L'évadé du temps

" C'est vrai, rien n'incline plus à la dinguerie qu'un séjour à l'asile, surtout si l'on doit contrefaire le fou. Entouré de gens qui n'ont plus leur tête, on perd vite les pédales, on est rapidement tenté par cette liberté dévastatrice de la folie, le clair matin de la démence où tout se débobine enfin : l'esprit a tué son inspecteur intérieur, son adjudant mental, cet ambassadeur des autres qui administre notre tête et vérifie à chaque instant si nous sommes présentables dans le monde. Et puis l'imaginaire est inépuisable. Pire : on l'accroît à mesure qu'on l'extrait de soi, il prolifère dès qu'on s'en sert. C'est un tapis volant infini, qui se déroule et se déroule dans tous les sens jusqu'à ce que vous vous perdiez dans le labyrinthe de ses arabesques. "

Printemps dans un jardin de fous - Occasion

Un auteur, plein de bonnes intentions, dialogue avec son âme damnée, paresseux et fataliste, qui essaie de le dissuader d'écrire un Discours sur l'universalité de l'esprit marseillais. A travers ce discours il s'agit de donner de Marseille une autre image que celle que fournit son folklore flapi et les micro-trottoirs des télévisions débilitantes. Si Marseille est la ville de Pétrone (il paraît que c'est vrai) il lui en reste quelque chose : la richesse de sa langue, ses habitudes, son humour et ses coups de gueule. En somme de quoi régénérer une littérature exsangue confite dans son riquiquisme et son nombrilisme.

Discours sur l'universalité de l'esprit marseillais

Qu'est-ce-que j'ai qui va pas ? Les autres, des choses leur arrivent, moi elles me tombent dessus. Nous glissions sur le goudron torride, doublant des convois de véhicules qui paraissaient fuir la colère du ciel. Derrière les vitres des voitures surchargées, les familles semblaient des poissons dans des bocaux dont on aurait oublié de renouveler l'eau. Des touristes graisseux cuisaient dans des autocars bariolés filant pleins gaz vers des mers polluées, remplies de poissons dégénérés. Ça sentait déjà l'Anglais rôti à l'huile solaire. Tous, ils descendaient pour avoir leur part de nature et de vraie vie, ils se ruaient vers le soleil et l'infini, affamés du paradis qu'on leur avait volé.

L'évadé du temps

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