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Morts imaginaires | Michel Schneider
Morts imaginaires | Michel Schneider

Morts imaginaires

Publié par Grasset et Fasquelle, le 03 septembre 2003

377 pages

Résumé

Rangée ici selon sa date, chaque mort d'écrivain a sa brisure singulière et inimitable. « Chacun d'eux ne posséda réellement que ses bizarreries », écrivait Marcel Schwob, dans la préface de ses Vies imaginaires, modèle dont ici je tire le négatif. Pris sur le vif, on peut le dire , chaque portrait est une nouvelle, un récit, une allégorie. Il y a ceux qui meurent de l'histoire : Walter Benjamin, Marina Tsvetaeva, Stefan Zweig ; ceux qui meurent des femmes : Stendhal, De Quincey, Dumas, Flaubert, Rilke ; ceux qui meurent de leur solitude : Mme du Deffand, Dorothy Parker, Jean Rhys, Truman Capote ; ceux qui meurent de leur Dieu : Pascal, Tolstoï, Catherine Pozzi ; et même ceux qui meurent de leurs livres : Pouchkine, Balzac, Nabokov. Mes préférés ? Ceux qui meurent de leur mort, tout simplement, parce qu'il faut bien faire une fin : Montaigne, Mme de Sévigné, Freud, Robert Walser, Alexandre Vialatte ? « Quel roman que ma vie », auraient pu dire nombre d'écrivains : Balzac, Dumas, Stefan Zweig, Truman Capote ? Quels petits romans que les morts d'écrivains ici racontées ! Qu'est-ce qu'une mort d'écrivain ? En quoi diffère-t-elle d'une mort ordinaire ? Pour celui qui écrit, que se passe-t-il lorsqu'il n'y a plus rien à dire ? Meurt-il en images, en imagination, dans l'imaginaire, comme il a vécu et écrit ? Sa mort éclaire-t-elle son écriture, ou bien l'inverse ? Trois douzaines d'auteurs, d'un siècle ou de l'autre, français ou non, grands ou pas, hommes ou femmes, poètes ou romanciers, et même philosophes. On entre dans le lieu où ils ont cessé de vivre, on cherche sur leurs lèvres leurs derniers mots. A l'article de la mort, comme on ne dit plus, à cet instant où presque rien : un murmure, quelques syllabes, un cri, un souffle, les sépare encore du grand silence. Ils disent adieu au langage, à cette chose obscure et douloureuse qui était la lumière de leur vie. Puis, de cette chambre de personne, comme l'appelle Rilke mourant, on revient vers les scènes de leur oeuvre et les signes de leurs vies. Si les fantômes des écrivains morts vous racontent leurs petites histoires, laissez-les dire, ces écrivains que j'aime, qui se parlent entre mes pages. Ou se taisent : ceci est aussi un livre de mutisme. Ecoutez cette conversation entre eux et la visiteuse non invitée. Mais je ne vous dirai pas comme Bossuet : « Ô mortels, venez contempler le spectacle des choses mortelles. » Pas de sermon, ni de visite de catacombe, rien de funèbre ou de macabre à cet intérêt aux dernières syllabes. Voir, entendre, rencontrer des esprits n'est pas inquiétant. Pas de larmoiement, je vous rassure. Un ramas d'anecdotes. Et même des scènes à rire. L'humour et l'esprit colorent nombre de scènes de congé, comme si l'écrivain pensait que s'il lui venait un bon mot, la mort pourrait le prendre, puisqu'elle ne le ravirait pas tout entier. J'ouvre le rideau au moment où La commedia è finita, ce qui n'est pas forcément un mal, si j'en crois plusieurs de ces mourants, écarquillés devant la merveille d'une robe qui bruit : alors, la vie leur apparaît toute neuve. Etre écrivain, c'est se demander sans cesse ce que le langage peut dire de la mort. Mais qu'est-ce que la mort nous dit du langage ? Je ne sais si au commencement était le verbe. Je crains qu'à la fin ce ne soit plus le verbe, mais le corps déshabité par la parole. Le mot de la fin n'est pas la réplique ou le trait qui clôt avec brillant le discours, mais celui qui articule la fin des mots. Les écrivains mourants ne cessent-ils pas à cet instant précis d'être écrivains ? Au contraire, un homme de mots ne nous parlerait-il vraiment qu'au moment de perdre la parole ? Qu'est-ce que mourir en artiste de la phrase ? Ceux qui avaient fait profession de lettres, comment font-ils, lorsque le langage leur glisse de la plume et ne flotte plus qu'autour de leurs lèvres ? Leurs morts seraient-elles plus mortes si aucun mémorable n'en était recueilli ou inventé? Autant de questions auxquelles je ne sais répondre, mais que j'ai mises en scène dans mon Miroir des morts. Les miroirs mentent. Les livres mentent. On ne trouvera dans ce livre ni une biographie d'auteurs ni une histoire littéraire, mais au contraire ce sur quoi l'une et l'autre restent muettes. Dans l'alliance de mots de mes morts imaginaires, c'est le second qui me fascine. L'exactitude n'est pas ici mon souci. Car la mort n'appose pas le sceau de la vérité sur les êtres, elle les fait entrer dans la fiction. Celui qui écrit une vie l'invente toujours. Je ne raconte pas la vraie mort de mes écrivains frères. C'est ma vie que j'écris ici, préciserais-je, si ce n'était le cas de toute écriture biographique. Ma mort ? De biais, peut-être. » M. S.

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