Je ne sais pas qui je suis Je ne sais pas qui je suis
je viens de terres très lointaines
tant de sangs en moi sont tourmentés
mon grand'père était oriental
et j'ai on me l'a dit une aïeule juive
je ne sais pas qui je suis
mes lèvres n'acceptent jamais les lèvres présentes
je sais qu'il doit exister des lèvres meilleures
je ne sais pas où
là-bas
et mes lèvres sont tendues vers les inexistences
toujours
ils m'ont dit
votre marche est indolente
vos paroles ont des lenteurs chantantes
elles sont toutes de douceur
ils m'ont dit aussi
avec leurs yeux déchirés d'amertume
vous avez des sursauts cruels
vous étranglez les cœurs avec vos dents ardentes
et votre inconscience est terrible
je ne sais pas
j'ai parfois des yeux qui ne sont plus les miens
je viens de terres si lointaines
et tant de races tant de passions jouent en moi
mon grand'père était oriental
mon aïeule on me l'a dit était une juive
qui avait des yeux merveilleux
mes yeux sont pleins d'horizons dorés
j'ai mes mains tourdes de tendresse
sans cesse
mon corps appelle les corps
et je n'ai jamais trouvé
celle des mains douces et de mes rêves fervents
je vais incliné vibrant vers d'incertaines beautés
parfois m'a serré le désir du vulgaire
et mes contradictions sont immenses
parce que mes yeux sont noirs
frissonnant de sensualités profondes
parce que ma peau est brune
l'on me demande d'où je viens
et qui je suis
je sais que je viens de terres très lointaines
là les mers sont couleur de beau ciel
les soirs elles pleurent d'étranges agonies
en des couleurs qui ont déteint dans mon âme
je ne sais pas les chanter
mais elles sont berçantes et nostalgiques
comme mes mers étales
je sais que je viens de très loin
mais je ne sais pas qui je suis
mes solitudes et mes absences incomparables
ne me l'ont jamais appris.
il y a 6 mois
G
Guy Lévis Mano
@guyLevisMano
Mal à l’homme J’ai mal à la vie j’ai mal à l’homme
j’ai mal aux années que je n’ai pas vécues
j’ai mal à ma flamme moribonde
et aux hirondelles qui volent trop bas
J’ai mal à mes pavés qui ont des arêtes
aux vagabondages sans auberge
aux nuits qui n’éclairent pas leurs portes
et aux routes que barrent des écriteaux
J’ai mal aux bouches où s’égare le rire
aux chants qui cherchent des clairières
j’ai mal à la lourdeur de leurs pas
et à nos différences
J’ai mal à leurs ventres qui sont vides
j’ai mal au creux qu’ils ont dans la joue
j’ai mal à notre liberté qui s’effile
à la haine qui va consumer
à l’amour aux rives du désert
J’ai mal aux couleurs qu’ils n’aiment pas
j’ai mal aux frontières en uniforme
au répit qu’ils ne savent pas prendre
à la joie esseulée et folle sur terre
qui n’arrive pas à pavoiser leurs dents
J’ai mal au monde entier
qui oublie l’exemple des moissons
et la liesse des guirlandes
j’ai mal à toutes les vies
parce qu’elles sont coiffées de mort
J’ai mal à l’avenir coincé dans les cavernes
à mon âme qui n’accepte pas
à mon corps qui n’a pas tout son soûl
et à ceux qui vont venir
et à ceux qui vont partir
car ils laissent les champs aux broussailles
et les oiseaux avoir peur du ciel...
il y a 6 mois
Jean Follain
@jeanFollain
Des hommes Au milieu d'un grand luminaire
on voyait discuter des hommes
en proie à la grande peur
d'autres pleuraient ,
on trouvait aussi les amants
de la secrète beauté
ils gagnaient les anciens faubourgs
et rejoignaient leurs compagnes
marchant pieds nus
sur les planchers de bois blanc
pour ne pas réveiller.
il y a 6 mois
Jean Lorrain
@jeanLorrain
Visionnaire C'était au fond d'un rêve obsédant de regrets.
J'errais seul au milieu d'un pays insalubre.
Disque énorme, une lune éclatante et lugubre
Émergeait à demi des herbes d'un marais.
Et j'arrivais ainsi dons un bois de cyprès,
Où des coups de maillet attristaient le silence
Et l'air était avare et plein de violence,
Comme autour d'un billot dont on fait les apprêts.
Un bruit humide et mat de chair et d'os qu'on froisse,
Des propos qu'on étouffe, et puis dans l'air muet
Un râle exténué, qui défaille et se tait,
Y faisaient l'heure atroce et suante d'angoisse !
Une affre d'agonie autour de moi tombait.
J'avançai hardiment entre les herbes sèches,
Et je vis une fosse et, les pieds sur leurs bêches,
Deux aides de bourreau, qui dressaient un gibet.
Les deux bras de la croix étaient encore à terre ;
Des ronces la cachaient : devant elle à genoux
Trois hommes, trois bandits à visage de loups
Achevaient d'y clouer un être de mystère,
Un être enseveli sous de longs cheveux roux
Tout grumelés de pourpre, et dont les cuisses nues,
Entre cet or humide et vivant apparues,
Brillaient d'un pâle éclat d'étoile triste et doux.
Au-dessus des cyprès la lune énorme et rouge
Éclaira tout à coup la face des bourreaux
Et le Crucifié, dont les blancs pectoraux
Devinrent les seins droits et pourprés d'une gouge !
Et, les paumes des mains saignantes, et deux trous
Dans la chair des pieds nus se crispant d'épouvante,
Je vis qu'ils torturaient une Vierge vivante,
Contre la croix pâmée avec des grands yeux fous.
Les hommes, l'oeil sournois allumé de luxures
Devant ce corps de femme à la blême splendeur,
Dont l'atroce agonie aiguisait l'impudeur,
Prolongeaient savamment la lenteur des tortures.
Et dans ces trois bourreaux, sûrs de l'impunité,
Raffinant la souffrance et creusant le supplice,
Je reconnus la Peur, la Force et la Justice,
Torturant à jamais la blême Humanité.
il y a 6 mois
J
Jean Polonius
@jeanPolonius
Marine La vie humaine est une rive
Où, sur le bord, nous attendons
Qu’à son retour le flux arrive
Laver l’empreinte fugitive
Des pas qu’en vain nous y traçons.
Le ciel est bleu, la, mer est belle,
Zéphyrs, oiseaux prennent l’essor ;
Mais lorsque aux jeux tout nous appelle,
Le bruit de la vague éternelle,
De loin, se fait entendre encor.
Au bord de l’onde menaçante,
Les faibles humains répandus
Vont se jouant sans épouvante,
Comme une troupe insouciante
D’enfants ensemble confondus.
Ceux-ci, sur les rochers sauvages,
Grimpent d’un pied aventureux ;
Ceux-là, courant le long des plages,
Poursuivent l’ombre des nuages
Qui fuit et glisse devant eux.
Avec les sables de la grève,
L’un dresse un frêle monument ;
Puis tout à coup le vent se lève,
Et vient disperser, comme un rêve,
Son édifice d’un moment.
Un autre, aux vagues qu’il tourmente,
Lance les pierres de leurs bords,
Comme si l’oncle indifférente
Allait reculer d’épouvante
Devant ses risibles efforts.
Sur cet écueil, au front stérile,
Dont la mer laisse à nu les flancs,
Voyez lutter ce groupe agile,
À qui, du sommet immobile,
Restera maître plus longtemps.
L’un tombe, un autre le remplace ;
Que de combats ! que de clameurs !
Pour s’arracher un faible espace
Que bientôt l’onde qui s’amasse
Aura repris sur les vainqueurs !
Et toi, sous ce roc solitaire,
Que fais-tu là, sans compagnon ?
Dans les entrailles de la pierre,
Ta main, en frêle caractère,
Grave les lettres de ton nom.
En vain la troupe qui t’appelle
T’invite à ses joyeux ébats :
En vain l’air luit, l’onde étincelle ;
Dans l’antre noir qui te recèle,
Tu ne vois pas, tu n’entends pas.
Creuse, travaille, use la pierre !
Perds le temps à t’éterniser,
Jusqu’à l’heure où la vague amère,
Du fond de ton obscur repaire,
À grand bruit te viendra chasser.
Un an, deux ans, la mer encore
Respectera ton souvenir,
En revenant, à chaque aurore,
Laver le pied du roc sonore,
Jusqu’où l’écume va mourir.
Mais si, miné par l’eau mordante,
Ce même roc s’use à son tour ;
Si, sous les coups de la tourmente,
Sa masse, au loin retentissante,
Dans l’Océan s’abîme un jour…..
Des compagnons de ton jeune âge
Suivant l’exemple et le conseil,
N’est-il pas mieux d’aller, plus sage,
Avec eux tous, sur le rivage,
Courir ou t’asseoir au soleil ?
il y a 6 mois
K
Khalil Gibran
@khalilGibran
Le don Alors un homme riche dit, Parlez-nous du Don.
Et il répondit:
Vous donnez, mais bien peu quand vous donnez de vos possessions.
C'est lorsque vous donnez de vous-même que vous donnez véritablement.
Car que sont vos possessions, sinon des choses que vous conservez et gardez par peur d'en avoir
besoin le lendemain?
Et demain, qu'apportera demain au chien trop prévoyant qui enterre ses os dans le sable sans
pistes, tandis qu'il suit les pèlerins dans la ville sainte?
Et qu'est-ce que la peur de la misère sinon la misère elle-même?
La crainte de la soif devant votre puits qui déborde n'est-elle pas déjà une soif inextinguible?
Il y a ceux qui donnent peu de l'abondance qu'ils possèdent - et ils le donnent pour susciter
la gratitude et leur désir secret corrompt leurs dons.
Et il y a ceux qui possèdent peu et qui le donnent en entier.
Ceux-là ont foi en la vie et en la générosité de la vie, et leur coffre ne se vide jamais.
Il y a ceux qui donnent avec joie, et cette joie est leur récompense.
Et il y a ceux qui donnent dans la douleur, et cette douleur est leur baptême.
Et il y a ceux qui donnent et qui n'en éprouvent point de douleur, ni ne recherchent la joie,
ni ne donnent en ayant conscience de leur vertu.
Ils donnent comme, là bas, le myrte exhale son parfum dans l'espace de la vallée.
Par les mains de ceux-là Dieu parle, et du fond de leurs yeux Il sourit à la terre.
Il est bon de donner lorsqu'on vous le demande, mais il est mieux de donner quand on vous le
demande point, par compréhension;
Et pour celui dont les mains sont ouvertes, la quête de celui qui recevra est un bonheur plus
grand que le don lui-même.
Et n'y a-t-il rien que vous voudriez refuser?
Tout ce que vous possédez, un jour sera donné ;
Donnez donc maintenant, afin que la saison du don soit la vôtre et non celle de vos héritiers.
Vous dites souvent : "Je donnerai, mais seulement à ceux qui le méritent".
Les arbres de vos vergers ne parlent pas ainsi, ni les troupeaux dans vos pâturages.
Ils donnent de sorte qu'ils puissent vivre, car pour eux, retenir est périr.
Assurément, celui qui est digne de recevoir ses jours et ses nuits est digne de recevoir tout
le reste de vous.
Et celui qui mérite de boire à l'océan de la vie mérite de remplir sa coupe à votre petit
ruisseau.
Et quel mérite plus grand peut-il exister que celui qui réside dans le courage et la confiance,
et même dans la charité, de recevoir?
Et qui êtes-vous pour qu'un homme doive dévoiler sa poitrine et abandonner sa fierté, de sorte
que vous puissiez voir sa dignité mise à nu et sa fierté exposée?
Veillez d'abord à mériter vous même de pouvoir donner, et d'être un instrument du don.
Car en vérité c'est la vie qui donne à la vie - tandis que vous, qui imaginez pouvoir donner,
n'êtes rien d'autre qu'un témoin.
Et vous qui recevez - et vous recevez tous - ne percevez pas la gratitude comme un fardeau, car
ce serait imposer un joug à vous même, comme à celui qui donne.
Elevez-vous plutôt avec celui qui vous a donné par ses offrandes, comme avec des ailes.
Car trop se soucier de votre dette est douter de sa générosité, qui a la terre bienveillante
pour mère, et Dieu pour père.
il y a 6 mois
L
Lazare Carnot
@lazareCarnot
L'homme Vous dont je suis formé, corps, substance éthérée,
À demeurer unis quel lien vous astreint ?
Hôte d'un globe errant sous la voûte azurée,
Quelle est mon origine et le but qu'elle atteint ?
Atome dans l'espace, instant dans la durée,
Molécule qui sent, conçoit, agit, se plaint ;
Fleur qui naît, éblouit, tombe décolorée ;
Étincelle qui brille, et se meut, et s'éteint.
Tel est l'homme, et son œil des sciences profondes
A su percer l'abîme : il balance les mondes,
Il dompte l'éléphant, il invente les arts.
Mélange de raison, d'orgueil et de tendresse,
L'héroïsme en son cœur s'allie à la faiblesse :
La nature y versa ses dons et ses écarts.