujours des charrettes de légumes Alors les percherons s'en allaient lentement Avec dans les choux-fleurs des hommes bleus dormant Les chevaux de Marly se cabraient dans la brume Les laitiers y font-ils une aube de fer-blanc Et pointe Saint-Eustache aux crochets des boutiques Les bouchers pendent-ils des bêtes fantastiques Epinglant la cocarde à leurs ventres sanglants A-t-il à tout jamais décidé de se taire Quand la douceur d'aimer un soir a disparu Le phono mécanique au coin de notre rue Qui pour dix sous français chantait un petit air Reverrons-nous jamais le paradis lointain Les Halles l'Opéra la Concorde et le Louvre Ces nuits t'en souvient-il quand la nuit nous recouvre La nuit qui vient du cœur et n'a pas de matin I Comme on laisse à l'enfant pour qu'il reste tranquille Des objets sans valeur traînant sur le parquet Peut-être devinant quel alcool me manquait Le hasard m'a jeté des photos de ma ville Les arbres de Paris ses boulevards ses quais Il a le front changé d'un acteur qu'on défarde Il a cet œil hagard des gens levés trop tôt C'est pourtant mon Paris sur ces vieilles photos Mais ce sont les fusils des soldats de la Garde Si comme ces jours-ci la rue est sans auto L'air que siffle un passant vers soixante dut plaire Sous les fers des chevaux les pavés sont polis Un immeuble m'émeut que j'ai vu démoli Cet homme qui s'en va n'est-ce pas Baudelaire Ce luxe flambant neuf la rue de Rivoli J'aime m'imaginer le temps des crinolines Le Louvre étant fermé du côté Tuileries Par un château chantant dans le soir des soieries Le"s lustres brillaient trop à minuit pour le spleen Le spleen a la couleur des bleus d'imprimerie Il se fait un silence à la fin des quadrilles Paris rêve et qui sait quels rêves sont les siens Ne le demandez pas aux Académiciens Le secret de Paris n'est pas au bal Mabille Et pas plus qu'à la cour au conseil des Anciens Paris rêve et jamais il n'est plus redoutable Plus orageux jamais que muet mais rêvant De ce rêve des ponts sous leurs arches de vent De ce rêve aux yeux blancs qu'on voit aux dieux des fables De ce rêve mouvant dans les yeux des vivants Paris rêve et de quoi rêve-t-il à cette heure Quelle ombre traîne-t-il sur sa lumière entée Il a des revenants pis qu'un château hanté Ht comme à ce lion qui rêve du dompteur Le rêve est une terre à ce nouvel Antée Paris s'éveille et c'est le peuple de l'aurore Qui descend du fond des faubourgs à pas brumeux Ils semblent ignorer ce qui déjà les meut l.'air a lavé déjà leurs grands fronts incolores Des songes mal peignés y pâlissent comme eux Qui n'a pas vu le jour se lever sur la Seine Ignore ce que c'est que ce déchirement Quand prise sur le fait la nuit qui se dément Se défend se défait les yeux rouges obscène Et Notre-Dame sort des eaux comme un aimant Qu'importe qu'aujourd'hui soit le Second Empire Et que ce soit Paris plutôt que n'importe où Tous les petits matins ont une même toux Et toujours l'échafaud vaguement y respire C'est une aube sans premier métro voilà tout Toute aube est pour quelqu'un la peine capitale À vivre condamné que le sommeil trompa Et la réalité trace avec son compas Ce triste trait de craie à l'orient des Halles Les contes ténébreux ne le dépassent pas Paris s'éveille et moi pour retrouver ces mythes Qui nous brûlaient le sang dans notre obscurité Je mettrai dans mes mains mon visage irrité Que renaisse le chant que les oiseaux imitent Et qui répond Paris quand on dit liberté II C'est un pont que je vois si je clos mes paupières La Seine y tourne avec ses tragiques totons Ô noyés dans ses bras noueux comment dort-on C'est un pont qui s'en va dans ses loges de pierre Des repos arrondis en forment les festons Un roi de bronze noir à cheval le surmonte Et l'île qu'il franchit a double floraison Pour verdure un jardin pour roses des maisons On dirait un bateau sur son ancre de fonte Que font trembler les voitures de livraison L'aorte du Pont-Neuf frémit comme un orchestre Où j'entends préluder le vin de mes vingt ans Il souffle un vent ici qui vient des temps d'antan Mourir dans les cheveux de la statue équestre La ville comme un cœur s'y ouvre à deux battants Sachant qu'il faut périr les garçons de mon âge Mirage se leurraient d'une ville au ciel gris Nous derniers nés d'un siècle et ses derniers conscrits Les pieds pris dans la boue et la tête aux nuages Nous attendions l'heure Il en parlant de Paris Quand la chanson disait Tu reverras Paname Ceux qu'un œillet de sang allait fleurir tantôt Quelque part devant Saint-Mihiel ou Neufchâteau Entourant le chanteur comme des mains la flamme Sentaient frémir en eux la pointe du couteau Depuis lors j'ai toujours trouvé dans ce que j'aime Un reflet de ma ville une ombre dans ses rues Monument oubliés passages disparus J'ai plus écrit de toi Paris que de moi-même Et plus qu'en mon soleil en toi Paris j'ai cru Cité faite flambeau que seul aimer consume Cité faite de pleurs qui ris d'avoir pleuré Enfer aux yeux d'argent Paradis dédoré Forge de l'avenir où le crime est l'enclume Piège du souvenir où la gloire est murée Sur les places grondait l'orage populaire Les bras en croix tombaient des héros inconnus Ou des cortèges noirs le long des avenues Y paraissaient écrire un serment de colère Ô Paris tu berçais les vents dans tes bras nus La mort est un miroir la mort a ses phalènes Ma vie a ses deux bouts le même feu s'est mis Pour la seconde fois le monstre m'a vomi Je suis comme Jonas sortant de la baleine Mais j'ai perdu mon ciel ma ville et mes amis III Afin d'y retrouver la photo de mes songes Si je frotte mes yeux que le passé bleuit Ainsi que je faisais à l'école à Neuilly Un printemps y fleurit encore et se prolonge Et ses spectres dansants ont moins que moi vieilli C'est Paris ce théâtre d'ombres que je porte Mon Paris qu'on ne peut tout à fait m'avoir pris Pas plus qu'on ne peut prendre à des lèvres leur cri Que n'aura-t-il fallu pour m'en mettre à la porte Arrachez-moi le cœur vous y verrez Paris C'est de ce Paris-là que j'ai fait mes poèmes Mes mots sont la couleur étrange de ses toits La gorge des pigeons y roucoule et chatoie J'ai plus écrit de toi Paris que de moi-même Et plus que de vieillir souffert d'être sans toi Plus de temps passera moins il sera facile De parler de Paris et moi séparés Les nuages fuiront de Saint-Germain-des-Prés Un jour viendra comme une larme entre les cils Comme un pont Alexandre Trois blême et doré Ce jour-là vous rendrez voulez-vous ma complainte À l'instrument de pierre où mon cœur l'inventa Peut-on déraciner la croix du Golgotha Ariane se meurt qui sort du labyrinthe Cet air est à chanter boulevard Magenta Une chanson qui dit un mal inguérissable Plus triste qu'à minuit la Place d'Italie Pareille au Point-du-Jour pour la mélancolie Plus de rêves aux doigts que le marchand de sable Annonçant le plaisir comme un marchand d'oubliés Une chanson vulgaire et douce où la voix baisse Comme un amour d'un soir doutant du lendemain Une chanson qui prend les femmes par la main Une chanson qu'on dit sous le métro Barbes Et qui change à l'Étoile et descend à Jasmin Le vent murmurera mes vers aux terrains vagues Il frôlera les bancs où nul ne s'est assis On l'entendra pleurer sur le quai de Passy Et les ponts répétant la promesse des bagues S'en iront fiancés aux rimes que voici *" Comme on laisse à l'enfant pour qu'il reste tranquille Des objets sans valeur traînant sur le parquet Peut-être devinant quel alcool me manquait Le hasard m'a jeté des photos de ma ville Les arbres de Paris ses boulevards ses quais

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'exil Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre, Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ; Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre, Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis. Ils vont, les derniers-nés des races primitives, Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets, Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives Et grandir un Soleil, oublié désormais. Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ; Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes, Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux. Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace La neige inépuisable en tourbillons gonflés ; Un hiver éternel suspend, en blocs de glace, De rigides torrents aux flancs des monts gelés. Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume, Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain. Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume, De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin. Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes, S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux, Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux. Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes, Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent, Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes, Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant. En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes, Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts, Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps. Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches, En lanières tombaient de leurs crânes étroits, Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits. Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches, Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ; D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches, D'un manteau bestial couvraient leurs reins sanglants. Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides, Haletant et pliant sous les doubles fardeaux Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides Et des petits enfants attachés sur leur dos. En arrière, portés sur des branches unies, De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains Et, soulevant parfois leurs paupières ternies, Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints. Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin, La tribu tout entière, épuisée et trop lasse, Multipliait le cri terrible de sa faim. Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ; Le renne prisonnier a rompu ses liens ; L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ; Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens. Le sol ne livre plus ni germes ni racines, Le poisson se dérobe aux marais submergés ; Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines, Ni la moelle épaisse au creux des os rongés. Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre, Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi, Ont compté tous les morts dont la chair nourricière Fut le festin des loups, sur le chemin suivi. Voici la proie humaine, offerte à leur délire, Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire Les yeux des carnassiers en un cercle hideux. Les haches ont volé. Devant les corps inertes, Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux, Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes, Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux. Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore, Parmi les os blanchis épars sur le sol nu, Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore, Marchent, silencieux, vers le but inconnu. Telle, de siècle en siècle incessamment errante, Sur la neige durcie et le désert glacé Ne laissant même pas sa trace indifférente, La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé. Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves Dont les vallons emplis traçaient le large cours, Sauvages conquérants des solitudes neuves, Ont avancé, souffert et pullulé toujours ; Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques, Dont le rideau flottant se déchira soudain, Une terre, pareille aux demeures antiques, A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin. Devant eux s'étalait calme, immense et superbe, Comme un tapis changeant au pied des monts jeté, Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe, Des vaches au poil blanc paissaient en liberté. Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles, Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles Écoutaient sans effroi les pas des étrangers. C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève, Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux, Comme un réveil tardif après un sombre rêve, Le vivant souvenir des siècles bienheureux. La Vie a rejailli de la source féconde, Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné, Et le désert se peuple et toute chair abonde, Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né. Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière, Et le ciel où, témoins des clémentes saisons, Des astres reconnus, à l'heure coutumière, Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons. Et plus loin, par delà le sable monotone, Il voit irradier, comme un profond miroir, L'étincelante mer dont l'infini frissonne Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir. Et le Ciel sans limite et la Nature immense, Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux. Moins aveugle et moins sourd, un univers commence Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux. Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes, Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ; Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes D'une terreur barbare emplit les temps sacrés. Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse. Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair, Comme un glaive strident qui poursuit et transperce Les monstres nuageux accumulés dans l'air. Sur l'abîme éternel des eaux primordiales Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ; D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ; Des serpents inspirés sifflent dans les buissons. Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore, Le Soleil triomphal brille au firmament bleu, L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ; Celui qui féconda la Vie universelle, L'ancêtre vénéré du jour propice et pur, Le guerrier lumineux dont le disque étincelle Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ; Et celui qui parfois, formidable et néfaste, Immobile au ciel fauve et morne de l'Été, Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité. Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature, Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix, Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure, Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois. Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres D'un sang expiatoire ont inondé le sol ; Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres, Comme un aiglon divin tenta son premier vol. Idoles de granit, simulacres de pierre, Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein, Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière, Et la graisse a fumé sur les autels d'airain. Les siècles ont passé ; les races successives Ont bâti des palais, des tours et des cités Et des temples jaloux, dont les parois massives Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés. Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes, Voluptueux, cruels, terribles ou savants, Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes ! L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants. Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate, Vos cortèges sacrés, lamentables et vains, Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate, Ô spectres innommés des ancêtres divins ! Et dans le vague abîme où gît le monde antique, Luit, comme un astre mort, au ciel religieux, La sombre majesté de l'Orient mystique, Berceau des nations et sépulcre des Dieux.

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    M

    Martial de Brives

    @martialDeBrives

    Les soupirs d'une âme exilée Je vis, mais c'est hors de moi-même; Je vis, mais c'est sans vivre en moi; Je vis dans l'objet de ma foi Que je ne vois pas et que j'aime; Triste nuit des longs embarras Où mon âme est enveloppée, Si tu n'es bientôt dissipée, Je me meurs de ne mourir pas. Le nœud de flamme et de lumière Qui lie à Dieu seul mon amour Fait par un amoureux détour Qu'il est captif, et moi geôlière; À voir qu'en de faibles appas Il trouve une prison si forte, Un si grand zèle me transporte Que je meurs de ne mourir pas. Bon Dieu, que longue est cette vie ! Fâcheux exil qui me détiens, Que ta prison et tes liens Pèsent à mon âme asservie! L'espoir d'être libre au trépas Me cause tant d'impatience Qu'attendant cette délivrance Je me meurs de ne mourir pas.

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    Paul Éluard

    Paul Éluard

    @paulEluard

    En exil Elle est triste elle fait valoir Le doute qu'elle a de sa réalité dans les yeux d'un autre. Plante majeure dans le bain Végétal travaillé brune ou blonde A l'extrême fleur de la tête Sa nudité continuelle Ses seins de faveurs refusées Un rire aux cheveux de cytise Parmi les arbres L'orage qui défend les siens Brise les tiges de lumière C'est elle c'est l'orage aussi Qui distribue des armes maladroites Aux herbes aux insectes Aux dernières chaleurs Les fumées de l'automne Les cendres de l'hiver La perle noire n'est plus rare Le désir et l'ennui fraternisent Manège des manies Tout est oublié Rien n'est sacrifié L'odeur des décombres persiste. Les yeux fermés c'est elle tout entière.

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    P

    Paul Neuhuys

    @paulNeuhuys

    Exil Pauvre nature assoiffée trop prompte à voir une fée dans une catin surchauffée. De même que chez les filles, filles d'amoureuse vie, il croit rencontrer Sylvie, exilé sur son îlot, il voit écumer des flots la cavale d'Uccello.

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Un exil Je plains les exilés qui laissent derrière eux L'amour et la beauté d'une amante chérie ; Mais ceux qu'elle a suivis au désert sont heureux : Ils ont avec la femme emporté la patrie. Ils retrouvent le jour de leur pays natal Dans la clarté des yeux qui leur sourient encor, Et des champs paternels, sur un front virginal, Les lis abandonnés recommencent d'éclore. Le ciel quitté les suit sous les nouveaux climats ; Car l'amante a gardé, dans l'âme et sur la bouche, Un fidèle reflet des soleils de là-bas Et les anciennes nuits pour la nouvelle couche. Je ne plains point ceux-là ; ceux-là n'ont rien perdu : Ils vont, les yeux ravis et les mains parfumées D'un vivant souvenir ! Et tout leur est rendu, Saisons, terre et famille, au sein des bien-aimées. Je plains ceux qui, partant, laissent, vraiment bannis, Tout ce qu'ils possédaient sur terre de céleste ! Mais plus encor, s'il n'a dans son propre pays Point d'amante à pleurer, je plains celui qui reste. Ah ! Jour et nuit chercher dans sa propre maison Cet être nécessaire, une amante chérie ! C'est plus de solitude avec moins d'horizon ; Oui, c'est le pire exil, l'exil dans la patrie. Et ni le ciel, ni l'air, ni le lis virginal, Ni le champ paternel, n'en guérissent la peine : Au contraire, l'amour tendre du sol natal Rend l'absente plus douce au cœur et plus lointaine.

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    R

    Régis Boury

    @regisBoury

    Sainte-Helene ou la désespérance Pour la première fois (Et la dernière) L'Aigle s'est posé EN FIN Sur ce caillou d'eau entouré, . UNE ÎLE : Prison anglaise trop surveillée Peinte en gris - couleur d'exil Aux confins de nulle part, LA-BAS En Atlantique Sud Oubliée, au triste vent rude Où le Temps lui-même s'ennuie ; SEUL Immobile, inutile Si loin de tout, surtout Paris, ses délices de Capoue... Sous le ricanement aigre De quelques mouettes débiles. 19 janvier 1998 zadig92000

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    Théodore de Banville

    Théodore de Banville

    @theodoreDeBanville

    L'exil des Dieux C'est dans un bois sinistre et formidable, au nord De la Gaule. Roidis par un suprême effort, Les chênes monstrueux supportent avec rage Les grands nuages noirs d'où va tomber l'orage ; Le matin frissonnant s'éveille, et la clarté De l'aube mord déjà le ciel ensanglanté. Tout est lugubre et pâle, et les feuilles froissées Gémissent, et, géants que de tristes pensées Tourmentent, les rochers jusqu'à l'horizon noir Se lèvent, méditant dans leur long désespoir ; Et, blanche dans le jour douteux et dans la brume, La cascade sanglote en sa prison d'écume. Léchant les verts sapins avec un rire amer, La mer aux vastes flots baigne leurs pieds, la mer Douloureuse, où, groupés de distance en distance, Accourent les vaisseaux de l'empereur Constance. Tout à coup, ô terreur ! ô deuil ! au bord des eaux La terre s'épouvante, et jusque dans ses os Tremble, et sur sa poitrine âpre, d'effroi saisie, Se répand un parfum céleste d'ambroisie. Un grand souffle éperdu murmure dans les airs : Une lueur vermeille au fond de ces déserts Grandit, mystérieuse et sainte avant-courrière, O vastes cieux ! et là, marchant dans la clairière, Luttant de clarté sombre avec le jour douteux, Meurtris, blessés, mourants, sublimes, ce sont eux, Eux, les grands exilés, les dieux. O misérables ! Les chênes accablés par l'âge, et les érables Les plaignent. Les voici. Voici Zeus, Apollon, Aphrodite, marchant pieds nus, et son talon A la blancheur d'un astre et l'éclat d'une rose ! Athènè, dont jadis, dans l'éther grandiose, Le clair regard, luttant de douceur et de feu, Etait l'intensité sereine du ciel bleu. Hère, Dionysos, Hèphaistos triste et grave Et tous les autres dieux foulant la terre esclave S'avancent. Tous ces rois marchent, marchent sans bruit. Ils marchent vers l'exil, vers l'oubli, vers la nuit, Résignés, effrayants, plus pâles que des marbres, Parfois heurtant leurs fronts dans les branches des arbres, Et, tandis qu'il s'en vont, troupeau silencieux, La fatigue d'errer sans repos sous les cieux Arrache des sanglots à leurs bouches divines, Et des soupirs affreux sortent de leurs poitrines. Car, depuis qu'en riant les empereurs jaloux De leur gloire, les ont chassés comme des loups, Et que leurs palais d'or sont brisés sur les cimes De l'Olympe à jamais désert, les dieux sublimes Errent, ayant connu les pleurs, soumis enfin A la vieillesse horrible, aux douleurs, à la faim, Aux innombrables maux que tous les hommes craignent, Et leurs pieds, déchirés par les épines, saignent. Zeus, à présent vieillard, a froid, et sur ses flancs Serre un haillon de pourpre, et ses cheveux sont blancs. Sa barbe est blanche : au fond du lointain qui s'allume Ses épouses en deuil le suivent dans la brume. Hère, Lèto, Métis, Eurynomè, Thémis Sont là, blanches d'effroi, pâles comme des lys, Et pleurent. Sur leurs fronts mouillés par la rosée L'aigle vole au hasard de son aile brisée. Et celui qui tua la serpente Pytho, Le brillant Lycien, cache sous son manteau Son arc d'argent, rompu. Triste en sa frénésie, Le beau Dionysos pleure la molle Asie, Et ce hardi troupeau, les femmes au sein nu Qui le suivaient naguère au pays inconnu, Folles, aspirant l'air avec ses doux arômes, Ne sont plus à présent que spectres et fantômes. Hermès, qui n'ouvre plus ses ailes, en chemin Songe, et le rameau d'or s'est flétri dans sa main. Athènè, l'invincible Ares, mangent les mûres De la haie, et n'ont plus que des lambeaux d'armures ; Dèmèter, pâle encor de tous les maux soufferts, Tient sa fille livide, arrachée aux enfers, Et la blonde Artémis, terrible, échevelée, Bondit encor, fixant sa prunelle étoilée Sur la nuit redoutable et morne des forêts, Cherchant des ennemis à percer de ses traits, Et sur sa jambe flotte et vole avec délire Sa tunique d'azur, que l'ouragan déchire. Cependant, les regards baissés vers le sol noir, Les Muses lentement chantent le désespoir De l'exil, dont leur père a dû subir l'outrage, Et leur hymne farouche éclate avec l'orage. Toute l'horreur des cieux perdus est dans leur voix ; Les arbres, les rochers, les profondeurs des bois, Les antres noirs ouverts sous la rude broussaille S'émeuvent, et la mer, la mer aussi tressaille, La mer tumultueuse, et sur son flot grondant, Vieux, tenant un morceau brisé de son trident, Poséidon apparaît, s'élevant sur la cime Des ondes. Près de lui, fugitifs dans l'abîme, Pontos, Céto, Nèreus, Phorcys, Thétis, couverts D'écume, gémissant au milieu des flots verts, Sur les pointes des rocs heurtent leurs fronts livides En signe de détresse, et les Océanides, Frappant leur sein de neige et pleurant les tourments Des grands dieux, vers le ciel tordent leurs bras charmants. Leur douleur, en un chant d'une fierté sauvage, S'exhale avec des cris de haine, et du rivage Ecoutant cette plainte affreuse, à leurs sanglots Aphrodite répond, fille auguste des flots ! O douleur ! son beau corps fait d'une neige pure Rougit, et sous le vent jaloux subit l'injure De l'orage ; son sein aigu, déjà meurtri Par leur souffle glacé, frissonne à ce grand cri. Le visage divin et fier de Cythérée, Dont rien ne peut flétrir la majesté sacrée, A toujours sa splendeur d'astre et de fruit vermeil : Mais, dénoués, épars, ses cheveux de soleil Tombent sur son épaule, et leur masse profonde Comme d'un fleuve d'or en fusion l'inonde. Leur vivante lumière embrase la forêt. Mêlés et tourmentés par la bise, on dirait Que leur flot pleure, et quand la reine auguste penche Son front, dans ce bel or brille une tresse blanche. Les larmes de Cypris ont brûlé ses longs cils. Frémissante, elle aussi déplore les exils Des grands dieux, et tandis que les Océanides Gémissent dans la mer stérile aux flots rapides, Elle parle en ces mots, et son rire moqueur, Tout plein du désespoir qui gonfle son grand cœur, Dans l'ombre où le matin lutte avec les ténèbres Donne un accent de haine à ses plaintes funèbres : « O nos victimes ! rois monstrueux, dieux titans Que nous avons chassés vers les gouffres du Temps ! Fils aînés du Chaos aux chevelures d'astres, Dont le souffle et les yeux contenaient les désastres Des ouragans ! Japet ! Hypérion, l'aîné De nos aïeux ! ô toi, ma mère Dioné ! Et toi qui t'élanças, brillant, vers tes victoires, Du sein de l'Erèbe, où dormaient tes ailes noires, Toi le premier, le plus ancien des dieux, Amour ! Voyez, l'homme nous chasse et nous hait à son tour, Votre sang reparaît sur nos mains meurtrières, Et nous errons, vaincus, parmi les fondrières. Eh bien ! oui, nous fuyons ! Nos regards, ciel changeant, Ne refléteront plus les longs fleuves d'argent. Elle-même, la Vie amoureuse et bénie Nous pousse hors du sein de l'Etre, et nous renie. Homme, vil meurtrier des dieux, es-tu content ? Les bois profonds, les monts et le ciel éclatant Sont vides, et les flots sont vides : c'est ton règne ! Cherche qui te console et cherche qui te plaigne ! Les sources des vallons boisés n'ont plus de voix, L'antre n'a plus de voix, les arbres dans les bois N'ont plus de voix, ni l'onde où tu buvais, poète ! Et la mer est muette, et la terre est muette, Et rien ne te connaît dans le grand désert bleu Des cieux, et le soleil de feu n'est plus un dieu ! Il ne te voit plus. Rien de ce qui vit, frissonne, Respire ou resplendit ne te connaît. Personne A présent, vagabond, ne sait d'où tu venais Et ne peut dire : C'est l'homme. Je le connais. La Nature n'est plus qu'un grand spectre farouche Son cœur brisé n'a plus de battements. Sa bouche Est clouée, et les yeux des astres sont crevés. Tu ne finiras pas les chants inachevés, Et tes fils, ignorant l'adorable martyre, Demanderont bientôt ce que tu nommais Lyre ! Oh ! lorsque tu chantais et que tu combattais, Nous venions te parler à mi-voix ! Tu sentais Près de ta joue, avec nos suaves murmures, Délicieusement le vent des chevelures Divines. Maintenant, savoure ton ennui. Te voilà nu sous l'œil effrayant de Celui Qui voit tant de milliers de. mondes et d'étoiles Naître, vivre et mourir dans l'infini sans voiles, Et devant qui les grains de poudre sont pareils A ces gouttes de nuit que tu nommes soleils. Tout est dit. Ne va plus boire la poésie Dans l'eau vive ! Les dieux enivrés d'ambroisie S'en vont et meurent, mais tu vas agoniser. Ce doux enivrement des êtres, ce baiser Des choses, qui toujours voltigeait sur tes lèvres, Ce grand courant de joie et d'amour, tu t'en sèvres ! Ils ne fleuriront plus tes pensers, enchantés Par l'éblouissement des blanches nudités. Donc subis la laideur et la douleur. Expie. Nous, cependant, chassés par ta fureur impie, Nous fuyons, nous tombons dans l'abîme béant, Et nous sommes la proie horrible du néant. Hellas, adieu ! forêts, vallons, monts grandioses, Rocs de marbre, ruisseaux d'eau vive, lauriers-roses ! Mais, homme, quand la Nuit reprend nos cheveux d'or Et nos fronts lumineux, tu sentiras encor Nos soupirs s'envoler vers ta demeure vide, Et sur tes mains couler nos pleurs, ô parricide ! » C'est ainsi que parla dans son divin courroux La grande Aphrodite. Sur les feuillages roux, Tout sanglant et vainqueur de l'ombre qui recule, Le Jour dans un sinistre et sombre crépuscule S'était levé. Baissant leurs regards éblouis, Les grands dieux en pleurs dans la brume évanouis, Formes sous le soleil de feu diminuées, S'effaçaient tristement dans les vagues nuées Où leurs fronts désolés apparaissaient encor. Aphrodite, la reine adorable au front d'or, Avec son sein de rose et ses blancheurs d'étoile Sembla s'évanouir comme eux sous le long voile De la brume indécise, en laissant dans ces lieux Qu'avaient illuminés de leurs feux radieux Son sein de lys sans tache et sa toison hardie, Un reflet pâlissant de neige et d'incendie. Août 1865

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    Théophile de Viau

    @theophileDeViau

    Je passe mon exil parmy de tristes lieux Je passe mon exil parmy de tristes lieux, Où rien de plus courtois qu'un loup ne m'avoisine, Où des arbres puants formillent d'Escurieux, Où tout le revenu n'est qu'un peu de résine. Où les maisons n'ont rien plus froid que la cuisine, Où le plus fortuné craint de devenir vieux, Où la stérilité faict mourir la lésine, Où tous les Elemens sont mal voulus des Cieux. Où le Soleil contrainct de plaire aux destinées, Pour estendre mes maux alonge ses journées, Et me faict plus durer le temps de la moitié : Mais il peut bien changer le cours de sa lumière. Puis que le Roy perdant sa bonté coustumiere A destourné pour moy le cours de sa pitié.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    Exil Si je pouvais voir, ô patrie, Tes amandiers et tes lilas, Et fouler ton herbe fleurie, Hélas ! Si je pouvais, - mais, ô mon père, O ma mère, je ne peux pas, Prendre pour chevet votre pierre, Hélas ! Dans le froid cercueil qui vous gêne, Si je pouvais vous parler bas, Mon frère Abel, mon frère Eugène, Hélas ! Si je pouvais, ô ma colombe, Et toi, mère, qui t'envolas, M'agenouiller sur votre tombe, Hélas ! Oh ! vers l'étoile solitaire, Comme je lèverais les bras ! Comme je baiserais la terre, Hélas ! Loin de vous, ô morts que je pleure, Des flots noirs j'écoute le glas ; Je voudrais fuir, mais je demeure, Hélas ! Pourtant le sort, caché dans l'ombre, Se trompe si, comptant mes pas, Il croit que le vieux marcheur sombre Est las.

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    Victor Hugo

    Victor Hugo

    @victorHugo

    L'exil satisfait Solitude ! silence ! oh ! le désert me tente. L'âme s'apaise là, sévèrement contente ; Là d'on ne sait quelle ombre on se sent l'éclaireur. Je vais dans les forêts chercher la vague horreur ; La sauvage épaisseur des branches me procure Une sorte de joie et d'épouvante obscure ; Et j'y trouve un oubli presque égal au tombeau. Mais je ne m'éteins pas ; on peut rester flambeau Dans l'ombre, et, sous le ciel, sous la crypte sacrée, Seul, frissonner au vent profond de l'empyrée. Rien n'est diminué dans l'homme pour avoir Jeté la sonde au fond ténébreux du devoir. Qui voit de haut, voit bien ; qui voit de loin, voit juste. La conscience sait qu'une croissance auguste Est possible pour elle, et va sur les hauts lieux Rayonner et grandir, loin du monde oublieux. Donc je vais au désert, mais sans quitter le monde. Parce qu'un songeur vient, dans la forêt profonde Ou sur l'escarpement des falaises, s'asseoir Tranquille et méditant l'immensité du soir, Il ne s'isole point de la terre où nous sommes. Ne sentez-vous donc pas qu'ayant vu beaucoup d'hommes On a besoin de fuir sous les arbres épais, Et que toutes les soifs de vérité, de paix, D'équité, de raison et de lumière, augmentent Au fond d'une âme, après tant de choses qui mentent ? Mes frères ont toujours tout mon cœur, et, lointain Mais présent, je regarde et juge le destin ; Je tiens, pour compléter l'âme humaine ébauchée, L'urne de la pitié sur les peuples penchée, Je la vide sans cesse et je l'emplis toujours. Mais je prends pour abri l'ombre des grands bois sourds. Oh ! j'ai vu de si près les foules misérables, Les cris, les chocs, l'affront aux têtes vénérables, Tant de lâches grandis par les troubles civils, Des juges qu'on eût dû juger, des prêtres vils Servant et souillant Dieu, prêchant pour, prouvant contre, J'ai tant vu la laideur que notre beauté montre, Dans notre bien le mal, dans notre vrai le faux, Et le néant passant sous nos arcs triomphaux, J'ai tant vu ce qui mord, ce qui fuit, ce qui ploie Que, vieux, faible et vaincu, j'ai désormais pour joie De rêver immobile en quelque sombre lieu ; Là, saignant, je médite ; et, lors même qu'un dieu M'offrirait pour rentrer dans les villes la gloire, La jeunesse, l'amour, la force, la victoire, Je trouve bon d'avoir un trou dans les forêts, Car je ne sais pas trop si je consentirais.

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