Poesie Americaine 1950-2000. Avec Cd Audio

Jacques Darras

Collectif

Publié par Le Cri (Edition), le 04 juillet 2002

274 pages

Résumé

Naître poète américain à l'aube du XXIe siècle doit représenter un singulier défi. L'extraordinaire tradition qui s'est formée là-bas en à peine cent ans n'a jamais eu aucun précédent d'une telle force dans aucun pays. Seule la deuxième moitié du dix-neuvième en France où l'on compte les apparitions successives de Baudelaire, Lautréamont, Laforgue, Verlaine, Rimbaud et Mallarmé sans omettre Hugo aura réuni un ensemble d'œuvres aussi audacieuses. Mais passer de Pound à Stein, Williams, H.D, Cummings puis de là à Zukofsky, Oppen et Reznikoff pour rebondir vers Olson, Bishop et Creeley d'un côté, Ginsberg, Ashbery, de l'autre avant de venir vers Rothenberg, Antin, Snyder et prendre tout à coup un étonnant virage avec ceux qu'on nomme encore de manière indistincte les " language poets " demande un appétit de lectures et un sens de l'orientation peu communs. (...) Les poètes de ce pays réécrivent l'histoire autrement. C'est sensible chez Williams, poète des banlieues défavorisées, comme dans le regard froid et décalé de Reznikoff, comme dans le désir de délocaliser le mythe fondateur puritain au profit des pêcheurs basques et bretons, chez Olson, ou dans la manière dont Ginsberg lance son cri de révolte du haut des toits de Manhattan. La poésie américaine est la partie la plus vive, la plus sensible de l'Amérique parce qu'elle proteste contre l'Amérique. Même le classique conservateur Robert Lowell aura rejoint cette équipe d'ouvriers précaires travaillant dans les marges. Un moment, Allen Ginsberg sortit de l'obscurité pour occuper la lumière comme un véritable homme des médias. Mais il ne dérangeait plus vraiment. Il avait rallié l'idéologie pacifiste sur fond de bouddhisme et de drogues douces, qui trouble d'autant moins l'Amérique qu'elle touche très sûrement au transcendantalisme. Thoreau est devenu une figure tutélaire que peuvent réclamer les anti-fédéralistes d'aujourd'hui comme faisaient naguère les anti-esclavagistes. Un défi, donc, pour le poète qui naîtrait et s'emploierait à devenir poète au travers de cette tradition. Il aurait certainement été choqué comme nous, hier à peine, par l'attaque portée par le terrorisme en plein coeur de Manhattan. Paresse de la poésie aussi bien que des services secrets ? La poésie est un perpétuel service secret au profit de l'espèce humaine. Elle conteste les récits majeurs, les conventions et les clichés, exige la lucidité autant et sinon plus que l'émerveillement. Où est la " béatitude " des Beat, se demanderait notre poète, qui devrait remonter et recommencer une fois de plus à l'ouverture optimiste whitmanienne ? Jacques Darras.