Oeuvres Complètes
Le Jeune Enchanteur
Résumé
Histoire tirée d'un palimpseste de Pompeïa.Pendant les fouilles faites en présence du roi à Naples, lors de la restauration de 1815, on trouva dans une des chambres de la maison d'Alcmaeon une grande fresque d'une beauté très particulière, qui représentait un groupe de nymphes dont les yeux étaient tournés vers la figure principale. Derrière celle-ci, un jeune Amour, penché galamment à son oreille, avait l'air de lui chuchoter quelque mystère. La grâce exquise des formes, le geste vif et empressé du petit chuchoteur, l'aimable tournure des nymphes, et même le singulier éclat des couleurs que dix-sept siècles au moins avaient respecté, attiraient les yeux de tous les connaisseurs. Naturellement l'imagination italienne se mit bientôt en quête de trouver une explication et un historique à cet incomparable morceau. Chaque jour donnait naissance à quelque nouvelle interprétation, mais le caractère essentiel de la probabilité manquait à toutes également. Cependant l'histoire de la fresque mystérieuse n'était pas destinée à être un secret éternel. Dans les premiers mois de l'année 1836, un de ces papyrus, qui sont maintenant soumis à un excellent procédé de déroulement inventé par le chevalier Collini de Naples, fut ouvert, et laissa voir aux yeux surpris la fresque - en miniature - en tête de la première partie du manuscrit. Le papyrus, déroulé en entier, contenait la présente histoire, sur laquelle avait été incontestablement fait le dessin dont elle était illustrée, histoire que nous donnons avec toutes les mutilations que la fragile matière du rouleau à moitié calcinée rendait inévitables. La plus formidable de ces lacunes se trouve juste au commencement ; elle défie encore l'érudition de toutes les académies italiennes, et laisse le champ libre à leur industrie imaginative. - O Callias ! je suis las du monde. - Vous vous trompez, Sempronius ; vous êtes las de tout, excepté du monde. - Je sais ce que je dis, Callias, et je parle sérieusement. Mais comment vous persuader, comment vous faire croire à quelque chose ? Vous, Callias, sceptique de profession ; vous, bel esprit athénien ; vous, insouciant écumeur connu dans toutes les mers de plaisir de la Grèce et de l'Asie ; vous, ô Callias, phalène qui roulez de fleur en fleur à travers tous les jardins de la folie humaine, comment pourriez-vous croire à cette lassitude infinie, à ce dégoût profond de tout ce que la terre contient ? Mais vous êtes un animal épicurien. - Non, mélancolique philosophe, vous vous trompez encore. Je suis un véritable Épicure ; délicat dans mes goûts, réservé dans mes accointances, tendre dans mes amitiés et mes amours, je ne suis cruel et dédaigneux que pour mes pauvres maisons de campagne ; et, de fait, le seul souci qui me tourmente pour le moment est de savoir si j'irai demain à ma villa sur les bord du Tibre, ou si je dois passer mes jours languissants dans la fraîche atmosphère de ma grotte, à Sunium, tant que durera le règne de cette amoureuse et pestilentielle étoile. L'astre de Sirius se levait, et l'éclat que lançait ce roi des constellations teignait d'une vive splendeur tout le golfe de Naples. Les yeux du jeune et beau Romain dardaient sur la nature un regard des plus intenses, et il soupira plutôt qu'il ne dit : - Oh ! que ne puis-je avec le désir secouer le poids de la vie, et prendre mon élan vers ces glorieux voyageurs de l'empyrée, aussi loin des soucis de notre monde qu'ils sont eux-mêmes loin des nuages impurs ! A ces mots, par un mouvement dont il n'eut pas la conscience, il tira hors de sa gaine un petit poignard et le tint élevé à la clarté du sol
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