Opium
Oeuvres romanesques complètes
Publié par Gallimard, le 18 mai 2006
Résumé
«Mes censeurs me reprochent du brio, et mes approbateurs craignent que ce brio ne me nuise» : Cocteau était lucide sur la manière dont on percevait son oeuvre romanesque. Au reste, les six romans publiés entre 1919 et 1940 forment-ils une oeuvre, avec ce que ce terme suppose de cohérence ? On s'est plu à insister sur leur brièveté, sur la discontinuité des épisodes, sur la désinvolture de l'auteur à l'égard des détails censés donner au récit l'épaisseur du vécu et entraîner l'adhésion du lecteur. En somme, on a utilisé les critères d'évaluation du roman traditionnel pour estimer la valeur d'une oeuvre (car cette édition le montre bien, c'en est une) qui est d'une autre nature. Elle s'écrit dans un temps où les formes romanesques classiques sont contestées. Contre le roman, les surréalistes utilisent l'artillerie lourde : tir de barrage, puis de destruction. Les armes de Cocteau sont plus subtiles. Souvent, il paraît jouer le jeu du roman, mais il en modifie les règles. Le but n'est plus de donner aux personnages une illusion de vie. La manière prend le pas sur la matière, l'écriture sur l'histoire, la cohérence poétique sur la logique narrative. Cocteau range son oeuvre romanesque sous l'intitulé «poésie de roman». «Nos maîtres cachèrent l'objet sous la poésie. [...] Notre rôle sera dorénavant de cacher la poésie sous l'objet.» Conséquence : il faut aller au fond des choses pour percevoir l'unité indéniable de l'oeuvre. «Des critiques ont consacré d'aimables études au Potomak, sans voir son noyau. Noyau amer, à partir de quoi, jusqu'à sa surface, le livre se trouve fait par couches.» Dans la quête nécessaire du centre de gravité des romans, la poésie des images peut servir de guide. «Images» : réseaux de métaphores, mais aussi suites d'illustrations. Jamais Cocteau ne dissociera sa poésie de roman de la poésie parallèle des dessins. C'est d'un album que naît l'étrange Potomak, et les textes suivants seront presque tous accompagnés d'images. Non par souci d'ornement : les dessins font partie des livres. Et lorsqu'ils apparaissent «hors texte», ils proposent une relecture de l'oeuvre par son auteur, et permettent, à qui sait voir, d'en discerner le «noyau». Aussi ce volume leur fait-il une large place.
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