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Amoureux

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Amoureux

Poésies de la collection amoureux

    Albert Samain

    Albert Samain

    @albertSamain

    Xanthis Au vent frais du matin frissonne l'herbe fine ; Une vapeur légère aux flancs de la colline Flotte ; et dans les taillis d'arbre en arbre croisés Brillent, encore intacts, de longs fils irisés. Près d'une onde ridée aux brises matinales, Xanthis, ayant quitté sa robe et ses sandales, D'un bras s'appuie au tronc flexible d'un bouleau, Et, penchée à demi, se regarde dans l'eau. Le flot de ses cheveux d'un seul côté s'épanche, Et, blanche, elle sourit à son image blanche... Elle admire sa taille droite, ses beaux bras, Et sa hanche polie, et ses seins délicats, Et d'une main, que guide une exquise décence, Fait un voile pudique à sa jeune innocence. Mais un grand cri soudain retentit dans les bois, Et Xanthis tremble ainsi que la biche aux abois, Car elle a vu surgir, dans l'onde trop fidèle, Les cornes du méchant satyre amoureux d'elle.

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    A

    André Lemoyne

    @andreLemoyne

    Printemps À Adolphe Magu. Les amoureux ne vont pas loin : On perd du temps aux longs voyages. Les bords de l'Yvette ou du Loing Pour eux ont de frais paysages. Ils marchent à pas cadencés Dont le cœur règle l'harmonie, Et vont l'un à l'autre enlacés En suivant leur route bénie. Ils savent de petits sentiers Où les fleurs de mai sont écloses ; Quand ils passent, les églantiers, S'effeuillant, font pleuvoir des roses. Ormes, frênes et châtaigniers, Taillis et grands fûts, tout verdoie, Berçant les amours printaniers Des nids où les cœurs sont en joie : Ramiers au fond des bois perdus, Bouvreuils des aubépines blanches, Loriots jaunes suspendus À la fourche des hautes branches. Le trille ému, les sons flûtés, Croisent les soupirs d'amoureuses : Tous les arbres sont enchantés Par les heureux et les heureuses.

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    Arsène Houssaye

    Arsène Houssaye

    @arseneHoussaye

    Les trois amoureux Jeanne est si blonde, qu'elle est rousse. Le jour de Pâques elle s'en va Cueillir l'aubépine qui pousse, Qui pousse, pousse et fleurira. La belle, en robe des dimanches, Rubans roses, fichu coquet, Gaspille les fleurs sur les branches Pour se faire un joli bouquet. Elle s'endormit sur la mousse, Mais sa bouche encor respira L'aubépine qui pousse, pousse, Qui pousse, pousse et fleurira. Trois chasseurs courant le bocage La surprirent dans son sommeil, Comme un oiseau dans une cage Rêvant à l'horizon vermeil. Le premier d'une voix bien douce Lui dit : « Je t'aime, » et l'embrassa Près de l'aubépine qui pousse, Qui pousse, pousse et fleurira. Elle rêvait que d'aventure Elle était biche, et que les loups La poursuivaient sous la ramure : Elle était sens dessus dessous. Le second sur le lit de mousse Cueillit à son sein qu'il baisa, Cueillit l'aubépine qui pousse, Qui pousse, pousse, et la piqua. Le troisième, genoux en terre, Tout doucement la réveilla. Que lui dit-il ? C'est un mystère, L'écho du bois ne le dira ! Car s'il le disait, brune ou rousse, Vous iriez toutes, ça de là, Cueillir l'aubépine qui pousse, Qui pousse, pousse et piquera.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Vers amoureux Comme en un préau d'hôpital de fous Le monde anxieux s'empresse et s'agite Autour de mes yeux, poursuivant au gîte Le rêve que j'ai quand je pense à vous. Mais n'en pouvant plus, pourtant, je m'isole En mes souvenirs. Je ferme les yeux ; Je vous vois passer dans les lointains bleus, Et j'entends le son de votre parole. * Pour moi, je m'ennuie en ces temps railleurs. Je sais que la terre aussi vous obsède. Voulez-vous tenter (étant deux on s'aide) Une évasion vers des cieux meilleurs ?

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    M

    Maurice Rollinat

    @mauriceRollinat

    La fille amoureuse La belle fille blanche et rousse, De la sorte, au long du buisson, Entretient la mère Lison À voix mélancolique et douce : « Moi cont' laquell' sont à médire Les fill' encor ben plus q' les gars, J' tiens à vous esposer mon cas, Et c'est sans hont' que j' vas vous l' dire, Pac' que vous avez l'humeur ronde, Et, q' rapportant sans v'nin ni fiel Tout' les affair' au naturel, Vous les jugez au r'bours du monde. Tout' petit', j'étais amoureuse, J'étais déjà foll' d'embrasser... Et, mes seize ans v'naient d' commencer, Que j' m'ai senti d'êtr' langoureuse, Autant q' l'âm' j'avais l' corps en peine : Cachant mes larm' à ceux d' chez nous, Aux champs assise, ou sur mes g'noux, Des fois, j' pleurais comme un' fontaine. Les airs de vielle et d' cornemuse M'étaient d' la musique à chagrin, Et d' mener un' vache au taurin Ça m' rendait songeuse et confuse. J'avais d' la r'ligion, ma mèr' Lise, Eh ben ! mon cœur qui s'ennuyait Jamais alors n' fut plus inquiet Qu'ent' les cierg' et l'encens d' l'église. Ça m' tentait dans mes veill', mes sommes, Et quoi q' c'était ? J'en savais rien. J' m'en sauvais comm' d'un mauvais chien Quand j'trouvais en c'h'min quèq' jeune homme, En mêm' temps, m' venaient des tendresses Oui m' mouillaient tout' l'âme comm' de l'eau, Tell' que trembl' les feuill' du bouleau J' frémissais sous des vents d' caresses. Un jour, au bout d'un grand pacage, J' gardais mon troupeau dans des creux, En des endroits trist' et peureux, À la lisièr' d'un bois bocage ; Or, c'était ça par un temps drôle, Si mort q'yavait pas d' papillons, Passa l' long d' moi, tout à g'nillons, Un grand gars, l' bissac sur l'épaule. Sûr ! il était pas d' not' vallée, Dans l' pays j' l'avais jamais vu. Pourtant, dès que j' le vis, ça fut Comm' si j'étais ensorcelée ! Tout' moi, mes quat' membr', lèvr', poitrine, J' devins folle ! et j' trahis alors C' désir trouble et caché d' mon corps Dont l' rong'ment m' rendait si chagrine. J' laissai là mes moutons, mes chèvres, Et j' suivis c't'homme en le r'poussant, Livrée à lui par tout mon sang, Qui m' brûlait comme un' mauvais' fièvre. Et, lorsque j' m'en r'vins au soir pâle, D' mon tourment j' savais la raison, Et q' fallait pour ma guérison Fair' la f'melle et pratiquer l' mâle. D'puis c' moment-là, je r'semble un' louve Qui dans l' nombr' des loups f'rait son choix ; Sans plus d' genr' que la bêt' des bois, Quand ça m' prend, faut q' mes flancs s'émouvent ! Ivre, à tout' ces bouch' d'aventure J' bois des baisers chauds comm' du vin ; Ma peau s' régal', mon ventre a faim De c' tressail'ment q'est sa pâture. Avec l'homm' j'ai pas d' coquett'rie, Et quand il m'a prise et qu'on s' tient, Je m' sers de lui comm' d'un moyen, Je n' pens' qu'à moi dans ma furie. Ceux q'enjôl' les volag', les niaises, Qui s' prenn' à l'Amour sans l'aimer, Ont ben essayé de m' charmer : Ils perd' leur temps lorsque j' m'apaise. Ça fait q' jamais je n' m'abandonne Pour l'intérêt ou l'amitié, Ni par orgueil ni par pitié. C'est pour me calmer que j' me donne ! M' marier ? Non ! j'enrag'rais ma vie ! Tromper mon mari ? l'épuiser ? Ou que j' me priv' pour pas l'user ? Faut d' l'amour neuf à mon envie ! L' feu d' la passion q' mon corps endure Met autant mon âme en langueur, Et c' qui fait les frissons d' mon cœur, C'est ceux qui m' pass' dans la nature Avec le sentiment qui m' glace Mon désir n'a pas d'unisson, Et j' peux pas connaît' un garçon Sans y d'mander qu'on s'entrelace. Tous me jett' la pierre et m' réprouvent, Dis' que j' fais des commerc' maudits, Pourtant, je m' crois dans l' Paradis Quand l' plaisir me cherche et qui m' trouve ! J' suis franch' de chair comm' de pensée, J' livr' ma conscience avec mon corps, V'là pourquoi j' n'ai jamais d' remords Après q' ma folie est passée. Eh ben ! Vous qu'êt' bonn', sans traîtrise, Mer' Lison ? Vous qu'êt' sans défaut, Dit' ? à vot' idée ? es'qu'i' faut Que j' me r'pente et que j' me méprise ? » La vieille, ainsi, dans la droiture De son sens expérimenté, D'après la loi d'éternité, La juge au nom de la Nature : « Je n' vois pas q' ton cas m'embarrasse, Ma fille ! T'as l' corps obéissant Au conseil libertin d' ton sang Qu'est une héritation d' ta race. C'est pas l' vice, ni la fantaisie Qui t' pouss' à l'homm'... c'est ton destin ! J' blâm' pas ta paillardis' d'instinct Pac' qu'elle est sans hypocrisie. Ceux qui t'appell' traînée infâme En vérité n'ont pas raison : L' sort a mis, comm' dans les saisons, Du chaud ou du froid dans les femmes. Tout' ceux bell' moral' qu'on leur flanque Ell' les écout' sous condition : Cell' qui n' cour' pas, c'est l'occasion Ou la forc' du sang qui leur manque. Et d'ailleurs, conclut la commère : Qu'èq' bon jour, t'auras des champis, Si t'en fais pas, ça s'ra tant pis : Tu chang'rais d'amour, étant mère ! »

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    Sully Prudhomme

    Sully Prudhomme

    @sullyPrudhomme

    Éclaircie Quand on est sous l'enchantement D'une faveur d'amour nouvelle, On s'en défendrait vainement, Tout le révèle : Comme fuit l'or entre les doigts, Le trop-plein de bonheur qu'on sème, Par le regard, le pas, la voix, Crie : elle m'aime ! Quelque chose d'aérien Allège et soulève la vie, Plus rien ne fait peine, et plus rien Ne fait envie : Les choses ont des airs contents, On marche au hasard, l'âme en joie, Et le visage en même temps Rit et larmoie ; On s'oublie, aux yeux étonnés Des enfants et des philosophes, En grands gestes désordonnés, En apostrophes ! La vie est bonne, on la bénit, On rend justice à la nature ! Jusqu'au rêve de faire un nid L'on s'aventure...

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    Rémi Belleau

    Rémi Belleau

    @remiBelleau

    La douceur d'un amoureux Je ne voie rien qui ne me refigure Ce front, cet œil, ce cheveu jaunissant, Et ce tétin en bouton finissant, Bouton de rose encor en sa verdure. Son beau sourcil est la juste vouture (*) D'un arc Turquois, et le rayon hissant Du point du jour est son œil languissant, Son sein, le sein qui surpasse nature. Quand j'oy (*) le bruit des argentins ruisseaux, Je pense ouïr mille discours nouveaux, Qu'Amour compose en sa bouche de basme (*). Si c'est le vent, il me fait souvenir De la douceur d'un amoureux soupir, En soupirant qui me vient piller l'âme. * Vouture : Voûte, arcade. * J'oy : Entendre, écouter. * Basme : Baume.

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