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Femmes

179 poésies en cours de vérification
Femmes

Poésies de la collection femmes

    A

    Adonis

    @adonis

    Entre tes yeux et moi Quand je plonge mes yeux dans les tiens je vois l'aube profonde je vois l'hier ancien Je vois ce que j'ignore et je sens que passe l'univers entre tes yeux et moi

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    À Ninon Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ? L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ; C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ; Peut-être cependant que vous m’en puniriez. Si je vous le disais, que six mois de silence Cachent de longs tourments et des voeux insensés : Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance Se plaît, comme une fée, à deviner d’avance ; Vous me répondriez peut-être : Je le sais. Si je vous le disais, qu’une douce folie A fait de moi votre ombre, et m’attache à vos pas : Un petit air de doute et de mélancolie, Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ; Peut-être diriez-vous que vous n’y croyez pas. Si je vous le disais, que j’emporte dans l’âme Jusques aux moindres mots de nos propos du soir : Un regard offensé, vous le savez, madame, Change deux yeux d’azur en deux éclairs de flamme ; Vous me défendriez peut-être de vous voir. Si je vous le disais, que chaque nuit je veille, Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ; Ninon, quand vous riez, vous savez qu’une abeille Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ; Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous. Mais vous ne saurez rien. – Je viens, sans rien en dire, M’asseoir sous votre lampe et causer avec vous ; Votre voix, je l’entends ; votre air, je le respire ; Et vous pouvez douter, deviner et sourire, Vos yeux ne verront pas de quoi m’être moins doux. Je récolte en secret des fleurs mystérieuses : Le soir, derrière vous, j’écoute au piano Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses, Et, dans les tourbillons de nos valses joyeuses, Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau. La nuit, quand de si loin le monde nous sépare, Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous, De mille souvenirs en jaloux je m’empare ; Et là, seul devant Dieu, plein d’une joie avare, J’ouvre, comme un trésor, mon cœur tout plein de vous. J’aime, et je sais répondre avec indifférence ; J’aime, et rien ne le dit ; j’aime, et seul je le sais ; Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance ; Et j’ai fait le serment d’aimer sans espérance, Mais non pas sans bonheur ; – je vous vois, c’est assez. Non, je n’étais pas né pour ce bonheur suprême, De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds. Tout me le prouve, hélas ! jusqu’à ma douleur même… Si je vous le disais pourtant, que je vous aime, Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Conseils à une Parisienne Oui, si j'étais femme, aimable et jolie, Je voudrais, Julie, Faire comme vous ; Sans peur ni pitié, sans choix ni mystère, A toute la terre Faire les yeux doux. Je voudrais n'avoir de soucis au monde Que ma taille ronde, Mes chiffons chéris, Et de pied en cap être la poupée La mieux équipée De Rome à Paris. Je voudrais garder pour toute science Cette insouciance Qui vous va si bien ; Joindre, comme vous, à l'étourderie Cette rêverie Qui ne pense à rien. Je voudrais pour moi qu'il fût toujours fête, Et tourner la tête, Aux plus orgueilleux ; Être en même temps de glace et de flamme, La haine dans l'âme, L'amour dans les yeux. Je détesterais, avant toute chose, Ces vieux teints de rose Qui font peur à voir. Je rayonnerais, sous ma tresse brune, Comme un clair de lune En capuchon noir. Car c'est si charmant et c'est si commode, Ce masque à la mode, Cet air de langueur ! Ah ! que la pâleur est d'un bel usage ! Jamais le visage N'est trop loin du coeur. Je voudrais encore avoir vos caprices, Vos soupirs novices, Vos regards savants. Je voudrais enfin, tant mon coeur vous aime, Être en tout vous-même... Pour deux ou trois ans. Il est un seul point, je vous le confesse, Où votre sagesse Me semble en défaut. Vous n'osez pas être assez inhumaine. Votre orgueil vous gêne ; Pourtant il en faut. Je ne voudrais pas, à la contredanse, Sans quelque prudence Livrer mon bras nu ; Puis, au cotillon, laisser ma main blanche Traîner sur la manche Du premier venu. Si mon fin corset, si souple et si juste, D'un bras trop robuste Se sentait serré, J'aurais, je l'avoue, une peur mortelle Qu'un bout de dentelle N'en fût déchiré. Chacun, en valsant, vient sur votre épaule Réciter son rôle D'amoureux transi ; Ma beauté, du moins, sinon ma pensée, Serait offensée D'être aimée ainsi. Je ne voudrais pas, si j'étais Julie, N'être que jolie Avec ma beauté. Jusqu'au bout des doigts je serais duchesse. Comme ma richesse, J'aurais ma fierté. Voyez-vous, ma chère, au siècle où nous sommes, La plupart des hommes Sont très inconstants. Sur deux amoureux pleins d'un zèle extrême, La moitié vous aime Pour passer le temps. Quand on est coquette, il faut être sage. L'oiseau de passage Qui vole à plein coeur Ne dort pas en l'air comme une hirondelle, Et peut, d'un coup d'aile, Briser une fleur.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Lucie Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J’aime son feuillage éploré ; La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai. Un soir, nous étions seuls, j’étais assis près d’elle ; Elle penchait la tête, et sur son clavecin Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main. Ce n’était qu’un murmure : on eût dit les coups d’aile D’un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux, Et craignant en passant d’éveiller les oiseaux. Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques Sortaient autour de nous du calice des fleurs. Les marronniers du parc et les chênes antiques Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs. Nous écoutions la nuit ; la croisée entr’ouverte Laissait venir à nous les parfums du printemps ; Les vents étaient muets, la plaine était déserte ; Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans. Je regardais Lucie. – Elle était pâle et blonde. Jamais deux yeux plus doux n’ont du ciel le plus pur Sondé la profondeur et réfléchi l’azur. Sa beauté m’enivrait ; je n’aimais qu’elle au monde. Mais je croyais l’aimer comme on aime une soeur, Tant ce qui venait d’elle était plein de pudeur ! Nous nous tûmes longtemps ; ma main touchait la sienne. Je regardais rêver son front triste et charmant, Et je sentais dans l’âme, à chaque mouvement, Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine, Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur, Jeunesse de visage et jeunesse de coeur. La lune, se levant dans un ciel sans nuage, D’un long réseau d’argent tout à coup l’inonda. Elle vit dans mes yeux resplendir son image ; Son sourire semblait d’un ange : elle chanta. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fille de la douleur, harmonie ! harmonie ! Langue que pour l’amour inventa le génie ! Qui nous vins d’Italie, et qui lui vins des cieux ! Douce langue du coeur, la seule où la pensée, Cette vierge craintive et d’une ombre offensée, Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux ! Qui sait ce qu’un enfant peut entendre et peut dire Dans tes soupirs divins, nés de l’air qu’il respire, Tristes comme son coeur et doux comme sa voix ? On surprend un regard, une larme qui coule ; Le reste est un mystère ignoré de la foule, Comme celui des flots, de la nuit et des bois ! – Nous étions seuls, pensifs ; je regardais Lucie. L’écho de sa romance en nous semblait frémir. Elle appuya sur moi sa tête appesantie. Sentais-tu dans ton coeur Desdemona gémir, Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur ta bouche adorée Tu laissas tristement mes lèvres se poser, Et ce fut ta douleur qui reçut mon baiser. Telle je t’embrassai, froide et décolorée, Telle, deux mois après, tu fus mise au tombeau ; Telle, ô ma chaste fleur ! tu t’es évanouie. Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie, Et tu fus rapportée à Dieu dans ton berceau. Doux mystère du toit que l’innocence habite, Chansons, rêves d’amour, rires, propos d’enfant, Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend, Qui fis hésiter Faust au seuil de Marguerite, Candeur des premiers jours, qu’êtes-vous devenus ? Paix profonde à ton âme, enfant ! à ta mémoire ! Adieu ! ta blanche main sur le clavier d’ivoire, Durant les nuits d’été, ne voltigera plus… Mes chers amis, quand je mourrai, Plantez un saule au cimetière. J’aime son feuillage éploré ; La pâleur m’en est douce et chère, Et son ombre sera légère À la terre où je dormirai.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    L’Andalouse Avez-vous vu, dans Barcelone, Une Andalouse au sein bruni ? Pâle comme un beau soir d’automne ! C’est ma maîtresse, ma lionne ! La marquesa d’Amaëgui ! J’ai fait bien des chansons pour elle, Je me suis battu bien souvent. Bien souvent j’ai fait sentinelle, Pour voir le coin de sa prunelle, Quand son rideau tremblait au vent. Elle est à moi, moi seul au monde. Ses grands sourcils noirs sont à moi, Son corps souple et sa jambe ronde, Sa chevelure qui l’inonde, Plus longue qu’un manteau de roi ! C’est à moi son beau corps qui penche Quand elle dort dans son boudoir, Et sa basquina sur sa hanche, Son bras dans sa mitaine blanche, Son pied dans son brodequin noir. Vrai Dieu ! Lorsque son oeil pétille Sous la frange de ses réseaux, Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os. Qu’elle est superbe en son désordre, Quand elle tombe, les seins nus, Qu’on la voit, béante, se tordre Dans un baiser de rage, et mordre En criant des mots inconnus ! Et qu’elle est folle dans sa joie, Lorsqu’elle chante le matin, Lorsqu’en tirant son bas de soie, Elle fait, sur son flanc qui ploie, Craquer son corset de satin ! Allons, mon page, en embuscades ! Allons ! la belle nuit d’été ! Je veux ce soir des sérénades À faire damner les alcades De Tolose au Guadalété.

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    Alfred De Musset

    Alfred De Musset

    @alfredDeMusset

    Qu’elle est superbe en son désordre Avez-vous vu, dans Barcelone, Une Andalouse au sein bruni ? Pâle comme un beau soir d’automne ! C’est ma maîtresse, ma lionne ! La marquesa d’Amaëgui ! J’ai fait bien des chansons pour elle, Je me suis battu bien souvent. Bien souvent j’ai fait sentinelle, Pour voir le coin de sa prunelle, Quand son rideau tremblait au vent. Elle est à moi, moi seul au monde. Ses grands sourcils noirs sont à moi, Son corps souple et sa jambe ronde, Sa chevelure qui l’inonde, Plus longue qu’un manteau de roi ! C’est à moi son beau corps qui penche Quand elle dort dans son boudoir, Et sa basquina sur sa hanche, Son bras dans sa mitaine blanche, Son pied dans son brodequin noir.

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    Alphonse Daudet

    Alphonse Daudet

    @alphonseDaudet

    La rêveuse Elle rêve, la jeune femme ! L’œil alangui, les bras pendants, Elle rêve, elle entend son âme, Son âme qui chante au dedans. Tout l’orchestre de ses vingt ans, Clavier d’or aux notes de flamme, Lui dit une joyeuse gamme Sur la clef d’amour du printemps… La rêveuse leva la tête, Puis la penchant sur son poète, S’en fut, lui murmurant tout bas : « Ami, je rêve ; ami, je pleure ; « Ami, je songe que c’est l’heure… « Et que mon coiffeur ne vient pas. »

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    Amitié de femme À Madame L. sur son album. Amitié, doux repos de l'âme, Crépuscule charmant des cœurs, Pourquoi dans les yeux d'une femme As-tu de plus tendres langueurs ? Ta nature est pourtant la même ! Dans le cœur dont elle a fait don Ce n'est plus la femme qu'on aime, Et l'amour a perdu son nom. Mais comme en une pure glace Le crayon se colore mieux, Le sentiment qui le remplace Est plus visible en deux beaux yeux. Dans un timbre argentin de femme Il a de plus tendres accents : La chaste volupté de l'âme Devient presque un plaisir des sens. De l'homme la mâle tendresse Est le soutien d'un bras nerveux, Mais la vôtre est une caresse Qui frissonne dans les cheveux. Oh ! laissez-moi, vous que j'adore Des noms les plus doux tour à tour, O femmes, me tromper encore Aux ressemblances de l'amour ! Douce ou grave, tendre ou sévère, L'amitié fut mon premier bien : Quelque soit la main qui me serre, C'est un cœur qui répond au mien. Non, jamais ma main ne repousse Ce symbole d'un sentiment ; Mais lorsque la main est plus douce, Je la serre plus tendrement.

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    À Elvire Oui, l'Anio murmure encore Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur, Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure, Et Ferrare au siècle futur Murmurera toujours celui d'Eléonore ! Heureuse la beauté que le poète adore ! Heureux le nom qu'il a chanté ! Toi, qu'en secret son culte honore, Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité Il lègue à ce qu'il aime une éternelle vie, Et l'amante et l'amant sur l'aile du génie Montent, d'un vol égal, à l'immortalité ! Ah ! si mon frêle esquif, battu par la tempête, Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ? Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ? Si les pleurs d'une amante, attendrissant le sort, Ecartaient de mon front les ombres de la mort ? Peut-être ?..., oui, pardonne, ô maître de la lyre ! Peut-être j'oserais, et que n'ose un amant ? Egaler mon audace à l'amour qui m'inspire, Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire, De notre amour aussi laisser un monument ! Ainsi le voyageur qui dans son court passage Se repose un moment à l'abri du vallon, Sur l'arbre hospitalier dont il goûta l'ombrage Avant que de partir, aime à graver son nom ! Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ? La terre perd ses fruits, les forêts leur parure ; Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers ; Par un souffle des vents la prairie est fanée, Et le char de l'automne, au penchant de l'année, Roule, déjà poussé par la main des hivers ! Comme un géant armé d'un glaive inévitable, Atteignant au hasard tous les êtres divers, Le temps avec la mort, d'un vol infatigable Renouvelle en fuyant ce mobile univers ! Dans l'éternel oubli tombe ce qu'il moissonne : Tel un rapide été voit tomber sa couronne Dans la corbeille des glaneurs ! Tel un pampre jauni voit la féconde automne Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs ! Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie ! Jeunesse, amour, plaisir,. fugitive beauté ! Beauté, présent d'un jour que le ciel nous envie, Ainsi vous tomberez, si la main du génie Ne vous rend l'immortalité ! Vois d'un oeil de pitié la vulgaire jeunesse, Brillante de beauté, s'enivrant de plaisir ! Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse, Que restera-t-il d'elle ? à peine un souvenir : Le tombeau qui l'attend l'engloutit tout entière, Un silence éternel succède à ses amours ; Mais les siècles auront passé sur ta poussière, Elvire, et tu vivras toujours !

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    Alphonse de Lamartine

    Alphonse de Lamartine

    @alphonseDeLamartine

    La femme O femme ! éclair vivant dont l’éclat me renverse ! O vase de splendeur qu’un jour de Dieu transperce ! Pourquoi nos yeux ravis fondent-ils sous les tiens ? Pourquoi mon âme en vain sous sa main comprimé S’élance-t-elle à toi comme une aigle enflammée Dont le feu du bûcher a brisé les liens ? Déjà l’hiver blanchit les sommets de ma vie Sur la route au tombeau que mes pieds ont suivie ; Ah ! j’ai derrière moi bien des nuits et des jours ! Un regard de quinze ans, s’il y daignait descendre, Dans mon cœur consumé ne remuerait que cendre, Cendre de passions qui palpitent toujours ! Je devrais détourner mon cœur de leur visage, Me ranger en baissant les yeux sur leur passage, Et regarder de loin ces fronts éblouissants, Comme l’on voit monter de leur urne fermée Les vagues de parfum et de sainte fumée Dont les enfants de chœur vont respirer l’encens ! Je devrais contempler avec indifférence Ces vierges, du printemps rayonnante espérance, Comme l’on voit passer sans regret et sans pleurs, Au bord d’un fleuve assis, ces vagues fugitives Dont le courant rapide emporte à d’autres rives Des flots où des amants ont effeuillé des fleurs ! Cependant plus la vie au soleil s’évapore, O filles de l’Éden ! et plus on vous adore ! L’odeur de vos soupirs nous parfume les vents ; Et même quand l’hiver de vos grâces nous sèvre, Non ! ce n’est pas de l’air qu’aspire votre lèvre : L’air que vous respirez, c’est l’âme des vivants ! Car l’homme éclos un jour d’un baiser de ta bouche, Cet homme dont ton cœur fut la première couche, Se souvient â jamais de son nid réchauffant, Du souffle où de sa vie il puisa l’étincelle, Des étreintes d’amour au creux de ton aisselle, Et du baiser fermant sa paupière d’enfant ! Mais si tout regard d’homme à ton visage aspire, Ce n’est pas seulement parce que ton sourire Embaume sur tes dents l’air qu’il fait palpiter, Que, sous le noir rideau des paupières baissées, On voit l’ombre des cils recueillir des pensées Où notre âme s’envole et voudrait habiter ; Ce n’est pas seulement parce que de sa tête La lumière glissant, sans qu’un angle l’arrête. Sur l’ondulation de tes membres polis, T’enveloppe d’en haut dans ses rayons de soie Comme une robe d’air et de jour, qui te noie Dans l’éther lumineux d’un vêtement sans plis ; Ce n’est pas seulement parce que tu déplies Voluptueusement ces bras dont tu nous lies, Chaîne qui d’un seul cœur réunit les deux parts, Que ton cou de ramier sur l’aile se renverse, Et que s’enfle à ton sein cette coupe qui verse Le nectar à la bouche et l’ivresse aux regards : Mais c’est que le Seigneur, ô belle créature ! Fit de toi le foyer des feux de la nature, Que par toi tout amour a son pressentiment, Que toutes voluptés, dont le vrai nom est femme, Traversent ton beau corps ou passent par ton âme, Comme toutes clartés tombent du firmament ! Cette chaleur du ciel, dont ton sein surabonde, À deux rayonnements pour embraser le monde. Selon que son foyer fait ondoyer son feu : Lorsque sur un seul cœur ton âme le condense, L’homme est roi, c’est l’amour ! Il devient Providence Quand il s’épand sur tous et rejaillit vers Dieu. Alors on voit l’enfant, renversé sur ta hanche, Effeuiller le bouton que ta mamelle penche, Comme un agneau qui joue avec le flot qu’il boit ; L’adolescent, qu’un geste à tes genoux rappelle, Suivre de la pensée au livre qu’il épelle La sagesse enfantine écrite sous ton doigt ; L’orphelin se cacher dans les plis de ta robe, L’indigent savourer le regard qu’il dérobe, Le vieillard à tes pieds s’asseoir à ton soleil ; Le mourant, dans son lit retourné sans secousse Sur ce bras de la femme où la mort même est douce, S’endormir dans ce sein qu’il pressait au réveil ! Amour et charité, même nom dont on nomme La pitié du Très-Haut et l’extase de l’homme ! Oui, tu les as compris, peintre aux langues de feu ! La beauté sous ta main, par un double mystère, Unit ces deux amours du ciel et de la terre. Ah ! gardons l’un pour l’homme, et brûlons l’autre à Dieu ! Paris, 10 décembre 1838.

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    A

    Amable Tastu

    @amableTastu

    La jeune fille Qu’elle est gracieuse et belle ! Est-il rien d’aussi beau qu’elle ? Me diras-tu, matelot, Sur ta galère fidèle, Si la galère, ou le flot, Ou l’étoile est aussi belle ? Me diras-tu, chevalier, Toi dont l’épée étincelle, Si l’épée, ou le coursier, Ou la guerre est aussi belle ? Me diras-tu, pastoureau, En paissant l’agneau qui bêle, Si la montagne, ou l’agneau, Ou la plaine est aussi belle ? Qu’elle est gracieuse et belle ! Est-il rien d’aussi beau qu’elle ?

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    André Breton

    André Breton

    @andreBreton

    Chiffres et constellations amoureux d'une femme Au globule de vie toute la chance et pour cela qu'il s'agglomère à lui-même autant de fois que la goutte de pluie sur la feuille et la vitre, selon les tracés pas plus tôt décidés que disparus dont elle garde le secret et cela en autant de sens qu'indiquent les rayons du soleil. C'est comme les perles de ces petites boites rondes de l'enfance jouet comme on n'en voit plus qui ne tenaient pas quitte tant qu'au prix d'une longue patience on n'en avait pas ponctué jusqu'au dernier alvéole une bouche esquissant un sourire. La tête d'Ogmius coiffée du sanglier sonne toujours aussi clair par l'ondée d'orage : à jamais elle nous offre un visage frappé du même coin que les cieux. Au centre, la beauté originelle, balbutiante de voyelles, servie d'un suprême doigté par les nombres.

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    André Chénier

    André Chénier

    @andreChenier

    La jeune tarentine Pleurez, doux alcyons, ô vous, oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez. Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine. Un vaisseau la portait aux bords de Camarine. Là l'hymen, les chansons, les flûtes, lentement, Devaient la reconduire au seuil de son amant. Une clef vigilante a pour cette journée Dans le cèdre enfermé sa robe d'hyménée Et l'or dont au festin ses bras seraient parés Et pour ses blonds cheveux les parfums préparés. Mais, seule sur la proue, invoquant les étoiles, Le vent impétueux qui soufflait dans les voiles L'enveloppe. Étonnée, et loin des matelots, Elle crie, elle tombe, elle est au sein des flots. Elle est au sein des flots, la jeune Tarentine. Son beau corps a roulé sous la vague marine. Thétis, les yeux en pleurs, dans le creux d'un rocher Aux monstres dévorants eut soin de le cacher. Par ses ordres bientôt les belles Néréides L'élèvent au-dessus des demeures humides, Le portent au rivage, et dans ce monument L'ont, au cap du Zéphir, déposé mollement. Puis de loin à grands cris appelant leurs compagnes, Et les Nymphes des bois, des sources, des montagnes, Toutes frappant leur sein et traînant un long deuil, Répétèrent : « Hélas ! » autour de son cercueil. Hélas ! chez ton amant tu n'es point ramenée. Tu n'as point revêtu ta robe d'hyménée. L'or autour de tes bras n'a point serré de nœuds. Les doux parfums n'ont point coulé sur tes cheveux.

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    Andrée Chedid

    Andrée Chedid

    @andreeChedid

    A force de m'écrire A force de m'écrire Je me découvre un peu Je recherche l'Autre J'aperçois au loin La femme que j'ai été Je discerne ses gestes Je glisse sur ses défauts Je pénètre à l'intérieur D'une conscience évanouie J'explore son regard Comme ses nuits Je dépiste et dénude un ciel Sans réponse et sans voix Je parcours d'autres domaines J'invente mon langage Et m'évade en Poésie Retombée sur ma Terre j'y répéte à voix basse Inventions et souvenirs A force de m'écrire Je me découvre un peu Et je retrouve l'Autre.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les chercheuses de poux Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes, Implore l'essaim blanc des rêves indistincts, Il vient près de son lit deux grandes sœurs charmantes Avec de frêles doigts aux ongles argentins.

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    Arthur Rimbaud

    Arthur Rimbaud

    @arthurRimbaud

    Les mains de Jeanne-Marie Jeanne-Marie a des mains fortes, Mains sombres que l’été tanna, Mains pâles comme des mains mortes. – Sont-ce des mains de Juana ? Ont-elles pris les crèmes brunes Sur les mares des voluptés ? Ont-elles trempé dans des lunes Aux étangs de sérénités ? Ont-elles bu des cieux barbares, Calmes sur les genoux charmants ? Ont-elles roulé des cigares Ou trafiqué des diamants ? Sur les pieds ardents des Madones Ont-elles fané des fleurs d’or ? C’est le sang noir des belladones Qui dans leur paume éclate et dort. Mains chasseresses des diptères Dont bombinent les bleuisons Aurorales, vers les nectaires ? Mains décanteuses de poisons ? Oh ! quel Rêve les a saisies Dans les pandiculations ? Un rêve inouï des Asies, Des Khenghavars ou des Sions ? – Ces mains n’ont pas vendu d’oranges, Ni bruni sur les pieds des dieux : Ces mains n’ont pas lavé les langes Des lourds petits enfants sans yeux. Ce ne sont pas mains de cousine Ni d’ouvrières aux gros fronts Que brûle, aux bois puant l’usine, Un soleil ivre de goudrons. Ce sont des ployeuses d’échines, Des mains qui ne font jamais mal, Plus fatales que des machines, Plus fortes que tout un cheval ! Remuant comme des fournaises, Et secouant tous ses frissons, Leur chair chante des Marseillaises Et jamais les Eleisons ! Ça serrerait vos cous, ô femmes Mauvaises, ça broierait vos mains, Femmes nobles, vos mains infâmes Pleines de blancs et de carmins. L’éclat de ces mains amoureuses Tourne le crâne des brebis ! Dans leurs phalanges savoureuses Le grand soleil met un rubis ! Une tache de populace Les brunit comme un sein d’hier ; Le dos de ces Mains est la place Qu’en baisa tout Révolté fier ! Elles ont pâli, merveilleuses, Au grand soleil d’amour chargé, Sur le bronze des mitrailleuses À travers Paris insurgé ! Ah ! quelquefois, ô Mains sacrées, À vos poings, Mains où tremblent nos Lèvres jamais désenivrées, Crie une chaîne aux clairs anneaux ! Et c’est un soubresaut étrange Dans nos êtres, quand, quelquefois, On veut vous déhâler, Mains d’ange, En vous faisant saigner les doigts ! Arthur Rimbaud, Poésies  

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    Casimir Delavigne

    Casimir Delavigne

    @casimirDelavigne

    La vie de Jeanne d’Arc Un jour que l’océan gonflé par la tempête, Réunissant les eaux de ses fleuves divers, Fier de tout envahir, marchait à la conquête De ce vaste univers; Une voix s’éleva du milieu des orages, Et Dieu, de tant d’audace invinsible témoin, Dit aux flots étonnés : << Mourez sur ces rivages, Vous n’irez pas plus loin. >> Ainsi, quand, tourmentés d’une impuissante rage, Les soldats de Bedfort, grossis par leurs succès, Menaçaient d’un prochain naufrage Le royaume et le nom français; Une femme, arrêtant ces bandes formidables, Se montra dans nos champs de leur foule inondés; Et ce torrent vainqueur expira dans les sables Que naguère il couvrait de ses flots débordés. Une femme paraît, une vierge, un héros; Elle arrache son maître aux langueurs du repos. La France qui gémit se réveille avec peine, Voit son trône abattu, voit ses champs dévastés, Se lève en secouant sa chaîne, Et rassemble à ce bruit ses enfans irrités. Qui t’inspira, jeune et faible bergère, D’abandonner la houlette légère Et les tissus commencés par ta main? Ta sainte ardeur n’a pas été trompée; Mais quel pouvoir brise sous ton épée Les cimiers d’or et les casques d’airain? L’aube du jour voit briller ton armure, L’acier pesant couvre ta chevelure, Et des combats tu cours braver le sort. Qui t’inspira de quitter ton vieux père, De préférer aux baisers de ta mère L’horreur des camps, le carnage et la mort? C’est Dieu qui l’a voulu, c’est le dieu des armées, Qui regarde en pitié les pleurs des malheureux, C’est lui qui délivra nos tribus opprimées Sous le poids d’un joug rigoureux; C’est lui, c’est l’éternel, c’est le dieu des armées! L’ange exterminateur bénit ton étendard; Il mit dans tes accens un son mâle et terrible, La force dans ton bras, la mort dans ton regard, Et dit à la brebis paisible; Va déchirer le léopard. Richemont, Lahire, Xaintrailles, Dunois, et vous, preux chevaliers, Suivez ses pas dans les batailles; Couvrez-la de vos boucliers, Couvrez-la de votre vaillance; Soldats, c’est l’espoir de la France Que votre roi vous a commis. Marchez quand sa voix vous appelle, Car la victoire est avec elle; La fuite, avec ses ennemis. Apprenez d’une femme à forcer des murailles, À gravir leurs débris sous des feux dévorans, À terrasser l’anglais, à porter dans ses rangs Un bras fécond en funérailles! Honneur à ses hauts faits! Guerriers, honneur à vous! Chante, heureuse Orléans, les vengeurs de la France, Chante ta délivrance; Les assaillans nombreux sont tombés sous leurs coups. Que sont-ils devenus ces conquérans sauvages Devant le fer vainqueur qui combattait pour nous? … Ce que deviennent des nuages D’insectes dévorans dans les airs rassemblés, Quand un noir tourbillon élancé des montagnes Disperse en tournoyant ces bataillons ailés, Et fait pleuvoir sur nos campagnes Leurs cadavres amoncelés. Aux yeux d’un ennemi superbe Le lis a repris ses couleurs; Ses longs rameaux courbés sous l’herbe Se relèvent couverts de fleurs. Jeanne au front de son maître a posé la couronne. A l’attrait des plaisirs qui retiennent ses pas La noble fille l’abandonne; Délices de la cour, vous n’enchaînerez pas L’ardeur d’une vertu si pure; Des armes, voilà sa parure, Et ses plaisirs sont les combats. Ainsi tout prospérait à son jeune courage. Dieu conduisit deux ans ce merveilleux ouvrage. Il se plut à récompenser Pour la France et ses rois son amour idolâtre, Deux ans il la soutint sur ce brillant théâtre, Pour apprendre aux anglais, qu’il voulait abaisser Que la France jamais ne périt tout entière, Que, son dernier vengeur fût-il dans la poussière, Les femmes, au besoin, pourraient les en chasser.

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    C

    Catulle Mendès

    @catulleMendes

    Reste. N’allume pas la lampe Reste. N'allume pas la lampe. Que nos yeux S'emplissent pour longtemps de ténèbres, et laisse Tes bruns cheveux verser la pesante mollesse De leurs ondes sur nos baisers silencieux.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Allégorie C’est une femme belle et de riche encolure, Qui laisse dans son vin traîner sa chevelure. Les griffes de l’amour, les poisons du tripot, Tout glisse et tout s’émousse au granit de sa peau. Elle rit à la Mort et nargue la Débauche, Ces monstres dont la main, qui toujours gratte et fauche, Dans ses jeux destructeurs a pourtant respecté De ce corps ferme et droit la rude majesté. Elle marche en déesse et repose en sultane ; Elle a dans le plaisir la foi mahométane, Et dans ses bras ouverts, que remplissent ses seins, Elle appelle des yeux la race des humains. Elle croit, elle sait, cette vierge inféconde Et pourtant nécessaire à la marche du monde, Que la beauté du corps est un sublime don Qui de toute infamie arrache le pardon. Elle ignore l’Enfer comme le Purgatoire, Et quand l’heure viendra d’entrer dans la Nuit noire, Elle regardera la face de la Mort, Ainsi qu’un nouveau-né, — sans haine et sans remord.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    À celle qui est trop gaie Ta tête, ton geste, ton air Sont beaux comme un beau paysage ; Le rire joue en ton visage Comme un vent frais dans un ciel clair. Le passant chagrin que tu frôles Est ébloui par la santé Qui jaillit comme une clarté De tes bras et de tes épaules. Les retentissantes couleurs Dont tu parsèmes tes toilettes Jettent dans l'esprit des poètes L'image d'un ballet de fleurs. Ces robes folles sont l'emblème De ton esprit bariolé ; Folle dont je suis affolé, Je te hais autant que je t'aime ! Quelquefois dans un beau jardin Où je traînais mon atonie, J'ai senti, comme une ironie, Le soleil déchirer mon sein ; Et le printemps et la verdure Ont tant humilié mon coeur, Que j'ai puni sur une fleur L'insolence de la Nature. Ainsi je voudrais, une nuit, Quand l'heure des voluptés sonne, Vers les trésors de ta personne, Comme un lâche, ramper sans bruit, Pour châtier ta chair joyeuse, Pour meurtrir ton sein pardonné, Et faire à ton flanc étonné Une blessure large et creuse, Et, vertigineuse douceur ! A travers ces lèvres nouvelles, Plus éclatantes et plus belles, T'infuser mon venin, ma soeur !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Bien loin d’ici C’est ici la case sacrée Où cette fille très parée, Tranquille et toujours préparée, D’une main éventant ses seins, Et son coude dans les coussins, Ecoute pleurer les bassins ; C’est la chambre de Dorothée. – La brise et l’eau chantent au loin Leur chanson de sanglots heurtée Pour bercer cette enfant gâtée. Du haut en bas, avec grand soin, Sa peau délicate est frottée D’huile odorante et de benjoin. – Des fleurs se pâment dans un coin.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Femmes damnées Comme un bétail pensif sur le sable couchées, Elles tournent leurs yeux vers l’horizon des mers, Et leurs pieds se cherchant et leurs mains rapprochées Ont de douces langueurs et des frissons amers. Les unes, cœurs épris des longues confidences, Dans le fond des bosquets où jasent les ruisseaux, Vont épelant l’amour des craintives enfances Et creusent le bois vert des jeunes arbrisseaux ; D’autres, comme des sœurs, marchent lentes et graves À travers les rochers pleins d’apparitions, Où saint Antoine a vu surgir comme des laves Les seins nus et pourprés de ses tentations ; Il en est, aux lueurs des résines croulantes, Qui dans le creux muet des vieux antres païens T’appellent au secours de leurs fièvres hurlantes, Ô Bacchus, endormeur des remords anciens ! Et d’autres, dont la gorge aime les scapulaires, Qui, recélant un fouet sous leurs longs vêtements, Mêlent, dans le bois sombre et les nuits solitaires, L’écume du plaisir aux larmes des tourments. Ô vierges, ô démons, ô monstres, ô martyres, De la réalité grands esprits contempteurs, Chercheuses d’infini, dévotes et satyres, Tantôt pleines de cris, tantôt pleines de pleurs, Vous que dans votre enfer mon âme a poursuivies, Pauvres sœurs, je vous aime autant que je vous plains, Pour vos mornes douleurs, vos soifs inassouvies, Et les urnes d’amour dont vos grands cœurs sont pleins !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La beauté Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre, Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour, Est fait pour inspirer au poète un amour Eternel et muet ainsi que la matière. Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ; J’unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ; Je hais le mouvement qui déplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Les poètes, devant mes grandes attitudes, Que j’ai l’air d’emprunter aux plus fiers monuments, Consumeront leurs jours en d’austères études ; Car j’ai pour fasciner ces dociles amants, De purs miroirs qui font toutes choses plus belles : Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    La chevelure Ô toison, moutonnant jusque sur l’encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l’alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l’air comme un mouchoir ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d’autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum. J’irai là-bas où l’arbre et l’homme, pleins de sève, Se pâment longuement sous l’ardeur des climats ; Fortes tresses, soyez la houle qui m’enlève ! Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts : Un port retentissant où mon âme peut boire A grands flots le parfum, le son et la couleur ; Où les vaisseaux, glissant dans l’or et dans la moire, Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire D’un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur. Je plongerai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse, Infinis bercements du loisir embaumé ! Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues, Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond ; Sur les bords duvetés de vos mèches tordues Je m’enivre ardemment des senteurs confondues De l’huile de coco, du musc et du goudron. Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde Sèmera le rubis, la perle et le saphir, Afin qu’à mon désir tu ne sois jamais sourde ! N’es-tu pas l’oasis où je rêve, et la gourde Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Le serpent qui danse Que j’aime voir, chère indolente, De ton corps si beau, Comme une étoffe vacillante, Miroiter la peau ! Sur ta chevelure profonde Aux âcres parfums, Mer odorante et vagabonde Aux flots bleus et bruns, Comme un navire qui s’éveille Au vent du matin, Mon âme rêveuse appareille Pour un ciel lointain. Tes yeux, où rien ne se révèle De doux ni d’amer, Sont deux bijoux froids où se mêle L’or avec le fer. A te voir marcher en cadence, Belle d’abandon, On dirait un serpent qui danse Au bout d’un bâton. Sous le fardeau de ta paresse Ta tête d’enfant Se balance avec la mollesse D’un jeune éléphant, Et ton corps se penche et s’allonge Comme un fin vaisseau Qui roule bord sur bord et plonge Ses vergues dans l’eau. Comme un flot grossi par la fonte Des glaciers grondants, Quand l’eau de ta bouche remonte Au bord de tes dents, Je crois boire un vin de Bohême, Amer et vainqueur, Un ciel liquide qui parsème D’étoiles mon coeur !

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Parfum exotique Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne, Je respire l'odeur de ton sein chaleureux, Je vois se dérouler des rivages heureux Qu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ; Une île paresseuse où la nature donne Des arbres singuliers et des fruits savoureux ; Des hommes dont le corps est mince et vigoureux, Et des femmes dont l'œil par sa franchise étonne.

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    Charles Baudelaire

    Charles Baudelaire

    @charlesBaudelaire

    Une martyre Au milieu des flacons, des étoffes lamées Et des meubles voluptueux, Des marbres, des tableaux, des robes parfumées Qui traînent à plis somptueux, Dans une chambre tiède où, comme en une serre, L'air est dangereux et fatal, Où des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre Exhalent leur soupir final,

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    Aux femmes Noyez dans un regard limpide, aérien, Les douleurs. Ne dites rien de mal, ne dites rien de bien, Soyez fleurs. Soyez fleurs : par ces temps enragés, enfumés De charbon, Soyez roses et lys. Et puis, aimez, aimez ! C'est si bon !... Il y a la fleur, il y a la femme, Il y a le bois où l'on peut courir Il y a l'étang où l'on peut mourir. Alors, que nous fait l'éloge ou le blâme ? L'aurore naît et la mort vient. Qu'ai-je fait de mal ou de bien ? Je suis emporté par l'orage, Riant, pleurant, mais jamais sage. Ceux qui dédaignent les amours Ont tort, ont tort, Car le soleil brille toujours ; La Mort, la Mort Vient vite et les sentiers sont courts. Comme tu souffres, mon pays, Ô lumineuse, ô douce France, Et tous les peuples ébahis Ne comprennent pas ta souffrance.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    À ma femme Endormie Tu dors en croyant que mes vers Vont encombrer tout l'univers De désastres et d'incendies ; Elles sont si rares pourtant Mes chansons au soleil couchant Et mes lointaines mélodies. Mais si je dérange parfois La sérénité des cieux froids, Si des sons d'acier ou de cuivre Ou d'or, vibrent dans mes chansons, Pardonne ces hautes façons, C'est que je me hâte de vivre. Et puis tu m'aimeras toujours. Éternelles sont les amours Dont ma mémoire est le repaire ; Nos enfants seront de fiers gas Qui répareront les dégâts, Que dans ta vie a faits leur père. Ils dorment sans rêver à rien, Dans le nuage aérien Des cheveux sur leurs fines têtes ; Et toi, près d'eux, tu dors aussi, Ayant oublié, le souci De tout travail, de toutes dettes. Moi je veille et je fais ces vers Qui laisseront tout l'univers Sans désastre et sans incendie ; Et demain, au soleil montant Tu souriras en écoutant Cette tranquille mélodie.

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    Charles Cros

    Charles Cros

    @charlesCros

    À une jeune fille Pourquoi, tout à coup, quand tu joues, Ces airs émus et soucieux ? Qui te met cette fièvre aux yeux, Ce rose marbré sur les joues ? Ta vie était, jusqu’au moment Où ces vagues langueurs t’ont prise, Un ruisseau que frôlait la brise, Un matinal gazouillement. * Comme ta beauté se révèle Au-dessus de toute beauté, Comme ton cœur semble emporté Vers une existence nouvelle, Comme en de mystiques ardeurs Tu laisses planer haut ton âme. Comme tu te sens naître femme À ces printanières odeurs, Peut-être que la destinée Te montre un glorieux chemin ; Peut-être ta nerveuse main Mènera la terre enchaînée. * À coup sûr, tu ne seras pas Épouse heureuse, douce mère ; Aucun attachement vulgaire Ne peut te retenir en bas. * As-tu des influx de victoire Dans tes beaux yeux clairs, pleins d’orgueil, Comme en son virginal coup d’œil Jeanne d’Arc, de haute mémoire ? Dois-tu fonder des ordres saints, Être martyre ou prophétesse ? Ou bien écouter l’âcre ivresse Du sang vif qui gonfle tes seins ? Dois-tu, reine, bâtir des villes Aux inoubliables splendeurs, Et pour ces vagues airs boudeurs Faire trembler les foules viles ? * Va donc ! tout ploiera sous tes pas, Que tu sois la vierge idéale Ou la courtisane fatale… Si la mort ne t’arrête pas.

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