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Absence

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Absence

Poésies de la collection absence

    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    L'isolement Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; Là le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs : Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports ; Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts. De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant, Je parcours tous les points de l'immense étendue, Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. " Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! Que le tour du soleil ou commence ou s'achève, D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève, Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts : Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire ; Je ne demande rien à l'immense univers. Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ! Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ; Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour ! Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore, Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi ! Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi. Quand là feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ; Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie : Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Retour À Alex de Bertha L'absent qu'on n'osait plus attendre est revenu. Sans bruit il a poussé la porte. Son chien, aveugle et sourd, au flair l'a reconnu, Et par la grande cour l'escorte. L'enfant blond d'autrefois est un homme aujourd'hui. Par delà l'Equateur sa trentaine est sonnée, Et voilà bien dix ans qu'on n'a rien su de lui. Par les soleils de mer sa peau rude est tannée. Du vieux perron de pierre il monte l'escalier. Les fleurs d'un chèvrefeuille antique Versent, comme autrefois, leur baume hospitalier Au seuil de la maison rustique. Il hésite, il a peur, quand son pied touche au seuil. C'est un pressentiment funèbre qui l'arrête : Qui va-t-il retrouver ? les siens portant son deuil, Ou des êtres nouveaux dont le cœur est en fête ? On l'aperçoit d'abord : — « Quel est cet étranger Qui chez les autres se hasarde Sans éveiller la cloche, et semble interroger Si gravement ceux qu'il regarde ? » Servantes et valets ne le connaissent pas, Mais la maîtresse, assise et près du feu courbée, Se lève toute droite et lui tend ses deux bras. En étouffant un cri de mère elle est tombée.

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    A

    Antoine de Latour

    @antoineDeLatour

    Dix ans d'absence Dix ans se sont passés, dix ans ! je l'ai revue Grande, elle que jadis enfant j'avais connue, Non plus vive et légère et souriant toujours, Mais grave et qui semblait déjà compter les jours Sa bouche avait encore cet éclat de l'enfance, Mais ne souriait plus et gardait le silence. Si mes yeux dans ses yeux osaient chercher son cœur, Son front pur se voilait de grâce et de pudeur, Et quand elle parlait, rougissante et naïve, Elle achevait à peine et d'une voix craintive. Sur moi, comme autrefois, s'est reposé son bras, Et nous avons parlé, ralentissant nos pas, Des chants de Rossini, des hymnes de Delphine, Des femmes qu'emportait l'élégante berline, De la mode d'hier déjà vieille à son tour, Et de tout ce qui naît et s'efface en un jour. Ah! dans ces entretiens si ma langue oppressée En sons inachevés laissait fuir ma pensée, Si je sentais s'éteindre et défaillir ma voix, C'est que mon cœur alors était plein d'autrefois, C'est que l'enfance seule est rieuse et légère, Car seule elle n'a pas de passé sur la terre.

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    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    @charlesAugustinSainteBeuve

    À deux absents Couple heureux et brillant, vous qui m'avez admis Dès longtemps comme un hôte à vos foyers amis, Qui m'avez laissé voir, en votre destinée Triomphante, et d'éclat partout environnée, Le cours intérieur de vos félicités, Voici deux jours bientôt que je vous ai quittés ; Deux jours, que seul, et l'âme en caprices ravie, Loin de vous dans les bois j'essaie un peu la vie ; Et déjà sous ces bois et dans mon vert sentier J'ai senti que mon cœur n'était pas tout entier. J'ai senti que vers vous il revenait fidèle Comme au pignon chéri revient une hirondelle, Comme un esquif au bord qu'il a longtemps gardé ; Et, timide, en secret, je me suis demandé Si, durant ces deux jours, tandis qu'à vous je pense, Vous auriez seulement remarqué mon absence. Car sans parler du flot qui gronde à tout moment, Et de votre destin qu'assiège incessamment La Gloire aux mille voix, comme une mer montante, Et des concerts tombant de la nue éclatante Où déjà par le front vous plongez à demi ; Doux bruits, moins doux pourtant que la voix d'un ami ; Vous, noble époux ; vous, femme, à la main votre aiguille, À vos enfants ; chaque soir, en famille, Vous livrez aux doux riens vos deux cœurs reposés, Vous vivez l'un dans l'autre et vous vous suffisez. Et si quelqu'un survient dans votre causerie, Qui sache la comprendre et dont l'œil vous sourie, Il écoute, il s'assied, il devise avec vous, Et les enfants joyeux vont entre ses genoux ; Et s'il en vient un autre, puis un autre (Car chacun se fait gloire et bonheur d'être votre), Comme des voyageurs sous l'antique palmier, Ils sont les bienvenus ainsi que le premier. Ils passent ; mais sans eux votre existence est pleine, Et l'ami le plus cher, absent, vous manque à peine. Le monde n'est pour vous, radieux et vermeil, Qu'un atome de plus dans votre beau soleil, Et l'Océan immense aux vagues apaisées Qu'une goutte de plus dans vos fraîches rosées ; Et bien que le cœur sûr d'un ami vaille mieux Que l'Océan, le monde et les astres des cieux, Ce cœur d'ami n'est rien devant la plainte amère D'un nouveau-né souffrant ; et pour vous, père et mère, Une larme, une toux, le front un peu pâli D'un enfant adoré, met le reste en oubli. C'est la loi, c'est le vœu de la sainte Nature ; En nous donnant le jour : « Va, pauvre créature, Va, dit-elle, et prends garde au sortir de mes mains De trébucher d'abord dans les sentiers humains. Suis ton père et ta mère, attentif et docile ; Ils te feront longtemps une route facile ; Enfant, tant qu'ils vivront, tu ne manqueras pas, Et leur ardent amour veillera sur tes pas, Puis, quand ces nœuds du sang relâchés avec l'âge T'auront laissé, jeune homme, au tiers de ton voyage, Avant qu'ils soient rompus et qu'en ton cœur fermé S'ensevelisse, un jour, le bonheur d'être aimé, Hâte-toi de nourrir quelque pure tendresse, Qui, plus jeune que toi, t'enlace et te caresse ; À tes nœuds presque usés joins d'autres nœuds plus forts ; Car que faire ici-bas, quand les parents sont morts, Que faire de son âme orpheline et voilée, À moins de la sentir d'autre part consolée, D'être père, et d'avoir des enfants à son tour Que d'un amour jaloux on couve nuit et jour ? » Ainsi veut la Nature, et je l'ai méconnue ; Et quand la main du Temps sur ma tête est venue, Je me suis trouvé seul, et j'ai beaucoup gémi, Et je me suis assis sous l'arbre d'un ami.

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    C

    Christine Lièvre

    @christineLievre

    Sans escale Comme pour faire belle Ma tendresse Et rendre brûlure Ma soif Aux abois de ta voix, La vie qui vint Fit plus proche notre âge Pour que se mêle cette absence Que j’ai tissée à jamais De ton coeur à mon coeur Sans escale.

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    François de Malherbe

    François de Malherbe

    @francoisDeMalherbe

    Quelque ennui donc qu'en cette absence Quelque ennui donc qu'en cette absence Avec une injuste licence Le Destin me fasse endurer, Ma peine lui semble petite Si chaque jour il ne l'irrite D'un nouveau sujet de pleurer ! Paroles que permet la rage À l'innocence qu'on outrage, C'est aujourd'hui votre saison ; Faites-vous ouïr en ma plainte : Jamais l'âme n'est bien atteinte, Quand on parle avecque raison. Ô fureurs dont même les Scythes N'useraient pas vers des mérites Qui n'ont rien de pareil à soi ! Madame est captive ; et son crime C'est que je l'aime, et qu'on estime Qu'elle en fait de même de moi. Rochers où mes inquiétudes Viennent chercher les solitudes Pour blasphémer contre le sort, Quoiqu'insensibles aux tempêtes, Je suis plus rocher que vous n'êtes De le voir et n'être pas mort. Assez de preuves à la guerre, D'un bout à l'autre de la terre, Ont fait paraître ma valeur ; Ici je renonce à la gloire, Et ne veux point d'autre victoire Que de céder à ma douleur. Quelquefois les Dieux pitoyables Terminent des maux incroyables : Mais, en un lieu que tant d'appas Exposent à la jalousie, Ne serait-ce pas frénésie De ne les en soupçonner pas ? Qui ne sait combien de mortelles Les ont fait soupirer pour elles, Et, d'un conseil audacieux, En bergers, bêtes et satyres, Afin d'apaiser leurs martyres, Les ont fait descendre des cieux ? Non, non ; si je veux un remède, C'est de moi qu'il faut qu'il procède, Sans les importuner de rien : J'ai su faire la délivrance Du malheur de toute la France ; Je la saurai faire du mien. Hâtons donc ce fatal ouvrage ; Trouvons le salut au naufrage ; Et multiplions dans les bois Les herbes dont les feuilles peintes Gardent les sanglantes empreintes De la fin tragique des rois. Pour le moins, la haine et l'envie Ayant leur rigueur assouvie, Quand j'aurai clos mon dernier jour, Oranthe sera sans alarmes, Et mon trépas aura des larmes De quiconque aura de l'amour. À ces mots tombant sur la place, Transi d'une mortelle glace, Alcandre cessa de parler ; La nuit assiégea ses prunelles ; Et son âme, étendant les ailes, Fut toute prête à s'envoler. Que fais-tu, monarque adorable, Lui dit un démon favorable ? En quels termes te réduis-tu ? Veux-tu succomber à l'orage, Et laisser perdre à ton courage Le nom qu'il a pour sa vertu ? N'en doute point, quoi qu'il advienne, La belle Oranthe sera tienne ; C'est chose qui ne peut faillir. Le temps adoucira les choses, Et tous deux vous aurez des roses Plus que vous n'en sauriez cueillir.

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    J

    Jean Polonius

    @jeanPolonius

    Absence Un morne silence Règne en ton réduit : L’heure en ton absence S’y traîne, et languit. Tandis qu’infidèle, Tu cours où t’appelle Le char du plaisir, Moi, sombre et farouche, Au pied de ta couche Je reviens gémir. L’horloge inactive Dans l’oubli s’endort. Sa roue est oisive, Son pendule est mort. Sur l’émail fragile, L’aiguille immobile Semble m’avertir, Que sans toi, cruelle, Le Temps, privé d’aile, A cessé de fuir. Couvert de poussière, Ton luth détendu, Au mur solitaire Reste suspendu. Seule à peine encore, La corde sonore Vient-elle à frémir, Quand long-temps muette, Elle éclate, et jette Un dernier soupir. Plus loin, tout livide, Ton myrte fané, Dans son vase aride, Meurt abandonné. Sans eau, sans rosée, La plante épuisée Eût perdu ses fleurs, Si, pour vivre encore, Sa tige inodore N’avait bu mes pleurs. Et lui, tes délices. Cet oiseau charmant, Que tes doux caprices Stimulaient au chant ! Morose et sauvage, Vois-le dans sa cage Demander tout bas, Où sont les tendresses, Où sont les caresses Dont tu l’enivras. Ah ! quand moins farouche, Il venait joyeux Effleurer ta bouche D’un bec amoureux, De quels yeux ma rage Voyait son plumage Sur ton sein frémir… Plus de jalousie ! Notre ingrate amie A su nous unir ! Caché sous son aile Aux rayons du jour, Quand ma voix l’appelle, L’oiseau reste sourd. Ma main consolante En vain lui présente Grains, fruits savoureux ; Nul soin ne le touche ; Son bec fuit ma bouche ; Son regard, mes yeux. Viens donc, tout t’implore Viens, comblant nos vœux D’un sourire encore Animer ces lieux ; Rends au Temps son aile ; À l’oiseau fidèle Rends sa vive ardeur ; Au luth, l’harmonie ; Au myrte, la vie ; À moi, le bonheur.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    L'absence Quand je me sens mourir du poids de ma pensée, Quand sur moi tout mon sort assemble sa rigueur, D'un courage inutile affranchie et lassée, Je me sauve avec toi dans le fond de mon cœur ! Tu grondes ma tristesse, et, triste de mes larmes, De tes plus doux accents tu me redis les charmes : J'espère ! ... car ta voix, plus forte que mon sort, De mes chagrins profonds triomphe sans effort. Je ne sais ; mais je crois qu'à tes regrets rendue, Dans ces seuls entretiens tu m'as tout entendue. Tu ne dis pas : « Ce soir ! » Tu ne dis pas : « Demain ! » Non, mais tu dis : « Toujours ! » en pleurant sur ma main.

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    Marceline Desbordes-Valmore

    Marceline Desbordes-Valmore

    @marcelineDesbordesValmore

    Les cloches du soir Quand les cloches du soir, dans leur lente volée, Feront descendre l'heure au fond de la vallée ; Quand tu n'auras d'amis, ni d'amours près de toi, Pense à moi ! pense à moi ! Car les cloches du soir avec leur voix sonore A ton cœur solitaire iront parler encore ; Et l'air fera vibrer ces mots autour de toi : Aime-moi ! aime-moi ! Si les cloches du soir éveillent tes alarmes, Demande au temps ému qui passe entre nos larmes : Le temps dira toujours qu'il n'a trouvé que toi, Près de moi ! près de moi ! Quand les cloches du soir, si tristes dans l'absence, Tinteront sur mon cœur ivre de ta présence : Ah ! c'est le chant du ciel qui sonnera pour toi, Et pour moi ! et pour moi !

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    Pablo Neruda

    Pablo Neruda

    @pabloNeruda

    Pour que tu m’entendes Pour que tu m’entendes mes mots parfois s’amenuisent comme la trace des mouettes sur la plage. Collier, grelot ivre pour le raisin de tes mains douces. Mes mots je les regarde et je les vois lointains. Ils sont à toi bien plus qu’à moi. Sur ma vieille douleur ils grimpent comme un lierre. Ils grimpent sur les murs humides. Et de ce jeu sanglant tu es seule coupable. Ils sont en train de fuir de mon repaire obscur. Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli. Ce sont eux qui ont peuplé le vide où tu t’installes, ma tristesse est à eux plus qu’à toi familière. Ils diront donc ici ce que je veux te dire, et entends-les comme je veux que tu m’entendes. Habituel, un vent angoissé les traîne encore et parfois l’ouragan des songes les renverse. Tu entends d’autres voix dans ma voix de douleur. Pleurs de lèvres anciennes, sang de vieilles suppliques. Ma compagne, aime-moi. Demeure là. Suis-moi. Ma compagne, suis-moi, sur la vague d’angoisse. Pourtant mes mots prennent couleur de ton amour. Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli. Je fais de tous ces mots un collier infini pour ta main blanche et douce ainsi que les raisins

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    Philippe Soupault

    Philippe Soupault

    @philippeSoupault

    Est-ce le vent...? Est-ce le vent qui m’apporte tout à coup ces nouvelles Là-bas des signaux des cris et puis rien la nuit C’est le vent qui secoue et qui chante Il traîne derrière lui tout un fracas et une lente poussière quelque chose de mou quelque choc qui est la paresse une de ces méduses mortes qui pourrissent en crachant une odeur rose c’est le vent qui pousse ces pauvres bateaux bleus et leur fumée morose qui secoue ces arbres malheureux et c’est lui encore qui enivre les nuages il rase l’herbe Je sais que c’est lui qui pousse jusqu’à moi cette morne lumière et ces ombres sanglantes c’est lui toujours qui fait encore une fois battre mon cœur Ainsi ce coup de poing que j’entends et qui frappe une poitrine nue cette galopade de chevaux ivres d’air Il découvre le chemin qui mène là-bas dans ce pays rouge qui est une flamme Paris que je vois en tournant la tête Il me pousse en avant pour fuir cet incendie qu’il alimente Je m’accroche au bord de cette terre j’enfonce mes pieds dans le sable ce sable qui est une dernière étape avant la mer qui est là qui me lèche doucement comme un brave animal et qui m’emporterait comme un vieux bout de bois Je ne lutte pas j’attends et lui me pousse en soufflant toutes ses nouvelles en me sifflant les airs qu’il a rapportés de là-bas il s’écrie que derrière moi une ville flambe dans le jour et dans la nuit qu’elle chante elle aussi comme au jugement dernier Je jette tout mon poids sur ce sol chaud et je guette tout ce qu’il dit Il est plus fort Mais lui cherche des alliés il est plus fort il cherche des alliés qui sont le passé et le présent et il s’engouffre dans mes narines il me jette dans la bouche une boule d’air qui m’étouffe et m’écoeure Il n’y a plus qu’à avancer et à faire un grand pas en avant La route est devant moi il n’y a pas à se tromper elle est si large qu’on n’en voit pas les limites seulement quelques ornières qui sont les sillages des bateaux cette route vivante qui s’approche avec des langues et des bras pour vous dire que cela ira tout seul et si vite Cette route bleue et verte qui recule mais qui avance qui n’a pas de cesse et qui bondit Et lui toujours qui siffle une chanson de route et qui frappe dans le dos et qui aveugle pour que l’on ait pas peur Moi je m’accroche au sable qui fuit entre mes doigts pour écouter une dernière fois encore ce tremblement et ces cris qui firent remuer mes bras et mes jambes et dont le souvenir est si fort que je veux l’écouter encore que je voudrais le toucher Et lui ne m’apporte qu’un peu de ce souffle un peu de la respiration du grand animal bien aimé Encore trois jours sur cette terre avant le grand départ comme l’on dit Me voici tout habillé enfin avec une casquette et un grand foulard autour du cou les mains rouges et la gueule an avant Me voici comme un grand lâche qui oublie tout et qui sait encore tout de même que les autres dans le fond derrière derrière les forêts et toute la campagne au milieu de leur ville qui bouge comme une toupie les autres les amis ont le mal de terre et ils sont là qui attendent on ne sait quoi un incendie ou bien une belle catastrophe ces autres que j’oublie Comme ils étaient déjà morts pâles et crachant ce qu’ils appellent leur âme je renifle moi pendant ce temps-là avec mon nez en coupe-vent l’odeur du sel et l’odeur du charbon Encore trois jours et voici la mer que je vais toucher avec mes pieds de coton et puis il y aura là-bas plus loin derrière un morceau de verre qui deviendra un fil de verre ou un nuage on ne saura plus très bien On aura juste le temps de regarder une fois et de dire au revoir et puis il n’y aura plus rien du tout la terre sera couchée et la mer s’élèvera dans l’aube bleue Encore trois jours pour penser à ceux qui restent et qui étaient comme des membres qu’on ne pouvait détacher de soi sans souffrir et voilà voilà mon corps qui se brise en mille morceaux à cause de l’éclatement et de l’impatience et qui devient comme un peuple de fourmis que tout l’air rend ivres. Trois jours que cette tempête crache et vomit tout ce qu’elle a avalé sur sa route trois jours que rien n’est plus sacré pour ceux qui étaient bien tranquilles au coin du feu et qui maintenant ont peur que tout ce qu’il possédaient leur dégringole sur le crâne Trois jours que cette mer qui sifflait pour charmer les voyageurs se bat contre cette terre qui allait la nourrir et qui se dresse aujourd’hui pour chasser toux ceux qui voulaient oublier leur pays Maintenant il semble qu’une heure une treizième heure ait sonné et on ne l’attendait Tout ce monde qu’on allait quitter tremble et rage et puis celle qui semblait si bonne si douce a pris une grande colère on la voit qui serre ses milliers de poings et qui les jette en avant pour faire peur Alors il faut attendre encore attendre les secondes et les journées qui glissent tout de même On n’a plus besoin de s’accrocher ni au sable ni à la mémoire on est cloué là comme un vieux papier contre un mur On regarde ce qui se passe dans la rue à travers la vitre d’une fenêtre on en ferme les yeux et on entend le morceau de musique que joue le vent avec ses coups de rafales et ses flûtes dans les fentes Allons Allons on trouvera bien de quoi se consoler Ce n’est pas la peine tout de même de se tourmenter et de croire que tout cela va finir d’un seul coup On rira encore un peu et puis on boira beaucoup tellement que la terre et la mer tourneront comme elles le font tous les jours et toutes les nuits Allons Allons ce n’est pas la peine de pencher la tête et de se dire come je suis malheureux et de faire des choses et des choses qui ne serviront pas On n’a qu’à se laisser glisser comme ça dans le sommeil et dans la fatigue et puis oublier tout ce vent qui rage parce qu’il est tout de même impuissant et qu’il ne fera pas cette fois encore crever la terre Allons Allons mettons nos gants nos manteaux et nos drapeaux en attendant la pluie et la nuit en attendant le départ Voilà la mer et bientôt le soleil Voilà la mer et cette brise qui est sucrée Voilà une dernière fois la terre qui se secoue comme un chien couvert de puces.

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    Philippe Soupault

    Philippe Soupault

    @philippeSoupault

    Sous les arbres mauves Sous les arbres mauves une nuit mauvaise j’allais contre le froid tous ceux que la faim faisait doucement gémir tous ceux qui laissaient tomber les bras guettaient dans l’ombre Ils étaient là près de moi Leurs yeux trop grands étaient des menaces J’avais honte de savoir marcher et une lumière plus douce que la neige me tirait Tu ne me quittais pas tu dormais et ta vie était cette nuit que je respirais Je savais par mes yeux mes mains mes pas que tout s’effaçait qu’il n’ y avait plus que la terre que la terre et toi.

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    Pierre Corneille

    Pierre Corneille

    @pierreCorneille

    Sur une absence Stance. Depuis qu'un malheureux adieu Rendit vers vous ma flamme criminelle, Tout l'univers, prenant votre querelle, Contre moi conspire en ce lieu. Ayant osé me séparer Du beau soleil qui luit seul à mon âme, Pour le venger, l'autre cachant sa flamme, Refuse de plus m'éclairer. L'air, qui ne voit plus ce flambeau, En témoignant ses regrets par ses larmes, M'apprend assez qu'éloigné de vos charmes Mes yeux se doivent fondre en eau. Je vous jure, mon cher souci, Qu'étant réduit à voir l'air qui distille, Si j'ai le cœur prisonnier à la ville, Mon corps ne l'est pas moins ici.

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    Pierre de Ronsard

    Pierre de Ronsard

    @pierreDeRonsard

    L'absence Ce me sera plaisir, Genèvre, de t'écrire, Étant absent de toi, mon amoureux martyre... J'ai certes éprouvé par mainte expérience, Que l'amour se renforce et s'augmente en l'absence, Ou soit en rêvassant le plaisant souvenir, Ainsi que d'un appât la vienne entretenir, Ou soit les portraits des liesses passées S'impriment dans l'esprit de nouveau ramassées ; Soit que l'âme ait regret au bien qu'elle a perdu, Soit que le vide corps plus plein se soit rendu, Soit que la volupté soit trop tôt périssable, Soit que le souvenir d'elle soit plus durable. Bref, je ne sais que c'est ; mais certes je sais bien Que j'aime mieux absent qu'étant près de mon bien...

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    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    L'étoile qui file Petite étoile, au sein des vastes cieux, Toi que suivaient et mon cœur et mes yeux, Toi dont j'aimais la lumière timide, Où t'en vas-tu dans ta course rapide ? Ah ! j'espérais que, dans ce ciel d'azur, Du moins pour toi le repos était sûr. Pourquoi t'enfuir, mon étoile chérie ? Pourquoi quitter le ciel de ma patrie ? Mon cœur connut le bonheur et l'amour : Amour, bonheur, tout n'a duré qu'un jour. Près d'un ami, je cherchai l'espérance... Et mon ami m'oublia dans l'absence ! Le cœur brisé, j'aimais encor les fleurs, Quand je les vis se faner sous mes pleurs ; Au ciel alors, pour n'être plus trahie, J'avais aimé.... l'étoile qui m'oublie ! Adieux à toi, belle étoile du soir ! Adieux à toi, toi, mon dernier espoir !... Errante au ciel comme moi sur la terre, En d'autres lieux va briller ta lumière. Rien n'est constant pour moi que la douleur, Rien ici-bas n'a voulu de mon cœur ; Autour de moi, tout est sombre et se voile, Et tout me fuit... même au ciel, une étoile !

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    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    Séparation I. Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ; Elle offre avec orgueil au soleil radieux L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux. Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble. Ô vous.... qui vous aimez et qui restez ensemble ! Vous qui pouvez encor prier en souriant, Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant, Vous qui restez ensemble ! Soleil ! du voyageur, toi, le divin secours, En tous lieux brilles-tu comme au ciel de la France ? N'as-tu pas en secret, parfois, de préférence, Comme un cœur a souvent de secrètes amours ? Ou, pour tous les pays, as-tu donc de beaux jours ? Oh ! d'un rayon ami, protège le voyage ! Sur le triste exilé qui fuit loin du rivage, Soleil, brille toujours ! Brise de nos printemps, qui courbes chaque branche, Dont le souffle léger vient caresser les fleurs Et s'imprègne en passant de leurs fraîches odeurs ! Au loin, du faible esquif qui s'incline et se penche, Enfles-tu doucement l'humide voile blanche ? Brise, sois douce et bonne au vaisseau qui s'enfuit ; Comme un ange gardien, surveille jour et nuit L'humide voile blanche. Mer, dont l'immensité se dérobe à mes yeux ! Arrête la fureur de ta vague écumante, Étouffe l'ouragan dont la voix se lamente, Endors tes flots profonds, sombre miroir des cieux. Que ton onde sommeille à l'heure des adieux ; Renferme dans ton sein le vent de la tempête, Et reçois mon ami, comme un ami qu'on fête, À l'heure des adieux. Mais pourquoi de la mer implorer la clémence, Quand l'univers entier obéit au Seigneur ? C'est lui qu'il faut prier quand se brise le cœur, Quand sur nos fronts pâlis vient planer la souffrance, Quand, pour nos yeux en pleurs, ton aurore commence, Ô toi, de tous nos jours le jour le plus affreux, — Que l'on achève seul, que l'on commence à deux Premier jour de l'absence ! Mais n'est-il pas, mon Dieu ! dans tes divins séjours, Un ange qui protège à l'ombre de ses ailes Tous les amours bénis par tes mains paternelles : Le bon ange, ô mon Dieu, des fidèles amours ! Il s'attriste aux départs et sourit aux retours, Il rend au pèlerin la route plus unie ; Oh ! veille donc sur lui, toi qui m'as tant bénie, Bon ange des amours ! Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ; Elle offre avec orgueil au soleil radieux L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux ; Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble. Ô vous qui vous aimez et qui restez ensemble, Vous qui pouvez encor prier en souriant, Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant, Vous qui restez ensemble ! II. Voici l'heure du bal ; allez, hâtez vos pas ! De ces fleurs sans parfums couronnez voire tête ; Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas. Il est dans le silence aussi des jours de fête, Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas !... Oh ! laissez-moi rêver, ne plaignez pas mes larmes ! Si souvent, dans le monde, on rit sans être heureux, Que pleurer d'un regret est parfois plein de charmes, Et vaut mieux qu'un bonheur qui ment à tous les yeux. Je connais du plaisir le beau masque hypocrite, La voix au timbre faux, et le rire trompeur Que vos pleurs en secret vont remplacer bien vite, Comme un fer retiré des blessures du cœur ! Pour moi, du moins, les pleurs n'ont pas besoin de voile ; Sur mon front, ma douleur — comme au ciel, une étoile ! Béni sois-tu, Seigneur, qui vers de saints amours, Toi-même, pour mon cœur, fraya la douce pente, Comme en des champs fleuris, de l'onde murmurante La main du laboureur sait diriger le cours ! Oh ! laissez-moi rêver loin du bal qui s'apprête ; De ces fleurs sans parfums couronnez votre tête, Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas. Il est dans le silence aussi des jours de fête, Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas. Oui, laissez-moi rêver, pour garder souvenance Du dernier mot d'adieu qui précéda l'absence ; Laissez vibrer en moi, dans l'ombre et loin du bruit, Ce triste et doux écho qui me reste de lui ! Plus tard, on me verra me mêler à la foule ; Mais dans son noir chaos où notre âme s'endort, Où notre esprit s'éteint, — c'est un bonheur encor D'espérer au delà de l'heure qui s'écoule, D'attendre un jour parmi tous les jours à venir, De marcher grave et triste au milieu de la foule, Au front, une pensée ; au cœur, un souvenir ! III. Tu me fuis, belle Étoile, Étoile du retour ! Toi, que mon cœur brisé cherchait avec amour, Tu quittes l'horizon qu'obscurcit un nuage, Tu disparais du ciel, tu fuis devant l'orage. Depuis deux ans, pourtant, partout je te cherchais ! Les yeux fixés sur toi, j'espérais... je marchais. Comme un phare brillant d'une lumière amie, De ton espoir lointain, s'illuminait ma vie ; J'avançais à ton jour, tu m'indiquais le port ; Pour arriver vers toi, je redoublais d'effort. De chacun de mes pas je comptais la distance, Je disais : « C'est une heure ôtée à la souffrance ; C'est une heure de moins, entre ce sombre jour Et le jour radieux qui verra son retour ! » Étoile d'espérance, appui d'une pauvre âme, Pourquoi lui ravis-tu ta lumineuse flamme ? Mon vol s'est arrêté dans ces obscurs déserts, Mon aile vainement s'agite dans les airs ; La nuit règne partout. — Sans lumière et sans guide, En vain, vers l'Orient, de mon regard avide J'appelle le soleil, qui chaque jour y luit... Le soleil ne doit pas se lever aujourd'hui ! J'attends, et tour à tour ou je tremble ou j'espère. Le vent souffle du ciel ou souffle de la terre ; Il m'emporte à son gré dans son cours tortueux : Ainsi, tourbillonnant, une feuille légère Passe d'un noir ravin au calme azur des cieux. Comme aux buissons l'agneau laisse un peu de sa laine, Mon âme fatiguée, en sa course incertaine, À force de douleurs perd l'espoir et la foi, Et ne sait plus, mon Dieu, lever les yeux vers toi. Étoile du retour, dissipe les orages ! Toi que j'ai tant priée, écarte les nuages ! Reviens à l'horizon me rendre le bonheur, Et, du ciel où tu luis à côté du Seigneur, Fais descendre, le soir, un rayon d'espérance Sur les cœurs pleins d'amour que déchire l'absence !

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    S

    Sophie d'Arbouville

    @sophieDarbouville

    Un jour d'absence Quand l'horloge a sonné le moment du départ, Aucune larme, ami, n'a voilé ton regard ! Tu m'as pressé la main... j'ai cru voir un sourire Se mêler à l'adieu que tu venais me dire ; Car pour ton cœur, tranquille en pensant au retour, Ce n'était point partir que s'éloigner un jour. Et que m'importe à moi que la nuit te ramène !... Il fait jour et tu pars ! Du coursier qui t'entraîne Tu déchires les flancs, en disant : « Au revoir ! » Mais aujourd'hui me reste avant d'être à ce soir ! À ton dernier regard, pour moi, le temps s'arrête. Un livre est sous mes yeux, mais mon âme distraite S'en retourne vers toi ; car nos âmes sont sœurs, Et j'ai souvent rêvé qu'en des mondes meilleurs, En des pays lointains, ou dans les cieux peut-être... Je vivais de ta vie, et nous n'étions qu'un être ; Mais Dieu brisa notre âme, et de chaque moitié Il a créé nos cœurs, permettant par pitié Qu'ils pussent se revoir et s'aimer sur la terre, Où l'amour leur rendrait leur nature première. Des pleurs que je répands, tout homme se rirait : Les chagrins passagers vous cachent leur secret. Vos cœurs ont des transports et n'ont point de faiblesse ; Vous pleurez d'un malheur, pleurez-vous de tristesse ? Vous ne connaissez pas ces noirs pressentiments, Ces rêves où l'esprit, se forgeant des tourments, Cherche dans notre amour un sinistre présage, Comme un soleil trop vif laisse prévoir l'orage ! Reviens d'un seul regard me rendre mon ciel pur, Reviens, parle, souris, et mon bonheur est sûr. Aux accents de ta voix s'éloigne la tempête ; Sur ton sein palpitant, je repose ma tête... Berce, endors mes terreurs par un doux chant d'amour, Et laisse-moi sourire et pleurer tour à tour. Sans crainte, de la mort je serais menacée, Je mourrais dans tes bras et sur ton cœur pressée ! Mais si tu succombais... alors, sans désespoir, Comme toi, ce matin, je dirais : « À ce soir ! De quelques courts instants ton âme me devance, Attends-moi dans les cieux, ce n'est qu'un jour d'absence ! »

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    Théophile Gautier

    Théophile Gautier

    @theophileGautier

    Absence Reviens, reviens, ma bien-aimée ! Comme une fleur loin du soleil, La fleur de ma vie est fermée Loin de ton sourire vermeil. Entre nos cœurs tant de distance ! Tant d'espace entre nos baisers ! Ô sort amer ! Ô dure absence ! Ô grands désirs inapaisés ! D'ici là-bas, que de campagnes, Que de villes et de hameaux, Que de vallons et de montagnes, À lasser le pied des chevaux ! Au pays qui me prend ma belle, Hélas ! Si je pouvais aller ; Et si mon corps avait une aile Comme mon âme pour voler ! Par-dessus les vertes collines, Les montagnes au front d'azur, Les champs rayés et les ravines, J'irais d'un vol rapide et sûr. Le corps ne suit pas la pensée ; Pour moi, mon âme, va tout droit, Comme une colombe blessée, S'abattre au rebord de son toit. Descends dans sa gorge divine, Blonde et fauve comme de l'or, Douce comme un duvet d'hermine, Sa gorge, mon royal trésor ; Et dis, mon âme, à cette belle : « Tu sais bien qu'il compte les jours, Ô ma colombe ! À tire d'aile Retourne au nid de nos amours. »

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    Evariste de Parny

    Evariste de Parny

    @evaristeDeParny

    L'absence Huit jours sont écoulés depuis que dans ces plaines Un devoir importun a retenu mes pas. Croyez à ma douleur, mais ne l'éprouvez pas. Puissiez-vous de l'amour ne point sentir les peines ! Le bonheur m'environne en ce riant séjour. De mes jeunes amis la bruyante allégresse Ne peut un seul moment distraire ma tristesse ; Et mon cœur aux plaisirs est fermé sans retour. Mêlant à leur gaîté ma voix plaintive et tendre, Je demande à la nuit, je redemande au jour Cet objet adoré qui ne peut plus m'entendre. Loin de vous autrefois je supportais l'ennui ; L'espoir me consolait : mon amour aujourd'hui Ne sait plus endurer les plus courtes absences ; Tout ce qui n'est pas vous me devient odieux. Ah ! vous m'avez ôté toutes mes jouissances ; J'ai perdu tous les goûts qui me rendaient heureux. Vous seule me restez, ô mon Éléonore ! Mais vous me suffirez, j'en atteste les dieux ; Et je n'ai rien perdu, si vous m'aimez encore.

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    Evariste de Parny

    Evariste de Parny

    @evaristeDeParny

    Ma mort De mes pensers confidente chérie, Toi, dont les chants faciles et flatteurs Viennent parfois suspendre les douleurs Dont les Amours ont parsemé ma vie, Lyre fidèle, où mes doigts paresseux Trouvent sans art des sons mélodieux, Prends aujourd'hui ta voix la plus touchante, Et parle-moi de ma maîtresse absente. Objet chéri, pourvu que dans tes bras De mes accords j'amuse ton oreille, Et qu'animé par le jus de la treille, En les chantant, je baise tes appas ; Si tes regards, dans un tendre délire, Sur ton ami tombent languissamment ; À mes accents si tu daignes sourire ; Si tu fais plus, et si mon humble lyre Sur tes genoux repose mollement ; Qu'importe à moi le reste de la terre ? Des beaux esprits qu'importe la rumeur, Et du public la sentence sévère ? Je suis amant, et ne suis point auteur. Je ne veux point d'une gloire pénible ; Trop de clarté fait peur au doux plaisir. Je ne suis rien, et ma muse paisible Brave en riant son siècle et l'avenir. Je n'irai pas sacrifier ma vie Au fol espoir de vivre après ma mort. Ô ma maîtresse ! un jour l'arrêt du sort Viendra fermer ma paupière affaiblie. Lorsque tes bras, entourant ton ami, Soulageront sa tête languissante, Et que ses yeux soulevés à demi Seront remplis d'une flamme mourante ; Lorsque mes doigts tâcheront d'essuyer Tes yeux fixés sur ma paisible couche, Et que mon cœur, s'échappant sur ma bouche De tes baisers recevra le dernier ; Je ne veux point qu'une pompe indiscrète Vienne trahir ma douce obscurité, Ni qu'un airain à grand bruit agité Annonce à tous le convoi qui s'apprête. Dans mon asile, heureux et méconnu, Indifférent au reste de la terre, De mes plaisirs je lui fais un mystère : Je veux mourir comme j'aurai vécu.

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