Pâques Pour réjouir mes pieds légers de jeune daim,
J'irai dans le soleil respirer le mystère
Du printemps, et fêter à travers le jardin
La résurrection pascale de la terre.
J'aurai l’œil et j'aurai le geste puéril
Du sylvain curieux de voir ce qui se passe,
Et je boirai la pluie à la petite tasse
Des fleurs, comme un oiseau qui déguste l'Avril.
Les branches en passant me jetteront leur douche,
Et, quand j'aurai partout marqué mon pas égal,
Je reviendrai contente et la feuille à la bouche,
Avec une âme fraîche et simple d'animal.
il y a 9 mois
Oscar Wilde
@oscarWilde
Pâques Les trompettes d’argent résonnèrent sous le
Dôme, le peuple avec un respect religieux s’agenouilla
sur le sol, et je vis porté sur les épaules des
hommes, pareil à quelque grande divinité, le saint
Maître de Rome.
Comme un prêtre, il portait une robe plus blanche
que l’écume ; comme un roi, il était ceint de pourpre
royale. Trois couronnes d’or s’élevaient bien haut
sur sa tête. Entouré de splendeur et de lumière, le
Pape rentra chez lui.
Mon cœur s’enfuit bien loin dans le passé, à travers
le désert des années, vers un homme qui errait
au bord d’une mer solitaire, et cherchait vainement
un endroit pour se reposer.
«Les renards ont leur tanière, et tout oiseau
a son nid, et moi, moi seul, il me faut errer sans
repos, les pieds meurtris, et boire avec le vin
l’amertume des l armes.»
il y a 9 mois
William Butler Yeats
@williamButlerYeats
Pâques 1916 Je les ai rencontrés à la tombée du jour,
Qui venaient avec des visages éclatants
De leur comptoir, de leur bureau, parmi les grises
Maisons du dix-huitième siècle.
J’ai passé avec un salut de la tête
Ou des mots polis dépourvus de sens,
Ou bien je me suis attardé un instant et j’ai dit
Des mots polis dépourvus de sens,
Ou avant même d’avoir fini j’ai pensé
A quelque histoire plaisante, ou à un bon mot,
Destinés à distraire une connaissance
Au club, au coin du feu,
Parce que j’étais sûr qu’eux et moi
Nous jouions dans la même farce:
Tout est changé, changé du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
Cette femme, ses jours se passaient
Dans un dévouement sans méfiance;
Ses nuits, ses argumentations
A en avoir la voix brisée.
Quelle voix pourtant était plus douce que la sienne
Dans la beauté de sa jeunesse,
Au temps où elle chassait à courre?
Cet homme avait tenu une école,
Et monté notre cheval ailé;
Cet autre qui l’aidait, son ami,
Arrivait à la force de l’âge:
Pour finir il aurait sans doute conquis la gloire
Tant sa nature paraissait sensible,
Si audacieuse et délicate sa pensée.
Cet autre encore, toujours j’avais songé à lui
Comme à un rustre ivrogne et prétentieux.
Il avait causé un tort très amer
A des êtres proches de mon coeur.
Pourtant, je le compterai au nombre de ceux que je chante ;
Lui aussi a cédé son rôle
Dans la comédie dérisoire ;
Lui aussi a été changé à son tour,
Transformé du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
Les coeurs qui n’ont qu’un seul dessein,
Hiver comme été, voici qu’un sortilège
Semble les avoir changés en une pierre
Qui trouble le courant de la vie.
Le cheval qui vient sur la route,
Le cavalier, les oiseaux qui errent
Dans le mouvant désordre des nuages,
Changent de minute en minute ;
L’ombre d’un nuage sur le courant
De minute en minute change ;
Le sabot d’un cheval dérape sur le bord
De l’eau, et le cheval y tombe ;
Les poules d’eau aux longues pattes plongent,
Les poules d’eau appellent les coqs des marais ;
Tous vivent dans l’instant :
Mais la pierre est au milieu d’eux tous.
Un sacrifice trop long
Peut changer le coeur en pierre.
Quand cela sera-t-il assez ?
En finir est le rôle du Ciel, et notre rôle
Est de murmurer les noms l’un après l’autre
Comme une mère le nom de son enfant
Lorsqu’enfin le sommeil s’est appesanti
Sur ses membres fatigués par la course.
Qu’est-ce d’autre que la nuit qui tombe ?
Non, non, – non pas la nuit : la mort ;
Mais était-ce, après tout, une mort inutile ?
L’Angleterre, en effet, pourrait tenir parole
Malgré tout ce qui a été dit et fait.
Nous le connaisons leur rêve ; assez
Pour savoir qu’ils ont rêvé et qu’ils sont morts ;
Mais si le mirage d’un excessif amour
Les ayant égarés, était la cause de leur mort ?
en vérité je le résume à un poème-
MacDonagh et MacBride,
Et Connolly et Pearse,
Maintenant et à tout jamais,
Partout où l’on porte le vert,
Sont changés, changés du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
25 septembre 1916