Anniversaire Est-ce l'anniversaire
de mon platane favori
ou de la rosée rousse
qui par un jour d'automne
est venue se poser devant mes lèvres ?
Là où je suis, immatériel, frivole,
je sais que je dois rendre hommage
à ces événements,
qui m'apportèrent le frisson.
Est-ce l'anniversaire
de mon platane favori
ou de la rosée rousse
qui par un jour d'automne
est venue se poser devant mes lèvres ?
Là où je suis, immatériel, frivole,
je sais que je dois rendre hommage
à ces événements,
qui m'apportèrent le frisson.
Délétère, défunt,
je ne peux plus écrire de poème,
bien que mille syllabes s'agitent,
autour de moi dans la douceur.
Est-ce l'anniversaire
d'une femme jadis rencontrée
entre deux horizons,
celui qui fuit et celui qui accourt :
sa nuque était agréable aux mésanges,
ses yeux n'avaient pas peur des lunes froides ?
Epars, dissous,
je ne peux évoquer
ni la tristesse ni la joie,
mais à proximité, que de remous,
que de chuchotements suaves
qui soudain effarouchent les brumes !
il y a 9 mois
J
Jean Ciphan
@jeanCiphan
Ne l'oublie pas, petite ! Quand on est un vieux roc dont la paroi s’effrite
On n’est point de ceux que le mot vieillir irrite,
On sait qu’il reste un temps, car le roc, sans fracas,
Pourra longtemps encore examiner son cas.
Tendreté n’est plus l’apanage
D’un quinquagénaire que l’âge
N’a pas forcément fait plus fort :
Restons-en là, sur notre faim !
Mais Tendresse se rit de l’âge
Et demeure, elle, l’apanage
D’un vieux cœur, quand il bat si fort
Dispensant son amour sans fin.
Vingt-neuf ans ! Elle est bien curieuse,
La destinée, si sourcilleuse
En matière de vie heureuse
D’avoir choisi nombre premier
Pour être de ta vie moitié,
En années, de celle du père !
Nombre premier ! Un vrai temps plein,
Une étape, un saut, un tremplin.
Un nombre d’or ! Un nombre choix !
Celui où reine trouve roi
Parce qu’en tête, souveraine,
Elle se sent soudain si sereine.
Vis, ma Grande, et gronde alentour,
Montre-toi toi ! Humaine et bonne,
Camarade et samaritaine !
Certes !
Mais plus encore !
Imagine ! Piège ! Déconcerte !
Ne pleure pas l’arbre abattu,
Ni l’envol du migrateur,
Ni le cœur volé !
Ni celui en errance, pas même celui en souffrance...
Et alors... Ou alors ?
Ose, expose, explose,
Prends l’arbre à bras le corps et fais-en la conquête !
Rejoins l’oiseau !
Reprends le cœur !
Sois le havre !
Sois médecine !
Ne laisse point faire, dresse-toi,
Assieds, assène, voire assassine
En tout bien tout honneur.
Trentième ? L’année du bonheur.
Je t’aime, Grande !
Et que les mots du père ne te fassent ombrage !
Qu’ils n’éveillent en toi ni rage ni orage !
Ne l’oublie pas, Petite :
J’ai double de ton âge !
28 janvier 2000
«Équipées sereines»
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Ce siècle avait deux ans Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,
C’est moi. —
Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d’amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M’ont fait deux fois l’enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !
Ô l’amour d’une mère ! amour que nul n’oublie !
Pain merveilleux qu’un Dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier !
Je pourrai dire un jour, lorsque la nuit douteuse
Fera parler les soirs ma vieillesse conteuse,
Comment ce haut destin de gloire et de terreur
Qui remuait le monde aux pas de l’empereur,
Dans son souffle orageux m’emportant sans défense,
À tous les vents de l’air fit flotter mon enfance.
Car, lorsque l’aquilon bat ses flots palpitants,
L’océan convulsif tourmente en même temps
Le navire à trois ponts qui tonne avec l’orage,
Et la feuille échappée aux arbres du rivage !
Maintenant, jeune encore et souvent éprouvé,
J’ai plus d’un souvenir profondément gravé,
Et l’on peut distinguer bien des choses passées
Dans ces plis de mon front que creusent mes pensées.
Certes, plus d’un vieillard sans flamme et sans cheveux,
Tombé de lassitude au bout de tous ses vœux,
Pâlirait s’il voyait, comme un gouffre dans l’onde,
Mon âme où ma pensée habite comme un monde,
Tout ce que j’ai souffert, tout ce que j’ai tenté,
Tout ce qui m’a menti comme un fruit avorté,
Mon plus beau temps passé sans espoir qu’il renaisse,
Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse,
Et quoiqu’encore à l’âge où l’avenir sourit,
Le livre de mon cœur à toute page écrit !
Si parfois de mon sein s’envolent mes pensées,
Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ;
S’il me plaît de cacher l’amour et la douleur
Dans le coin d’un roman ironique et railleur ;
Si j’ébranle la scène avec ma fantaisie ;
Si j’entre-choque aux yeux d’une foule choisie
D’autres hommes comme eux, vivant tous à la fois
De mon souffle et parlant au peuple avec ma voix ;
Si ma tête, fournaise où mon esprit s’allume,
Jette le vers d’airain qui bouillonne et qui fume
Dans le rhythme profond, moule mystérieux
D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ;
C’est que l’amour, la tombe, et la gloire, et la vie,
L’onde qui fuit, par l’onde incessamment suivie,
Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore
Mit au centre de tout comme un écho sonore !
D’ailleurs j’ai purement passé les jours mauvais,
Et je sais d’où je viens, si j’ignore où je vais.
L’orage des partis avec son vent de flamme
Sans en altérer l’onde a remué mon âme.
Rien d’immonde en mon cœur, pas de limon impur
Qui n’attendît qu’un vent pour en troubler l’azur !
Après avoir chanté, j’écoute et je contemple,
À l’empereur tombé dressant dans l’ombre un temple,
Aimant la liberté pour ses fruits, pour ses fleurs,
Le trône pour son droit, le roi pour ses malheurs ;
Fidèle enfin au sang qu’ont versé dans ma veine
Mon père, vieux soldat, ma mère, vendéenne !
23 juin 1830.
il y a 9 mois
Victor Hugo
@victorHugo
Lorsque l'enfant paraît Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.
Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.
Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.
La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.
Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !
Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !
Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !
Mai 1830