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Titre : Marine

Auteur : Jean Polonius Recueil : Poésies, 1826

La vie humaine est une rive Où, sur le bord, nous attendons Qu’à son retour le flux arrive Laver l’empreinte fugitive Des pas qu’en vain nous y traçons. Le ciel est bleu, la, mer est belle, Zéphyrs, oiseaux prennent l’essor ; Mais lorsque aux jeux tout nous appelle, Le bruit de la vague éternelle, De loin, se fait entendre encor. Au bord de l’onde menaçante, Les faibles humains répandus Vont se jouant sans épouvante, Comme une troupe insouciante D’enfants ensemble confondus. Ceux-ci, sur les rochers sauvages, Grimpent d’un pied aventureux ; Ceux-là, courant le long des plages, Poursuivent l’ombre des nuages Qui fuit et glisse devant eux. Avec les sables de la grève, L’un dresse un frêle monument ; Puis tout à coup le vent se lève, Et vient disperser, comme un rêve, Son édifice d’un moment. Un autre, aux vagues qu’il tourmente, Lance les pierres de leurs bords, Comme si l’oncle indifférente Allait reculer d’épouvante Devant ses risibles efforts. Sur cet écueil, au front stérile, Dont la mer laisse à nu les flancs, Voyez lutter ce groupe agile, À qui, du sommet immobile, Restera maître plus longtemps. L’un tombe, un autre le remplace ; Que de combats ! que de clameurs ! Pour s’arracher un faible espace Que bientôt l’onde qui s’amasse Aura repris sur les vainqueurs ! Et toi, sous ce roc solitaire, Que fais-tu là, sans compagnon ? Dans les entrailles de la pierre, Ta main, en frêle caractère, Grave les lettres de ton nom. En vain la troupe qui t’appelle T’invite à ses joyeux ébats : En vain l’air luit, l’onde étincelle ; Dans l’antre noir qui te recèle, Tu ne vois pas, tu n’entends pas. Creuse, travaille, use la pierre ! Perds le temps à t’éterniser, Jusqu’à l’heure où la vague amère, Du fond de ton obscur repaire, À grand bruit te viendra chasser. Un an, deux ans, la mer encore Respectera ton souvenir, En revenant, à chaque aurore, Laver le pied du roc sonore, Jusqu’où l’écume va mourir. Mais si, miné par l’eau mordante, Ce même roc s’use à son tour ; Si, sous les coups de la tourmente, Sa masse, au loin retentissante, Dans l’Océan s’abîme un jour….. Des compagnons de ton jeune âge Suivant l’exemple et le conseil, N’est-il pas mieux d’aller, plus sage, Avec eux tous, sur le rivage, Courir ou t’asseoir au soleil ?