La Condition Humaine, texte intégral, dossier
Antimémoires
Publié par Gallimard, le 18 septembre 1967
607 pages
Résumé
André Malraux réfléchit sur la vie mais pas à la façon des mémorialistes : il ne se sert de ses expériences et de ses rencontres que pour interroger la signification de l'univers. On comprend vite en quel sens et à quelles fins il a toujours été à la fois écrivain et homme d'action.« Que m'importe ce qui n'importe qu'à moi », dit-il d'emblée. Et jamais on n'avait parlé à la première personne avec un tel mélange de distance et de fièvre. D'un Occident né au Proche-Orient et prolongé outre-Atlantique, on passe à l'Inde très vieille et très jeune puis à l'Extrême-Orient ainsi qu'aux extrêmes limites de l'homme. Malraux reprend l'ancien rythme de croissance des ammonites pour affronter l'ère qui commence : l'alternance rapide des contrastes se déploie peu à peu envastes oppositions, halètement et sérénité, humour et tragédie. Le lecteur est entraîné par ces rejaillissements amplifiés et les créateurs ne resteront pas indifférents à ce nouvel art de maîtriser nos trépidations.Pour la première fois aussi, on retrouve ce qui faisait une des forces de la Bible : des grands qui se sentent responsables des peuples et des dieux et de chaque vie. Nous assistons à une sorte de grand conseil : les princes, assis chacun sur une des montagnes de l'âme, s'interrogent à l'heure où le vieux roivient d'être frappé d'aphasie; ce qui, mieux que des portraits, nous vaut des personnages dans l'exercice de leur action ou de leur pensée, en particulier de Gaulle, Nehru et Mao.Les légendes, les morts, les rescapés des camps ont aussi leur mot à dire. Car Malraux ne cesse de questionner et il pose souvent les questions de manière inattendue. Combien de philosophes ont l'air de se battre comme à Marignan, de front, sur une chaussée, tandis qu'ici on a affaire à une stratégie de l'intelligence. La vie et la mort, les changements et l'irrémédiable, les voici assaillis de partout, tantôt refoulés, parfois percés en un point, tantôt tournés, pris à revers ou du moins assiégés.Surtout dans ce premier tome des Antimémoires on découvre la nudité d'une voix qui, avec son étonnante liberté de mouvement, presse sans relâche l'énigme aux mille visages. C'est un des plus hauts dialogues : comme Eschyle et Sakespeare à travers chœurs ou personnages, comme Job pardessus la tête de ses comparses, Malraux ne s'adresse qu'au destin.
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