On se tait. On s'y oblige. On flotte enfin, sans savoir, sans visage. On est creux. Mais le vide appelle son contraire : un mot jaillit, un autre. Plus tard, c'est une concrétion par le travers du temps. Plus tard encore : Qui a parlé ? se demande-t-on. Une voix monte sous le masque de silence, un autre silence établit son creux derrière la voix, ainsi je n'ai nulle part, sinon en blanc parmi ces mots troués.

La face de silence

Les états du corps, qui fait écho au premier livre de Bernard Noël, Extraits du corps, est une manière de revenir à ses préoccupations primordiales : "Le corps est une carrière à mots, et ses explorations assurent que, là, sous la peau, il y a de quoi refaire la langue". Il interroge encore ce corps par "extraits", par "états" : en onze "temps", qui sont autant de fragments de sa légende imprononcée. Dès les premiers mots, c'est toujours le corps qui parle : "Au commencement, le corps est ouvert comme un oui. Quelle douceur ! Mais il s'y oublie.

Les états du corps

'Que peut un livre? Rien, semble-t-il. Et pourtant, j'écris. Que signifie cet accommodement? J'ai dit : rien, parce que je voudrais tout. La vie demeure lente. Depuis qu'il y a des hommes et qui écrivent elle aurait dû changer. Mais il n'y a pas de commune mesure entre la vie et une vie. Cela est inacceptable. Nous vivons dans l'inacceptable, mais il vaut mieux que le Salut. Une vie bientôt disparaît dans la vie. J'écris pour disparaître dans ce qui n'emprunte mon nom que pour le faire oublier. Le livre est le couteau du sacrifice : il m'enlève à ce que je suis pour me rendre à l'inconnu. Et la vie, qui nous condamne au seul maintenant, la vie changera seulement dans un autre corps, qui écrira d'autres livres.'

Treize cases du je

Pourquoi pas Le Roman de Roman ? Non, dit Opalka, Le Roman d'un être me paraît plus juste : c'est donc le titre retenu. De 1965 à sa mort, en 2011, Roman Opalka a peint la suite des nombres. Chaque nombre est la somme de ceux qui le précèdent, chaque instant de notre vie est la somme des précédédents. "Je fais toujours la même chose et elle est toujours différente, comme est la vie." Regarder peindre Opalka révélait l'identité de son acte et de sa vie ; l'écouter confirmait l'accord entre sa langue et sa main. Pareil engagement est unique : l'écriture tente, ici, d'entrer dans ce mouvement et même de se confondre avec lui...

Le roman d'un être

«On pourrait dire motifier pour prendre mot, comme on dit incarnerpour prendre chair. Écrire consisterait alors à motifier sa vie ou son corps, mais si les mots remplissent tellement bien leur rôle qu’à la fin ils nous dévorent, comment inverser le mouvement? Comment les ré-incarner? Il n’y a pas de symétrie. Il y a seulement le langage qui vit et se perpétue en nous faisant chanter. Qu’on lui avance une lettre, et mot devient mort. Il suffit pour garantir cette avance de gager sa vie – mais y joue-t-on sa peau ou bien ses mots?»

La Peau et les Mots

When Le Château de Céne (here translated as The Castle of Communion) first appeared in France in 1969, under the sonorous pseudonym of Urbain d'Orlhac, it created a sensation. Immediately recognised as being among the finest works of French literary eroticism (along with, say, Bataille's Story of the Eye, or Reage's Story of O), its author was soon identified: the poet and essayist Bernard Noël, born in 1930. The novel recounts an intense initiatory sexual quest which occurs on a mysterious remote island. Chosen as the moon's lover the hero undertakes a Dantesque voyage through sucessive levels of pain and ecstasy. The book's climax is a beatific rite of sexual purification in the Castle of Communion, which is described in a poetic language at once incantatory, crude and almost mystical. The intensity of the book matches its method of composition: dictated into a tape recorder and finished in only three weeks. The author has described it as a partial response to the atrocities committed by the French authorities in Algeria. This authorized translation has as an afterward Noël's essay The Outrage Against Words, his thoughts on the government's unsuccessful attempts in the courts to supress the novel for "outraging public morals." He illuminates the intimate connection between writing and censorship in general.

Le château de Cène; suivi de, Le chateau de Hors; L'outrage aux mots; La pornographie (Collection L'imaginaire)

Magritte

De l'hameçon à l'assiette : la cuisine de pêche en mer

On connaît les ingrédients des récits : je n'en refuse aucun, et voici de la conversation, de l'amour, de l'amitié, des rencontres, de la mort, des lectures...
, mais tout cela est également ce qui fait la vie. M'intéresse le portrait que les uns tirent de l'autre à travers cette boîte qu'on appelle la tête. Et dans la tête m'intéressent surtout les yeux, qui sans cesse transforment le visible en pensée par une opération dans laquelle la ressemblance tient lieu de vérité. N'en va-t-il pas du vécu comme du visible ? Ils s'articulent inséparablement dans ce mensonge qui, en les disant, en les écrivant, court après la vérité - et qui les fixe en quelques instantanés très ressemblants.
Il n'y a pas de suite, mais un perpétuel fondu enchaîné qui fait comme si. On rêve d'un miroir à trois faces qui permettrait de voir la vie en rose. On écrit dans ce sens, et puis, après tant de livres axés sur l'intérieur, sur l'ordre du dedans, ce 19 octobre 1977 remet le je du narrateur à sa place de simple figure optique. Du coup, tout n'est que matériau de la pensée. Toujours et malgré les innombrables leurres, la pensée assemble et permute de l'extérieur.
C'est pourquoi ce livre est aussi le premier monologue extérieur.

La face de silence

Résumé

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