Terre Ceinte

Publié par Présence africaine, le 23 décembre 2014

264 pages

Résumé

La foule, qui attendait depuis les aurores, peinait désormais à contenir ses trépignements : elle s'impatientait, soufflait, sifflait ; il lui fallait maintenant voir mourir. Abdel Karim le sentait. Mais il décida de laisser la dramaturgie se poursuivre, et la nervosité monter encore. Les dénouements ne lui semblaient atteindre à la beauté des tragédies que dans cette atmosphère.L'attente avait commencé tôt : lorsque, après la prière du Fadjr, de longues processions d'ombres s'étaient formées, étranges silhouettes peuplant soudain les rues de Kalep, qui convergeaient vers l'immense place de l'Hôtel de ville. Il y avait dans cette marche-là quelque chose de fascinant ; et cette multitude marchait, progressait, rampait, imposante, irrésistible, lente, semblable dans ses mouvements à une antique phalange qui manoeuvre. Dans un silence sans autre poésie que la solennité. Un silence à peine dérangé par le bruit des savates et sandales que l'on traînait sur la latérite ou le bitume. De temps à autre seulement, une voix, dont on ne savait si elle était celle d'un homme ou d'une femme, demandait dans un souffle :- C'est pour quelle heure ?- Pour dix heures in Shaa Allah, lui répondait une autre voix.Ensuite, on se taisait.L'attente avait été longue, puis Abdel Karim était arrivé dans une voiture, suivi de ses hommes. C'était un géant. Il n'avait pas de turban comme ses compères : il avançait le visage découvert, et offrait un crâne chauve à l'intensité du soleil. Il regardait la foule qui, surexcitée, attendait qu'il parle. Il fit un grand geste de la main, et le silence fut complet. Sa voix puissante résonna dans toute la place.- Audhu billahi mina-Shaitan-nir-Rajeem. Par la volonté de Dieu, puissent mes paroles être pures et recouvertes de la lumière de la vérité et de la justice.- Amin, souffla-t-on. Le colosse reprit :- Salamu Aleikunf, Peuple de Kalep, je vous salue. Que le Seigneur vous inonde de Ses Grâces, pour vous être tous déplacés ce matin. Je ne serai pas long. Vous savez ce qui m'amène, et il sera bientôt l'heure. Je voulais simplement rappeler que quiconque transgressera la Loi fondamentale d'Allah Subhanahu Wa Ta' Ala et de Son prophète Mohamadu Rassululah...

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