L'oeuvre philosophique de Max Loreau (1928-1990) est doublée d'une oeuvre poétique à la fois libre, audacieuse et d'une exceptionnelle rigueur. Auteur de nombreux ouvrages consacrés à la création artistique, Max Loreau a disséminé ses textes poétiques dans de nombreuses revues belges, françaises ou italiennes. Le présent recueil permet enfin de disposer de l'ensemble de ces textes pour la première fois regroupés.

ôde à la pluie des fous : poemes

Asger Jorn, fondateur de Cobra

Les textes composant ce recueil tournent autour d'un même centre : le corps. La poésie, la peinture et le fondement du langage saisit, à partir de l'expérience de Henri Michaux, le tracé pictural confronté à celui du langage poétique. Art, culture, subversion porte le regard du lecteur en direction du geste. Le peintre, la toile et le corps esquisse enfin une sorte d'«histoire» venant lier et compléter les essais précédents. Chacun d'eux représente le chapitre indépendant d'une recherche unique permettant de s'enfoncer philosophiquement vers le secret de la genèse d'une oeuvre peinte, toujours liée au secret du corps. Entreprise passionnante puisque Max Loreau nous convie non pas à concevoir la peinture au moyen du simple spectacle des oeuvres, mais à travers les opérations les plus inexprimables de l'artiste, celui-ci ne cesse de réengendrer en sous-main les conditions ambiguës de l'apparence, c'est-à-dire l'éclatement même du visible.

La peinture a l'oeuvre et l'enigme du corps

Catalogue des travaux de Jean Dubuffet - Tome 28, Roman burlesque, sites tricolores

Les récits inquiets composant ce recueil - La Chambre, Paroles en l'air, L'Escalier - sont liés par le travail occulte d'un commun organe : la vue. Mais le regard, à travers ces trois textes, est extraordinairement ralenti. Il se transforme à mesure en une espèce de corps indépendant et invisible, en un corps d'ombre et de ténèbres qui sans cesse accompagne, enveloppe, caresse imperceptiblement le corps du narrateur tandis que ce dernier se livre à des actes très simples : circuler dans une chambre, s'étendre sur un lit, découvrir au fond de l'eau morte du miroir un visage qui est à la fois le sien et celui d'un autre, indistinct et étrange, ouvrir la bouche afin de livrer passage aux paroles, descendre un escalier menant à une cave. La réalité concrète, au cours de ces lentes explorations neutralisées par les jeux du jour et de la nuit, glisse au second plan pour s'y diluer et soutenir mieux la menée vigilante et sourde d'une recherche, celle d'un corps d'homme en quête de son être, de ses racines, des mouvements obscurs et des menus gestes à travers lesquels il s'éveille à sa propre vie.

Nouvelles des etres et des pas

" Soumettre d'abord l'analyse du philosophique à la rigueur de la preuve, aux chaînes de la conséquence, aux contraintes internes du système : articuler, premier signe de pertinence, en effet. Ne plus méconnaître ce que la philosophie voulait laisser tomber ou réduire, sous le nom d'effets, à son dehors ou à son dessous (effets " formels " - " vêtements " ou " voiles " du discours - " institutionnels ", " politiques ", " pulsionnels ", etc.) en opérant autrement, sans elle ou contre elle, interpréter la philosophie en effet. Déterminer la spécificité de l'après-coup philosophique - le retard, la répétition, la représentation, la réaction, la réflexion qui rapportent la philosophie à ce qu'elle entend néanmoins nommer, constituer, s'approprier comme ses propres objets (autres " discours ", " savoirs ", " pratiques ", " histoires ", etc.) assignés à résidence régionale : délimiter la philosophie en effet. Ne plus prétendre à la neutralité transparente et arbitrale, tenir compte de l'efficace philosophique, et de ses armes, instruments et stratagèmes, intervenir de façon pratique et critique : faire travailler la philosophie en effet. L'effet en question ne se laisse donc plus dominer ici par ce que la philosophie arraisonne sous ce nom produit simplement second d'une cause première ou dernière, apparence dérivée ou inconsistante d'une essence. Il n'y a plus, soumis d'avance à la décision philosophique, un sens, voire une polysémie de l'effet. " Genèses est la publication posthume du plus important de tous les écrits inachevés de Max Loreau (1928-1990), qui prévoit d'abord de l'intituler Cri II, en écho à Cri - Éclat et phrases, publié en 1973. Max Loreau sort abasourdi de ce texte inouï, subjugué tant par l'écriture, indiscernablement poétique et philosophique, que par l'enjeu de ce premier tracement de la genèse du phénomène. Il ne cesse d'y réfléchir, il accumule les notes en vue de reprendre à neuf et de développer ce qui s'y était mis en mouvement. Il met une dizaine d'années à découvrir ce qui s'était imposé à lui avec une force irrésistible dans cet écrit " rigoureux et rigoureusement impossible " qui lui avait échappé, dans tous les sens du terme. En 1989, au bout de sept années de travail, paraît, sous le titre abrégé de La genèse du phénomène, l'introduction méthodologique à l'entreprise gigantesque de dire " le phénomène, le logos, l'origine " (selon le sous-titre du livre). Max Loreau avait tracé le plan détaillé et avait écrit presque toute la première partie de la " genèse du phénomène " proprement dite ; il laissait des centaines de fiches portant le premier jet des divers chapitres de l'ouvrage projeté. C'est l'ensemble de ce travail que nous avons reconstitué dans Genèses. L'originalité de ce texte tient autant à son mode de dévoilement qu'à ce qui s'y dévoile. Ici, la poursuite de la genèse, de l'apparaître du phénomène, du sentir et du corps pour les choses du monde, dépend de la genèse du langage lui-même, donc d'une fiction, mais d'une fiction philosophique, implacablement radicale et linguistique. La gestation - sa fiction autocréatrice - va de pair avec la rigueur analytique et déductive autant qu'avec l'invention. La genèse du phénomène est à la fois poétique et logique, elle est aussi genèse du langage et du phénomène : de la lumière, de l'espace et du temps, de la vue et du toucher, du geste et du dos, du corps depuis le cri, dans une mobilisation progressive et errante, inachevée et décisive, à lire comme une composition musicale, comme un opéra dont est livré ici le brouillon de sa partition...

Genèses

La peinture et les peintres sont les objets principaux du présent recueil d'études qui s'échelonnent de 1962 à 1989. Publiées, inédites voire inachevées, elles constituent les " ateliers " de Max Loreau (Bruxelles, 1928-1990) où se sont tantôt ébauchées et tantôt appliquées une méthode et une écriture travaillées par un projet de mise en question des assises de la pensée occidentale traditionnelle, et donc par le désir de penser autrement le phénomène, le logos et l'origine. Loreau, qui n'était pas peintre mais fut trompettiste de jazz, excellent photographe et philologue classique, a toujours suivi simultanément plusieurs voies (poésie, philosophie, réflexion sur le travail du peintre) afin d'arriver à une perpétuelle remise en jeu réciproque de ces catégories. Les écrits philosophiques de Loreau sont poétiques, ses écrits poétiques sont philosophiques et ses textes critiques obéissent à une exigence de rythme qui se veut engendrement du mouvement de la réflexion. Professeur de philosophie (de 1964 à 1969) à l'Université libre de Bruxelles, il abandonna sa chaire de philosophie moderne et d'esthétique pour se consacrer entièrement à ses propres recherches. Grand connaisseur de l'humanisme italien de la Renaissance, c'est toutefois la peinture contemporaine - de Cézanne à Picasso, à Dubuffet et à Michaux - qui a servi de révélateur aux questions qui le préoccupaient. On en retrouve ici des traces toujours actives.

Les ateliers de Max Loreau : écrire, tracer, penser

«Ce texte voudrait dire le monde indéfiniment menacé, toujours à se refaire : la vue s'effilochant, se reprenant. La pensée se désagrégeant et sans relâche se reformant. Chemin faisant, il se trouve entraîné à remodeler (à fabuler ?), à coups d'approximations successives, les phases par lesquelles passent cette désagrégation et cette restauration, cette pulsation fragile de la pensée, au corps le rythme d'un battement - chute et essor s'entrelaçant -, le tempo de l'aventureux, de l'incertain ; à doter le visible d'un mouvement interne, d'un temps qui opère en lui comme un cycle, comme une geste permanente : l'éternelle histoire du visible. Le rythme joue ici un rôle prépondérant : aussi faut-il s'attendre qu'il soit directement lié, de la façon la plus profonde, au sens du texte, à sa pénétration, à sa compréhension.» Max Loreau.

ôde à la pluie des fous : poemes

Résumé

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