Saules pleureurs Elle passe comme le vent,
Ma jeunesse douce et sauvage !
Ma joie est d'y penser souvent :
Elle passe comme le vent,
Mon cœur la poursuit en rêvant,
Quand je suis seul sur le rivage.
Elle passe comme le vent
Avec l'amour qui la ravage.
Elle fuit, la belle saison,
Avec la coupe de l'ivresse.
Adieu, printemps ! adieu, chanson !
Elle fuit, la belle saison.
Je n'irai plus vers l'horizon
Chercher la muse ou la maîtresse !
Elle fuit, la belle saison :
Adieu donc, adieu, charmeresse.
Que de larmes ! que de regrets !
Toi dont mon âme fut ravie
Déjà si loin, — encor si près !
Que de larmes ! que de regrets !
Mes mains ont planté le cyprès
Sur les chimères de ma vie :
Que de larmes ! que de regrets !
Adieu, mon cœur ! adieu, ma mie !
il y a 11 mois
C
Charles Le Goffic
@charlesLeGoffic
Le passant L'amour ne chante pas ; il ne sourit jamais,
Ni le matin, quand l'aube argente les sommets,
Ni quand l'ombre, le soir, s'épanche des collines,
Ni quand le rouge été flamboie à son midi
Et du brouillard qui dort dans l'éther attiédi
Perce et dissipe au loin les pâles mousselines.
L'amour ne chante pas ; l'amour ne sourit pas.
Il vient comme un voleur de nuit, à petits pas,
Retenant son haleine et se cachant des mères.
Il connaît que nul cœur n'est ferme en son dessein
Et qu'on ne dort jamais qu'une fois sur le sein
Vêtu par nos désirs de grâces éphémères.
L'amour ne chante pas, ne sourit pas. Ses yeux,
Brûlés de trop de pleurs, sont lourds de trop d'adieux
Pour croire qu'ici-bas quelque chose persiste.
Nul ne sait quand il vient, ni comment, ni pourquoi,
Et les cœurs ingénus qu'emplit son vague effroi
L'attendent qu'il est loin déjà, le Passant triste !
il y a 11 mois
François Coppée
@francoisCoppee
La première Ce n'est pas qu'elle fût bien belle ;
Mais nous avions tous deux vingt ans,
Et ce jour-là, – je me rappelle, –
Était un matin de printemps.
Ce n'est pas qu'elle eût l'air bien grave ;
Mais je jure ici que jamais
Je n'ai rien osé de plus brave
Que de lui dire que j'aimais.
Ce n'est pas qu'elle eût le cœur tendre ;
Mais c'était si délicieux
De lui parler et de l'entendre
Que les pleurs me venaient aux yeux.
Ce n'est pas qu'elle eût l'âme dure ;
Mais pourtant elle m'a quitté,
Et, depuis, ma tristesse dure,
Et c'est pour une éternité.
il y a 11 mois
Henri-Frédéric Amiel
@henriFredericAmiel
La chose amère L'horreur dont ne peut se défendre
Un cœur fier, n'est pas de souffrir,
Ni de lutter, ni de mourir,
Ni d'aimer sans se faire entendre ;
On s'ennoblit par ces douleurs ;
Mais devant soi-même descendre
Peut à l'homme arracher des pleurs.
il y a 11 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
En deuil C'est en deuil surtout que je l'aime ;
Le noir sied à son front poli,
Et par ce front le chagrin même
Est embelli.
Comme l'ombre le deuil m'attire,
Et c'est mon goût de préférer,
Pour amie, à qui sait sourire
Qui peut pleurer.
J'aime les lèvres en prière ;
J'aime à voir couler les trésors
D'une longue et tendre paupière
Fidèle aux morts,
Vierge, heureux qui sort de la vie
Embaumés de tes pleurs pieux ;
Mais plus heureux qui les essuie :
Il a tes yeux !
il y a 11 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Rosées À Paul Bouvard.
Je rêve, et la pâle rosée
Dans les plaines perle sans bruit,
Sur le duvet des fleurs posée
Par la main fraîche de la nuit.
D'où viennent ces tremblantes gouttes ?
Il ne pleut pas, le temps est clair ;
C'est qu'avant de se former, toutes,
Elles étaient déjà dans l'air.
D'où viennent mes pleurs ? Toute flamme,
Ce soir, est douce au fond des cieux ;
C'est que je les avais dans l'âme
Avant de les sentir aux yeux.
On a dans l'âme une tendresse
Où tremblent toutes les douleurs,
Et c'est parfois une caresse
Qui trouble, et fait germer les pleurs.
il y a 11 mois
Sully Prudhomme
@sullyPrudhomme
Séparation Je ne devais pas vous le dire ;
Mes pleurs, plus forts que la vertu,
Mouillant mon douloureux sourire,
Sont allés sur vos mains écrire
L'aveu brûlant que j'avais tu.
Danser, babiller, rire ensemble,
Ces jeux ne nous sont plus permis :
Vous rougissez, et moi je tremble ;
Je ne sais ce qui nous rassemble.
Mais nous ne sommes plus amis.
Disposez de nous, voici l'heure
Où je ne puis vous parler bas
Sans que l'amitié change ou meure :
Oh ! dites-moi qu'elle demeure,
Je sens qu'elle ne suffit pas.
Si le langage involontaire
De mes larmes vous a déplu,
Eh bien, suivons chacun sur terre
Notre sentier : moi, solitaire,
Vous, heureuse, au bras de l'élu.
Je voyais nos deux cœurs éclore
Comme un couple d'oiseaux chantants
Éveillés par la même aurore ;
Ils n'ont pas pris leur vol encore :
Séparons-les, il en est temps ;
Séparons-les à leur naissance,
De crainte qu'un jour à venir,
Malheureux d'une longue absence,
Ils n'aillent dans le vide immense
Se chercher sans pouvoir s'unir.
il y a 11 mois
Théodore de Banville
@theodoreDeBanville
À Odette Odette, vos cheveux vermeils
Ont le jaune éclat des soleils
Parmi les moissons enchantées,
Et caressent en nappes d'or
Vos tempes plus blanches encor
Que des étoiles argentées.
Quand l'aurore rose à demi
Se joue et frissonne parmi
Cette douce toison fatale,
De pâles et tristes lueurs
Éclairent de reflets rêveurs
Votre joue aux teintes d'opale.
Sur votre jeune front penché
L'étincelle d'un feu caché
Brille dans vos yeux clairs et sombres,
Et comme de tendres pistils,
Les bandeaux soyeux de vos cils
Vous caressent de grandes ombres.
Vos lèvres déjà tout en fleur
Ont l'harmonieuse pâleur
De la sensitive froissée,
Et ce lys que rien n'outragea,
Votre front se courbe déjà
Sous l'orage de la pensée.
Vos regards sont si languissants
Qu'à votre petit cœur je sens
Saigner de secrètes blessures,
Et parfois dans vos yeux pensifs
Je crois voir s'amasser, captifs,
Tous les pleurs des amours futures.
Ah ! que ces pleurs silencieux
Ne coulent jamais de vos yeux !
Et ne voyez jamais éclore,
Autour de vos cheveux flottants,
De nos saisons que le printemps
Et de notre jour que l'aurore !
Que rien n'emplisse de sanglots
Votre âme pareille à ces flots
Où Dieu lui-même se reflète !
Parlez aux cieux, aux champs, aux bois,
Avec votre plus douce voix,
Soyez heureuse, chère Odette !
Dites aux bosquets de rosiers :
Je veux que vous me le disiez
Comment vos fleurs s'épanouissent,
Et parmi de calmes amours
Je veux que ma vie et mes jours
Ainsi que vos roses fleurissent !
A la source dont le flot clair
Boit le bleu transparent de l'air,
Dites : Je veux, ô flots sans nombre,
Que mes jours coulent, comme vous,
Sur un chemin facile et doux,
A l'abri d'un feuillage sombre !
Au bel Ange qui suit vos pas :
Je veux que ma route ici-bas
Ne soit qu'harmonie et sourires !
Tel dans l'oasis du désert
On entend parfois un concert
De voix humaines et de lyres.
Tous écouteront votre vœu !
Vous parliez encore au bon Dieu
Hier dans les célestes féeries,
Et vous devez encor savoir
En quels mots se parlent au soir
Un ange et des roses fleuries.